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Super Joute Royale #1 Les rois du VIème siècle

Le VIème siècle, c’est pire que Game of Thrones, et c’est ce qu’on découvre dans ce premier épisode de Super Joute Royale.

Classer les rois de France siècle par siècle, personne n’y avait pensé, et nous le faisons dans Super Joute Royale, le nouveau format de Passion Médiévistes. Dans l’épisode d’introduction, nous avons présenté le concept et discuté autour du concept de roi au Moyen Âge.

Le contexte historique
Saint-Grégoire de Tours écrivant. Missel de Besançon (XIVème siècle).
Saint-Grégoire de Tours écrivant. Missel de Besançon (XIVème siècle).

Dans ce premier épisode, avec les médiévistes, Ilan, Justine et Guillaume, nous classons les rois du VIème siècle. C’est le début de la dynastie des Mérovingiens, avec pour commencer Clovis qui a réussi à unifier les Francs. À sa mort en 511, son royaume est partagé entre ses fils, car la royauté est patrimoniale et l’habitude perdure jusqu’à la fin du IXème siècle. Et à la fin du VIème siècle trois entités territoriales coexistent : la Neustrie, l’Austrasie et la Burgondie (ou Bourgogne). Ce siècle voit la transition entre les anciens cadres romains et ceux mérovingiens et médiévaux. À la fin du siècle aura lieu pendant cinquante ans la grande faide royale, un événement politique très important où s’affronteront Sigebert, Chilpéric, leurs femmes et enfants.

Pour le VIème siècle notre source principale est Grégoire de Tours, qui écrit sur ses contemporains dans les années 590. Mais ces récits sont à interpréter avec précaution, car il peut donner son propre avis sur certains des hauts personnages de ce siècle.

Le classement des rois du VIème siècle
  • Clovis Ier, « personnage over cheaté »

Roi de France de 481 à 511, Clovis a jeté les bases du royaume de France du fait de la conquête durable d’une grande partie de la Gaule, partie qui ne sera remise en question qu’au XIIIème siècle. Il a aussi repoussé les Wisigoths, les Burgondes et les Alamans. Par son baptême, par Saint-Rémi de Reims, il a fondé une tradition importante pour la transmission et le concept même de légitimité du pouvoir royal. Mais « c’est un peu un paladin invincible, une âme errante qui a été sauvée et qui se dévoue à sa nouvelle foi« … enfin, c’est l’image qui en est donnée par Grégoire de Tours qui le glorifie !

 

  • Clodomir, la terreur des Burgondes

Il est peut-être connu de certains poditeurs car il est le nom d’un des protagonistes du podcast Game of Roles. Pour le roi mérovingien, il est né vers 495 et mort le 25 juin 524, et il a régné sur le royaume d’Orléans de 511 à 524.  Premier fils de Clovis, son règne est court, et sa guerre contre les Burgondes est presque « une obligation légale pour l’époque« . Même s’il la remporte, il n’a pas le temps d’en profiter. Si l’on en croit le célèbre chroniqueur de l’époque Grégoire de Tours, cette guerre était pour venger sa mère, la reine Clotilde, deuxième femme de Clovis. Et il mourra à Vézeronce, où on a retrouvé un magnifique casque en cuivre qui lui sera attribué, en laissant la régence à sa mère.

L’affection familiale, au VIe siècle, c’est pas à la mode, et tuer ses cousins / frères / neveux, c’est le sport national. (Justine)

 

La team de médiévistes : Ilan, Justine et Guillaume
La team de médiévistes : Ilan, Justine et Guillaume
  • Thierry Ier, alias Théodoric

Roi des Francs en 511, de Metz en 524, Thierry meurt en 534. Issu du premier mariage de Clovis, Thierry n’a pas aidé ses demi-frères lors de la guerre contre les Burgondes. Par contre, il a comprit l’intérêt de massacrer ses neveux, les enfants de Clodomir. C’est un « bon move politique » pour récupérer l’héritage de son frère. Roi tout de même réformateur, il participe à l’amélioration de la situation à Metz et se fait évergète.

