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Hors-série 31 – La transidentité au Moyen Âge, avec Clovis Maillet

Comment fonctionne le genre dans la société médiévale et comment envisageait-on la transidentité au Moyen Âge ?

Clovis Maillet est l’invité de cet épisode du format hors-série de Passion Médiévistes. Artiste et historien, il est spécialiste des questions de genre et de parenté dans la société médiévale. Sa thèse, soutenue en 2010 à l’EHESS sous la direction de Jean-Claude Schmitt, porte d’ailleurs sur la parenté hagiographique entre le XIIIème et le XVème siècle. En 2020, Clovis Maillet a publié l’ouvrage Les genres fluides : de Jeanne d’Arc aux saintes trans, s’imposant comme une référence sur le sujet de la transidentité à l’époque médiévale.

Couverture du livre Les Genres Fluides de Clovis Maillet
Couverture du livre Les Genres Fluides de Clovis Maillet

Tout au long de l’épisode, par la voix de Clovis Maillet, vous découvrirez les histoires de nombreux individus, dont des récits de saints et de saintes, qui changent de genre au cours de leur vie.

À propos de l’ouvrage de Clovis Maillet, vous pouvez retrouver la conférence qu’il a donnée à l’Université d’Angers dans le cadre du Mois du genre 2021 ; ainsi que l’entretien que le chercheur a accordé en 2022 au site Actuel Moyen Âge.

Entre sexes et genres, l’identité au Moyen Âge

“Au Moyen Âge, on ne se balade pas avec des papiers d’identité. Les gens sont reconnus pour leur genre et pour leur statut social en fonction de ce qu’ils font et de leur apparence.” — Clovis Maillet

Clovis Maillet vous explique que la société médiévale est divisée en deux grandes catégories de personnes, réparties en fonction de la sexualité : les clercs et les laïcs. Les premiers observent l’abstinence tandis, qu’au contraire, les seconds pratiquent une sexualité à vertu reproductive, encadrée par le mariage.

En parallèle et comme le précise Clovis Maillet, au Moyen Âge, les traités de médecine parlent de trois genres : les femmes, les hommes et les hermaphrodites. Le genre est important socialement, pour exercer un métier ou faire des études ; mais aussi moralement, certains comportements relevant davantage du masculin ou du féminin.

Les manifestations de la transidentité au Moyen Âge

“On est à une époque où les vêtements sont régulés. En fait, ils le sont encore aujourd’hui. [rires]” — Clovis Maillet

Concrètement, Clovis Maillet précise que l’apparence a beaucoup d’importance dans la société médiévale. Ainsi, l’identité et le genre, de même que la catégorie sociale des individus, sont associés aux vêtements. Il insiste d’ailleurs sur ce dernier point : on ne peut pas porter des vêtements de nobles quand on ne l’est pas et cette règle est même notée dans la loi. Cependant, porter un vêtement différent de son sexe de naissance n’est juridiquement pas répréhensible en tant que tel puisqu’aucun document légal ne l’interdit. Clovis Maillet vous révèle que cela devient problématique dès lors que cela trouble l’ordre social : on ne peut s’empêcher de penser à Jeanne d’Arc, dont nous vous parlions avec Floryan Varennes, dans l’épisode 39.

“Il faut que les nobles aient l’air de nobles, les paysans aient l’air de paysans, que les hommes aient l’air d’hommes et les femmes aient l’air de femmes.” — Clovis Maillet

vie de marin marine vincent de beauvais miroir historial bnf fr 51
Vie de Marin Marine, Vincent de Beauvais, Miroir Historial, BNF fr 51, 1453, folio 201v

Dans les textes hagiographiques qu’il a étudiés, Clovis Maillet vous indique que la transidentité se manifeste par un changement dans le nom du personnage au cours de son histoire. Cette transidentité se traduit jusque dans les accords grammaticaux. Enfin, le changement de genre s’affiche dans les comportements de ces personnages. Ils adoptent les attitudes et les actions du genre auquel ils s’identifient. Loin d’être décriées, Clovis Maillet souligne que dans les textes hagiographiques, les figures de saints et de saintes sont célébrées. Leur transidentité n’est donc pas un problème et il vous en révèle la raison dans l’épisode.

L’ouvrage, la méthode de travail et les sources étudiées par Clovis Maillet

“Les saints, ce sont les stars de l’époque.” — Clovis Maillet

L’hagiographie, cette branche de l’histoire consacrée à la vie et aux actions des saint(e)s, est la spécialité de Clovis Maillet. Dans le cadre de ses recherches, il s’est majoritairement appuyé sur La légende dorée, de Jacques de Voragine, qui retrace des vies de saints, de saintes et de martyrs chrétiens. Il a également étudié de nombreuses images et travaillé en collaboration avec, notamment, des spécialistes de l’histoire byzantine.

“Je me suis concentré sur des saints et des saintes qui ont occupé un genre différent de celui de leur naissance.” — Clovis Maillet

Quant à sa méthode de recherche, Clovis Maillet a analysé son corpus d’un point de vue plutôt littéraire. Il s’est particulièrement penché sur les figures de chevaliers trans, ces héros oubliés pourtant présentés comme de véritables modèles à l’époque médiévale. Comme vous le confie plus précisément Clovis Maillet, ses sources traitent davantage de transmaculinité, soit des femmes de naissance, identifiées ensuite comme des hommes. Il cite, entre autres, l’exemple ambigu de Jeanne d’Arc, qui s’habille en homme, mais se présente néanmoins comme une femme ; ou d’une certaine Eugenia.

“[Avec ce livre,] j’ai voulu donner envie aux gens de travailler sur ce sujet ; […] je l’ai voulu comme un point de départ pour d’autres.” — Clovis Maillet

Pour écrire son livre, Clovis Maillet explique avoir, entre autres, voulu déconstruire les idées reçues. De fait, il vous révèle que la transidentité n’était pas vraiment un enjeu au Moyen Âge et qu’il était assez facile de changer de genre, au gré de ses déplacements, par exemple. Clovis Maillet mentionne que ces changements de genre ont réellement commencé à poser un problème au début du XVème siècle. Ses recherches ont par ailleurs conduit Clovis Maillet à s’intéresser à des romans de chevalerie ou encore à quelques comptes-rendus de procès.

Dans cet épisode, vous avez pu entendre les références suivantes :

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire ou de consulter :

Merci à Alizée Rodriguez de la rédaction de cet article !

Transcription du hors série sur la transidentité (cliquez pour dérouler)

Fanny : Bonjour à toutes et à tous. Je m’appelle Fanny Cohen-Moreau, et dans le podcast Passion Médiévistes, vous apprenez des choses sur le Moyen Âge à travers des interviews de jeunes chercheurs et jeunes chercheuses. Mais j’aime aussi, dans les hors-séries, vous apporter des éclairages sur des sujets renouvelés par des recherches récentes, comme nous l’avions fait, par exemple, dans l’épisode sur la loi salique, avec Magali Coumert. Aujourd’hui, nous allons parler d’un sujet particulièrement intéressant pour en savoir plus sur les mentalités médiévales. Vous avez vu le titre : nous allons parler de transidentité au Moyen Âge avec Clovis Maillet. Bonjour, Clovis !

