Super Joute Royale #12 – Les rois du XVème siècle (2ème partie)
Qui sont les rois de la fin du XVème siècle, et étaient-ils pires ou meilleurs que les précédents ?
Du plus utile au plus boulet, dans quel ordre classer les rois de France ? En toute mauvaise foi et subjectivité, mais en s’appuyant évidemment sur des faits documentés, c’est le défi que relève Super Joute Royale. Après avoir traité la première moitié du XVe siècle dans l’épisode précédent, cette 12e émission se consacre aux règnes de Louis XI, Charles VIII et Louis XII. Autour de la table vous pourrez entendre Fanny Cohen Moreau, Albert Leparc, Guillaume Bureaux et Clara Germann. Vous pouvez d’ailleurs retrouver le classement total des rois sur ce site.
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Le contexte historique du la fin du XVème siècle
Sous l’action des rois précédents, notamment Charles VII, le royaume de France se structure. Il devient l’État tel qu’on va le connaître après : hypercentralisation de Paris, dualité Paris/province, avec le rattachement de grands territoires à la couronne de France.
Plus largement, c’est à cette période qu’a lieu la découverte de l’Amérique, et que de grands empires se constituent en Europe, sorte d’empires coloniaux avant l’heure. Par exemple le Saint empire romain germanique qui prend possession de l’Espagne, de toute l’Allemagne, de l’Autriche, de la Hongrie… La France commence à être entourée par ses ennemis « traditionnels » qui vont marquer l’histoire du XVIe et du XVIIe siècle : l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne.
Les rois du XVème siècle (2ème partie)
Louis XI, le Marie Kondo médiéval
Né le 3 juillet 1423, Louis XI est l’héritier de Charles VII. Et ce n’est pas l’amour fou entre les deux comme on l’a évoqué dans l’épisode précédent : Louis XI s’est marié contre la volonté de son roi avec Jeanne de Savoie, il a rassemblé autour de lui un parti anti royal qui a mené une révolte (la praguerie) et il a donc passé une bonne partie de sa vie loin de la Cour de France en quasi exil. A la mort de Charles VII le 22 juillet 1461, Louis XI revient très vite à Paris, en passant par Reims pour se faire sacrer, il a alors un peu moins de 40 ans.
Dès son arrivée, il se débarrasse de beaucoup des conseillers de son père. « C’est son petit point rangement à la Marie Kondo ». Il se crée donc beaucoup d’ennemis, d’autant plus qu’il tente de mieux contrôler le clergé en obligeant ce dernier à lui céder et à déclarer tous ses bien. Il va réduire l’importance de l’université de Paris en créant l’université de Bourges, etc. Il fait cependant preuve de hauteur de vue en prenant conscience du danger que représente certaines familles et principautés Orléanais, Anjou, Bretagne et surtout Bourgogne qui, bien que moins riche, pourrait très bien devenir indépendante.
Louis XI sait intervenir au bon moment, profiter de la moindre faiblesse. Il se montre calculateur, par exemple en mariant sa fille de douze ans Jeanne – dite « la contrefaite » – à l’héritier de la famille d’Orléans, sachant qu’elle ne pourra pas lui donner d’enfant. Une histoire horrible que les jouteurs jugent digne d’un « move d’échec ». Clara tient quand même à nuancer cette image machiavélique d’araignée qui tisse sa toile, ou d’« Universelle Aragne », surnom donné à Louis XI par ses détracteurs.
A partir de 1465, il doit faire face à la Ligue du bien public, mené par l’héritier du duc de Bourgogne, le futur Charles le téméraire. Mal embarqué , le roi retourne néanmoins la situation en convoquant en avril 1468 les Etats Généraux et en montant les principautés contre ses adversaires. Son duel à rebondissement avec Charles le Téméraire se poursuivra jusqu’à la mort de ce dernier en 1477. Louis réussit à mettre fin aux ambitions de la Bourgogne et à rattacher une bonne partie de leur possession. En comptant d’autres rattachements comme l’Anjou, la Provence et la Navarre, le Royaume de France s’agrandit pour la première fois au-delà des frontières historiques des « quatre rivières » : le Rhône, la Saône, la Meuse et l’Escaut.
