Épisode 62 – Clara et Jeanne de Castille
Ballotée entre les complots de cour et une historiographie cruelle, découvrez l’histoire tragique de Jeanne de Castille.
Dans cet épisode, Clara Kalogérakis présente une reine presque méconnue au destin tragique, Jeanne de Castille. Elle est actuellement en thèse à l’université de Lille en co-tutelle avec l’Université de Castilla-La Mancha sur le sujet « Des trésors animés et abîmés : Les infantes d’Espagne sur la scène matrimoniale internationale (Fin du Moyen Âge- 1ère moitié du XVIe siècle) » sous la direction d’Elodie Lecuppre-Desjardin et d’Angela Muñoz-Fernandez. Au cours de l’épisode, elle aborde son travail de Master, « Jeanne de Castille et les Pays-Bas : un autre monde (1496-1506) ».
Une princesse à la cour des Rois Catholiques
Née en 1479 à Tolède, Jeanne de Castille est la fille d’Isabelle la Catholique et de Ferdinand d’Aragon, deux souverains très connus pour leur conquête de l’Espagne. Leur règne a été marqué par les guerres, civiles mais surtout extérieures, avec la France et surtout contre les terres musulmanes de la péninsule ibérique. Longtemps appelée Reconquista, cette période est en réalité une période de conquête, les « Maures » étant présents depuis cinq siècles sur le territoire. C’est une période violente et de mutation, où les Rois Catholiques insufflent une véritable réforme des mœurs et du pouvoir en Espagne. Ainsi, en Castille, Isabelle finance un humanisme catholique et de nombreux mouvements religieux stricts, jusqu’à l’Inquisition Espagnole.
Politiquement, l’Espagne est un espace éclaté. Malgré l’union des couronnes d’Aragon et de Castille, ce sont deux pays aux politiques autonomes. Par exemple, l’Aragon est en guerre contre la France, mais pas forcément la Castille. La Castille correspond alors à une puissance encore jeune, commençant à peine à se rétablir de profonds troubles internes et dont l’influence est encore à prouver. L’Aragon est une puissance plus ancienne, mais très diminuée par ses guerres intestines. Ce sont donc deux pays qui doivent encore effectuer leur mutation d’un système médiéval à un système moderne et faire leurs preuves.
C’est dans cette période troublée que Jeanne de Castille nait. La cour est itinérante, mais elle y reçoit une excellente éducation, sous l’influence de sa mère et est vite reconnue pour ses capacités intellectuelles. Pourtant, sa position est fragile : Jeanne n’est que troisième en ligne de succession. Pour une princesse castillane, sa position est complexe puisqu’elle la dessert sur le marché matrimonial des puissances européennes. Elle épouse tout de même en 1496 Philippe le Beau, fils de l’archiduc Maximilien d’Autriche, représentant de la puissante famille de Habsbourg et duc de Bourgogne. Pourtant, cette nouvelle position n’est pas synonyme pour elle de libération.
Jeanne de Castille, le bonheur en héritage ?
En effet, la cour de Bourgogne est assez misogyne et l’alliance avec la Castille est à double tranchant. Mariée à 16 ans, Jeanne est envoyée aux Pays-Bas, où elle ne parle pas la langue. Pourtant élève brillante à l’esprit remarquable, elle ne produit aucun écrit. Clara évoque la possibilité d’un refus de lui fournir un secrétaire lui permettant de faire des lettres à sa mère. Isabelle est recluse dans le château, ne sortant que très peu. En effet, la Castille est une puissance qui effraie aussi les Bourguignons, qui sont très réticents à l’idée de laisser Isabelle prendre une trop grande importance et influence. Bien que relativement gênant, le mariage est consommé, et elle donne la vie à six enfants au cours de sa vie.
Bien vite après son mariage, sa famille est touchée par une hécatombe. Son frère, Jean, puis sa sœur Isabelle meurent. Puis c’est le fils d’Isabelle, Michel, qui décède. Enfin, Isabelle la Catholique disparait à son tour en 1504. Jeanne est alors « reine propriétaire » de la Castille et un enjeu majeur de pouvoir tant pour son mari que pour son père. En effet, Philippe souhaite se faire reconnaître comme roi de Castille en attendant de récupérer l’Aragon de son beau-père, tandis que Ferdinand refuse d’abandonner le royaume de sa femme. Jeanne est ballotée entre les injonctions et se retrouve à nouveau enfermée tandis que les deux hommes trouvent un accord. Elle détient la propriété de la couronne, et son mari tient le pouvoir en tant que consort. Mais il n’en profitera pas longtemps, et Philippe meurt à son tour en 1506.
Pour autant, Jeanne n’est pas libérée. Vue comme étant sous l’influence de son père, elle fait face à l’opposition des seigneurs castillans. En 1507 elle est même mise sous régence de son père, renforçant son enfermement pour éviter tout trouble. Et à la mort de Ferdinand, en 1516, un nouveau geôlier prend de l’importance : le propre fils de Jeanne, Charles, connu en Espagne comme Charles Ier et dans l’historiographie comme Charles Quint. Alors âgé de 16 ans, il revendique le pouvoir sur la couronne d’Aragon, qui ne reconnaît pas le couronnement d’une femme. Héritier des terres de son père, il est déjà puissant et prend peu à peu une place majeure dans la politique Castillane. En 1519, âgé de 19 ans, il est élu Saint Empereur Romain Germanique, ce qui l’installe définitivement comme souverain au regard des Grands de Castille. Il confine alors sa mère, qui meurt à 76 ans au palais en 1555.
La folle historiographie d’une femme en souffrance
Jeanne de Castille a eu une vie complexe, méconnue et difficile. Mais sa postérité ne l’a pas non plus épargnée. Très tôt, sa « folie » est invoquée pour justifier les différentes vexations qu’elle subit. C’est par exemple avec ce prétexte que son père obtient la régence. Mais ce n’est alors pas un thème qui infuse dans sa légende. En effet, elle est longtemps surtout accusée d’avoir trahi, consciemment ou non, et d’avoir livré la Castille à l’Aragon et au Saint Empire.
C’est aux XIXe et XXe siècles, sous l’influence des psychanalystes à la suite de Freud, que les historiens commencent à justifier son comportement par la folie. On lui diagnostique alors, des siècles après sa mort, spasmes, schizophrénie et autres défaillances mentales pour justifier de son traitement et de sa faillibilité.
En réalité, il est impossible de vérifier ces hypothèses, de diagnostiquer une personne morte un demi-millénaire avant nous. Clara propose une autre analyse. Celle d’une jeune femme qui, dans une période troublée, est envoyée dans une cour qui étrangère, où elle est isolée. Une femme qui perd ensuite quatre membres de sa famille et ne rentre que pour affronter son père avant d’être à nouveau enfermée, jusque par son propre fils. Peut-être avait-elle des troubles, mais la retenir uniquement comme une femme seule semble insuffisant.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
-
Aram (Bethany), La reina Juana: gobierno, piedad y dinastía, Marcial Pons, Madrid, 2001.
- Bousmar (Éric), « Le « Triunfo de las donas » et la cour de Bourgogne (1460). Contexte et réception d’une traduction », Centre européen d’études bourguignonnes (XIVème-XVIème s.), 51, 2011, p.31-54.
- Carrasco Manchado (Ana Isabel), Isabel I de Castilla y la sombra de la ilegitimidad, Sílex, Madrid, 2014.
- Cauchies (Jean-Marie), « Jeanne d’Aragon-Castille, ou la quête d’un pouvoir introuvable », in Femmes de pouvoir, femmes politiques durant les derniers siècles du Moyen Âge et au cours de la première Renaissance, Bousmar (E.), Dumont (J.), Marchandise (A .), Schnerb (B.) (dir.), deboeck Université, Bruxelles, 2012.
- Ibid, Philippe le Beau: le dernier duc de Bourgogne, Brepols, Turnhout, 2003.
- De Jonge (Krista), García García (Bernardo José), Estringana (Alicia Esteban), El legado de Borgoña. Fiesta y ceremonia cortesana en la Europa de los Austrias (1454-1648), Fundación Carlos de Amberes, Madrid, 2010.
- Dumont (Jonathan), « Le lion enfin couronné. Pensée politique et imaginaire royal au cours des premiers voyages espagnols des princes de la Maison de Bourgogne-Habsbourg », Revue belge de Philologie et d’Histoire / Belgisch Tijdschrift voor Filologie en Geschiedenis, 94, 2016, p.841-882.
- Fagel (Raymond), « El mundo de Felipe el Hermoso: la política europea alrededor de 1500 », in Felipe I el Hermoso: la belleza y la locura, Zalama (M. A.) & Vandenbroeck (P.) (dir.), Los Austrias, Madrid, 2006, p.51-68.
- Fernández Àlvarez (Miguel), Juana la Loca, la cautiva de Tordesillas, Austral, Barcelona, 1994 (2010).
- Fernández de Cordoba Miralles (Álvaro), La Corte de Isabel I. Ritos y ceremonias de una reina (1474-1504), Dykinson, Madrid, 2002.
- Legaré (Anne-Marie) (éd.)., « L’entrée de Jeanne de Castille à Bruxelles : un programme iconographique au féminin », in Femmes à la Cour de Bourgogne : Présence et Influence Eichberger (D.), Legaré (A.-M.) & Hüsken (W.) (éd.), Brepols, Paris, 2010, p.43-55.
- Oñate Español (María del Carmen), Doña Juana de Castilla: de Toledo a Tordesillas, Fundación Universitaria Española, Madrid, 2016.