Clovis : Bonjour.

Fanny : Clovis, tu es historien et artiste, spécialiste des questions de genre et de parenté dans la culture médiévale, et as publié en 2020 l’ouvrage Les genres fluides : de Jeanne d’Arc aux saintes trans aux éditions Arkhê. On va voir, c’est un sujet qui apporte plein, plein, plein de questions, on va en parler. Pour commencer, qu’est-ce qui t’a donné envie de travailler sur le genre, puis sur la transidentité au Moyen Âge ?

Clovis : D’abord, je pense que ce qu’il faut dire, c’est que j’ai eu beaucoup de chance et je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, parce que quand j’ai commencé mes études de médiéviste, j’étais à l’université Paris I. J’ai eu comme prof de licence Violaine Sebillotte sur le genre, qui est la spécialiste du genre dans l’histoire grecque, et Didier Lett en histoire médiévale. Je crois que ça m’a donné une vision d’emblée un peu déformée, où j’ai l’impression que tous les gens qui travaillaient sur l’époque, sur les mondes anciens travaillaient sur le genre, étaient féministes, engagés politiquement, etc…

Fanny : Ce serait bien, oui !

Clovis : …Ce qui n’était en fait pas quelque chose de majoritaire. Mais du coup, c’est ça qui a fait que, alors que j’étais plutôt parti pour travailler sur le monde contemporain, j’ai vraiment basculé sur les mondes anciens, avec cette impression que les sujets étaient aussi beaucoup plus renouvelés et engagés dans ce monde-là. Je pense que c’est vraiment une circonstance, en fait, qui s’est passée pendant mes études. Ensuite, j’ai fait ma thèse sur un autre sujet. J’ai plus travaillé sur les questions de parenté, sur les formes de famille choisies au Moyen Âge.

J’avais gardé, en fait, depuis ma thèse, cette idée qu’il y avait ces changements de genre. Le corpus de ma thèse, c’était la Légende dorée de Jacques de Voragine, qui est un peu le best-seller du Moyen Âge, qui est l’ouvrage le plus diffusé, qui présente 178 chapitres dans la première version, avec des fêtes liturgiques et aussi des vies de saints et saintes. Il y en a 4, disons presque 5, sur 120, qui sont des personnes qui changent de genre à un moment de leur vie. Donc, ça me semblait pas mal, mais il y avait un peu l’idée que déjà, beaucoup de choses avaient été faites sur ces vies-là.

J’avais gardé ça dans un coin de ma tête et, petit à petit, c’est en en parlant avec des non-spécialistes que j’ai réalisé cette importance du sujet dans le livre qu’on peut imaginer comme le best-seller de cette époque-là, où on a 5 saints sur 120 – c’est énorme, en fait, comme proportion, c’est 3-4%, je ne sais plus – qui étaient connus par tout le monde, fêtés tous les ans dans cette société-là. Finalement, en en parlant et en comparant avec ce qu’il se passait aujourd’hui, j’ai fini par me dire qu’il avait cette espèce de chose étrange que, au Moyen Âge, les gens connaissaient dans leur culture populaire, même dans leurs stars en fait, dans les gens qu’ils préféraient – parce que les saints, comme le disait Jean-Claude Schmitt, c’est un peu les stars de l’époque – avaient des exemples de gens qui avaient changé de genre au cours de leur vie.

Petit à petit, avec l’encouragement de mon directeur de thèse, Jean-Claude Schmitt, je me suis dit qu’il fallait travailler davantage là-dessus. Et c’est comme ça que j’ai commencé mes études postdoctorales sur ce sujet-là et que Jean-Claude Schmitt m’a encouragé à écrire un livre qui ne soit pas un livre de spécialiste, qui soit un livre, disons, sérieux, mais qui s’adresse à un grand public, et c’est comme ça qu’est né ce livre-là.

Fanny : On va en parler, effectivement, de ce livre qui est passionnant. Alors, les auditeurs et auditrices sont peut-être surpris et surprises qu’on associe transidentité et Moyen Âge, parce qu’il y a toujours le côté, mais est-ce que ce n’est pas anachronique, c’est un concept qui est récent. Alors, raconte-moi comment tu as travaillé du point de vue conceptuel.

Clovis : C’est vraiment tout l’enjeu de ces recherches-là, d’élaborer une sorte d’architecture conceptuelle pour pouvoir aborder ce sujet-là. Parce que, ce qu’il faut savoir, c’est que le sujet est connu de mes collègues et des historiens depuis assez longtemps, le fait que les exemples médiévaux soient dans le canon. En fait, déjà dans l’ouvrage pionnier de Magnus Hirschfeld, qui est le fondateur de la sexologie moderne à la fin du 19e siècle, il parle d’un cas de saint, celui qui s’appelle Marin, connu⸱e sous le nom de Marine aussi, qu’il compare avec les gens qu’il reçoit dans son cabinet. Donc, l’idée qu’il y a une longue histoire de ça, elle existe depuis longtemps. Mais comment l’aborder ?

Magnus Hirschfeld l’abordait avec les outils de la sexologie naissante, de la médecine. Il y a eu ensuite une période dans les années 50, avec notamment une historienne belge qui s’appelle Marie Delcourt, qui l’associe à des représentations mythologiques. Elle a écrit un article sur le complexe de Diane, donc elle convoquait plutôt des figures mythologiques, comme la figure de l’androgyne, pour expliquer comment pouvait arriver cette ambiguïté de genre.

Puis, dans les années 70, il y a eu des recherches, faites plutôt par des byzantinistes, notamment Évelyne Patlagean qui a parlé du déguisement, de gens qui se déguisent. Il y a un article de 1976 à propos de ça. C’était vraiment dans une perspective, disons, féministe, où l’idée c’était de voir comment est-ce que des personnes – qu’à l’époque elle considérait comme des femmes – avaient pu avoir un autre destin que celui qui leur était destiné dans leur vie grâce à ce déguisement, à la prise d’apparence masculine. Et c’était intégré dans l’histoire des femmes, en fait.

Plus récemment, et ça c’est vraiment plutôt après les années 2010, où les études trans ont commencé à émerger, donc les études sur les questions trans. On commençait à avoir une sorte de nouvel appareil conceptuel, pour travailler là-dessus. Ça a créé d’ailleurs des petites frictions avec certaines féministes, puisque la question, c’était : est-ce que ces personnages-là, qu’on avait mis dans l’histoire des femmes et de l’émancipation des femmes, étaient tout à coup dans une autre histoire ? Parce qu’on était en train d’essayer d’écrire l’histoire de l’émancipation des personnes transgenres à travers l’époque. Tout ça pour dire que je m’inscris, ce travail-là s’inscrit très modestement dans une élaboration historiographique, qui est un peu longue…

Fanny : Oui, c’est pas nouveau.

Clovis : C’est pas nouveau, c’est juste qu’il y a des nouveaux outils qui apparaissent. Moi, ce que j’ai essayé d’apporter, modestement, c’est de prendre au sérieux ce que nous disent les textes, c’est ce que j’ai essayé de faire, en tout cas. Et donc pas seulement de me demander de quelle histoire est-ce qu’il s’agit, mais en quoi est-ce qu’on peut essayer de comprendre comment fonctionne le genre dans cette société-là ? Et en quoi, est-ce que, nous, ça nous permet de nous défaire un peu de nos a priori sur le genre ? D’aller le plus loin possible sans essayer de comprendre qu’est ce que ça veut dire.