On est pas là pour faire un classement un peu fragile. (Ilan)

 

  • Thibert Ier, alias Théodebert

Petit-fils de Clovis et fils de Thierry Ier, Thibert Ier règne de 534 à 548. Il fait le consensus autour de lui et est choisi par les grands du royaume pour régner. Lors d’une tentative d’attaque contre son oncle Clothaire, il essuie par manque de chance une tempête qui épuise les réserves, mais il fait finalement demi-tour. Et il semblerait qu’il ait été tué par un bison à la chasse…

 

  • Thibaut, alias Théodebald « Londubat »

Fils de Thibert, donc arrière-petit-fils de Clovis, il règne peu, de 548 à 555, et meurt sans descendant. Il refuse la guerre contre les Romains, mais reçoit quand même une récompense vu que deux de ses chefs y vont. Très malade, il souffre apparemment d’une maladie dégénérative, le tuant avant sa 20ᵉ année.

 

  • Childebert Ier, celui « qui a presque réussi »

Fils de Clovis, Childebert récupère son royaume à la mort de son père et règne comme il peut avec les querelles avec ses frères. Il récupère Orléans, la Bourgogne, mais n’arrivera pas à récupérer tout le royaume de son père. Il entre en guerre pour aider sa sœur Clothilde à se sortir d’une relation toxique avec un mari violent (et surtout qui n’avait pas la même foi que lui). Mais manque de chance, sa sœur meurt sur le chemin de retour. À noter, sa femme s’appelle Ultrogothe, un « nom de power rangers » selon Ilan.

Il est beaucoup plus méritant que Clovis. (Guillaume)

Arbre généalogique des rois du VIème siècle
Arbre généalogique des rois du VIème siècle
  • Clotaire Ier, « un sale type »

Troisième fils de Clovis, il naît en 498 et meurt 561. Le chroniqueur de l’époque, Grégoire de Tours, l’appelle « le plus cruel des Mérovingiens« , et Justine rajoute « c’est un sale type« .

« Il change de femmes comme de chemise, il est clairement polygame, et il veut forcer une de ses nobles otages au mariage, et il épouse même la sœur de sa femme Ingonde« . Néanmoins, avoir plusieurs femmes était une habitude à l’époque et signe de prestige, l’Église n’arrive pas encore à imposer le mariage monogame et indissoluble. Il « récupère » aussi les femmes de ses défunts frères, et par la même occasion la légitimité et les territoires.

Son surnom de « cruel » vient peut-être du fait qu’il participe à l’assassinat deux des fils de Clodomir, puis qu’il fait brûler un de ses fils établit en Auvergne qui se rebelle, Chramn (qui signifie « corbeau » en vieux francique). Après la mort de tous ses frères et neveux, c’est finalement lui qui parvient à réunifier toute la Francie sous son règne.

 

  • Caribert Ier « l’excommunié »

Fils de Clotaire, il règne de 561 à 567. Le poète Venance Fortunat l’encense et le présente comme le plus grand et le plus lettré des rois francs (mais il fait la même chose avec tous ses frères). Il gagne des points dans notre classement grâce à une « politesse généalogique », il ne laisse pas de descendance. Il est le premier roi à être excommunié par son évêque à cause de sa conduite morale, pour avoir épousé sa belle-sœur Marcowefa, il est excommunié par l’évêque Germain de Paris, pour inceste.

Un type dont personne se souvient qui a autant de points que Clovis ça me va. (Justine)

Mariage de Sigebert Ier et Brunehaut. Grandes chroniques de France. Manuscrit du XVe siècle
Mariage de Sigebert Ier et Brunehaut. Grandes chroniques de France. Manuscrit du XVe siècle

 

  • Sigebert Ier, le chouchou de Justine

Fils de Clotaire Iᵉʳ et d’Ingonde, il règne de 561 à 575. Il est surtout connu pour sa femme Brunehaut. Fille du roi des Wisigoths (en Espagne), elle est l’une des protagonistes de la grande faide royale, elle tiendra la régence et exerce un grand pouvoir politique. Pour revenir à Sigebert, il a quand même réussi à se faire capturer par les Avares, un peuple nomade aux marges du royaume, aussi il est obligé de payer un tribut. Aussi, il finit par se faire tuer par les sbires de sa belle-sœur Frédégonde, selon Grégoire de Tours.