- Palos (José Luís), Sánchez (Magdalena) (éd.), Early modern dynastic marriages and cultural transfer. Farnham, 2016.
- Segura Graiño (Cristina), « Utilización política de la imagen de la reina Juana I de Castilla », in Representación, Construcción e Interpretación de La Imagen Visual de las Mujeres, Amador Carretero (P.), Ruiz Franco (R.) (éd.), AEIHM-Instituto de Cultura y Tecnología Miguel de Unamuno, Madrid, 2003, p. 173‑189.
-
Zalama (Miguel Ángel) (dir.), Juana I de Castilla, 1504-1555: de su reclusión en Tordesillas al olvido de la historia, Ediciones Universidad de Valladolid, Valladolid, 2005.
Sources éditées :
- Chatenet (Monique), Girault (Pierre-Gilles) (dir.), Fastes de cour : les enjeux d’un voyage princier à Blois en 1501, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010.
- Concepción Porras Gil (María), De Bruselas a Toledo. El viaje de los archiduques Felipe y Juana, Ediciones Universidad de Valladolid, Valladolid, 2015.
- Doutrepont (Georges), Jodogne (Orner), Chroniques de Jean Molinet, Palais des Académies, Bruxelles, 1937.
- Duque de Barwick y de Alba (éd.), Correspondencias de Guiterre Gómez de Fuensalida, embajador en Alemania, Flandes e Inglaterra (1496-1509), Madrid, 1907.
- Gachard (Louis-Prosper) (éd.), Collection des voyages des souverains des Pays-Bas. Voyage d’Antoine de Lalaing, I, Bruxelles, 1876.
- Höfler (von Constantin) (éd), « Die Depeschen Venetianishen Bötschafters Vincenzo Quirino », Archiv für Österreichische Geschichte, 66, Vienne, 1885.
- Münzer (J.), Voyage en Espagne et au Portugal (1494-1495), Les Belles Lettres, Paris, 2006.
- Salva (M.), Saíz de Baranda (Pedro) (éd.), « Crónica de Felipe I llamado el hermoso de Lorenzo de Padilla », in Colección de documentos inéditos para la historia de España, VIII, Madrid, 1846.
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Rodrigo Martinez, interprété par l’ensemble Accentus
- Todos los bienes del mundo, interprété par l’ensemble Accentus
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Épisode 60 – Marthe et les chiens de chasse en Espagne au Moyen Âge
- Épisode 57 – Alexander et les Juifs de Castille au XIVème siècle
- Episode 8 – Elsa et les peintres dans la couronne d’Aragon
- Épisode 6 – Camille et la noblesse au XVIIème siècle
[Fanny Cohen Moreau]
Attendez, juste avant de commencer cet épisode, je tiens à remercier Jean-Mathurin qui aide au développement et au financement de ce podcast. Si vous voulez en savoir plus et que vous voulez vous aussi soutenir ce podcast, je vous en dis plus à la fin de l’épisode !
Allez, maintenant, on lance l’épisode, pour de vrai !
[générique]
[musique]
[homme] Le Moyen Âge est à la mode et j’en suis très heureux parce que je crois que cette époque a été absolument décisive.
[femme] Je t’ai dit qu’elle soutenait sa thèse le 28 ?
[homme] Une thèse sur quoi ?
[femme] Les chevaliers paysans de l’an mille au lac de Paladru.
[homme] Au lac de ?
[femme, criant] Paladru !
[homme] Passion Médiévistes, l’histoire médiévale vue par ceux qui l’étudient.
[Fanny Cohen Moreau]
Est-ce que vous savez tout du Moyen Âge ? Mais d’abord, qu’est-ce que le Moyen Âge ? Vous pensez peut-être aux châteaux forts, aux chevaliers, et aux cathédrales, mais ce n’est pas que ça ! En général on dit que c’est une période de mille ans, de l’année 500 à l’année 1500. Mais vous l’entendez dans ce podcast, il y autant de définitions du Moyen Âge que de médiévistes !
Je m’appelle Fanny Cohen Moreau, et dans ce podcast je reçois des jeunes médiévistes, des personnes qui étudient le Moyen Âge, en Master ou en thèse, pour qu’ils vous racontent leurs recherches passionnantes et qu’ils vous donnent envie d’en savoir plus sur cette belle période.
Épisode 62 ! Clara et Jeanne de Castille, c’est parti !
[homme] Excuse-moi mais, il y a des gens que ça intéresse ?
[fin musique du générique]
[Fanny Cohen Moreau]
Aujourd’hui dans Passion Médiévistes, nous allons nous intéresser à une femme de la fin du Moyen Âge qui joua, un peu malgré elle quand même, un rôle important dans l’histoire de l’Europe. Elle fut tour à tour princesse, archiduchesse, princesse héritière, puis reine ! Vous allez voir, c’est vraiment un destin passionnant !
Et mon invitée aujourd’hui pour nous raconter cette histoire, c’est Clara Kalogérakis. Bonjour Clara !
[Clara Kalogérakis]
Bonjour !
[Fanny Cohen Moreau]
Je te reçois parce que, alors actuellement tu es en thèse à l’université de Lille, et de Castilla-La Mancha, en Espagne, et tu as soutenu un mémoire en septembre 2019 sur Jeanne de Castille, tu étais sous la direction d’Elodie Lecuppre-Desjardin.
Bon je le dis tout de suite déjà aussi, tu as soutenu en 2019, c’était il y a longtemps ! Mais ça fait un moment qu’on discutait, le COVID nous a un peu empêchées d’enregistrer, et l’épisode sortira bien des mois après le moment où on enregistre ! Donc voilà, d’habitude j’ai une règle de « j’enregistre les gens qui ont soutenu il y a moins d’un an », oui et bien le COVID m’a un peu embêtée avec cette règle.
Donc bienvenue Clara dans le podcast. Avec toi donc nous allons parler de Jeanne de Castille, nous allons retracer sa vie et son destin. Mais d’abord j’ai un petit peu une question d’introduction : qu’est-ce qui t’a amenée à faire des études d’histoire médiévale ?
[Clara Kalogérakis]
Et bien ce n’était pas du tout prévu à la base, puisque j’étais plus attirée par la philosophie ou la littérature, mais il se trouvait que mes professeurs d’histoire générale étaient tous médiévistes, et passionnants, et ils ont réussi à m’attirer vers leur discipline. Au départ, donc je terminais mon Erasmus en Espagne, je cherchais une directrice ou un directeur de Master. J’ai beaucoup écrit, et je voulais travailler sur l’Italie, j’en avais un petit peu marre de l’Espagne, j’y avais vécu un an, pourtant entre deux j’y ai revécu encore une année avant de commencer mon Master, et je voulais travailler sur l’Italie, notamment sur les ordres religieux, féminins, quelque chose comme ça, je voulais changer de langue, apprendre une nouvelle langue, voyager… Madame Lecuppre-Desjardin m’a répondu « oula, commencer une nouvelle langue en Master, écrire un mémoire scientifique sur ça, ça va être compliqué ! Autant rester sur l’Espagne, en plus moi j’ai un dossier qui m’intéresserait beaucoup », et elle m’a présentée le personnage de Jeanne de Castille. Moi je la connaissais légèrement, mais vraiment très peu, et aujourd’hui c’est un sujet que je défends corps et âme !
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Il est totalement approprié à mon parcours de vie, puisque j’ai vécu entre l’Espagne et Lille, elle également, elle a vécu entre l’Espagne et le Nord, et pourtant ce n’est pas un sujet que j’ai choisi.
[Fanny Cohen Moreau]
Et juste avant que l’on parle de Jeanne de Castille, est-ce que tu peux me dire aussi un peu plus sur ton parcours, parce que, c’est ce que tu m’as dit avant qu’on commence cet épisode, que tu n’as pas un parcours classique comme peut-être la plupart de mes invités, en mode Licence, Master, et tout ça ? Raconte-moi un petit peu.
[Clara Kalogérakis]
J’ai quand même un parcours classique, notamment pour quelqu’un qui est en thèse, puisque j’ai commencé en classe préparatoire. Mais je ne viens pas forcément d’un milieu social où on sait ce que c’est qu’un master, et encore moins un doctorat, et je n’étais pas du tout destinée à ça, je n’étais pas du tout la meilleure des élèves, et pourtant aujourd’hui je suis financée pour mon doctorat, donc c’est plutôt une chance !
C’est vraiment l’opportunité internationale qui m’a ouvert énormément de portes, et j’aimerais transmettre un peu ce message aux étudiants qui n’y croient pas trop : prenez une opportunité internationale, un Erasmus, qui plus est si vous êtes boursier comme moi, votre bourse va augmenter puisqu’elle… on ne le sait pas forcément mais la distance est prise en compte dans la bourse !
Il faut oser y aller, et il y a aussi des systèmes que l’état a mis en place pour que l’on puisse voyager, notamment le système de l’assistanat de langue, donc ça veut dire être assistant de langue française dans un autre pays, et c’est l’état qui s’occupe de ça, c’est un contrat d’état français, et il y a d’autres moyens de partir à l’étranger.
Et le parcours international ça permet de se mettre en avant, d’acquérir des nouvelles compétences, des compétences d’adaptation, et de ne pas forcément être le meilleur élève, celui qui a eu 18 à son Master, ne pas être cet élève-là mais être l’élève original, qui a vu d’autres choses, qui peut avoir des nouvelles idées.
Et c’est ça que j’aurais voulu mettre en avant, et notamment lorsque l’on fait des études d’histoire, on ne pense pas forcément aux métiers de la diplomatie, aux métiers des alliances françaises, qui recherchent des personnes qui pourraient faire de la coopération internationale. On peut ne pas être professeur d’histoire après des études d’histoire, notamment lorsque qu’on a un parcours international.