Parce qu’il s’agit vraiment de personnes qui changent de genre, c’est-à-dire qui sont reconnues socialement comme appartenant au genre féminin ou au genre masculin, que ça change au fil de leur vie et que c’est reconnu socialement comme tel. Les textes aussi nous montrent des gens qui changent de pronoms, qui changent de genre grammatical aussi, et qui changent de métier par exemple. Il y a des métiers que ne peuvent faire que les hommes et des métiers que ne peuvent faire que les femmes. Et donc on essaye de voir ce que ça veut dire, qu’il y ait des héros de cette époque-là qui soient érigés en modèles de comportement et qui se déplacent dans les possibilités de genre de leur époque.

J’ai essayé de m’inscrire dans cette histoire-là mais, en même temps, d’être très, très pragmatique et au ras des textes, d’aller voir à chaque occurrence, comment est-ce qu’on parle de ça et qu’est ce que ça peut signifier, en le comparant avec des textes ou des documents comparables de cette époque-là. Donc je n’ai pas eu l’ambition de faire une grande élaboration conceptuelle, de proposer un grand modèle conceptuel, mais vraiment de faire un travail de défrichage, en voyant, si on ne plaque pas des outils théoriques directement là-dessus, mais qu’on essaye d’aller voir très précisément ce que ça veut dire, sans nos a priori à nous.

Par exemple, un des a priori qu’il y a eu je pense pendant longtemps, c’était qu’il n’y avait que du sexe biologique, donc tout le monde était des femmes ou des hommes. Et si quelqu’un était perçu comme un homme, mais en fait aurait des organes sexuels qui seraient considérés comme féminins, ce serait de toute façon une femme. Ça, je pense, c’est un a priori conceptuel. C’est pas ce que nous disent les documents de cette époque-là. J’ai essayé un peu de dépasser ça, de voir vraiment qu’est-ce qu’on nous dit à cette époque-là.

Fanny : Est-ce que les catégories de genre étaient les mêmes au Moyen Âge qu’aujourd’hui ?

Clovis : Justement, ce que ça m’a permis de faire, c’est de montrer – dans la suite d’autres travaux qui avaient été faits là-dessus – d’essayer de prendre cet exemple, qui est peut-être un exemple limite, pour définir les catégories de genre, parce qu’il y a des gens qui vont bouger dans les catégories de genre au fil de leur vie, donc d’essayer de voir ce que ça nous amène à comprendre.

Globalement, ce qui est important à comprendre, qui est très différent à notre époque : nous, on fonctionne sur un système nature/culture, qu’on est peut-être en train de contester, mais on pense qu’il y a un sexe et un genre. Le sexe, c’est ce qui est dit par un médecin et déclaré et inscrit sur nos papiers d’identité, et le genre, c’est une perception sociale. C’est la nature d’un côté et la culture de l’autre. Mais il n’y a pas cette distinction au Moyen Âge.

Donc, il y a certaines personnes qui ont dit : bon bah, il y a que du sexe, ou alors il y a que du genre. Moi, je dis, en fait, peu importe en fait qu’on appelle ça genre ou sexe, de toute façon, il n’y a pas cette distinction-là. Mais il y a par contre d’autres manières d’envisager les choses, en fonction du statut.

Et ce qui est important de penser par rapport à ça, c’est que – c’est toujours difficile de faire des généralités – disons, une des distinctions que l’on n’a plus et qui existe dans la société médiévale, c’est entre les clercs et les laïcs, donc entre les gens qui se définissent essentiellement par l’abstinence sexuelle et des gens qui se définissent par le mariage, donc une pratique de la sexualité dans un cadre rigoureusement déterminé. Cette distinction-là, pour nous, n’est plus si évidente que ça, parce qu’il n’y a pas des gens qui sont considérés comme une élite sociale simplement parce qu’ils s’abstiennent de la sexualité.

Fanny : Oui, c’est plus trop le cas aujourd’hui.

Clovis : Voilà, on ne peut pas considérer ça. Eh bien, ça change en fait les normes de genre. Puisque le genre n’est important dans la vie sociale, n’est défini rigoureusement que pour réguler la sexualité des personnes. Donc la sexualité est très régulée, mais le genre l’est paradoxalement moins quand il est déconnecté de la sexualité.

Ce que j’ai essayé de dire, pour simplifier les choses, c’est dire qu’il y a un genre qui est un genre médical. Ça, on a les traités de médecine qui en parlent, et qui nous parlent d’ailleurs de trois sexes ou genres : les hommes, les femmes et les hermaphrodites, parce qu’ils sont toujours cités en fait dedans. Ce qui est un peu l’équivalent, mais pas tout à fait, de ce que nous on appellerait des personnes intersexuées aujourd’hui, eux les appellent hermaphrodites. C’est cité tous les traités de médecine.

Il y aurait un genre social qui détermine des parcours de vie, un métier, parce qu’on ne peut pas faire les mêmes études, on ne peut pas avoir le même métier, il y a plein de choses qu’on ne peut pas faire si on est une femme socialement.

Et puis, il y a un genre moral, que nous on n’a plus tout à fait, même si on en a encore des traces. C’est cette idée qu’on va qualifier de féminin ou de masculin les choses ou les comportements des gens, en fonction de si on les considère plus ou moins bons ou mauvais. Globalement, tout bon comportement, comportement courageux, ça va être qualifié comme un comportement masculin ou d’homme. On va dire qu’on agit comme un homme si on fait des choses valeureuses et qu’on se montre courageux. Et tout ce qui va au contraire être lié à un comportement assez néfaste sera qualifié de manière féminine. Ça reste à l’état peut-être moins performatif aujourd’hui que ça l’était au Moyen Âge.

Il y a une chose qu’il faudrait aussi ajouter, qui est différente par rapport à aujourd’hui, et ça, c’est assez facile à imaginer, c’est que, nous, on vit avec des papiers d’identité. Ça ne fait pas si longtemps que ça qu’on vit avec des papiers d’identité, puisque ça s’est généralisé en France, par exemple, après la Deuxième Guerre mondiale, la carte d’identité pour tout le monde, mais ça a émergé au 19e siècle. À cette époque-là, on ne se balade pas avec des papiers d’identité. Il y a des certificats de baptême qui commencent à être écrits, mais on ne se balade pas avec. Donc, en fait, les gens sont reconnus pour leur genre et pour leur statut social, en fonction de ce qu’ils font et de leur apparence.