Son règne contribue aussi à une certaine stabilisation. La trêve de Picquigny signée avec les Anglais marque la fin (non officielle) de la Guerre de Cent ans. Il y a la création d’un embryon d’armée permanente, et la fin des « écorcheurs », ces soldats démobilisés qui causaient des troubles. A mettre à l’actif de Louis XI aussi : des progrès dans l’administration et une redynamisation économique, grâce notamment à des foires et des échanges à l’international. Victime de crises d’hémorragie cérébrale, devenant méfiant, craignant d’être assassiné, la fin de vie de Louis XI est compliquée. Néanmoins, il prépare la future régence en confiant des territoires à sa fille Anne de Beaujeu. Il meurt en 1483.
Charles VIII, celui qui avait tout pour réussir
Anne de Beaujeu exerce la régence à la mort de son père Louis XI, Charles VIII n’ayant que 13 ans. Le début de ce règne n’est pas de tout repos, puisque Louis d’Orléans, écarté du conseil de régence, contacte le duc d’Autriche, le roi d’Angleterre et le duc de Bretagne pour se révolter. C’est la « guerre folle » (cf épisode 5). Mais ce soulèvement se délite. Le Royaume de France contraint alors le duché de Bretagne à signer le traité du Verger, qui stipule que la seule héritière du duc de Bretagne, Anne de Bretagne, ne peut pas se marier sans l’aval du roi de France. C’est le jeune Charles VIII, sans doute conseillé, qui favorise cette approche plus légaliste plutôt que d’imposer une succession par le rapport de force. Anne de Beaujeu fait tout de même en sorte que Charles VIII épouse directement Anne de Bretagne. Elle a 13 ans et lui 18.
Cet événement souligne un aspect de la personnalité du jeune roi, surnommé plus tard Charles VIII l’Affable : très conciliant, il passe pour quelqu’un qui essaie de s’accorder les bonnes faveurs de tout le monde. Ça se passe plutôt bien pour lui. Mais…il rêve d’Italie. En effet, avec les territoires angevins récupérés par Louis XI, il a aussi récupéré un droit sur la couronne de Naples. En plus, son père lui a fait apprendre l’italien et lui a fait lire des romans de chevalerie médiévale classique. Charles est fan au point de vouloir nommer son fils Roland (ou Orland, forme francisé de Orlando, Roland en italien).
Les catastrophes guerres d’Italie marquent aussi le début de la fin pour Charles VIII. Pour résumer l’histoire à multiple retournement d’alliance : les premières victoires sont impressionnantes grâce à l’artillerie, et la furia francese frappent les esprits, mais les choses tournent vite au vinaigre. Si , de manière générale, les Italiens qui avaient beaucoup d’espoir face à l’intervention du roi de France pour régler leurs conflits internes, ils déchantent. Il se pourrait que l’image arrogante des français à l’étranger soit en partie dû à ça… Bilan politique : Charles VIII a sacrifié plein de conquêtes réelles pour des conquêtes chimériques, car, pour calmer ses ennemis pendant son rêve italien, il a sacrifié plusieurs acquis de son père dans des traités conciliants.
Charles VIII a néanmoins un royaume fonctionnel, peut-être le plus riche d’Europe, une jeune épouse, pas encore d’héritier du trône vivant mais l’avenir devant lui (il n’a même pas 28 ans). Et qu’est-ce qu’il fait ? En 1498, il meurt des suites d’une collision entre sa tête et un linteau de porte du château d’Amboise, un incroyable gâchis.
