Super Joute Royale #7 – Les rois du XIIème siècle
Trois, quasiment quatre rois, beaucoup d’ennuis avec les Anglais, le « bad move du siècle », voici le programme de cet épisode de Super Joute Royale !
Classer les rois de France siècle par siècle, personne n’y avait pensé, et nous le faisons dans Super Joute Royale, le nouveau format de Passion Médiévistes. Dans l’épisode d’introduction, nous avons présenté le concept et discuté autour du concept de roi au Moyen Âge, et dans les précédents épisodes nous avons parlé des rois du VIème siècle au XIème siècle. Vous pouvez retrouver le classement total des rois sur notre site, et voici ci-dessous le XIIème siècle !
Le contexte historique du XIIème siècle
Le XIIème siècle est une période de bascule pour la monarchie capétienne, avec un renforcement du pouvoir royal qui profite de la structuration progressive de la noblesse. Néanmoins cela reste un siècle de difficultés pour les rois de France, avec le début de la lutte avec l’Angleterre sur la Bretagne et la Normandie d’abord, puis sur l’Aquitaine. Deux croisades ont lieu au cours de ce siècle, la deuxième en 1146 et la troisième en 1189.
Au niveau social, c’est la période de l’extension des droits des communautés locales, notamment les monastères, les évêchés, et les communes, des villes plus ou moins autonomes. Ce siècle voit aussi le développement de l’abbaye de Saint Denis notamment sous les conseils de Suger (1080-1151), et du gothique.
Les rois du XIIème siècle
- Louis VI le Gros, le roi-chevalier
Associé à son père Philippe Ier au pouvoir dès 1081, Louis VI va rapidement prendre les rênes du pouvoir effectif, jusqu’à son couronnement en 1108. C’est un roi plutôt bien apprécié du peuple et des chroniqueurs, d’après les sources dont nous disposons. Il récupère le bénéfice du règne de son père, notamment le symbole de la guérison des écrouelles.
Louis VI est un roi-chevalier, respectueux des lois de la féodalité et défenseur d’un certain code d’honneur. Il aurait proposé au roi d’Angleterre et duc de Normandie Henri Ier Beauclerc un duel afin de régler leurs différends, selon une chronique. Ce roi mène lui même ses troupes au combat dans de nombreux conflits. Il lève l’ost, mène ses troupes derrière l’oriflamme de St Denis, contre l’empereur Henri V en 1124, qui bat en retraite. Ainsi Louis VI montre qu’il a réussi à unifier ses vassaux pour aller en guerre contre l’ennemi, et démontre ses pouvoirs régaliens de roi guerrier.
En plus d’être un bon militaire, Louis est un fin politique, et choisit de s’entourer de personnes compétentes, issues du clergé, comme Suger, et d’un vivier de fidèles locaux qui constituent une aristocratie puissante et influente. Certains de ces seigneurs locaux obtiennent le titre de comtes et se marient avec des femmes de l’entourage royal.
Des seigneurs du royaume constituent de nombreuses coalitions contre le roi en prenant appui dans les principautés voisines. Louis VI soumet assez facilement les sires de Montmorency et de Montlhéry, mais plusieurs expéditions sont nécessaires contre Hugues du Puiset, et il rencontre aussi des difficultés contre Thomas de Marle en 1130.
Hugo nous rappelle que Louis VI a apporté son soutien aux mouvements communaux en donnant des franchises dès 1110, notamment contre les seigneurs locaux et au côté de l’évêché (1115 à côté de la population et l’évêque d’Amiens contre le comte de la ville, 1122 à Clermont).
Il meurt en 1137, quelques jours avant le mariage de son second fils…
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Philippe, « celui grâce à qui on a plus de cochon dans Paris »
Roi désigné dès 1125 et couronné en 1129, Philippe meurt le 13 octobre 1131 à 15 ans à cause d’un cochon dans les rues de Paris !
« Entre temps, se produisit un malheur singulier, inouï jusqu’alors dans le royaume de France. En effet, un fils du roi Louis, enfant charmant et agréable, Philippe, espoir des bons et crainte des méchants, alors qu’un jour il chevauchait rapidement à travers un faubourg de la cité de Paris, son cheval, heurté par un porc, diabolique, qui se jeta sur son passage, fit une chute très pesante et projetant le cavalier, le très noble garçon, contre une pierre, l’écrasa dans sa chute du poids de son corps (…) [Philippe] fut porté dans une maison du voisinage où il rendit l’âme à la tombée de la nuit ». (Suger à propos de la mort de Philippe)
Suite à cette mort tragique, son père puis son frère décideront que les cochons n’auront plus le droit de divaguer dans Paris.
- Louis VII le Pieux ou le Jeune, « celui qui voulait être moine »
Louis VII est un roi « malheureux » dans l’historiographie classique, car placé entre 2 rois guerriers prestigieux, Louis VI et Philippe II Auguste. Second fils de Louis VI et d’Adélaïde de Savoie, né en 1120 ou 1121, il est destiné aux ordres jusqu’à la mort de son frère Philippe. Son association au trône est très rapide le 25 octobre 1131, une dizaine de jours après la mort de son frère. Suger explique que la précipitation de l’association s’explique par les craintes du roi Louis VI concernant sa propre santé.
