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Super Joute Royale #5 – Les rois du Xème siècle

Au Xème siècle les Carolingiens subsistent encore pour quelques rois avant de laisser le trône aux Capétiens !

Classer les rois de France siècle par siècle, personne n’y avait pensé, et nous le faisons dans Super Joute Royale, le nouveau format de Passion Médiévistes. Dans l’épisode d’introduction, nous avons présenté le concept et discuté autour du concept de roi au Moyen Âge, et dans le premier épisode nous avons présenté les rois du VIème siècle, en commençant par Clovis.

Le contexte historique du Xème siècle : tour de passe-passe entre les dynasties

L'empire carolingien en 900
L’empire carolingien en 900

Sur le plan politique, le Xème siècle voit s’alterner les Carolingiens et les Robertiens sur le trône, jusqu’à l’arrivée des Capétiens avec Hugues Capet. La régionalisation commencée au IXème siècle continue au Xème siècle, les aristocraties sont de plus en plus locales, et cela entraîne un changement dans les relations sociales et émergence de la féodalité, avec de nouvelles formes de rapports entre les hommes, entre le roi et l’aristocratie, et entre les aristocrates eux même, ce qu’on a appelé ensuite l’émergence de la féodalité.

 

Les rois du Xème siècle

  • Charles III le « Simple »

Le surnom de Charles le Simple vient du latin « simplex » qui veut plutôt désigner quelqu’un d’honnête que quelqu’un de simple d’esprit. Après des années de lutte pour réussir à accéder au trône (écoutez l’épisode 4 de Super Joute Royale pour en savoir plus), le début de son règne, à partir de 898, se passe plutôt dans de bonnes conditions. Il arrive notamment à maîtriser une invasion normande en faisant don de la Normandie à Rollon, il en fait son bras armée et le lie par le mariage avec sa fille Gisèle.

Mais par la suite la situation se complexifie car il froisse certains aristocrates en étant proche d’Haganon, un noble de Lotharingie, et à l’époque la région très disputée entre la Francie et la Germanie. En 911 il réussi même par élection à récupérer la Lotharingie à la mort de Louis IV « l’enfant » (893-911). En 919 il fait valoir ses prétentions au trône impérial mais se fait battre par Henri l’Oiseleur, roi de Germanie. En 922, les grands du royaume se révoltent, et Charles finit par être déposé et perd le trône. Sa femme Edwige de Wessex a juste le temps d’envoyer chez son frère leur fils Louis encore mineur et héritier légitime du trône.

Comme tous les rois qui vont suivre, il a fait un « move » intéressant, c’est sa femme. » (Justine)

  • Robert Ier

Roi des Francs de 922 à 923, Robert, comte de Paris et premier seigneur le plus puissant du royaume après le roi, obtient le trône après avoir favorisé la déposition de Charles en 922. Après s’être alié à Raoul de Bourgogne, il négocie une entente avec Henri l’Oiseleur. Il rentre ensuite en Francie pour calmer Charles le simple qui lève une armée pour tenter de récupérer son trône, mais Robert meurt lors d’une charge de cavalerie, mais la bataille est remportée grâce à Hugues le Grand, son fils, et Herbert, son beau-frère.

 

Arbre généalogique simplifié des rois de France au Xème siècle
Arbre généalogique simplifié des rois de France au Xème siècle
  • Raoul, « la marionnette »

Marié à Emma de France, fille de Robert Ier, Raoul devient roi des Francs en 923 et jusqu’en 936. Mais comme il n’a que peu de légitimité à devenir roi, il s’appuie sur le réseau de sa femme et de son beau-frère très puissant Hugues le Grand. D’ailleurs Emma mène ses propres expéditions militaires et gère beaucoup de choses dans le royaume.

En 930, il reçoit l’hommage du Jarl de Rouen (pas encore duc de Normandie) Guillaume Longue Epée qui l’oblige à lui céder le Cotentin, ce qui montre bien qu’il a du mal à imposer son pouvoir. Il meurt en 936, et selon un chroniqueur du XIème siècle, rongé par la vermine

 

  • Louis IV d’Outremer, « le mari de Gerberge »
Couronnement de Louis IV d'Outremer
Couronnement de Louis IV d’Outremer

Après avoir été élevé par son grand-père Edouard l’Ancien et son oncle AEthelstan de WessexUne fois arrivé à majorité, Louis revient d’Angleterre en 936 et est placé par Hugues le Grand sur le trône qui espère bien en faire sa marionnette. Mais dès l’année suivante, le chroniqueur Flodoard rapporte que Louis IV abandonne Hugues et rejoint le parti de sa mère.

En 939, une révolte se déroule en Germanie où règne Otton Ier, le frère de Gerberge (qui était le sujet de notre premier épisode avec Justine), à l’initiative du mari de Gerberge, le duc Gislebert de Lotharingie. Louis IV va se ranger du côté des révoltés et tenter de s’impliquer dans la révolte. Mais Gislebert meurt noyé alors qu’il était en train de gagner, et finalement Louis IV épouse la veuve Gerberge et va récupérer sa légitimité en tant que duchesse de Lotharingie. Il va alors pouvoir bénéficier des réseaux de sa nouvelle épouse et de pacifier ses relations avec Otton.

Lors d’un trajet entre Laon et Reims en 954, Louis est victime d’une chute due, selon Flodoard de Reims, à la vue d’un loup que le roi voulut chasser. Ce serait une vengeance divine pour avoir attaqué Corbeny, en 938, avec force de brutalité et sans respecter les donations faites aux moines par son père. Suite à sa chute, il contacte la tuberculose (pesta elephantis) et décède.