[Fanny Cohen Moreau]
Oui c’est important de le dire, effectivement !
Alors, plongeons, si je puis dire, dans la vie de Jeanne de Castille. Nous allons raconter un petit peu sa vie aujourd’hui, pour commencer, quand naît Jeanne de Castille ? Et où ?
[Clara Kalogérakis]
Alors, Jeanne de Castille est née à Tolède, en 1479, et elle décède, également en Espagne, à Tordesillas, en 1555. Elle a donc une vie entre deux périodes, entre l’époque médiévale, et l’époque moderne.
[Fanny Cohen Moreau]
Oui, elle est vraiment à cheval entre les deux. On s’est posé un peu la question d’ailleurs, est-ce qu’on en fait plutôt un épisode pour Passion Médiévistes ou Passion Modernistes mais en fait, elle est encore beaucoup dans les codes, elle est inscrite dans une société qui est totalement encore médiévale.
Mais c’est, Jeanne de Castille donc, pas la fille de n’importe qui, en fait c’est la fille des Rois Catholiques d’Espagne. Raconte-nous un peu qui sont ces parents, donc Isabelle la Catholique, et Ferdinand d’Aragon.
[Clara Kalogérakis]
Alors contrairement à elle, ses parents sont très connus, puisque les Rois Catholiques ce sont ceux qui ont conquis Grenade, qui ont agrandi les royaumes ibériques, qui les ont aussi unis, par leur mariage, puisque Ferdinand venait de l’Aragon, et Isabelle de la Castille. Ses parents sont aussi ceux qui ont financé Christophe Colomb, donc la découverte de l’Amérique en 1492.
Ils ont transformé leur territoire, Isabelle la Catholique, lorsqu’elle est montée sur le trône, elle a mis fin à une guerre civile, une guerre civile qui a eu plusieurs visages, et qui durait depuis des années. Elle a vraiment fait prospéré son royaume, elle l’a aussi extrêmement évangélisé puisque l’Inquisition s’installe sous son règne.
[Fanny Cohen Moreau]
Parce que c’est intéressant parce que tu as dit « ils ont conquis Grenade », donc Grenade, qui a l’époque était encore dominée par les Omeyyades, par l’Empire Arabe, pourquoi tu n’as pas dit « reconquérir » ? Parce qu’on a l’image de la Reconquista non ?
[Clara Kalogérakis]
Oui aujourd’hui, on essaie de changer ce terme, puisque à partir de cinq siècles d’installation, on peut considérer que c’était bien une conquête. Donc les Maures, comme on les appelait à l’époque, étaient là vraiment depuis cinq siècles, ils avaient créé une société, une société d’ailleurs très tolérante et de savoir.
[Fanny Cohen Moreau]
Donc c’est intéressant de voir que là, déjà l’image de cet événement est en train de changer. Et quelle est la place de Jeanne de Castille dans sa fratrie ? Est-ce que c’est la première, la deuxième, non ?
[Clara Kalogérakis]
Et bien justement, bien qu’elle ait hérité et qu’elle soit devenue reine, elle est la troisième enfant. Donc il y a une fille au-dessus d’elle, son frère, qui était un peu le fils prodigue de l’Aragon et de la Castille !
[Fanny Cohen Moreau]
L’héritier !
[Clara Kalogérakis]
L’héritier ! Exactement. Et ensuite elle est née et elle, elle a plus été avec ses deux autres petites sœurs, donc Marie, et la toute dernière, Catherine… Catherine d’Aragon, qui est aussi très connue.
[Fanny Cohen Moreau]
Et raconte-nous, dans quel contexte est-ce qu’elle grandit ? Donc, raconte-nous un peu la cour royale de l’époque que tu as étudié.
[Clara Kalogérakis]
Justement c’est très intéressant puisque Jeanne elle évolue dans une cour en pleine mutation, puisqu’Isabelle la Catholique, comme je l’ai déjà dit, réformait beaucoup les mœurs. On n’avait plus le droit ou on était vraiment punis fortement si on avait des amants, elle a beaucoup financé des ordres religieux jusqu’à l’Inquisition bien sûr.
Il y a aussi un peu le début de l’humanisme, qui s’installe en Espagne, un humanisme plutôt italien ùais qui prend une forme spécifique, très catholique, autour d’Isabelle la Catholique justement.
[Fanny Cohen Moreau]
Et qu’est-ce qu’on sait de son enfance, est-ce qu’on a des éléments sur comment elle est éduquée, comment elle grandit ?
[Clara Kalogérakis]
Justement c’est très intéressant de poser cette question, puisqu’elle, elle a toujours été attachée à ses deux plus petites sœurs, comparé à l’aînée qui pouvait possiblement hériter et son grand frère le fils prodigue. [rires] Donc comme elle est toujours attachée à ses deux plus petites sœurs, on a un peu du mal à discerner qui était le précepteur de qui. Ce ne sont pas forcément des personnes connues, par contre, comme je l’ai dit, elle a eu une éducation assez humaniste puisque par exemple, Pedro Martir de Angleria, un Italien humaniste très connu, était dans son entourage. Donc je pense que les idées ont dû circuler.
[Fanny Cohen Moreau]
Donc elle grandit à Tolède ou dans une autre ville ?
[Clara Kalogérakis]
Elle grandit dans plusieurs villes puisque les Rois Catholiques étaient itinérants, comme beaucoup de rois à l’époque.
[Fanny Cohen Moreau]
Oui, comme…
[Clara Kalogérakis]
Donc Barcelone… mais elle a eu un long passage à Grenade aussi.
[Fanny Cohen Moreau]
Et d’ailleurs, est-ce qu’on parle déjà d’Espagne à ce moment-là ? Ou est-ce qu’on continue de dire la Castille et l’Aragon ? Est-ce qu’il y a un ensemble ?
[Clara Kalogérakis]
On continue de dire la Castille et l’Aragon, parce que les Aragonais ne sentent pas Castillans, et les Castillans se sentent encore moins Aragonais !
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Notamment parce que, pour venir sur ta question sur la société dans laquelle grandit Jeanne, en Aragon c’est beaucoup plus compliqué qu’en Castille, il y a encore des rebellions autour de Valence, il vient de perdre le Roussillon, le père de… Ferdinand d’Aragon vient de perdre le Roussillon, ils sont constamment en guerre contre les Français, c’est un territoire un peu plus compliqué à gouverner.
[Fanny Cohen Moreau]
Et quelles sont les relations, donc on va dire la Castille-Aragon, dans un bloc, avec le reste de l’Europe à cette époque ?
[Clara Kalogérakis]
Je vais devoir séparer le bloc !
[Fanny Cohen Moreau]
Ah ! [rires]
[Clara Kalogérakis]
Encore une fois ! La Cast…
[Fanny Cohen Moreau]
C’est fou de voir que, ils sont mariés mais ce sont quand même des espaces qui restent séparés, ils ont chacun leur espace !
[Clara Kalogérakis]
Et ce qui est fou c’est qu’on se souvient d’eux comme un couple, vraiment unis, ils ont vraiment réussi leur propagande !
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Alors la Castille est vue comme un royaume qui émerge, qui se calme en comparaison aux guerres civiles qu’elle a vécu. Par exemple, les Anglais s’intéressent de plus en plus à la Castille, c’est pour ça qu’ils vont chercher pendant longtemps le mariage castillan. La Castille est plutôt en lien avec le Portugal, ce sont des dynasties qui se mélangent depuis très longtemps, alors que l’Aragonais, c’est vraiment un royaume tourné vers la Méditerranée, en guerre contre les Français, une guerre qui dure, qui est ancrée même dans les mœurs.
[Fanny Cohen Moreau]
Je mettrais d’ailleurs sur le site Passion Médiévistes point fr des cartes, comme ça si les auditeurs et les auditrices veulent un petit peu se repérer et de voir comment c’était à l’époque, ils pourront.
[Clara Kalogérakis]
Ça leur donnera envie de vacances.
[Fanny Cohen Moreau]
Ah ben oui ! J’espère !
Et donc ! Revenons à Jeanne de Castille, c’est donc un des plus beaux partis d’Europe j’imagine, parce que là ses parents n’ont que l’embarras du choix pour la marier, parce que, dis-moi si je me trompe, mais j’imagine que là les gens se bousculent à la porte pour se marier avec cette jeune princesse !
[Clara Kalogérakis]
Et bien pas forcément !
[Fanny Cohen Moreau]
Ah bon ?!
[Clara Kalogérakis]
Puisqu’on parle justement de marché matrimonial et ce n’est pas une expression pour rien ! Puisque selon certains critères, une princesse est plutôt bonne à marier ou non, elle n’est que troisième de sa fratrie. La Castille et l’Aragon sont des royaumes qui se calment, qui s’unissent, qui ont des nouveaux territoires, mais ce ne sont pas non plus des puissances depuis très longtemps.
[Fanny Cohen Moreau]
Même avec Christophe Colomb et tout ça ?
[Clara Kalogérakis]
Et bien à ce moment-là on avait des doutes sur le fait que Christophe Colomb avait vraiment découvert quelque chose !
[Fanny Cohen Moreau]
D’accord !
Mais alors comment se fait finalement le choix de son mari ? On va voir un certain, un certain Philippe le Beau. Comment se fait le choix de ce mariage ?
[Clara Kalogérakis]
La guerre.
[Fanny Cohen Moreau]
Ah. [rires]
[Clara Kalogérakis]
Comme beaucoup de mariages ! C’est vraiment Ferdinand, c’est vraiment un mariage aragonais, qui cherche un allié pour combattre les Français en Italie, donc ce sont vraiment des territoires opposés.
