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Super Joute Royale #10 – Les rois du XIVème siècle (partie 2)

Qui sont les rois de la deuxième partie du XIVème siècle ? Apprenez-en plus dans cet épisode de Super Joute Royale !

Visuel de Super Joute Royale version 2022 réalisé par Winston
Visuel de Super Joute Royale version 2022 réalisé par Winston

Classer les rois de France siècle par siècle, personne n’y avait pensé, et nous le faisons dans Super Joute Royale, un des formats du podcast Passion Médiévistes. Dans l’épisode d’introduction, nous avons présenté le concept et discuté autour du concept de roi au Moyen Âge, et dans les précédents

Miniature de la bataille par le Maître de la Chronique d'Angleterre, tirée du Recueil des Chroniques d'Angleterre, tome 2, BNF, Fr.87, fo 199 ro.
Miniature de la bataille de Poitiers par le Maître de la Chronique d’Angleterre, tirée du Recueil des Chroniques d’Angleterre, tome 2, BNF, Fr.87, fo 199 ro.

épisodes, nous avons parlé des rois du VIème siècle au XIIème siècle. Vous pouvez retrouver le classement total des rois sur notre site, et voici ci-dessous la seconde partie du XIVème siècle !

Le contexte historique

La seconde moitié du XIVe siècle ressemble fort à la première : la société féodale est bousculée par une série de changements profonds. L’accroissement de la population ravive les crises frumentaires, et les zones urbaines, surpeuplées et affamées, tendent à se révolter. Les impôts ne rentrent plus dans les caisses ni du royaume, ni des seigneurs, qui résistent à la construction d’une autorité royale forte. Bien que les rois de la première moitié du XIVe siècle aient tenté des réformes fortes, le pays est exsangue. Il faut trouver de nouvelles sources de revenus…

Le XIVe siècle marque le départ de la Guerre de Cent Ans, une longue période de campagnes militaires entre anglais et français entrecoupée de trêves. Alors que la France perd rapidement du terrain face aux Anglais, une autre catastrophe s’abat sur le royaume : la Peste Noire, qui tue entre 40% et 50% de la population. Enfin, c’est aussi la période du Grand Schisme d’Occident, où une guerre interne au catholicisme voit s’affronter jusqu’à trois papes en même temps pour le règne spirituel sur l’Occident.

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Arbre généalogique des rois de France du XIVème siècle, par Ilan Soulima

Les rois de la seconde moitié du XIVe siècle

  • Philippe VI « il a essayé, mais le contexte ne l’aidait pas »
Sacre de Philippe VI,
Sacre de Philippe VI, Grandes Chroniques de France (Bibliothèque Nationale de France (BNF), Ms Français 2813, fol. 353v

Né en 1293, Philippe VI accède au trône en 1328 après la mort d’un de ses… cousins. En effet, règne marque la fin de la lignée dite des « capétiens directs ». Le précédent roi Charles IV meurt sans héritier et, par le choix d’une succession exclusivement masculine, il faut remonter dans l’arbre généalogique jusqu’au grand-père de Philippe VI, Philippe III le Hardi ! Si son règne débute par une victoire face aux révoltes flamandes, le reste n’est pas aussi glorieux. Philippe VI, face à l’appauvrissement général, entraîne le royaume dans la Guerre de Cent Ans afin de remplir les caisses des seigneurs par le pillage. Mais cette guerre ne se passe pas comme prévu, et Philippe VI est vaincu à plusieurs reprises, dont à Crécy en 1346. Autre événement important de son règne, la Peste Noire qui frappe terriblement la population, et marque un coup d’arrêt à la guerre.

Finalement, son règne ne tient beaucoup grâce à la force de sa femme, Jeanne de Bourgogne, à qui il délègue une grande partie du pouvoir durant ses expéditions. C’est largement insuffisant et la guerre qu’il a lui-même appelée de ses vœux se retourne contre lui. Philippe VI laisse le royaume de France dans un piteux état à sa mort en 1350…

  • Jean II le Bon, tellement anti-Brexit qu’il passe une partie de son règne en Angleterre…
Portrait de Jean II le Bon, anonyme vers 13501, dép. des Estampes de la BnF, en dépôt au musée du Louvre.
Portrait de Jean II le Bon, anonyme vers 13501, dép. des Estampes de la BnF, en dépôt au musée du Louvre.

Jean II le Bon monte sur le trône en 1350 à la mort de son père, il a déjà 31 ans. Le pays étant ruiné, il tente plusieurs réformes, notamment concernant l’emploi à Paris. Ces réformes sont extrêmement dures, et dans le contexte de la guerre, ne portent pas vraiment leurs fruits. Mais bien vite, son règne prend un tournant catastrophique. En 1356, Jean II le Bon est vaincu à la bataille de Poitiers par le Prince Noir, Edward de Woodstock. Ses troupes sont décimées et le roi est capturé et emmené à Londres.

Le roi anglais Edouard III lui impose un traité ruineux : de grandes parts du royaume reviennent à l’Angleterre et la rançon du roi s’élève à l’équivalent de trois années de revenu fiscal de la couronne ! Jean II reste alors plusieurs années à Londres, années durant lesquelles il a de grandes difficultés à se faire obéir, surtout face à son fils qui gouverne depuis Paris. Jean II met ainsi en place un système innovant : il signe de sa main ses actes pour les authentifier et en affirmer le poids. Hélas pour lui, même cette technique échoue tant elle est rapidement reprise à travers tout le royaume…

emise de l'épée de connétable à Bertrand du Guesclin. Miniature des Grandes Chroniques de France attribuée à Jean Fouquet, vers 1455-1460, BnF, Fr.6465.
Remise de l’épée de connétable par Charles V à Bertrand du Guesclin. Miniature des Grandes Chroniques de France attribuée à Jean Fouquet, vers 1455-1460, BnF, Fr.6465.