C’est assez important parce qu’on a pas mal de parcours de personnes qui vont changer de position sociale en même temps qu’ils changent de position de genre, qui se règlent assez facilement par des déplacements géographiques. Si on n’est plus à l’endroit où on était connu⸱e “en tant que” et qu’on va un autre endroit, là on sera connu “en tant que”. C’est comme ça qu’adviennent des cas qu’on peut voir d’une personne qui est connue comme une fille à tel endroit, qui part en voyage, et là est connu⸱e comme un garçon à un autre endroit. Ça ne serait pas possible pour nous, parce que, au contraire, on voit que les personnes transgenres, aujourd’hui, ont plutôt des plus grandes difficultés de mobilité, parce que le fait d’avoir des papiers pas forcément en adéquation avec l’apparence, ça peut empêcher en fait de voyager dans certains pays qui serait plus ou moins tolérants. Au Moyen Âge, ça serait plutôt l’inverse. C’est plus facile de se déplacer et d’aller dans des nouveaux environnements puisque, en fait, on fait la démonstration de ce qu’on est, de son genre, et on n’a pas besoin de l’attester par de la paperasse.

Fanny : Ouais, on refait sa vie ailleurs et on s’affirme comme on veut ailleurs. On va y revenir parce que c’est super intéressant. Mais on va aussi expliquer ta méthode de travail pour comprendre tout le discours que tu portes sur les changements de genre au Moyen Âge, dans ton ouvrage Les genres fluides et dans ton travail en général. Alors, sur quelles sources est-ce que tu as travaillé ? Tu as commencé à le dire, tu es parti de cette Légende dorée, mais tu n’as pas traité que ça.

Clovis : Oui, moi, ma spécialité au départ, c’est la géographie et les légendiers en particulier qui sont des compilations de vies de saints et aussi de textes liturgiques. C’est ça sur lequel j’ai travaillé et sur des manuscrits enluminés. J’ai travaillé pas mal sur des enluminures, des images, des textes, des images. Mais pour traiter d’un sujet un peu transversal comme cela, sur lequel il y a pas tant que ça de documentation, j’ai eu besoin d’élargir le corpus de sources, tout en gardant quand même cette hagiographie, donc ces vies de saintes et de saints, parce qu’on a beaucoup d’exemples dans ces sources. Là je suis allé, comme on fait parfois en tâtonnant un peu quand on est sur un nouveau sujet, c’est-à-dire en allant progressivement, en recoupant la bibliographie pour aller trouver des documents spécifiques sur l’un ou sur l’autre.

Fanny : Faire une vraie enquête, de la recherche de sources.

Clovis : Voilà. Et donc, pour ce livre-là en particulier, j’ai beaucoup été aidé par des collègues. En fait, ça a été vraiment beaucoup de travail collectif, parce que, du coup, je me suis dit qu’il fallait absolument écrire un chapitre sur la littérature, la littérature chevaleresque en particulier, et le fait qu’il y ait des modèles de chevaliers trans qui soient des héros au Moyen Âge. On avait un peu oublié, ça valait le coup d’en parler. Donc, j’ai été aidé par des collègues spécialistes de cette littérature-là, qui m’ont aidé à faire des traductions, à retraduire.

Parce qu’une des questions qui est importante, c’est que beaucoup de textes, quand ils sont traduits en français, l’ont été parfois au 19e siècle, par des vieux messieurs qui avaient certaines idées sur le genre qui ne sont pas forcément celles que nous on peut avoir aujourd’hui, et qui ont eu tendance à corriger les textes pour les rendre selon leurs idées à eux.

Donc, voilà par exemple Sophie Albert, qui est une spécialiste de la littérature médiévale qui m’a beaucoup aidé pour cette partie-là. Et puis, il y avait tout un tas de textes qui venaient plutôt du monde byzantin, donc la géographie byzantine, avec laquelle je n’étais pas du tout familier au départ. Là, j’ai été aidé aussi par des collègues, en particulier Georges Sidéris, qui est un spécialiste des eunuques à Byzance, qui m’a aidé et qui m’a donné envie – puisque ce livre est sorti il y a maintenant quatre ans, donc je l’ai écrit un peu plus de cinq ans, c’est un peu de temps qui a passé depuis, et en fait, toutes ces nouvelles sources que j’ai commencé à lire en écrivant ce livre-là, ça m’a beaucoup donné envie de me former. Je me suis formé à de nouvelles choses depuis pour pouvoir avoir un accès plus direct, par exemple aux textes en grec médiéval ou ce genre de choses.

Fanny : Est-ce que tu as travaillé aussi sur des sources judiciaires?

Clovis : Je n’ai pas travaillé dessus pour ce livre-là. Je suis en train de travailler dessus, mais c’est vraiment une autre méthode d’approche, à laquelle je suis en train de me former aussi. Notamment parce que ce livre-là, Les genres fluides, c’est un livre, finalement, qui parle surtout de la transmasculinité, parce que c’est ça qu’on trouve le plus dans les sources que j’ai étudiées, donc des parcours transmasculins qui vont vers le masculin.

Et à l’inverse, on m’a beaucoup demandé suite à ce livre : mais alors, qu’est ce qu’il en est des parcours transféminins ? Il y en a pas à cette époque-là ? Non, ce n’est pas qu’il y en a pas. Il y a des gens qui les ont étudiés, dans des sources judiciaires, mais on ne les trouve pas dans les mêmes sources. Cette question de la quête, en fait des parcours transféminins, elle demande de vraiment s’ouvrir à d’autres types de sources sur lesquelles, moi, je ne suis pas spécialiste. Donc, j’ai commencé à travailler sur un dossier, en ce moment, qui est dans les archives de Venise, qui avait été étudié par d’autres collègues, que je suis en train d’essayer de reprendre. Mais ce n’’est pas mon domaine de prédilection du tout.

Fanny : Les récits sur lesquels tu as travaillé, on est plutôt sur quelles époques ?

Clovis : Alors ça, la chronologie est importante. Ce livre, je l’ai écrit après beaucoup d’hésitations, mais je l’ai écrit finalement régressif. C’est-à-dire je suis partie des choses les plus récentes pour aller vers les choses les plus anciennes avec l’idée qu’il fallait nous débarrasser progressivement des idées reçues que nous, on pouvait avoir sur notre propre époque, en remontant dans le temps. C’était vraiment très important pour essayer de bien comprendre, pour faire une chronologie un peu à grands traits.

Ce que je montre dans le livre, c’est que sur cette question précise, il y a vraiment quelque chose qui se passe dans les communautés chrétiennes des premiers siècles du christianisme, jusqu’au début du 4e siècle, avec un idéal d’une forme d’androgynie qui est lié à ce nouvel idéal d’égalité qui existe dans ces communautés chrétiennes des premiers siècles, et qui donne tout un tas d’exemples de parcours, sans doute de personnages historiques, mais aussi de personnages fictifs, qu’on écrit en fait inspiré par ça, qui est, disons, plutôt assez favorable ou tolérant à des formes de plasticité ou de fluidité de genre.

Et ça, ça change beaucoup dans une deuxième période, qu’on peut dire celle de l’institutionnalisation de l’église, où l’église chrétienne est aux mains des plus hautes parties de la hiérarchie sociale, qui sont souvent des hommes d’origine patricienne, d’origine noble donc, et qui dessinent un modèle beaucoup plus rigide et beaucoup plus fermé aux questions de fluidité de genre. On commence à avoir toute une théorie sur le mariage notamment, et des évêques mariés d’ailleurs, il y a beaucoup d’exemples comme ça. Donc, du coup, le mariage que nous on dirait hétérosexuel aujourd’hui devient effectivement une norme qui va en fait rigidifier les normes de genre. Mais il reste un peu de ces idéaux-là dans le monde chevaleresque, il reste encore des choses.