[Fanny Cohen Moreau]
Toujours, tout contre les Français.
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Ah oui les Aragonais et les Français, c’est une longue querelle.
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Donc il cherche un allié, il trouve Maximilien de Hasbourg qui a aussi quelques griefs contre les Français, puisqu’ils lui ont volé une fiancée, ils ont répudié sa fille… [rires] De quoi être en colère !
Donc ils s’allient, et c’est un double mariage : l’héritier de la Castille et de l’Aragon va épouser la fille de Maximilien, Marguerite d’Autriche, alors que Philippe, son héritier, va épouser Jeanne, une princesse castillane. C’est toujours bien pour un archiduc.
[Fanny Cohen Moreau]
Donc oui c’est vraiment un mariage politique bien établi. Elle a quel âge à ce moment-là ?
[Clara Kalogérakis]
Elle a seize ans.
[Fanny Cohen Moreau]
Oui donc ça va, donc…
[Clara Kalogérakis]
Exactement, et en plus comme c’est un marché matrimonial, un des critères c’est que les époux aient des âges plutôt rapprochés, et son mari je pense qu’il n’a que deux ans de plus qu’elle, ou un an je ne me souviens plus exactement, mais c’est un avantage.
[Fanny Cohen Moreau]
Alors et à quel moment a lieu le mariage ? Parce que là on parlait de la décision mais est-ce que le mariage a lieu juste après ou un peu plus loin ?
[Clara Kalogérakis]
Donc ce sont de longues négociations puisque Maximilien n’était pas vraiment sûr de vouloir entrer totalement, ouvertement, en guerre contre les Français. En plus il fallait s’allier avec les Anglais… il n’était pas très d’accord avec ça.
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Mais finalement, après de longues négociations, en 1496, le 20 octobre, Philippe et Jeanne se rencontrent, et se marient officiellement, même si à cette époque-là, je tiens à le rappeler, on faisait des mariages par procuration. Donc ils étaient déjà mariés selon Dieu, il y avait une bulle papale qui était déjà prête…
[Fanny Cohen Moreau]
Ah oui vraiment, ah oui ils étaient très officiels. Et le mariage en personne a lieu où et quand ?
[Clara Kalogérakis]
Donc à Lierre, le 20 octobre 1496.
[Fanny Cohen Moreau]
Et c’est où Lierre ?
[Clara Kalogérakis]
L’actuelle Belgique. Parce que Philippe le Beau, je pense que… il faut que je revienne un peu sur ce personnage qui n’est pas connu…
[Fanny Cohen Moreau]
Bien sûr vas-y !
[Clara Kalogérakis]
Pourtant il était roi ! [rires]
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Et donc au départ, Philippe le Beau c’est un archiduc, c’est le fils de Maximilien, mais il n’est pas entièrement d’ascendance germanique, puisque sa mère est Marie de Bourgogne ! Celle qui a perdu le duché de Bourgogne au profit de son parrain Louis XI, l’ultime héritière des ducs de Bourgogne, les fameux !
Et donc, pour certains, Philippe le Beau est le dernier duc de Bourgogne en tant que tel, Jean-Marie Cauchies, un historien, a écrit une très belle biographie sur lui, et le surnomme ainsi. C’est un prince qui s’est émancipé de son père. Il a vraiment un caractère et un mode de vie bourguignon, il a été éduqué dans les Pays-Bas bourguignons, qui à l’époque comprennent les Pays-Bas qu’on connaît, la Belgique, et le Nord de la France.
[Fanny Cohen Moreau]
Et comment se passe le mariage pour Jeanne de Castille ? Est-ce qu’on sait un peu comment elle le ressent ? Est-ce que voilà, est-ce qu’on sait comment se passe pour elle, et bien le départ de la cour ? Voilà, comment elle quitte ses sœurs, elle quitte sa famille ?
[Clara Kalogérakis]
On sait exactement son parcours, notamment parce que le voyage s’est très mal passé. A l’époque c’était très difficile de traverser les côtes françaises, elle a dû…
[Fanny Cohen Moreau]
Oui ils étaient en guerre en fait ! [rires]
[Clara Kalogérakis]
Oui en plus il y avait un danger de rapt ! Mais aussi parce que les techniques n’étaient pas encore aussi développées qu’à la Renaissance, vraiment avec la découverte de l’Amérique, il y a une sorte d’ascension technique.
Ce n’est pas pour rien qu’on parle d’un changement d’époque, même s’il se fait de manière beaucoup plus subtile, de façon différente selon les domaines etc. C’est un autre sujet [rires] de où est-ce qu’on met un changement d’époque.
Et donc on sait exactement comment ça s’est passé, on sait aussi qu’il y a eu beaucoup de morts. Mais on n’a pas accès à sa pensée à elle, comme beaucoup de princesses ou de femmes de l’époque, on n’a pas de témoignage direct de comment elle se sentait. Elle n’écrit pas, et il y a quelques secrétaires qui écrivent pour elle, et encore pour Jeanne de Castille on n’a pas beaucoup de…
[Fanny Cohen Moreau]
Elle n’envoie pas de lettres à ses sœurs ? On n’a pas du tout gardé ça, enfin, peut-être qu’on n’a juste pas gardé ça.
[Clara Kalogérakis]
Justement.
Non justement, on a les lettres que sa mère lui envoyait, et elle ne répondait pas. Et donc on pouvait penser qu’elle n’avait pas de secrétaire qui pouvait écrire latin, ou la comprendre en latin, puisque le français ce n’est pas forcément une langue qu’on apprend quand on est princesse castillane, on a des notions, mais ce n’est pas…
[Fanny Cohen Moreau]
Donc elle parle le castillan quoi ?
[Clara Kalogérakis]
Elle parle le castillan, le latin, très bien, c’était une très bonne élève. On connaît quand même quelques aspects de son éducation, on sait qu’elle était très forte en musique, qu’elle parlait excellemment bien latin.
Il y a un médecin de Nuremberg, Jérôme Münzer, qui descend en Castille, pour éviter la peste, au moment de l’enfance de Jeanne. Et c’est assez étonnant, parce qu’il parle de l’aînée, Isabelle, il parle de l’héritier de Castille, mais il va également parler de Jeanne, durant des longues lignes, en disant que cette fille est impressionnante, qu’elle a une répartie incroyable. Et pourtant on n’a aucune trace de poèmes, de… parce que Marguerite d’Autriche, sa belle-soeur, a écrit des poèmes !
Non, rien, je pense qu’il y a une volonté de la part de son mari de ne pas lui passer un secrétaire, pour qu’elle puisse écrire, parce qu’à l’époque…
[Fanny Cohen Moreau]
Oula la pauvre !
[Clara Kalogérakis]
A l’époque on n’écrit pas soi-même les lettres, je tiens à préciser.
[Fanny Cohen Moreau]
Donc ça veut dire qu’elle est un petit peu… un peu isolée, dans cette cour bourguignonne. Déjà au niveau de la langue, ça doit être difficile pour elle quand même ?
[Clara Kalogérakis]
Oui, on peut imaginer, et justement c’est là tout mon travail de Master, ça a été d’essayer de mesurer ce qu’elle a pu ressentir, alors qu’on n’a pas forcément accès à sa pensée. Et c’est en comparant l’environnement sortant, et l’environnement entrant, que j’ai pu me rendre compte qu’il pouvait y avoir des incompréhensions.
Au moment de se déplacer pour aller se marier, pour une fille de seize ans, ça ne devait pas être forcément facile. Pour citer juste un exemple de ce que j’ai pu mesurer comme type d’incompréhension qui pouvait exister, la cour bourguignonne était beaucoup plus misogyne que la cour castillane.
[Fanny Cohen Moreau]
Et à quoi on le mesure ça ?
[Clara Kalogérakis]
Par exemple, encore une fois un exemple parmi tant d’autres, la diffusion des textes et des traités. Il y a un texte qui s’appelle le Triunfo de las donas, qui a été traduit du français par un portugais, à l’époque de Philippe le Bel, donc le mari d’une certaine duchesse Isabelle de Portugal.
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Et pourquoi un Portugais aurait traduit au français, en français, un texte qui parlait des femmes, de leurs possibilités etc. ? On peut supposer que c’est parce que Philippe le Bel avait beaucoup d’amantes, et il y a eu beaucoup de bâtards. [rires] Donc peut-être qu’il souffrait de voir sa maîtresse, Isabelle de Portugal, dans une cour aussi misogyne, où on traitait les femmes différemment qu’au Portugal. Donc on peut mesurer des différences entre le Nord et le Sud.
[extrait musical]
[Fanny Cohen Moreau]
Et est-ce qu’on sait par contre quel était son rôle à la cour bourguignonne ? Une fois qu’elle était donc arrivée, mariée, donc voilà tac, elle a un statut. Est-ce qu’elle quand même encore considérée comme une étrangère, ou est-ce qu’elle arrive à s’intégrer ?
[Clara Kalogérakis]
Malgré son éducation, malgré son esprit, qui est décrit par des chroniqueurs, malgré l’éducation qu’Isabelle la Catholique [rires] a pu lui donner, parce qu’elle était… elle vraiment très intéressée par l’éducation de ses enfants, Isabelle. On a beaucoup de témoignages de ça, et d’ailleurs, Charles Quint, donc le petit-fils d’Isabelle la Catholique, va recopier la façon d’éduquer ses enfants, de par sa grand-mère.