Il épouse Aliénor d’Aquitaine ce qui lui permet de s’allier avec le sud ouest de la France, et le mariage a lieu juste avant la mort de son père. Mais le couple ne s’entend pas du tout : Aliénor vient du sud, avec une culture très tournée vers les troubadours, vers une célébration profane de la vie, alors que Louis VII est réputé austère, très tourné vers la religion, on le compare souvent à un moine (enfin c’est pas un mec rigolo). Ils finissent par divorcer, à cause d’une sombre histoire d’inceste en croisade et parce que la reine n’a eu que deux filles mais pas de fils. Quelques semaines plus tard, Aliénor se marie à Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre, avec qui elle aura par la suite plein de fils…
Lors de son règne, les hostilités entre le roi de France et le comte de Champagne sont telles qu’un terrible incendie est provoqué indirectement en 1143 par Louis VII à Vitry-sur-Seine, provoquant la mort d’un millier de personnes. C’est cet évènement qui le poussera à aller en croisade pour expier ses péchés.
Il part en croisade en 1146 (c’est la seconde croisade), mais c’est un échec, notamment avec Aliénor d’Aquitaine, et en son absence Robert de Dreux, frère de Louis, tente de lui piquer le pouvoir. Malgré son échec, Louis est auréolé de prestige par cette croisade et obtient son surnom de « pieux », car c’est le premier roi à partir en croisade.
Les grandes assemblées, à partir des années 1150, deviennent pour le roi un moyen de se poser en grand justicier, voire en législateur. Car un des rôles du roi est protéger l’Église et les faibles. À partir du règne de Louis VII, c’est une nouveauté, on estime désormais que le roi a le droit de condamner les atteintes à la paix dans son royaume, en particulier si cela menace l’Église. C’est une nouvelle conception de la justice royale qu’on voit dans l’ordonnance de paix générale de 1155.
Niveau matrimonial, Louis VII se marie en 1154 avec Constance de Castille, fille du roi Alphonse VII et traite avec Henri II en 1158 pour unir Marguerite de France qui vient de naître, avec Henri le Jeune, fils ainé d’Henri et Aliénor. Et en 1160, Louis VII se remarie avec Adèle de Champagne suite au décès en couches de Constance de Castille. Et enfin en 1165 naît Philippe, premier fils de Louis VII après 35 ans de règne, surnommé Dieudonné car il était très attendu.
- Philippe II, « celui qui fait un très mauvais début de règne »
Dans cet épisode on traite du roi Philippe II jusqu’en 1200. Dans les vingt premières années de son règne, à partir de 1180, il ne fait rien exceptionnel mais il a le pouvoir d’imposer la royauté à un degré supérieur de ses prédécesseurs. Juste avant de partir en croisade en 1189, il modifie son titre de Rex Francorum en Rex Francia, il n’est plus roi des Francs mais roi de France, et il établit l’idée d’un royaume unifié autour d’un roi qui n’est plus suzerain mais souverain !
Après la mort de sa première épouse Isabelle (qu’il a déjà tenté de répudier comme le gros goujat qu’il est), Philippe épouse Ingeborg, soeur du roi de Danemark. Mais il la répudie le lendemain même de son mariage (en 1193), les historiens n’ont jamais compris pourquoi, différentes théories existent. Il se marie avec une autre femme Agnès de Méranie, alors qu’Ingeborg est encore vivante et en résidence surveillée. Tout cela ne plaît pas du tout au pape qui proclame l’excommunication et jette l’interdit sur le royaume. Cette situation dure plus d’une dizaine d’années, Philippe ne veut pas céder, et il ne le fera qu’au décès de sa troisième épouse Agnès. C’est une période de renforcement du pouvoir papal, il peut désormais dicter leur conduite matrimoniale aux rois.
En 1194, alors que la cour est encore itinérante, Philippe Auguste se fait voler ses archives à Fréteval. Cet événement le décide à centraliser toutes ses archives à Paris, où il fait embellir beaucoup de choses, en pavant les rues de Paris, en la fortifiant, et en la développant économiquement. Il reconnaît aussi l’université de Paris (notre chère Sorbonne). Mais pour faire tous ces travaux, il les finance en expulsant les Juifs de 1186 à 1196 pour renflouer les caisses royales.
Dissimulant leur rivalité, le roi d’Angleterre Richard (futur Coeur de Lion) et Philippe Auguste décident de partir ensemble en croisade (la troisième), ce sont les seuls rois de France et d’Angleterre à n’avoir jamais combattu sous la même bannière. Les renforts de troupes qu’ils amènent imposent la capitulation aux défenseurs d’Acre, le 13 juillet 1191. Mais, alors que Richard Ier s’attarde dans des combats indécis contre Saladin, Philippe rentre en France, sous prétexte de maladie, et fomente avec Jean (dit sans Terre, le frère de Richard) la perte de son aîné.
Nous finirons de parler de Philippe II dans le prochain épisode de Super Joute Royale…
Pour aller plus loin voici des ouvrages conseillés par nos invités :
- John Baldwin, Philippe Auguste et son gouvernement, Paris, Fayard, 1991.
- Georges Duby, Les Trois Ordres ou L’Imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978
- Georges Duby, Hommes et structures du Moyen Âge, Paris, Mouton, 1973
- Florian Mazel, Féodalités 888-1180, Paris, Belin, 2014.
- Manuel de Jégou-Panfili, L’Europe seigneuriale, 888-1215, Paris, Armand Colin, 2015
Retrouvez Justine dans l’épisode sur la reine Gerberge et Guillaume dans celui sur les tournois de chevalerie.
Merci beaucoup à Simon Vandendyck pour son très beau générique pour Super Joute Royale ! Saurez-vous reconnaître tous les extraits de ce générique ?