Moi, je termine le livre sur ce point de bascule, qui est celui du 15e siècle, véritablement, en prenant l’exemple qui est le plus connu, mais qui est en fait un exemple un peu limite, qui est celui de Jeanne d’Arc, et du fait que Jeanne d’Arc est associée à un moment à ces vieilles histoires de saints qu’on connaît encore, notamment l’histoire de saint⸱e Eugène-Eugénie et de saint⸱e Marin-Marine. Mais on voit bien que ça ne suffit plus, ou ce n’est plus un idéal qui fonctionne suffisamment. On s’en souvient, les clercs surtout s’en souviennent, mais du point de vue des laïcs, il y a une très, très faible tolérance à ça. On commence à voir arriver à partir du 15e  siècle en particulier, déjà du 14e siècle un peu, des procès contre des gens qui sont suspectés de mauvais comportements sexuels associés à des choses que nous, on pourrait interpréter comme la transidentité.

Fanny : C’est un peu évident, mais je te demande quand même : bien sûr, on n’a pas de récit à la première personne dans tout ça ?

Clovis : Eh non, c’est ça la grosse difficulté. On ne peut faire l’histoire des personnes sur des sujets aussi sensibles que ça, que quand on a des témoignages à la première personne : là on n’en a pas. Même pour Jeanne d’Arc, un peu l’exemple limite, qu’on ne peut pas interpréter comme – si on allait vite – une personne transgenre. C’est quelqu’un qui s’habille en homme toute sa vie, mais se présente toujours comme une femme. Même dans son cas, effectivement, où on a quand même des témoignages assez proches, on a les verbatim de ces choses, mais on n’a rien qui a été écrit de la première main, et toutes les sources qu’on a sont écrites dans un contexte tellement particulier qu’il faut vraiment déconstruire les modalités d’écriture. Donc on en est réduit aux hypothèses.

Fanny : En plus, des fois avec plusieurs siècles de décalage, en fait, c’est des réécritures et tout ça.

Clovis : Ouais. Alors, moi, ça m’intéresse beaucoup les réécritures, parce que sur une même histoire, quand on voit qu’elle est réécrite et réinterprétée à différentes époques, on voit aussi les normes de genre qui changent et la réinterprétation qui se passe dans ce cas-là.

Fanny : En tout, tu as travaillé sur combien de personnes ?

Clovis : Moi, je me suis inscrit dans une tradition. J’ai mis dans le livre, volontairement, un petit tableau où il y a une trentaine de vies, qui est un tableau un peu augmenté par rapport à ce qui avait été fait par d’autres collègues. On a commencé sur un tableau de 15 vies, maintenant on en a presque 35 : 35 vies de saints et saintes. Donc ce sont des saints et des saintes qui sont dans le calendrier, auxquels un culte est rendu et qui, pendant tout ou partie de leur vie, ont occupé un genre qui est différent de celui de leur naissance. Ça, c’est un peu les cas géographiques, mais je ne les ai pas tous étudiés. Derrière, il y a plein de sujets à travailler pour les historiens et historiennes du futur. Et les autres cas : il y a plusieurs romans de chevalerie et quelques affaires judiciaires. Mais “quelques” : elles se comptent plutôt sur les doigts d’une main pour le moment.

Fanny : Alors, maintenant qu’on a bien tout le cadre, qu’on a bien tout le corpus en tête, on va rentrer un petit peu dans le détail de ces récits. Donc, tu l’as dit, quand on pense “changement de genre” au Moyen Âge, on pense forcément à Jeanne d’Arc et donc tu ouvres, comme tu as dit, le livre avec cette figure. Mais on a déjà parlé de Jeanne d’Arc dans ce podcast, je vous renvoie vers l’épisode 39, que j’avais fait avec Floryan Varennes. Parmi les choses qui sont reprochées à Jeanne d’Arc, tu l’as dit, c’est qu’elle s’habillait en homme, et les changements de vêtements reviennent souvent dans les récits de changement de genre c’est ça ?

Clovis : Oui. Alors ce qu’il faut bien penser, c’est qu’on est à une époque où les vêtements sont régulés. En fait, ils sont encore régulés aujourd’hui, on voit bien les polémiques sur les crop top et on dit quand même aux gens comment s’habiller, encore aujourd’hui. Mais là, c’est vraiment légal en fait, c’est-à-dire qu’on n’a pas droit de porter n’importe quoi. On connaît surtout les lois somptuaires : on n’a pas à porter des vêtements de noble quand on n’est pas noble. C’est ça qui est le plus grave, plutôt que de porter des vêtements de l’autre sexe. Mais porter des vêtements de l’autre sexe, c’est aussi un problème puisque, effectivement, ça peut tromper les gens. Donc c’est compliqué parce qu’en fait, il y a pas de loi civile qui l’interdit avant récemment, enfin disons une période plus tardive.

Au Moyen Âge, il y a pas de loi qui interdit de s’habiller avec tel ou tel vêtement en matière de genre, mais par contre, il y a les conséquences que ça pourrait apporter. Est-ce qu’on va être pris pour un homme alors qu’on n’a pas le droit de faire telle chose parce qu’on est pas vraiment un homme, par exemple ? Pour Jeanne d’Arc, la question d’aller à la guerre, ça ne se pose pas vraiment comme un interdit. Ça pose la question de : est-ce que c’est ridicule ou pas ? C’est ça qui est dans le procès, plutôt, c’est ridicule, ou de toute façon, c’est quelqu’un qui se vante trop. C’est ça plutôt que des questions d’interdiction. Ce qui est interdit, en revanche, c’est de se marier avec quelqu’un qui est considéré comme étant du même genre que soi. Du coup, s’il y a tromperie avec cette question du vêtement, là, effectivement, il peut y avoir un procès.

Fanny : En fait, c’est que ce changement de vêtements pourrait conduire à un trouble à l’ordre social.

Clovis : Oui, c’est parce qu’il y a une culture des apparences au Moyen Âge. Les apparences participent en fait à la régulation du champ social. Il faut que les nobles aient l’air de nobles, il faut que les paysans aient l’air de paysans, que les hommes aient l’air d’hommes et que les femmes aient l’air de femmes. Puisque les gens n’ont pas les mêmes droits, n’ont pas le même statut, il faut que ce soit très reconnaissable sur les personnes. Sauf que ça se voit par l’apparence, alors que chez nous, même si on juge aussi sur les apparences, in fine, c’est plutôt les papiers d’identité, des documents administratifs qui vont permettre de faire ça. Alors que là, l’apparence a beaucoup plus d’importance que, sans doute, à notre époque.

Fanny : Et à part les vêtements, qu’est-ce qu’on voit d’autre comme manifestation de changement de genre dans les textes?