S’il revient en France, libéré sous la caution de deux otages par le roi d’Angleterre, la situation ne lui est toujours pas favorable. Les Grandes Compagnies ruinent le royaume et il ne parvient pas à se battre contre. Ses différentes réformes monétaires et sociales mettent trop longtemps à se mettre en place, et ses relations avec son fils se dégradent rapidement. Enfin, alors que les otages français qui avaient pris sa place ont fuit Londres, le roi se re-constitue prisonnier afin de maintenir l’honneur. Il termine alors sa vie comme prisonnier en Angleterre.

  • Charles V, un roi savant et bien entouré

Né en 1338, Charles V devient roi en 1364 dans un contexte plus que troublé par les échecs répétés de son père. Très vite, il se révèle être un roi réformateur et modernisateur. S’adjoignant l’aide de personnalités compétentes et reconnues, comme Nicole Oresme, Christine de Pizan et Bertrand du Guesclin, Charles V rompt avec les tendances belliqueuses de ses prédécesseurs. Laissant à Du Guesclin les soins d’une guerre qu’il mène désormais sur la défensive, il a tout le loisir de mener de grandes réformes structurelles.

Il réforme ainsi l’armée afin de lutter contre les Grandes Compagnies, et met en place la retenue, une troupe royale levée en permanence sur les fonds de l’impôt, et soldée mensuellement sur inspection du matériel. Il réforme aussi l’imposition et la monnaie pour stabiliser définitivement le cours du Franc Or que son père a créé. C’est aussi un roi savant qui fait venir de toute l’Europe de grandes personnalités intellectuelles. Charles V est aussi réputé pour sa grande bibliothèque royale, qu’il fait installer à Vincennes dans un château rénové pour l’occasion. C’est depuis ce centre intellectuel qu’il met en place une grande réforme des institutions et de la culture, afin de construire une langue française savante et distinguée de celle du bas-peuple.

Dans cet épisode de Super Joute Royale, Marie-Lise raconte le périple post-mortem d’un connétable du roi, Bertrand du Guesclin, un homme aux quatre sépultures encore aujourd’hui. Enfin, et c’est notable, c’est un mari fidèle et aimant, qui laisse à sa femme Jeanne de Bourbon un magnifique poème lors de sa mort. Quand vient sa propre heure, Charles V laisse un royaume pacifié, en pleine reconstruction et fortement stabilisé.

  • Charles VI, un règne tragique (1ère partie)
Charles VI en costume de sacre. BnF, département des manuscrits, ms. Français 2705, fo C.
Charles VI en costume de sacre. BnF, département des manuscrits, ms. Français 2705, fo C.

Au début de son règne, Charles VI est encore mineur et vit une longue période de régence, il est né en 1368. Bien que la loi l’autorise à monter sur le trône dès l’âge de quatorze ans, une association de ses oncles se met en place pour le maintenir en régence. Ainsi, Charles VI doit attendre ses vingt ans pour prendre effectivement le pouvoir, après avoir poussé ses oncles vers la sortie par un habile coup politique. Il ne monte sur le trône effectivement qu’en 1388.

Philippe de Mézières. Le Songe du viel pelerin adressant au blanc faucon pelerin couronné au bec et piés dorés, Bibliothèque nationale de France. Bibliothèque de l'Arsenal. Ms-2682 folio 34r
Philippe de Mézières. Le Songe du viel pelerin adressant au blanc faucon pelerin couronné au bec et piés dorés, Bibliothèque nationale de France. Bibliothèque de l’Arsenal. Ms-2682 folio 34r

Il dirige alors, avec ses plus proches conseillers, les Marmousets. Mais bien vite, il déclare les signes d’un violent trouble mental. Les oncles en profitent pour reprendre la régence aux dépens d’un roi Charles VI et de ses conseillers qui avaient amorcé de profondes réformes. Sa folie est sporadique, et entre ses crises il tente d’affirmer son pouvoir face à ses oncles, notamment en reprenant l’usage de la signature. Mais sa santé est fragile, et le gouvernement des oncles le laisse dans l’ombre.

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :

  • Sibon, Juliette. Chasser les juifs pour régner. Éditions Perrin, 2016
  • Les chroniques de Jean Froissart
  • Gorochov & al., Écrit, pouvoirs et société, Atlande, Paris, 2019
  • Gauvard, Claude. Le temps des Capétiens. Presses Universitaires de France, 2013
  • Jean-Christophe Cassard, L’âge d’or capétien, 1180-1328, Paris, Belin, 2014

Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :

Retrouvez Marie-Lise dans l’épisode sur les bâtards de Bourbon, Albert dans celui sur les femmes dans les fabliaux et Ilan sur les réseaux politique chez les Carolingiens.

Merci beaucoup à Simon Vandendyck pour son très beau générique pour Super Joute Royale !

Pour mieux comprendre la Guerre de Cent Ans réalisée par le département de l’Aube :