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Super Joute Royale #3 Les rois du VIIIème siècle

Seulement une dizaine de rois mais attention, un changement de dynastie se cache dans cet épisode !

Classer les rois de France siècle par siècle, personne n’y avait pensé, et nous le faisons dans Super Joute Royale, le nouveau format de Passion Médiévistes. Dans l’épisode d’introduction, nous avons présenté le concept et discuté autour du concept de roi au Moyen Âge, et dans le premier épisode, nous avons présenté les rois du VIème siècle, en commençant par Clovis.

 

Le contexte historique : le VIIIème siècle, période de grands changements

Dans la continuité du siècle précédent, les rois mérovingiens du VIIIème arrivent souvent jeunes sur le trône et règnent peu, tout en étant sous la coupe de leur Maire du palais (une sorte de premier ministre). Ces derniers vont devenir tellement puissants au fil du siècle qu’en 751 Pépin Le Bref prend le pouvoir effectif, et c’est le début du règne des Pippinides, puis des Carolingiens. Ce changement de dynastie va créer de nouveaux centres de pouvoir avec de nouveaux monastères et de nouvelles nécropoles. Sous Charlemagne, à la fin du siècle, le royaume unifié va connaître une très grande période d’expansion territoriale dans toutes les directions.

Arbre généalogique des derniers rois Mérovingiens
Arbre généalogique des derniers rois Mérovingiens
Le classement des rois du VIIIème siècle
  • Childebert IV « le juste », celui « qui a essayé »

Roi de tous les Francs de 694 à 711, on l’appelle « le juste » parce qu’il fait rendre à Pépin de Herstal et son fils Drogon des biens qu’ils auraient volés à l’Église. Il essaye de restreindre le pouvoir des Pippinides mais en vain, car ils sont plus puissants que lui.

 

  • Dagobert III

Fils de Childebert IV, il monte mineur sur le trône et règne sur tous les Francs de 711 à 715, et c’est « un vrai mérovingien puisqu’il ne fait rien » selon Guillaume. Sous son règne, la Neustrie fait scission, néanmoins il reste en place. Même s’il n’a pas le pouvoir effectif, il reste encore une forme de respect envers les Mérovingiens.

 

  • Chilpéric II, alias « Daniel le lapin blanc »

Roi des Francs de Neustrie et des Burgondes de 715 à 719, puis de tous les Francs de 719 à 721, Chilpéric II semble être de dynastie mérovingienne. Pourtant, ce n’est pas le fils du précédent ! Il s’appellerait Daniel et serait un clerc sorti de son monastère par les Neustriens révoltés contre Plectrude.

Il s’allie avec son maire du palais et le Frison Radbod pour s’attaquer aux Pépinides, mais Charles Martel, fils bâtard de Pépin, le bat. D’ailleurs, celui-ci en profite pour se débarrasser de Plectrude et prendre le pouvoir en Austrasie, mais pas comme roi, avant de revenir combattre les Neustriens en 717. Il installe furtivement Clotaire IV, bat Raganfred, le maire du palais tenace et son allié Eudes, duc d’Aquitaine. A la mort de Clotaire, Eudes ordonne à Chilpéric d’aller dire pardon à Charles pour la révolte. Ce dernier lui laisse le trône (et la vie), mais finalement Chilpéric meurt peu de temps après.

La formation de l'Empire carolingien (751/814) (Duby Georges, Atlas Historique Duby, Paris, Larousse, 2010)
La formation de l’Empire carolingien (751/814) (Duby Georges, Atlas Historique Duby, Paris, Larousse, 2010)
  • Clotaire IV, « le plus mérovingien des Mérovingiens »

Roi des Francs d’Austrasie de 717 à 719, son règne est très court, les sources ne permettent pas d’affirmer qu’il est le fils de son père, et il meurt après avoir été abandonné par son maire du palais Charles Martel.

 

  • Thierry IV, celui qu’on n’ose pas trop pousser vers la sortie

À la mort de son père Dagobert III, il est placé au monastère, ça part mal. Mais à cause des problèmes de descendance mérovingienne, il succède à Chilpéric II, mais ne fait rien. Pendant son règne de quinze ans, c’est surtout Charles Martel qui est aux commandes, il ne prend pas le pouvoir par respect envers la dynastie en place. Et à sa mort, il n’y a juste plus de roi entre 737 et 743.

 

🔴 Point « Charles Martel a repoussé les arabes à Poitiers » : c’est un cliché, Charles Martel bâtit lui même sa légende sur cette anecdote dans des lettres qu’il envoie au pape; depuis 711 les Arabes musulmans sont implantés en Espagne, ils lancent parfois des razzias au-delà des Pyrénées, et c’est l’une de ses razzias que Charles Martel aurait probablement arrêté. A l’époque les Arabes n’avaient pas les moyens militaires de franchir complètement les Pyrénées, d’où les razzias.