Et malgré ça, Jeanne de Castille ne va prendre aucun rôle auprès de son époux, au contraire elle n’a pas de chancellerie, elle n’écrit pas, quand on regarde…
[Fanny Cohen Moreau]
[marmonne] Il n’y a pas de sceaux, ou elle ne met pas son sceau sur des actes et tout ça ?
[Clara Kalogérakis]
Non elle ne met pas son sceau sur des actes. Alors, d’autres duchesses de Bourgogne l’ont fait. Aux archives départementales du Nord, on peut se rendre compte, vraiment, que toute l’économie qu’il y a de sa maison etc. est gérée par son mari. Son mari écrit des ordonnances pour payer les pensionnaires de sa maison, pour payer la dame d’honneur etc.
La dame d’honneur qui est d’ailleurs très proche de son mari, donc on peut imaginer qu’elle était très surveillée et qu’elle n’avait pas d’indépendance, et ce sont vraiment des sources économiques qui nous le disent.
[Fanny Cohen Moreau]
Est-ce que c’est seulement la misogynie qui pourrait expliquer cette… ce contrôle de Jeanne de Castille, ou est-ce qu’il y a peut-être un enjeu politique qui voudrait la mettre sous coupe ?
[Clara Kalogérakis]
On ne le saura jamais vraiment.
[Fanny Cohen Moreau]
D’accord oui.
[Clara Kalogérakis]
Mais ce qui est intéressant c’est que le mariage castillan, comme je l’ai déjà dit avant, il n’a pas du tout été choisi par les nobles bourguignons. Il a été choisi par les nobles germaniques, par Maximilien.
Les nobles bourguignons se sont rebellés contre Maximilien. Ils ont proclamé la majorité de Philippe très tôt, afin de se séparer totalement de « l’Allemand », entre guillemets.
[Fanny Cohen Moreau]
Hum hum.
[Clara Kalogérakis]
Et c’est un peu un mariage subi, par ces nobles, qui sont plutôt pro-français. En 1493, Philippe signe un traité avec Charles VIII de France, où il reconnaît son allégeance…
[Fanny Cohen Moreau]
Han ! Olala !!
[Clara Kalogérakis]
Oui donc c’est assez étonnant, pour Ferdinand, qu’il accepte d’envoyer à un sbire de Charles VII, sa fille. Donc on peut expliquer cette mésentente germanique, et le fait qu’il souffre un peu ce mariage. Ah non pardon, je suis vraiment désolée.
Mais on peut expliquer par cette mésentente germanique et par cette affinité française, le fait qu’on n’ait pas voulu donner trop de place à Jeanne, et ne pas la faire trop communiquer avec ses parents.
Une autre explication possible, ce serait la crainte des Rois Catholiques, ou une grande impression des Rois Catholiques, parce que quand on regarde les joyeuses entrées dans les villes des Pays-Bas… Donc c’est une façon d’entrer, d’accueillir la princesse, de dire « bah écoutez, on vous reconnaît comme princesse mais vous devez reconnaître les privilèges des villes », et bien dans ces joyeuses entrées, où il y a des tableaux de théâtre etc., on va représenter Isabelle la Catholique conquérant Grenade, ce genre de choses !
Donc on a vraiment une… beaucoup d’admiration des Rois Catholiques, mais peut-être aussi un peu de crainte, c’est assez ambiguë et paradoxal de… de considérer que Jeanne est un peu un trophée pour ces territoires, mais en même temps, on n’a pas envie de l’exhiber, on n’a pas envie de lui donner un rôle.
[Fanny Cohen Moreau]
On ne va pas trop la valoriser, de peur peut-être qu’elle prenne trop d’importance et que du coup l’influence de ses parents… peut-être ça. C’est dur quand même pour elle, qui se retrouve au milieu de tout ça, elle n’a rien demandé ! [rires]
[Clara Kalogérakis]
C’est vrai, c’est un véritable paradoxe politique puisque, trophée, mais aussi trophée encombrant. Elle n’est pas du tout la seule princesse à souffrir ça au Moyen Âge, il y a plein d’autres exemples. Moi il se trouve que je travaille sur Jeanne de Castille parce qu’elle a une postérité particulière et j’aimerais, j’aimerais revenir dessus.
Et en plus, c’est une période très importante pour la Castille, pour l’Aragon, pour Grenade, enfin le royaume de Grenade, pour les Pays-Bas bourguignons, pour la France, et pourtant on ne considère pas assez ce personnage de par le fait qu’elle, qu’elle ait été exclue mais en même temps effacée de l’histoire, ou une histoire remodelée. C’est assez étrange.
[Fanny Cohen Moreau]
On va y revenir effectivement.
Alors, il y a quand même une chose qu’une princesse doit faire, c’est faire des enfants, bien sûr, on est encore là-dessus c’est qu’elle doit donner des héritiers.
Donc elle commence à en avoir, et en avoir pas mal. Combien est-ce qu’elle aura d’enfants en tout ?
[Clara Kalogérakis]
Bien qu’on pense que Philippe n’était pas très content de ce mariage etc., il y a eu beaucoup d’enfants, ce mariage a été très très fertile, elle en a eu six.
[Fanny Cohen Moreau]
Han ! Ah oui.
[Clara Kalogérakis]
Oui, et en plus en très peu de temps puisque Philippe le Beau meurt en 1506, donc le mariage dure de 1496 à 1506. Donc c’est un mariage amplement consommé, et sans arrêt.
[Fanny Cohen Moreau]
Et justement, lors de sa cinquième grossesse, en 1505, sa mère, donc Isabelle la Catholique, meurt, et, Jeanne de Castille devient alors héritière de la Castille.
Mais alors, pourquoi elle ? On a vu qu’elle avait une grande sœur et un grand frère, pourquoi c’est elle qui devient héritière ?
[Clara Kalogérakis]
Il y a eu une hécatombe dans la dynastie Trastamare. Donc, sa grande sœur Isabelle se marie au Portugal, et son frère se marie avec Marguerite d’Autriche. Il y a beaucoup de légendes autour de la mort de Jean d’Aragon-Castille, donc l’héritier, puisque Pedro Martir de Angleria, ou d’autres chroniqueurs vont écrire qu’il serait mort d’avoir trop copulé avec sa bien-aimée.
[Fanny Cohen Moreau]
Mais non ! [rires]
[Clara Kalogérakis]
Si !
Aujourd’hui il a été prouvé qu’il est mort de tuberculose. [rires]
[Fanny Cohen Moreau]
Ah oui ce n’est pas la même chose ! [rires]
[Clara Kalogérakis]
Ce n’est pas la même chose. Et Charles Quint va jusqu’à dire à son fils « fais attention, souviens-toi de Jean d’Aragon-Castille ! Ne copule pas trop ! ». Il y a des traités de médecine arabe, grecque, traduits en castillans, qui disent justement « attention à la copulation », il y avait beaucoup de croyances autour de ça.
Digression mise à part, il décède, c’est un drame pour l’Aragon et la Castille, parce que l’Aragon par exemple n’a pas de reine, les femmes n’héritent pas, ne sont pas régnantes sur le royaume. Bon.
[Fanny Cohen Moreau]
Vu qu’il n’y a plus que des filles là.
[Clara Kalogérakis]
Il n’y a plus que des filles, Isabelle doit revenir du Portugal pour être jurée princesse héritière. Elle est enceinte d’un fils, elle meurt en couches.
[Fanny Cohen Moreau]
Han ! Olala.
[Clara Kalogérakis]
C’est vraiment le drame pour les Rois Catholiques. Ils ont eu un règle flamboyant mais la fin, les dernières années étaient dramatiques, et il faut imaginer que ce sont des personnages qui certes ont une image publique, mais ont aussi des sentiments.
[Fanny Cohen Moreau]
Parce que là du coup, le roi d’Aragon va perdre ses deux premiers enfants, puis va perdre sa femme ?
[Clara Kalogérakis]
Et également son petit-fils. Donc juste avant sa femme, son petit-fils Michel de la Paix qui ne vit qu’un an. Et donc oui, vraiment plus d’espoir pour l’héritage. Qui plus est, Philippe le Beau comme j’ai dit, avait vraiment des affinités françaises. A ce moment-là il négociait peut-être un mariage… Ce n’est pas peut-être, il négocie un mariage avec l’héritière de France, Claude de France…
[Fanny Cohen Moreau]
Mais, un mariage…
[Clara Kalogérakis]
Et son fils.
[Fanny Cohen Moreau]
Ah oui d’accord !
[Clara Kalogérakis]
Et les Aragonais comme on a déjà dit, n’étaient pas forcément friands des alliances françaises, il ne s’entendait vraiment pas, Ferdinand d’Aragon, avec Philippe le Beau, de par ses affinités.
[Fanny Cohen Moreau]
Et du coup là, notre Jeanne de Castille, qui, enceinte, après donc le décès de ses deux frère et sœur aînés, et donc de sa mère, là se retrouve héritière de Castille ! Mais ça a dû être assez dur pour elle !
[Clara Kalogérakis]
Surtout que les Castillans et les Aragonais, bon les Aragonais c’est encore à part mais ils se disent « bon, Jeanne de Castille va être héritière, on a déjà eu une reine, pourquoi pas, en plus c’est la fille d’Isabelle la Catholique ». Isabelle était vraiment, vraiment appréciée à la fin de son règne.
Mais Philippe il a envie d’être juré à côté de la princesse héritière ! aLes Français, comme on a dit, ne sont pas du tout habitués à laisser le pouvoir à une femme.
[Fanny Cohen Moreau]
Mais aussi… alors je n’ai pas compris. Pourquoi là quand donc, Isabelle la Catholique, donc reine de Castille, meurt, pourquoi ce n’est pas son mari, Ferdinand d’Aragon, qui juste, récupère le territoire aussi ?