Clovis : Alors, il y a plusieurs choses. Dans les textes hagiographiques, les vies de saintes et de saints, on a la plupart du temps le nom qui change. Le texte nous dit que telle personne… je vais prendre un exemple, dont je parle dans le livre sur lequel je suis en train de travailler, quelqu’un qui s’appelle Eugène-Eugénie. On l’appelle Eugénie, Eugenia. À partir du changement de genre, on l’appelle Eugenius au masculin et on accorde tout ce qui est dans le texte aussi au masculin. Donc, on nous parle de son apparence, mais parfois, on nous dit aussi effectivement que c’est une personne qui a vraiment un autre nom, une autre fonction sociale. En l’occurrence, Eugénius devient abbé, donc quelque chose qui n’aurait pas pu arriver pour une femme. Du coup, c’est assez clair que cette personne est reconnue comme un homme.

Ce cas-là en plus est un cas un peu limite, parce que cette personne reprend ensuite une identité féminine plus tard dans sa vie, donc a eu pleinement en fait cette identité masculine jusqu’à ce que ça pouvait être de mieux, parce que être abbé, c’est ce qu’on peut espérer de mieux dans une réussite sociale, on peut dire, en tant qu’homme. Il arrive à une sorte de réussite sociale en tant qu’homme, puis va fonder une communauté religieuse féminine. On a plusieurs cas comme ça, de personnes qui vont vivre dans des communautés religieuses, par exemple masculines, avoir des rôles masculins et ensuite fonder des communautés féminines. On a quelques cas comme ça.

Donc, il y a le nom, les pronoms, les accords, qu’on voit dans les textes, la mention du vêtement, mais il y a aussi la mention du comportement et ce comportement, en fait, il est décrit comme un comportement masculin. Je reprends l’exemple de la vie d’Eugène-Eugénie. Il y a une formule qui revient souvent dans les différentes versions du texte qui nous dit : « tu as raison de t’appeler homme, car tu te comportes comme un homme. » Donc, c’est vraiment, on pourrait dire, l’identité masculine qui est associée à une performance de genre, véritablement, la capacité à se comporter tel qu’il est attendu de cette personne-là. Donc c’est pour ça que c’est vraiment au-delà du déguisement, de seulement s’habiller de telle manière. C’est beaucoup plus profond que ça, ce dont nous parlent les textes.

Fanny : On est loin de la farce des fabliaux de quelqu’un qui change, qui s’habille effectivement pour tromper quelqu’un. On est loin de ça.

Clovis : Ah oui, là, dans ces cas-là, on est véritablement sur des gens qui vont même se comporter comme le meilleur des hommes et donc être décrits comme potentiellement des modèles de comportement, par exemple pour les autres moines. Parce que l’abbé, c’est le plus chrétien, le plus pieux, celui qui va devenir un modèle de comportement pour les autres. Ce n’est pas du tout juste faire semblant d’être quelque chose pendant un temps donné, ce qui est décrit dans d’autres textes par ailleurs. Moi, dans mon livre, j’ai essayé justement de ne parler que des choses où on a une description un peu plus continue et suivie, et quand il n’est pas question que de vêtements et de déguisements, et de sortir en particulier d’une perspective – parce qu’on peut lire encore beaucoup, il y a beaucoup de collègues qui emploient le mot de “travestissement” pour parler de ça, que moi j’ai choisi de pas employer pour plusieurs raisons.

Une des raisons, c’est que ce mot n’existe pas au Moyen Âge. Il y a d’autres mots qui n’existent pas au Moyen Âge et que j’emploie, mais celui-là, il n’est vraiment pas médiéval. On parle de guise ou déguisement ou de ce genre de chose, pas de travestissement. Et deuxièmement, c’est que ce terme-là, il est encombré par son histoire, parce que ce mot de travestissement, c’est au départ un délit judiciaire, un délit pénal en fait. C’est dans ce contexte qu’on va commencer à vraiment en parler. C’est la criminologie du dix-neuvième siècle qui parle des travestis comme des criminels. Donc, du coup, quand on ramène ce terme-là qui vient de la criminologie, pour parler de saints et de saintes que tout le monde adorait, à qui les gens rendaient des cultes, il me semble qu’on envoie effectivement dans une mauvaise direction qui, moi, ne m’aidait pas à construire mon propos. Donc c’est pour ça que j’ai voulu essayer de voir un petit peu plus profondément ce que ça veut nous dire en termes de genre et ne pas parler que du vêtement, même si le vêtement est une chose importante.

Fanny : Je reviens sur ce que tu dis tout à l’heure et qui était super intéressant, c’est que  chez ces personnages saints et saintes, par le côté religieux qui les habite, il y a une forme de tolérance par rapport à leur changement de genre. En fait, comme ils sont en dehors de la sexualité, c’est plus facile pour eux, on tolère plus le fait qu’ils changent de genre, ou est-ce que je vais un peu loin ?

Clovis : Non, c’est tout à fait ça. En tout cas, c’est vraiment mon hypothèse, mais je ne suis pas du tout le seul à le penser. Il y a des médiévistes qui ont montré ça, que dans le monde des moniales, des clercs, le monde religieux en général, comme l’idéal est de s’abstraire totalement de la sexualité, le genre ne pose véritablement problème qu’en termes de sexualité, puisqu’on régule beaucoup la sexualité. Donc, quand on est en dehors de ce monde de la sexualité, il y a plein de possibilités qui sont offertes. Et des deux côtés, parce qu’on peut voir effectivement des espèces d’idéal de masculinité dans des mondes qui viennent plutôt du féminin et, au contraire, des idéaux de féminité, dans des mondes unisexes parfois masculins, mais qui vont aspirer à beaucoup de choses qui viennent du côté du féminin. Il y a ces cas un peu extrêmes, il y en a une trentaine dans la géographie, ce que je trouve déjà beaucoup, mais c’est pas tant que ça.

Mais plus généralement, même chez des gens pour lesquels ne se pose pas la question d’une transition de genre, cette idée qu’on puisse un peu plus mêler masculin et féminin dans la vie et dans les aspirations, elle est assez prégnante dans le monde monastique, surtout dans le Moyen Âge central. Un exemple dans un livre qui est très connu et assez ancien maintenant, de Caroline Baynen, qui parlait de toutes les métaphores de l’allaitement, de l’idéal maternel chez les moines cisterciens, en particulier au 12e siècle.

Fanny : Mais ce passage de ton livre – vraiment, j’ai lu ça, j’étais «mais c’est génial » – c’était super intéressant. En fait, c’est dit dans ton livre, on voit les genres fluides. Et est-ce que, on l’a un peu dit, est-ce que tu as étudié des personnes qui changent radicalement de genre et qui sont acceptées comme ça ?

Clovis : Oui, je vais parler de deux cas très différents, pour donner des exemples un peu précis. Donc, il y a un cas qui est connu depuis assez longtemps, qui est un peu débattu, qui est quelqu’un qui s’appelle sans doute Joseph, dans le monde cistercien justement, pile à cette époque-là. C’est aussi intéressant de voir dans quel idéal ça se fait. C’est en fait le premier dossier de canonisation dans les communautés cisterciennes féminines. J’explique un peu : à cette époque-là, on fait des procès de canonisation. Pour que quelqu’un devienne saint, il faut faire une procédure un peu complexe, prouver qu’il y a eu des miracles, une vie sainte, et puis il faut que ce soit jugé pour que la personne soit inscrite au calendrier.