 

  • Lothaire, « le fils de Gerberge »

Fils de Louis IV et de Gerberge, Lothaire accède à 13 ans au trône et règne de 954 à 986. En 956 Hugues le Grand meurt, et donc le début du règne est plutôt calme, le tout géré par sa mère Gerberge. Mais tout au long de son règne, Lothaire se verra contesté par son petit frère Charles qui s’estime lesé dans son héritage. En 979, pour empêcher toute revendication du trône par Charles, Lothaire associe son fils Louis au trône, une pratique que reprendront les Capétiens par la suite, jusqu’au XIIème-XIIIème siècle.

Selon le chroniqueur Richer, Lothaire voudra en 982 rétablir l’autorité au sud de la Loire et décide le mariage de son fils Louis avec Adélaïde, fille du comte d’Anjou. Mais le mariage est un échec et le comte d’Anjou, voyant cela d’un mauvais œil, se tourne vers Hugues Capet qu’il soutiendra ensuite. En 986, Lothaire meurt subitement à Laon en mars alors qu’il avait lancé une grande entreprise diplomatique et militaire.

 

  • Louis V, « un drame affreux »

Fils de Lothaire et d’Emma d’Italie, Louis V accède très jeune au trône en 986 et écarte sa mère du pouvoir. Pendant quelques mois il arrive à se mettre à dos beaucoup de grands du royaume, mais il finit par perpétuer une longue tradition de rois qui meurent d’un accident de chasse, et il meurt d’une chute de cheval lors d’une partie de chasse, sur les terres d’Hugues Capet près de Senlis…

 

Changement de dynastie : l’arrivée des Capétiens

  • Hugues Capet (ou Emmanuel Macron selon Ilan)

En 987 à la mort de Louis V, il n’y a plus d’héritier direct carolingien. Il ne reste que Charles de Lorraine, frère de Lothaire, mais ses différentes tentatives d’usurpation, ses accusations contre la reine de Francie Occidentale et ses retournements amènent les ecclésiastiques à le désavouer aux yeux de l’Eglise. Les grands nobles et ecclésiastiques, largement soutenus par les ottoniens, élisent Hugues Capet à sa place.

Le sacre de Hugues Capet
Le sacre de Hugues Capet

Avec Hugues Capet, la lignée directement capétienne règne pendant près de cinq siècles (jusque 1328). En y intégrant les branches Valoise, Orléanaises, Angoumoise et Bourbonnaise, elle reste au pouvoir jusqu’à la 1848. Hugues Capet représente un double avantage pour la noblesse franque et ottonienne car il dispose d’une emprise territoriale faible et un pouvoir peu étendu en apparence. De plus, il est issu de l’union entre les Robertiens et les Ottoniens (mariage d’Hugues le Grand et Edwige de Germanie)

Son pouvoir reste certes limité mais il est un bon diplomate et un souverain intelligent : il se rapproche et s’entoure des grands ecclésiastiques du royaume, notamment Adalbéron de Reims (qu’il fait réhabiliter), Adalbéron de Laon et Richer de Reims (moine et grand érudit). Il s’allie ensuite avec les puissants seigneurs territoriaux proches de ses domaines : duc de Normandie Richard Ier et le comte d’Anjou Foulques III Nerra.

Avec sa politique, Hugues Capet parvient à séparer définitivement le Francie Occidentale de l’Empire, il souhaite consolider son pouvoir et garder une continuité dynastique à la manière carolingienne en associant son fils Robert à Noël 987. Pour convaincre Adalbéron de Reims de procéder, il fait valoir la réception d’une lettre du Comte de Catalogne qui requiert son aide contre Al-Mansur (Vizir Omeyyade de Cordoue) qui a pris Barcelone, ainsi que la nécessité d’avoir un héritier en cas de mort.

Son règne sera rythmé par son opposition au comte Eudes de Blois, qui possèdent des territoires entourant le domaine royal. En 993 Hugues Capet refuse à Eudes le titre de duc des Francs, puis un complot mené par Eudes de Blois, Adalbéron de Laon et Otton III est monté pour capturer Hugues et son fils et placer le fils de Charles de Lorraine sur le trône. Mais le complet est un échec car Hugues apprends la nouvelle.

Néanmoins Hugues Capet reste un roi faible et dépendant des autres seigneurs pour continuer à vivre, ayant très peu de terres et très peu de vassaux. Il n’est pas le souverain mais seulement le suzerain, il est reconnu comme le premier des seigneurs mais il a besoin du conseil des autres pour pouvoir agir. En 995 et 996 Hugues est incapable de calmer le conflit entre Foulque Nerra et la coalition Eudes, Richard Ier de Normandie et Baudouin IV de Flandre, et seule sa mort et celle d’Eudes en 996 met fin au conflit…

Avant sa mort, il aura fait sacrer son fils de son vivant pour éviter qu’un Carolingien ne s’empare de la royauté et les Capétiens feront ça pendant des décennies.

 

Le classement final de cet épisode

  • 1er : Lothaire (40 points), un bon fils mais une mauvaise gestion familiale
  • 2ème : Louis IV, mari de Gerberge (et c’est quand même le plus important pour le jury de Super Joute Royale)
Pour aller plus loin voici des ouvrages conseillés par nos invités :
  • Riché, Pierre, Dictionnaire des Francs : les Carolingiens, Bartillat, 1997
  • Gauvard, Claude, le temps des Capétiens, PUF, 2013
  • Sassier, Yves, Hugues Capet, Fayard, 1987

Retrouvez Justine dans l’épisode sur la reine Gerberge, Guillaume dans celui sur les tournois de chevalerie et Ilan sur les réseaux politiques des Carolingiens.

Merci beaucoup à Simon Vandendyck pour son très beau générique pour Super Joute Royale ! Saurez-vous reconnaître tous les extraits de ce générique ?