Pourquoi il n’y a pas juste simplement ça ?
[Clara Kalogérakis]
Alors il y a deux points sur ce… sur ce sujet.
Déjà il faut imaginer qu’Isabelle la Catholique avait spolié beaucoup de nobles, donc elle avait récupéré des châteaux, des propriétés etc., pour imposer son autorité, et Ferdinand est associé à cette spoliation, donc il y avait encore des nobles qui étaient nostalgiques du temps un peu médiéval où le noble, le grand d’Espagne, pouvait avoir son mot à dire, voire même au-dessus du roi.
Ça c’est la première chose, donc comme Ferdinand il est associé à ça, certains nobles se disent « ouf ! L’arrivée de Philippe… quelques troubles etc. Je peux faire un peu de clientélisme et sortir mon épingle du jeu ».
[Fanny Cohen Moreau]
Et récupérer plus de pouvoir.
[Clara Kalogérakis]
Plus de oui, de privilèges, etc. Puisque c’est le début de l’absolutisme en fait que fait Isabelle la Catholique.
La deuxième raison est que les Castillans n’apprécient pas être gouvernés par un étranger !
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Un Aragonais est un étranger !
[Fanny Cohen Moreau]
Ah oui alors…
[Clara Kalogérakis]
Comme le Français d’ailleurs.
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
Oui bon ne parlons même pas de l’Anglais quoi !
[Clara Kalogérakis]
Ah oui d’ailleurs tu disais, Jeanne de Castille était le meilleur parti d’Europe. A ce moment-là Jeanne de Castille est le meilleur parti d’Europe ! Donc pour avancer un petit peu dans l’histoire, finalement ils vont se faire jurer roi et reine d’Espagne, mais Philippe meurt quelques mois plus tard, c’est le règne le plus court en Espagne ! Il meurt en septembre 1506 alors qu’il arrive en mai 1506. Donc Henry VII Tudor, qui ose tout, et qui avait déjà vu que la Castille était un royaume émergent, a demandé en mariage Jeanne de Castille.
[Fanny Cohen Moreau]
Mais non !
[Clara Kalogérakis]
Bien sûr ! Ça lui a été refusé, et ça ce n’est pas du tout connu dans l’histoire alors que pourtant, symboliquement, je trouve que…
[Fanny Cohen Moreau]
Il avait raison ! Hé opportuniste en mode « hey si vous voulez je suis dispo ! » [rires]
Donc là, notre Jeanne de Castille se retrouve veuve, mère de plein d’enfants, reine de Castille… elle est reine d’Aragon aussi ou pas ?
[Clara Kalogérakis]
Pas pour le moment mais en 1516 elle le devient.
[Fanny Cohen Moreau]
Donc là, elle récupère l’héritage de son père et de sa mère ?
[Clara Kalogérakis]
De son père et de sa mère, exactement.
Et de son mari un petit peu, puisqu’elle aurait pu être régente, en tout cas elle ne récupère pas l’héritage mais elle allie ses territoires puisque la régence dans le nord de l’Europe, donc dans ces Pays-Bas bourguignons, ça va être Maximilien qui va l’exercer, et Marguerite d’Autriche ensuite, donc cette fameuse Marguerite d’Autriche, veuve très jeune, la belle-soeur, la sœur de Philippe le Beau.
[Fanny Cohen Moreau]
Et est-ce qu’elle arrive à tenir un petit peu cet équilibre une fois qu’elle a tous ces territoires sous son pouvoir en fait, en tant que reine ?
[Clara Kalogérakis]
Justement, c’est le problème. Elle ne va pas réussir à tirer son épingle du jeu.
Donc, est-ce que c’est de sa faute, est-ce que c’est son caractère qui aurait été faible ? Ou est-ce que c’est vraiment la contingence des événements ? On ne le saura jamais vraiment, ce qu’on peut juste faire, c’est prendre les faits, et se rendre compte que Jeanne avait des fidélités successives.
En tant qu’épouse à cette époque-là, épouse chrétienne, elle doit allégeance à son mari, à son époux, mais en même temps à ce moment-là, Ferdinand d’Aragon son père, va essayer de lui dire « fournis-moi l’allégeance, signe un papier qui est le mien ! ». Et donc on a une anecdote assez… assez tragique et à la fois drôle, je ne sais pas trop comment la qualifier. [rires] Où des nobles aragonais vont tenter de faire signer à Jeanne un papier, qu’elle va signer, donc on ne sait pas exactement si c’est une fausse signature ou non mais dans tous les cas ces nobles vont être torturés par les Bourguignons etc. On cherchait à faire en sorte que Jeanne confie la régence de la Castille à son père, et elle va constamment se dire « bon, est-ce que je donne le pouvoir à mon mari, ou est-ce que j’attends de voir mon père ? »
Quand elle arrive de ce second voyage, en 1506, donc elle débarque à la Corogne dans le nord de l’Espagne…
[Fanny Cohen Moreau]
Elle avait accouché entre temps ou pas ?
[Clara Kalogérakis]
Oui justement, ses accouchements sont tout un débat. Est-ce que Philippe ne faisait pas exprès d’utiliser l’excuse du fait que sa femme était enceinte pour retarder, retarder, retarder son arrivée en Castille, et vraiment tout mettre en place pour être sûr d’arriver en Castille et de se faire proclamer roi ? Ou alors, est-ce que vraiment c’est un goujat qui n’en a rien à faire ?
[Fanny Cohen Moreau]
Mais de toutes façons cette situation ne dure pas trop longtemps non plus, parce que, au bout de quelques temps, un de ses enfants va prendre du pouvoir, parce que, effectivement, un des enfants de Jeanne de Castille c’est le futur Charles Quint, qui va régner sur une grande partie de l’Europe, et du monde ! Parce qu’il y a le nouveau monde.
Et est-ce qu’on sait des choses sur la relation entre Jeanne de Castille et Charles Quint ? Est-ce que, en tant que mère, est-ce qu’il y a une influence ? On a parlé toute à l’heure de l’influence de la grand-mère, Isabelle la Catholique, sur Charles Quint, mais est-ce que sa mère, Jeanne de Castille, a eu une influence ?
[Clara Kalogérakis]
Non, parce que, pour se faire proclamer princesse héritière, puis se faire proclamer reine de Castille, elle a dû accomplir deux voyages. Donc finalement, elle accouche de Charles Quint, et elle est très peu présente ! Une grande partie de son mariage, elle le passe à voyager pour descendre en Castille. Donc elle n’a pas forcément de lien personnel avec son enfant.
En plus on peut remarquer que lors de ses séjours en Castille, Charles Quint, bien sûr passe les fêtes de la Nativité, donc Noël, avec sa mère etc. Il lui rend visite, mais pas tant que ça non plus, et il va toujours s’arranger pour ne pas trop la déplacer sa mère. Parce que s’il la déplace, ça veut dire « attention, il y a peut-être deux roi et reine régnant possiblement en Castille », et donc ça peut faire des soucis de protocole, ce genre de choses.
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Une anecdote sur ça, assez tragique encore une fois. Il y a la peste à Valladolid.
[Fanny Cohen Moreau]
C’est où Valladolid ?
[Clara Kalogérakis]
C’est à côté de Tordesillas, là où elle va finir ses jours, là où elle va pleurer pendant très longtemps son époux, on y reviendra de pourquoi Tordesillas c’est là où elle termine le reste de sa vie. Et donc il y a la peste dans cette région-là, Tordesillas, Valladolid, et on va refuser de la déplacer, on va préférer l’enfermer dans le château, au risque que la reine meurt de la peste !
[Fanny Cohen Moreau]
Mais non ! Olala ! Oh la pauvre !
[Clara Kalogérakis]
A cette époque-là ce qu’il était courant de faire, c’était les nobles quittent la ville, et on laisse les bourgeois et le tiers état s’en sortir.
[Fanny Cohen Moreau]
Et à quel moment Charles Quint monte sur le trône et prend un petit peu les rênes ?
[Clara Kalogérakis]
Sa majorité est précipitée de par le fait que son grand-père, Ferdinand d’Aragon, meurt en 1516, et en plus il y a des conflits entre les Bourguignons et Maximilien, comme toujours.
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Donc, en 1516, Charles Quint prend sa majorité et règne sur ses territoires de sa propre main.
[Fanny Cohen Moreau]
Et qu’est-ce qu’il advient alors de Jeanne de Castille ?
[Clara Kalogérakis]
Elle est reine propriétaire. Donc c’est un statut…
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
Pardon j’imagine « ouais c’est moi la proprio, désolée ! » [rires]
[Clara Kalogérakis]
Au début elle signe encore, Juana de Castilla, Reina propretaria, une signature. Et Charles Quint, enfin Charles Premier d’Espagne, pour les Espagnols.
Au début elle signe encore, puis elle disparaît totalement des documents et des traités.
[Fanny Cohen Moreau]
Donc là elle devient juste une sorte de reine mère quoi ?
[Clara Kalogérakis]
Moins que ça, moins que ça ! C’est grâce à sa mère que Charles Quint peut gouverner, si elle meurt ça peut poser quelques troubles dynastiques d’héritage etc. C’est pour ça que l’étranger Charles Quint, celui qui a été élevé dans les Pays-Bas, peut se permettre de gouverner, c’est parce que sa mère est là, notamment elle lui donne, il y a un papier où elle lui fournit les pouvoirs ! Mais il y aura des rebellions.