Donc, ça, c’est le premier cas, qui est trouvé chez les cisterciens. La vie est écrite juste après sa mort. On ne sait pas très bien ce que ça veut dire, mais disons qu’elle est écrite juste au lendemain de la mort, donc, elle a des chances de se rapprocher de la véritable personne un peu plus que des choses écrites des siècles après. L’histoire telle qu’elle nous est racontée, c’est quelqu’un qui est considéré comme une petite fille dans sa petite enfance et qui est orphelin – orpheline donc. Et qui, parti⸱e en pèlerinage à Jérusalem, se retrouve orphelin, orpheline à Jérusalem. Mais ses parents, pour le chemin pour aller en pèlerinage, l’avaient habillé⸱e en garçon. C’était assez courant à cette époque-là pour les voyages, de plutôt habiller les petites filles en petits garçons. Mais le fait de perdre ses parents fait que cette personne reste en fait comme un petit garçon et est considérée comme un petit garçon dans un autre espace, donc à Jérusalem, en Terre sainte, et peut faire des études grâce à ça, ce qui n’aurait pas été possible pour une petite fille, enfin une jeune adolescente, quoi.

Donc là, on l’appelle Joseph et il fait des études et il monte un petit peu, il est suffisamment éduqué. Il arrive à revenir dans son pays natal, qui est l’Empire germanique, et il y a des aventures un peu rocambolesques, des messages qui doivent être envoyés au Pape, des choses comme ça, une fausse accusation, et puis finalement, il rentre dans un monastère masculin, à Schönau. Peu de temps après, il tombe malade et il meurt. Quand il meurt, et au moment de le déshabiller, on trouve des organes génitaux et surtout des seins : on nous parle surtout des seins qui sont trouvés, et qui font que les gens sont un peu perturbés, de ce moine qui était connu tout le temps et qui n’avait pas le corps habituel d’un moine. Et donc on lui fait une transition post-mortem. On lui redonne un autre nom après sa mort, on l’appelle Hildegonde.

Fanny (riant) : Même pas Josepha, on prend un nom totalement différent.

Clovis : Et on se dit : « ah, mais en fait c’est une sainte ». C’est là que commence le processus de canonisation. Donc, ce qui est intéressant dans ce cas-là, c’est que le simple fait de trouver quelqu’un qui n’a pas tout à fait le bon genre ou qui aurait fait une transition de genre dans ce monastère est le point de départ pour entamer un processus de canonisation, en se disant simplement que ça ressemble à des histoires de saints qu’on connaît d’avant. Mais le processus n’aboutit pas. Sans doute parce qu’il y pas assez de miracles, la personne est morte trop jeune. Il y a plein d’explications à tout ça. Ce qui se passe effectivement là-dedans, c’est qu’on a cette personne qui vit depuis la petite enfance, qui a peut-être vécu toute sa vie sous une identité masculine, avec plein de circonstances, tout ça. Et c’est juste après la mort, finalement, qu’on va changer le genre de cette personne.

Et je voudrais parler d’un autre exemple, complètement différent, parce que là ça se passe bien, à part que la personne meurt…

Fanny : On était à quelle époque ?

Clovis : 12e siècle. Enfin fin 11e siècle. Un autre exemple, au 14e siècle – je crois que c’est 1355 – milieu du 14e siècle. On a un procès qui est fait à Venise, qui est dans les archives de cette nouvelle police qui est créée à Venise. Il faut remettre un peu le contexte : la grande peste noire en 1348, certaines villes se sont dit que c’était sans doute une punition de Dieu. Donc à Venise, ils se sont dit que c’est sans doute le mauvais comportement sexuel des Vénitiens qui avait entraîné cette punition de Dieu et qu’en réformant moralement Venise, on allait éviter les prochaines épidémies.

Fanny : La bonne ambiance, quoi.

Clovis : Super ambiance. Donc, ils créent une police spéciale, qui s’appelle li signori di notte, les seigneurs de la nuit. C’est une brigade nocturne qui va mettre le nez dans les chambres à coucher des gens. Ce qu’on sait, c’est qu’effectivement, ils vont faire du harcèlement policier, on dirait aujourd’hui, sur pas mal de gens, et en particulier sur des personnes que nous on appellerait des travailleuses du sexe, donc des gens qui vivent de leurs services sexuels.

Un des lieux de prostitution, à l’époque, c’est le pont du Rialto. Ils arrêtent quelqu’un sur le pont du Rialto dont ils disent que tout le monde la connaît comme Rolandinia Ronchaia, et tout le monde pense qu’elle s’appelle Rolandinia, et tout le monde dit que c’est une femme. Sauf qu’eux, ils disent que ce n’est pas une femme, mais que c’est un homme. Mais c’est les flics qui disent ça. Ils disent : il s’appelle Rolandinus, en fait. Ils le renomment et ils lui donnent un nom masculin, donc Roland au lieu de Rolandine, quoi. Et toute l’archive essaye de nous montrer, de nous prouver, que cette personne est bien un homme, tout en nous disant que tout le monde considère que c’est une femme.

Pourquoi ? Parce que si cette personne est une femme, à Venise, c’est pas très bien de se prostituer, mais c’est pas si grave. Mais si cette personne est un homme, alors là, c’est le vice sodomitique, qui est ce nouveau péché, globalement, qui est beaucoup plus grave. La condamnation, finalement, on ne sait pas exactement ce qui s’est passé, on a deux pages là-dessus, mais finalement la personne est condamnée à mort suite à ça. Donc là, on voit tout un dossier policier, à charge, qui démontre en fait que cette personne est un homme, tout en disant que tout le monde la considérait comme une femme pour pouvoir la condamner pour son comportement sexuel. Dans ce contexte, je le rappelle quand même, très particulier, de serrage de vis très, très fort sur la sexualité des Vénitiens.

Fanny : On voit effectivement, avec deux cas très différents, comment on pouvait considérer les personnes qui ont changé de genre au cours de leur vie, pour une raison ou pour une autre. On pourrait parler encore beaucoup, beaucoup, mais va falloir malheureusement qu’on avance un petit peu, même si c’est passionnant. En tout cas, il faut que les personnes lisent le livre. Justement, si on parle un peu de réception du public, arrivons à notre époque. Depuis que ton livre est sorti, il y a quelques années maintenant, on l’a dit, quelle a été la réception du public et des lecteurs et lectrices ? Parce que tu le dis toi-même, que ce n’est pas un ouvrage totalement grand public, mais qui permet de présenter des sources et un état de la recherche. Est-ce que c’est ça ?

Clovis : Ça, c’est comme ça que je l’ai conçu. Il faut que je raconte un peu l’histoire de ce livre qui n’était pas si évidente. Ce n’était ni une commande, ni quelque chose qui était attendu. C’est vraiment un livre que moi j’ai conçu à partir de mon projet doctoral et qui, globalement, n’intéressait pas grand monde au départ. J’ai dû pas mal me battre, en fait, pour le faire. J’étais vraiment aidé quand même par Jean-Claude Schimitt, mon directeur de thèse, je veux vraiment lui rendre hommage là-dessus. C’est quelqu’un qui a toujours été très, très ouvert sur de nouvelles perspectives.