 

  • Chilpéric Ier, « l’énervé » ou « celui qui a réussi à se mettre à dos Grégoire de Tours »

Cet autre fils de Clotaire est fidèle aux traditions familiales, il essaie de tuer des gens de sa famille. Cette fois, c’est sa seconde épouse qui en fait les frais : elle s’appelle Galswinthe, c’est la sœur de Brunehaut qui est elle-même l’épouse de Sigebert, le demi-frère de Chilpéric (vous suivez ?). Chilpéric, jaloux que son frère Sigebert ait réussi à épouser une princesse wisigothique (d’Espagne), Brunehaut, alors que beaucoup d’épouses royales sont ensuite de moins noble extraction, décide d’épouser lui-même la sœur de Brunehaut pour montrer que lui aussi, il est prestigieux. Sauf que l’idylle est de courte durée et il fait tuer Galswinthe : l’ennui étant qu’on ne le sait que par Grégoire de Tours, qui est ami avec Brunehaut et qui déteste et Chilpéric, et sa prochaine femme, Frédégonde. Toujours est-il que Brunehaut fait savoir qu’elle aimerait bien récupérer les biens de sa sœur ainsi que la venger, aussi, tant qu’à faire (la vengeance est une obligation légale, ce n’est pas une vendetta). Autant dire que ça crée des tensions dans une famille déjà pas très équilibrée, et c’est le début de ce qu’on appelle ensuite “la grande faide royale”. La rivalité entre Sigebert, Brunehaut et leurs descendants, en Austrasie et Bourgogne, et Chilpéric, Frédégonde, et leurs descendants, en Neustrie débute.

Il faut toujours avoir un historiographe de compagnie. (Justine)

 

  • Gontran « le chic type »

Fils de Clotaire et petit-fils de Clovis, Gontran a été déclaré saint après sa mort, mais sans procès de canonisation comme plus tard au Moyen Âge. Il a tenté d’apaiser les relations entre ses frères Sigebert et Chilpéric, « ce qui est suffisamment rare dans la famille mérovingienne pour le noter« . Il essaie d’adopter son neveu Childebert, le fils de Sigebert et Brunehaut, car il n’avait pas de fils pour hériter de son royaume.

 

  • Childebert II, « personnage secondaire de sa propre vie »

Fils de Sigebert et de Brunehaut, Childebert II règne de 570 à 595, mais il accède au trône à 5 ans et meurt à 30 ans. Mais globalement, c’est sa mère qui règne à sa place et conserve le pouvoir sur l’Austrasie. Il tente quand même une réorganisation du royaume puis une modernisation de la justice.

 

Les résultats finaux
Childebert Ier
Childebert Ier

1er : Childebert Ier (qui n’a globalement rien fait de mal dans sa vie et c’est déjà ça)

2ème : Gontran (un autre type bien)

3ème : ex-equo Clovis, Thibaud, Caribert Ier et Sigebert (pas trop mal)

Prix « Grégoire de Tours » remis par Guillaume : Clovis, « le mec qui a été le plus encensé et l’exemple le plus montré aux étudiants, qui reste dans la mémoire, et un ancêtre imaginaire de beaucoup de personnes »

Dernier : Chilpéric Ier (avec que des points négatifs)

Pour aller plus loin, voici des ouvrages conseillés par nos invités :
  • Bruno Dumézil, La reine Brunehaut, Paris, Fayard, 2008
  • Jean Favier, Dictionnaire de la France médiévale, 1993

 

Merci beaucoup à Simon Vandendyck pour son très beau générique pour Super Joute Royale !