En 1521, il y a une rébellion très importante, celle des Comuneros, où ce sont des grands d’Espagne qui vont chercher à replacer Jeanne sur le trône, contre Charles Quint, qui est aussi absolutiste etc. ils ne sont pas contents. Et à ce moment-là, Jeanne refuse de signer quelconque papier comme quoi elle serait reine d’Espagne, elle veut vraiment laisser le pouvoir à son fils. C’est assez étrange ce rapport-là, parce que son fils va toujours l’enfermer, va la cacher, mais en même temps elle ne le prend pas le pouvoir.
[extrait musical]
[Fanny Cohen Moreau]
Et elle finit par mourir, à 76 ans, ce qui est quand même plutôt vieux ! Dans quelles conditions est-ce qu’elle meurt ?
[Clara Kalogérakis]
Donc c’est très très âgé pour l’époque, et pourtant elle meurt malade. Donc suite à la mort de son époux en 1506, la vie de Jeanne de Castille se résume à Tordesillas. Donc c’est une ville dans la Castille-et-Leon actuelle, et elle vit à côté d’un couvent, le couvent des Clarisses, dans une vie très religieuse, où elle paie énormément pour qu’on fasse des prières à son époux… C’est un amour un peu conflictuel, c’est pour ça que c’est compliqué de comprendre exactement ce qu’il s’est passé, puisqu’on a des faits assez… assez contradictoires. Mais en même temps, comme on le sait, un personnage, une personne, est toujours plein de multiplicités, plein de contradictions, c’est normal, c’est humain.
Et donc elle vit avec une de ses filles, Catherine, qui est donc une fille posthume à Philippe le Beau, c’est à dire qu’elle est née juste après que soit décédé son père. Donc son père ne l’a pas connue, il était décédé au moment de sa naissance.
Donc elle a une vie assez austère, et dès que sa fille part en 1525 pour se marier au roi du Portugal, elle est successivement malade, on écrit souvent au roi en disant « votre mère va mourir » mais finalement elle ne meurt jamais. [rires] Et elle est séquestrée entre guillemets par le Marques de Denia, qui est un homme payé par son fils, pour conserver toutes ses richesses, et en même temps, le Marques de Denia, pour bien se faire voir par Charles Quint, qui, Charles Quint, toute sa vie va courir après l’argent, il fournit des richesses de Jeanne de Castille, à Charles Quint. Donc elle vit dans une pauvreté, malade, et pourtant elle meurt en 1555, trois ans avant la mort de son propre fils.
[Fanny Cohen Moreau]
Han, ah ouais, donc c’est… c’est quand même une vie assez incroyable, mais pourtant très triste. Il y a quelque chose que l’on n’a pas évoqué, jusqu’à présent, mais j’ai fait exprès de le garder pour la fin pour ne pas que ça influence les auditeurs et les auditrices. Mais parce que, dans l’historiographie, donc dans la façon dont on a fait des recherches historiques sur Jeanne de Castille, elle a été parfois qualifiée de folle. Elle est même, et ça m’a un peu choquée, nommée directement comme ça sur sa page Wikipedia ! Je suis allée vérifier, il n’y a pas Jeanne de Castille, c’est renommé en Jeanne la folle, ok.
Mais on connaît les historiens, qui sont souvent des hommes, ils aiment bien qualifier certaines femmes qui ont du pouvoir, de folles, alors, raconte-nous Clara, pourquoi a-t-on collé cette image à Jeanne de Castille ?
[Clara Kalogérakis]
Donc c’est une image qui lui est accolée à posteriori. Au départ oui, on la considère comme incapable de gouverner, donc ça c’est au moment des faits, des problèmes de succession, c’est vraiment une image qui va nous arriver grâce aux romantiques, au 19ème siècle.
[Fanny Cohen Moreau]
Ah oui c’est très tardif !
[Clara Kalogérakis]
Oui ce sont vraiment eux qui vont accoler cette image, parce qu’au 19ème siècle on va recommencer à ouvrir les archives, et les historiens vont retourner en archives, notamment en Espagne, parce qu’avant ce n’était pas possible de les ouvrir, puisqu’en Espagne c’est encore une royauté, enfin c’est un peu compliqué.
Donc on réouvre les archives, et là on va avoir plusieurs discours autour de Jeanne, et autour de cette période où les Français, enfin les Français Bourguignons ont failli prendre en main la Castille et l’Aragon. Et donc on va dire « oui c’était une traîtresse ! ».
En 1900 il y a l’essor de la psychologie etc., et donc il y a un auteur Ludwig Pfandl, qui va écrire sur Jeanne de Castille, et va dire « oui non non, ce n’était pas une traîtresse folle d’amour qui a vendu le pays à son mari », discours nationalisme du 19ème siècle, il va dire « non non non cette dame était schizophrène ! », puisque c’était…
[Fanny Cohen Moreau]
Mais non !
[Clara Kalogérakis]
Puisque c’était la mode de Freud, etc. Il faut toujours imaginer que la vision qu’on a de l’histoire c’est aussi une vision de notre époque. Ça nous permet d’analyser comment on catégorise nous-mêmes, dans ces cas-là, les femmes.
Et ensuite, à la fin du 20ème siècle, on va avoir un discours plus victimisant, sentimental autour d’elle, disant « oui la pauvre, ça a dû être difficile ». Et aussi, au début du 21ème siècle, avec l’essor du féminisme etc., il y a des autrices qui vont écrire en disant « non ! Elle est victime du complot des mâles ! » etc., donc, toujours les discours autour de Jeanne de Castille sont liés à des idéologies.
[Fanny Cohen Moreau]
Et dans ton mémoire, est-ce que tu as essayé de lutter contre cette image, et peut-être de reconsidérer certains faits, qui avaient fait qu’elle était qualifiée de folle ?
[Clara Kalogérakis]
Alors oui, et non.
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Parce que je fais de l’histoire, donc je ne vais pas chercher à poser un diagnostic sur une femme, il y a des siècles auparavant. Oui, je reviens sur cette image, parce qu’il y en a vraiment besoin, on considère tous les actes qu’elle a fait sous le prisme de la folie ! Notamment il y a un acte qu’on a tout de suite accolé à un acte de folie, c’est… elle était enfermée, oui, je replace tout le contexte pour vous expliquer pourquoi on peut relire l’histoire et la vie de Jeanne.
Elle était enfermée, elle était enceinte, son mari faisait des tournois, accueillait des diplomates, un diplomate vénitien voulait aller la voir pour lui porter les condoléances, puisque sa mère venait de mourir, non, interdit de visites, etc. Finalement, elle appelle son chambellan, donc le maître de sa maison, et au moment où ce chambellan, le prince de Chimay, entre dans sa chambre, elle se saisit d’une barre de fer, donc c’était une barre de fer qui était collée à son lit, et elle le menace avec cette barre, elle l’insulte de traître, etc. Et moi j’aime bien, dans mon mémoire, remettre en perspective ces actes.
J’ai regardé un sceau d’Isabelle la Catholique. Isabelle la Catholique, qui est le modèle de Jeanne de Castille, elle a grandi avec sa mère, elle a ces images-là d’accomplissement de l’autorité féminine. Sur ce sceau, Isabelle est représentée avec une épée.
[Fanny Cohen Moreau]
Ce qui est plutôt rare quand même pour les femmes.
[Clara Kalogérakis]
Ce qui est plutôt rare. Les femmes ne portent pas l’épée, exceptée Isabelle la Catholique qui est l’unique femme qui a pu porter l’épée de justice, normalement la justice seigneuriale, ce sont les hommes qui la pratiquent, et non, elle, elle la pratiquait ! Elle ne la portait pas vraiment, mais dans l’iconographie, dans les symboles, on la représente ainsi.
Et on peut imaginer, peut-être dans un acte de désespoir, Jeanne aurait voulu accomplir un acte d’autorité pour se libérer du joug de son mari, parce que c’était un moment politique très anxiogène, on allait savoir qui allait hériter de la Castille !
Peut-être que c’était un acte d’autorité manqué, parce que dans le contexte bourguignon, ça ne fonctionnait pas, ils n’avaient pas les mêmes références, pas les mêmes modèles, et finalement elle a été simplement ridicule, et on l’aurait traitée de folle.
[Fanny Cohen Moreau]
En fait elle était peut-être juste maladroite ?
[Clara Kalogérakis]
Ou elle avait d’autres modèles, et tout le travail que je fais dans mon mémoire, et que je continue en thèse, c’est de mettre en comparaison les territoires du sud de l’Europe avec les territoires du nord, pour essayer d’expliquer que toutes ces histoires de femmes dépressives, folles, au destin tragique, peuvent être mis en perspective puisque ce sont peut-être juste des incompréhensions qu’ont les territoires les uns avec les autres. Pourtant les cours princières étaient connectées ! Ils avaient les mêmes imaginaires, ils faisaient tous des tournois, ils avaient l’imaginaire arthurien, etc. Mais il y avait encore des différences, il y avait encore des particularismes.
Et c’est important de revenir sur ça pour avoir un discours de la mondialisation peut-être moins progressiste, la mondialisation s’est faite de manière linéaire, a grandi, etc. Peut-être que ces femmes qui ont été envoyées pour se marier à l’autre bout de l’Europe, et sont victimes de cette mondialisation qui ne se faisait pas, et dans un monde qui était changeant, puisqu’on passe de l’époque médiévale à l’époque Renaissance.
[Fanny Cohen Moreau]
Oui c’est vraiment intéressant d’avoir ça en tête effectivement, pour un peu mieux les comprendre. Et d’ailleurs, dans ton mémoire, comme on l’a raconté, tu t’es surtout intéressée à Jeanne de Castille, mais maintenant tu es en thèse, Clara, et tu travailles sur plusieurs infantes d’Espagne, donc plusieurs princesses d’Espagne, à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque Moderne.