 

  • Childéric III l’Insensé, le dernier roi Mérovingien

On ne sait pas qui est son père, et à la mort de Charles Martel, qui n’est pas roi, ses fils Pépin et Carloman vont chercher un mérovingien pour avoir une certaine légitimité. Carloman entré dans les ordres en 747, Pépin a tous les palais, et se sent assez fort pour se faire élire roi des Francs, soutenu par le pape Zacharie en personne. En 751, c’est chose faite, Pépin est sacré à Soissons et Childéric retourne au monastère, où il meurt en 755. Il a cependant eu le temps d’avoir un fils, Thierry, qui disparaît ensuite dans les sources.

Changement de dynastie : les Carolingiens
  • Pépin le Bref, le premier Carolingien
Pépin le Bref couronné par le pape Étienne II tandis que Childéric III est déposé. Enluminure des Chroniques de Saint-Denis, Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 782, fo 107 ro, XIIIe siècle.
Pépin le Bref couronné par le pape Étienne II tandis que Childéric III est déposé. Enluminure des Chroniques de Saint-Denis, Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 782, fo 107 ro, XIIIe siècle.

Monté sur le trône en 751, il est surnommé « le Bref » pour sa taille. Il est le premier à se faire sacrer en se faisant déposer de l’huile sainte sur le front (tradition qui perdurera jusqu’aux derniers rois de France), ce qui fait de lui un intermédiaire entre les laïcs et le clergé. Pépin échange même des domaines pontificaux contre un second sacre fait par le Pape.

Pour assoir son autorité, il ne perd pas de temps : il impose dans son royaume le serment de fidélité vassalique, chasse les Arabes de Septimanie pour la récupérer, reprend l’Aquitaine, sécurise les frontières de Germanie et en profite pour taper sur son demi-frère Griffon, duc de Bavière qu’il rétrograde duc du Maine et marquis de Bretagne. Il fait aussi une réforme monétaire pour harmoniser le denier, récupère plein de livres grecs pour éduquer sa fille et enrichir le monastère de Saint-Denis.

 

  • Carloman Ier, « échec général »

Fils de Pépin le Bref, il règne de 768 à 771. Il a la même légitimité que son frère Charlemagne, car ils ont été sacrés tous les deux en même temps que leur père en 754, mais ils ne s’entendent pas du tout. Mais Carloman meurt au bout de seulement trois ans de règne, laissant ainsi malgré lui toute la place à son frère.

 

  • Charlemagne, le chouchou d’Ilan

En arrivant sur le trône après son frère Carloman, Charlemagne reprend la tradition mérovingienne d’interdire le trône aux fils de son frère en les plaçant au monastère. Tout au long de son règne, il enchaîne les campagnes militaires, comme en 769 contre la révolte de Hunald Ier d’Aquitaine. La première expédition contre les Saxons a lieu en 772, car ils ne payaient plus le tribut de 300 chevaux par an depuis : en guise de punition, le sanctuaire païen de l’Irminsul est détruit et plusieurs milliers de personnes sont massacrées.

En 778, lors d’une retraite avec une tentative de conquête de l’Espagne, un certain Roland de la garde de Charlemagne meurt à Roncevaux (donnant lieu à la fameuse chanson).  Pendant une première expédition en Espagne, mais on s’en fiche à l’époque. À la fin du VIIIème siècle, Charlemagne mène des expéditions contre les Avars qui menacent les frontières du royaume, et en 795 le Ring Avar est capturé, et leur soumission totale aura lieu en 805.

Côté famille, Charlemagne a tendance à enchaîner les épouses en fonction de ses alliances politiques, en fonction des circonstances, dont Himiltrude, Désirée de Lombardie, Hildegarde de Vintzgau, Fastrade de Franconie, Luitgarde d’Alémanie…

Il a aussi unifié le système monétaire des Francs, lancé la renaissance carolingienne (un grand mouvement culturel et religieux) et propulsé la réforme bénédictine pour assainir l’Église. Et ultime anecdote, l’acteur Christopher Lee a consacré un album de métal en l’honneur de Charlemagne…

Pour aller plus loin, voici des ouvrages conseillés par nos invités :
  • Ian N. Wood, The Merovingian Kingdoms, 450-751, Londres, Longman, 1994
  • L’Histoire dessinée de la France T. 4 – Les Temps barbares – Par Bruno Dumézil et Hugues Micol – La Revue Dessinée / La Découverte
  • Duby Georges, Atlas Historique Duby, Paris, Larousse, 2010

Retrouvez Justine dans l’épisode sur la reine Gerberge, Guillaume dans celui sur les tournois de chevalerie et Ilan sur les réseaux politiques des Carolingiens.

Merci beaucoup à Simon Vandendyck pour son très beau générique pour Super Joute Royale !