Mais du point de vue éditorial, disant que c’était timide, on peut dire. C’est un livre qui est resté dans les tiroirs des éditeurs pendant un certain temps, on ne savait pas quelle allait en être la réception, il a été tiré à un tout petit nombre d’exemplaires au départ, et réimprimé très vite et réimprimé encore. C’est un livre qui a eu plus de succès qu’escompté. Moi, j’ai été plutôt très surpris, agréablement surpris aussi, parce que je m’attendais à rien et finalement, le livre a été plutôt bien reçu et puis lu assez doucement. C’est amusant qu’on en parle maintenant là, quatre ans après sa sortie, parce que, voilà, j’ai l’impression qu’il est lu sur une assez longue temporalité.

Je suis ravi de ce travail-là, parce que ce que je voulais, c’était donner envie aux gens de travailler sur ce sujet-là. C’est faire un livre un peu d’introduction qui soit accessible, compréhensible et facile à lire, mais qui ouvre la porte sur une manière de travailler. Je l’ai conçu comme ça. C’est pour ça que j’ai quand même un appareil critique, des références et un tableau de la trentaine de vies de saintes et de saints, pour donner envie aux gens de travailler dessus, avec les renvois vers la bibliographie pour pouvoir commencer à travailler. Moi, je le voulais plutôt comme un point de départ pour que d’autres gens travaillent là-dessus.

De fait, ce qui a émergé, c’est que j’ai été sollicité par des collègues suite à ce livre-là, parce qu’il y avait des gens qui travaillaient sur les mêmes sujets, qui étaient un peu isolés à ce moment-là. Donc, il y a un livre qui est paru juste après, par exemple, qui s’appelle Trans and Genderqueer Subjects in Medieval Hagiography de Blake Gutt et Alicia Spencer-Hall, qui est maintenant en libre accès sur les Presses universitaires d’Amsterdam, qu’on a écrit ensemble, en étant un peu isolé·e·s au début, et puis, du coup, on a échangé. J’ai traduit en français – le livre est en anglais, mais j’ai traduit en français un lexique et une partie du livre en même temps.

Il y a eu une collègue avec qui on a pu créer un colloque et donc faire un ouvrage collectif qu’on est en train de préparer et qui, j’espère, sortira l’année prochaine, donc en 2025, 2026 maximum, qui s’appelle Archéologie des transidentités, mondes médiévaux.

Fanny : Ah oui, un sujet encore plus loin que les textes.

Clovis : Archéologie au sens foucaldien, plutôt de revenir un peu sur l’histoire. Pas un livre d’archéologie, mais vraiment un livre sur l’archéologie du concept. Avec des gens qui travaillent sur les pays d’Islam, sur les mondes byzantins, des littéraires, des historiens, des historiennes, pour que plein de gens, dans leur spécialité, puissent se poser ces questions-là.

Finalement, la réception a été plutôt positive. Mais je ne vais pas non plus cacher qu’il y a eu des réceptions négatives. On est dans un monde qui est marqué par des vagues de transphobie ou de cissexisme extrêmement violentes en fait, et où ça se manifeste par du cyberharcèlement, de l’intimidation. Il y a des institutions qui m’ont invité à faire des conférences qui ont été intimidées, sommées d’annuler les conférences. Il y a aussi ça qui se passe en même temps.

Donc, je dirais que ça a été assez contrasté, parce qu’il y a beaucoup de gens qui ont montré leur intérêt et j’espère pouvoir continuer à encourager des jeunes étudiantes et étudiants à travailler sur ces sujets-là. Mais il y a aussi plein de gens, qui ne sont pas des historiens et historiennes généralement, mais des gens de la société civile, très politisés, souvent à l’extrême droite, qui sont très, très vigilants et qui essayent vraiment à la fois d’intimider, d’empêcher que les choses se fassent, et puis de menacer par des menaces de mort… On m’a décrit précisément comment ils allaient construire le bûcher sur lequel me faire flamber. Donc, il y a des projets assez précis comme ça, de menaces qui visent à intimider et à bloquer ce type de recherche et je veux pas non plus les taire, puisque ça existe aussi.

Fanny : Écoute, si avec cet épisode, on pourra encore plus porter ta parole, moi clairement c’est ce que j’ai envie de faire avec ce podcast. Justement, même si on est dans un hors-série du podcast, j’ai la question que je pose dans les épisodes : est-ce que tu as un conseil de sujet qui mériterait d’être étudié, en master ou en thèse ? Tu l’as dit justement, que tu donnais dans ton livre quelques pistes. Là, au micro, est-ce que tu aurais quand même quelques suggestions à donner ?

Clovis : Ouais, comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai mis ce tableau volontairement, en me disant que quand même, il y a plein de vies de saints et saintes qui sont très, très peu connues et peu étudiées, ou parfois qui ont été étudiées par des hagiographes des années 50, et donc ça mériterait de se replonger dessus. Et puis, il y a plusieurs dossiers, notamment sur l’Italie médiévale, qui ont été étudiés dans les années 80, les années 90, par des spécialistes de l’histoire de l’homosexualité et qui, souvent, ont un peu passé sous silence ou sont passés à côté des cas qui évoquent plutôt les transidentités et qui permettent de se replonger dedans. Dans les archives judiciaires des communes italiennes, j’ai cité un cas : Venise, je pense qu’il y a encore des choses à chercher dans ces archives vénitiennes. Mais il y a d’autres fonds d’archives…

Fanny : Qui sont des gros, gros centres d’archives en plus.

Clovis : Oui, voilà. Et dans lesquels ça vaudrait le coup d’aller y jeter un coup d’œil, avec cette question-là en tête, puisqu’on peut y trouver parfois – et des gens me contactent parce qu’ils trouvent dans certaines archives – des petites mentions. Une collègue m’a parlé dans les archives de Bologne de quelqu’un qui est décrit comme mezzo maschio, à moitié homme, sans savoir plus que ça ce que ça veut dire. Moi, j’inviterais des gens qui travaillent sur des procès, des archives judiciaires —moi je n’ai pas travaillé là-dessus — à les regarder avec cet œil particulier.

Fanny : Merci énormément, Clovis Maillet, c’était passionnant, vraiment. Donc, auditeurs, auditrices, je ne peux que vous conseiller, si vous voulez en savoir plus, d’aller lire le livre Les genres fluides aux éditions Arkhê. Moi, j’ai trouvé à la librairie au musée d’archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye, mais je pense que vous pouvez le trouver dans toutes les bonnes librairies, partout, et dans toutes les bonnes librairies de musées médiévaux, il y en a plein. Je vous mettrai aussi sur le site passionmedievistes.fr un article qui sera en lien avec l’épisode, où on vous mettra toutes les références qu’on a dites aujourd’hui. Et donc, auditeurs, auditrices, j’espère que ça vous a plu.

S’il y a d’autres sujets comme ça que vous aimeriez que je traite dans ce hors-série, n’hésitez pas à m’envoyer un petit message. Je vous dis à bientôt pour un prochain épisode de Passion Médiévistes. Salut !

Clovis : Merci.

Merci à cancerso pour la transcription et à Brunehild pour la relecture !