Louis XII, père des peuples (mais pas Staline)
En l’absence d’héritier direct, c’est le parent le plus proche qui récupère le trône, en l’occurrence Louis d’Orléans dont on a déjà parlé. Né 27 juin 1462, il a 36 ans quand il devient Louis XII. Priorité : il s’empresse de faire annuler par le pape le mariage qui lui avait été imposé par Louis XI avec sa fille Jeanne. Il se remarie avec Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII et s’assure de garder la Bretagne dans son giron.
D’un point de vue gestion du royaume, il se pose en successeur de Louis XI. Il renforce l’administration, notamment avec l’ordonnance de Blois de 1499, sorte de code d’organisation judiciaire qui consolide le pouvoir de la justice. Il rend plus rapide la rédaction des coutumes, ce recueil de lois propre à chaque territoire qui garantit des droits et des devoirs à chaque habitant et qui règle la question des impôts. Sur ce dernier plan, il modère la pression fiscale. Côté religion, il fera preuve de tolérance, notamment avec l’Eglise vaudoise, persécutés par les inquisiteurs pontificaux et à qui il donne réparation.
Louis XII retourne en Italie. En plus des prétentions sur la couronne de Naples s’ajoute des vues sur le duché de Milan car il est le petit-fils d’une Visconti. Mais contrairement aux rêves chevaleresques de son prédécesseur, Louis XII a des motivations plus pragmatiques : ces territoires rapportent de l’argent. Au début, le bilan de cette nouvelle guerre d’Italie est plutôt positif, et il fait prisonnier Ludovic Sforza, le duc de Milan. Mais, encore, une fois, les choses se retournent. Jouant la carte religieuse, il essaie de déposer le pape Jules II, au conseil Concile de Pise, sans succès. La défaite de Novare en 1513 met un terme à ses prétentions. Les guerres d’Italie auront cependant pour conséquences indirectes l’arrivée d’artistes italiens en France et l’émergence du « style Louis XII », préfiguration du style Renaissance.
Deux filles naissent de son alliance avec Anne de Bretagne : Renée (future Duchesse de Ferrare) et Claude. A qui marier cette dernière ? Il n’a toujours pas de descendant masculin, mais Claude sera dans tous les cas l’héritière du duché de Bretagne. Le mariage est stratégique et de nombreux prétendants sont sur la liste. Louis XII avait promis la main de sa fille a Ferdinand d’Aragon pour s’assurer de son alliance lors des guerres d’Italie, il se retrouve coincé.
Encore une fois, l’astuce pour s’en tirer consiste à réunir les Etats Généraux, ici sous la forme d’une assemblée de notable. Celle-ci demande à son roi de marier Claude à l’héritier putatif du trône, François d’Angoulême (futur François 1er). C’est aussi à cette occasion que Louis XII reçoit son surnom de Père du peuple. Cette image de roi juste et honnête continuera pendant toute l’époque moderne et sera évoqué par Fénelon ou Voltaire pour rappeler que c’était un souverain modéré, qui écoutait ses sujets, qui ne leur piquait pas toute leur thune argent (coucou Louis XIV).
Après la mort d’Anne de Bretagne, , il espère avoir un fils en se remariant avec Marie Tudor, la sœur du roi d’Angleterre, mais, malade, il meurt peu après, le 1er janvier 1515. Il a 52 ans. Avec lui meurt le dernier roi du Moyen-Age et s’ouvre la période des souverains de la Renaissance. Mais du coup, quel avenir pour Super Joute Royale ? Réponse à la fin de l’épisode.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- Laurent Avezou, « Louis XII. Père du peuple : grandeur et décadence d’un mythe politique, du XVIe au XIXe siècle », Revue historique, no 625, 2003, p.95-125.
- Philippe Hamon, Les Renaissances 1453-1559, Paris, Belin, 2009, 619p.
- Nicole Hochner, Louis XII. Les dérèglements de l’image royale, Paris, Champ Vallon (« Époques »), 2006, 324 p.
- Amable Sablon du Corail, Louis XI ou le joueur inquiet, Paris : Belin, 2011
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Merci à Simon qui a réalisé le magnifique générique du podcast et à Sylvain Guilbaud pour la rédaction de l’article !