Passion Antiquités

Épisode 19 – Alexandrine et Beyrouth (Passion Antiquités)

Comment ont été réalisées les fouilles de Beyrouth, la capitale du Liban et qu’est-ce que les archéologues ont découvert sur la ville antique ?

Dans cet épisode de Passion Antiquités, je reçois Alexandrine Roche, doctorante en archéologie à l’université Paris 1. Elle nous parle de sa thèse intitulée Beyrouth antique d’après les fouilles préventives de la place des martyrs, qu’elle réalise sous la direction de François Villeneuve et de Dominique Pier.

“C’est un sujet au croisement entre l’Histoire archéologique et l’Histoire contemporaine du Liban.” — Alexandrine Roche

Beyrouth durant l’Antiquité

Les fouilles de Beyrouth
Les fouilles de Beyrouth

Beyrouth est la capitale du Liban, un pays du Proche-Orient situé entre la Syrie, au nord et Israël, au sud. C’est un territoire très riche, coincé entre deux montagnes et bordé par la Méditerranée. Alexandrine Roche étudie la ville pendant la période hellénistique. Cette longue période suit l’arrivée d’Alexandre le Grand au Proche-Orient. Elle s’étend jusqu’à l’installation du pouvoir romain avec Pompée, au Ier siècle avant notre ère, et se termine avec la conquête arabe qui marque le début de la période byzantine.

Initialement, d’un point de vue topographique, Beyrouth est une ville en pente, qui court à flanc de montagne. Des coulées de boue ont modelé le paysage qui, à l’époque, était beaucoup plus vallonné qu’aujourd’hui. Dans l’Antiquité, la ville épousait donc cette topographie, tandis que des comblements ont été réalisés depuis.

Les fouilles de la place des Martyrs à Beyrouth

“Cette fouille s’étendait sur un périmètre tellement vaste qu’à l’époque, elle a été surnommée ‘le plus grand chantier archéologique préventif du monde’.” — Alexandrine Roche

Alexandrine Roche vous révèle que les fouilles de Beyrouth ont commencé à la fin de la guerre civile qui s’est déroulée au Liban, entre avril 1975 et octobre 1990. Il s’agissait d’une guerre de communautés, entre des milices chrétiennes et des milices musulmanes. Dans le cadre de la reconstruction de la ville, les archéologues ont donc saisi l’opportunité d’étudier les vestiges du centre-ville avant que les travaux débutent.

“Il y a toujours deux temporalités [dans un chantier de fouilles] : celle de l’archéologue qui fouille, et celle de l’aménageur qui est là pour reconstruire.” — Alexandrine Roche

Les zones fouillées à Beyrouth pendant les années 1990
Les zones fouillées à Beyrouth pendant les années 1990

La fouille de Beyrouth autour de laquelle se concentrent les recherches d’Alexandrine Roche a été menée sur la place des Martyrs, entre 1993 et 1997. Elle a eu lieu à l’emplacement d’un bâtiment administratif construit durant la période ottomane, qui fut détruit entre le milieu et la fin des années 1950. La découverte de vestiges datant de l’époque hellénistique a ainsi permis d’étendre les frontières de la ville et d’en redessiner les contours. Aussi, Alexandrine Roche vous dévoile qu’une muraille de défense phénicienne a même été trouvée sur cette même place, ainsi qu’un grand complexe d’habitat abritant de nombreuses mosaïques.

Les recherches d’Alexandrine Roche

“[En fouillant,] le fouilleur détruit son sujet de recherches. On enregistre donc en permanence.” — Alexandrine Roche

Relevé des fouilles menées à Beyrouth
Relevé des fouilles menées à Beyrouth

Alexandrine Roche concentre ses recherches sur un quartier d’habitation de Beyrouth qui existait déjà à la période hellénistique romaine. Elle étudie les différentes strates de construction, dont elle recoupe les données matérielles avec les documents de fouilles accumulés au cours des différents chantiers de fouilles qui ont eu lieu dans la capitale.

Alexandrine Roche étudie la documentation de fouille : relevés d’architecture, photographies, ou encore diverses données. C’est un travail difficile et fastidieux. Elle insiste également sur le fait qu’une majorité des comptes-rendus de fouilles n’ont jamais été publiés. Par ailleurs, elle dévoile qu’un dégât des eaux a endommagé la documentation, tandis que beaucoup d’informations et de données ont été perdues.

Alexandrine Roche vous confie ainsi avoir beaucoup de difficulté à accéder aux données, sachant que beaucoup de sources sont lacunaires. De plus, elle insiste sur une difficulté supplémentaire : elle ne peut mener ses recherches qu’en étant sur place, à Beyrouth. D’une part, il est impossible de déplacer l’ensemble des documents ; d’autre part, elle a besoin de pouvoir se représenter les espaces, ce qui est très difficile en ne se basant que sur des plans. Il lui est donc indispensable de se rendre à Beyrouth dans le cadre de la thèse qu’elle prépare.

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :

  • Aubert C., « BEY 002. Rapport préliminaire », Bulletin d’archéologie et d’architecture libanaises, 1, 1996, p. 60-97.
  • Badre L., « Les découvertes archéologiques du centre-ville de Beyrouth (information) ». Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 140, no 1, 1996, p. 87-97.
  • El-Achkar, E., « La reconstruction du centre-ville de Beyrouth », In : Réglementation et formes urbaines : Le cas de Beyrouth [en ligne]. Beyrouth : Presses de l’Ifpo, 1998. Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/ifpo/4325
  • Lauffray J., « Forums et monuments de Béryte », Bulletin du musée de Beyrouth, 7, 1944-1945, p. 13-80.
  • Lauffray J., « Forums et monuments de Béryte », Bulletin du musée de Beyrouth, 8, 1946-1948, p. 7-16.
  • Lauffray J., « Beyrouth. Archéologie et histoire, époques gréco-romaines : I. période hellénistique et Haut-Empire romain », Aufstieg und Niedergand der römischen Welt, 1977, p. 135-163.
  • Lefèvre A.-C., « Beyrouth : le plus grand chantier d’archéologie urbaine du monde », Archéologia, 316, 1995, p. 14-33.
  • Mouterde R., Regards sur Beyrouth phénicienne, hellénistique et romaine, Beyrouth, Imprimerie catholique, 1966.
  • Mouterde R., Lauffray J., Beyrouth, ville romaine. Histoire et monuments, Beyrouth, Publications de la Direction des antiquités du Liban, 1952.
  • Pieri D., « Les fouilles de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient à Beyrouth (1993-1997) », dans V. Rondot, F. Alpi, F. Villeneuve (dir.), La pioche et la plume. Autour du Soudan, du Liban et de la Jordanie. Hommages à Patrice Lenoble, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2011, p. 111-120.
  • Roche, A., « La fouille archéologique du centre-ville de Beyrouth au sortir de la guerre civile », In : Archéologie et fouilles en contexte difficile [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2023. Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/psorbonne/111340
  • Saidi M.-T. O., « La ligne verte de Beyrouth 1975-1991 », Guerres mondiales et conflits contemporains, 190, 1998, p. 43-60. URL : https://www.jstor.org/stable/25732502
  • Will E., « Nouvelles archéologiques : vers de nouvelles fouilles à Beyrouth », Syria, 69/1-2, 1992, p. 221-225. DOI : 10.3406/syria.1992.7272

Merci à Clément Nouguier qui a réalisé le générique du podcast et à Alizée Rodriguez pour la rédaction de l’article !