Pourquoi est-ce que tu as voulu faire cet élargissement ?
[Clara Kalogérakis]
Je me suis rendue compte que cette méthode comparative fonctionnait très bien avec Jeanne de Castille, mais qu’il y avait d’autres princesses, notamment proches d’elle, donc comme ses sœurs, qui sont victimes de légendes noires, de romantisation de leur vie, notamment la fameuse Catherine d’Aragon, donc qui se marie au roi Henry VIII et son mariage se termine tragiquement, par un divorce…
[Fanny Cohen Moreau]
Oui, Henry VIII d’Angleterre qui a été… qui est connu pour avoir un peu fait n’importe quoi avec ses femmes, les pauvres ! Donc voilà, déjà… Elle est morte Catherine d’Aragon, de ce mariage, ou pas ?
[Clara Kalogérakis]
Elle est morte quelques années plus tard !
[Fanny Cohen Moreau]
Oui il ne l’a pas assassinée déjà celle-là !
[rires]
[Clara Kalogérakis]
Non, il ne l’a pas assassinée celle-là. [rires]
[Fanny Cohen Moreau]
D’accord, oui donc là tu as étudié effectivement cette princesse aussi ?
[Clara Kalogérakis]
J’ai envie de revenir en fait sur le discours qu’on a de dire « oui la princesse triste, la princesse folle » pour reprendre en contexte quel pouvoir elles avaient, quel pouvoir il était possible de saisir, quel pouvoir il n’est pas possible de saisir, pour donner une voix plus juste à ces destins.
[Fanny Cohen Moreau]
Je pense que tu ne l’as pas mal fait dans l’épisode.
Bon, aujourd’hui effectivement on n’a pas beaucoup parlé de la méthode que tu as utilisé pour tes recherches parce que je voulais qu’on raconte toute cette vie de Jeanne de Castille, mais déjà Clara est-ce que tu peux nous raconter quand même, quelles sont les difficultés que tu as rencontrées au cours de tes recherches sur Jeanne de Castille ?
[Clara Kalogérakis]
Donc j’ai eu plusieurs difficultés, déjà parce qu’il n’y a que des sources partiales sur Jeanne de Castille, certaines qui prennent son parti, d’autres non. Ensuite je n’ai pas sa voix, je ne saurais jamais réellement ce qu’il s’est passé, et le… ce qui a été difficile aussi c’est la critique de mes pairs historiens.
[Fanny Cohen Moreau]
Han !
[Clara Kalogérakis]
Parce que, encore aujourd’hui, Jeanne de Castille fait débat, même en Espagne où pourtant il y a vraiment une mode en Espagne d’une historiographie des femmes, sur les reines, sur les infantes, etc. Et j’ai rencontré un historien qui travaillait aussi sur une reine, et j’étais assez surprise que, pour lui, on ne devait pas revenir sur le fait que Jeanne était folle ou non.
Alors, je lui ai expliqué, moi je n’ai pas envie de faire de la psychologie de comptoir, mais je pense que c’est intéressant de modaliser son discours, de le nuancer, et c’est un peu compliqué parce que travailler sur une reine où on se dit « oui, elle a fait n’importe quoi, elle a fini enfermée, elle aurait pu se saisir du pouvoir, elle était héritière ! ». Moi j’ai envie de me… de modaliser, de nuancer tout ça.
[Fanny Cohen Moreau]
Et aussi, est-ce que tu peux nous dire en quelques mots, sur quelles sources est-ce que tu as travaillé ? Parce que là, pour travailler sur Jeanne de Castille, tu as dû être donc, sur des sources en Espagne, à Lille, tu as dû beaucoup voyager ! [rires]
[Clara Kalogérakis]
Oui je voyage beaucoup ! Comme j’ai parlé de mon parcours, ça m’a permis… ce qui m’a permis de faire une thèse alors que je n’étais pas du tout destinée à faire ça, c’est vraiment ce côté histoire connectée, histoire du genre, ce côté international que je conseille à tout le monde. [rires]
Et donc oui, en Belgique, j’utilise des sources aussi de Londres, mais ce qui est bien avec les archives de Londres, pour les futurs historiens, sachez qu’ils numérisent tout !
[Fanny Cohen Moreau]
Ah !
[Clara Kalogérakis]
C’est bien, on n’est pas obligés de se déplacer à Londres !
Mais je vis entre l’Espagne, actuellement je vis entre l’Espagne et la France, et j’utilise des sources d’archives, mais aussi des manuscrits, des livres d’art, des iconographies, enfin, voilà.
[Fanny Cohen Moreau]
Et du coup dans ta thèse-là, ça prend une dimension énorme ! En travaillant sur toutes ces femmes !
[Clara Kalogérakis]
C’est énorme et on me met beaucoup en garde, surtout que ma méthode est interdisciplinaire, histoire connectée, sur plusieurs territoires. Donc moi j’essaie vraiment de… de, de partir du principe que je ne pourrais pas tout faire, mais j’aimerais juste montrer sur certains faits importants, comment ma méthode comparative, et ma méthode avec des nouveaux outils, donc comme par exemple le genre, peuvent permettre de donner des résultats différents, et de nuancer la vie de ces princesses qui n’ont pas juste été dépressives ou folles ou tristes ou isolées.
[musique]
[Fanny Cohen Moreau]
Maintenant, chers auditeurs et auditrices, et bien dans cet épisode nous avons réhabilité je pense, en tout cas en partie je l’espère Jeanne de Castille, grâce à ton travail Clara, donc vraiment merci beaucoup ! C’était passionnant tout ce que tu nous as racontés, vraiment merci à toi.
[Clara Kalogérakis]
Et bien merci à toi, ça me fait toujours plaisir de parler de Jeanne de Castille.
[Fanny Cohen Moreau]
Et je le redis, je mettrais sur le site Passion Médiévistes point fr, plein d’outils pour aller plus loin par rapport à ce qu’on a dit, donc des cartes, des arbres généalogiques, je pense qu’on va en avoir besoin !
[Clara Kalogérakis]
[rires]
C’est très important !
[Fanny Cohen Moreau]
[rires]
C’est très important voilà, parce qu’on a parlé de pleins de familles effectivement ! Mais on mettra aussi des conseils de lecture si les gens veulent aller encore plus loin. Et si l’Espagne vous intéresse, et bien j’ai consacré l’épisode 60 sur l’Espagne, alors sous un biais totalement différent parce qu’on a parlé des chiens de chasse en Espagne au Moyen Âge, donc là rien à voir avec le côté politique, quoique !
Mais sinon aussi j’avais consacré un des premiers épisodes du podcast sur les peintres dans la couronne d’Aragon, avec Elsa Espin, donc n’hésitez pas à aller voir cet épisode s’il vous intéresse.
Et si l’histoire médiévale en général vous intéresse, et bien n’hésitez pas à écouter tous les autres épisodes de Passion Médiévistes, c’est vrai voilà vous venez d’écouter l’épisode 62 ! Et bien allez écouter tous les autres ! Il y en a plein ! Plein de formats différents, à chaque fois l’objectif c’est de vous faire découvrir le Moyen Âge plus amplement, sans vous prendre de haut, avec vraiment l’objectif de parler à tout le monde !
Et si vous voulez m’aider à développer ce podcast, alors déjà tout simplement vous pouvez parler de ce podcast autour de vous, voilà, le bouche à oreilles c’est vraiment ce qui marche le mieux pour le podcast, donc parlez-en, voilà je ne sais pas, à votre meilleur ami, à votre cousine, à votre collègue de travail.
Et si mon travail vous plaît, et que vous voulez me soutenir financièrement avec quelques euros par mois, vous pouvez le faire, alors, allez sur la page Passion Médiévistes point fr slash soutenir, où là je vous explique tout ! Donc c’est notamment par Paypal et par Patreon actuellement, et d’ailleurs je tiens à remercier les personnes qui ont soutenu le mois dernier, alors à partir du niveau Gerberge, oui, parce qu’il y a un niveau Gerberge, je cite le nom des personnes qui ont soutenu.
Donc je tiens à remercier Antoine, Julien, Joey, Alexis, Claire-Marie et Régis ! Et ainsi que Jean-Mathurin que j’ai déjà remercié au début.
Voilà vraiment, maintenant j’arrive à vivre à mi-temps du podcast, et j’en suis très contente, surtout qu’à l’heure où sort cet épisode, et bien ça fait cinq ans que Passion Médiévistes a été créé. Sachant que dans quelques semaines va sortir un épisode un peu spécial avec une invitée que j’ai eu au tout début de ce podcast justement, pour faire un peu le bilan de ces cinq ans, mais je tiens vraiment à vous remercier toutes et tous, que ce soit le premier épisode que vous écoutiez ou alors que vous écoutiez depuis le début !
Ça me fait vraiment énormément plaisir de recevoir vos messages, d’avoir autant de soutien, que ce qui n’était qu’au début qu’un petit projet un peu flou en fait, soit devenu une vraie aventure, humaine et avec énormément de choses ! Je vous prépare encore beaucoup de choses pour les prochains mois vraiment là j’ai eu plein plein plein de propositions, je suis très contente, et j’ai hâte que vous écoutiez tout ça !
Et donc le prochain épisode sera l’épisode spécial, mais début mai sortira un épisode où on parlera d’amour, au Moyen Âge. Bon ce sera un peu spécial mais vous verrez !
Salut !
Merci à Nine Sevenson pour la transcription !