Épisode 2 – Morgane et les Naditum de Mésopotamie

Connaissez-vous les Naditum de Mésopotamie ?

Pour ce deuxième épisode de Passion Antiquités j’avais envie de vous emmener dans ma période antique préférée, la Mésopotamie. L’invitée de cet épisode est Morgane Pique, étudiante à l’Université de Lille en deuxième année de Master recherche Mondes Anciens Egypte et Proche-Orient anciens, spécialité Proche-Orient ancien.

Dans son mémoire elle a étudié les Nadîtum de Sippar (ville antique située au sud de Bagdad), des femmes consacrées au dieu mésopotamien de la Justice, Shamash, il y a 3700 ans (époque paléo-babylonienne, de -2000 à -1600). Pour Morgane, étudier ces femmes revient à rectifier certaines idées concernant les femmes dans l’Antiquité au Proche-Orient.
C’est quoi la Mésopotamie ?
Quand on parle de Mésopotamie, on parle en général de l’histoire du Proche-Orient, « Mésopotamie » signifiant « entre les fleuves », en référence aux fleuves du Tigre et de l’Euphrate. Pour les bornes historiques, on part du début de l’invention de l’écriture vers -3300 jusqu’à l’invasion de la Babylonie par les Perses vers -539 avant JC.
Dans ses recherches, Morgane Pique s’est concentrée sur la Babylonie, au sud de l’Irak, pendant la période paléo-babylonienne, qui commence en -2200 jusqu’à environ -595 avant JC, une période dont on sait beaucoup de choses grâce à de nombreuses archives.
Les Naditum, des prêtresses et femmes d’affaires
Les Nadîtum étaient consacrés au dieu Shamash, mais elles n’étaient pas de simples « religieuses » comme elles ont longtemps été qualifiées, puisqu’elles géraient tout un patrimoine immobilier dans la ville de Sippar, une ville importante pour le royaume de Babylone. Elles possédaient énormément de maisons et de champs qu’elles achetaient, vendaient et louaient à la population, mais elles étaient aussi propriétaire de tavernes, un lieu soi-disant apparenté à un bordel qui se serait trouvé dans les zones mal-famées des villes antiques.
Et étudier les Nadîtum en 2020 c’est contredire toutes ces idées, et rappeler au monde que les femmes ont été très puissantes dans l’histoire, même près de 2000 ans avant notre ère. Les Nadîtum étaient tellement importantes qu’elles sont le sujet de plus de dix articles dans le Code d’Hammurabi, l’un des premiers codes de loi de l’Histoire.

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, Morgane vous conseille de lire :
Ouvrages généraux (et récents ! c’est plutôt rare en Assyriologie) :
- Finkel I., L’Arche avant Noé : les origines de l’histoire du déluge déchiffrées, Traduit de l’anglais par Olivier Lebleu, Paris : Lattès, 2015.
- Joannès F. (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris : Laffont, 2001.
- Lafont B., Tenu A., Joannès F. et Clancier P., La Mésopotamie, De Gilgamesh à Artaban (-3000 à -120 av. J.-C.), Coll. Mondes Anciens, Paris : Belin, 2017.
- Sauvage M. (dir.), Atlas historique du Proche-Orient ancien, Beyrouth-Paris : IFPO-Les Belles Lettres, 2020.
Sur la « religion » mésopotamienne :
- Black J. et Green A., Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia, An illustrated dictionary, Londres : The British Museum Press, 1998.
- Charpin D., La vie méconnue des temples mésopotamiens, Paris : Collège de France – Les Belles Lettres, 2017.
- Frayne D. R. et Stuckey J. H., A Handbook of Gods and Goddesses of the Ancient Near East, Penn State University Press : Eisenbrauns, 2021.
- Kramer S. N., Bottero J., Lorsque les dieux faisaient l’homme : mythologie mésopotamienne, Paris : Gallimard, 1989. (les propos de cet ouvrage commencent à sérieusement dater, mais il reste une référence.)

Articles sur les nadītum, accessibles gratuitement sur academia.edu:
- Lahtinen S., The naditum as Businesswoman. Economic enterprise among religiously devoted women in old Babylonian Sippar, Saarbrücken, 2011. (c’est un mémoire)
- Van Wyk S. J., Prostitute, Nun or « Man-Woman » : Revisiting the Position of the Old Babylonian nadiatu Priestesses, Journal of Northwest Semitic Languages 41-1, 2015.
- De Graef K., « In Taberna Quando Sumus. On Taverns, Nadītum Women, and the Gagûm in Old Babylonian Sippar », dans S. L. Budin, M. Cifarelli, A. Garcia-Ventura et A. Millet Albà (dir.), Gender and Methodology in the Ancient Near East. Approaches from Assyriology and beyond, BMO 10, Barcelone : Edicions de la Universitat de Barcelona, 2018, p. 77-115.

Et voici quelques outils pour les plus curieux :
- Le site de fouille de Ayman sur lequel a travaillé Morgane Pique
- CDLI, Cuneiform Digital Library Initiative : des milliers de tablettes en cunéiforme y sont répertoriées, avec un accès à leurs photos, leurs translittérations, parfois la traduction… Le site regorge d’outils (comme une chronologie des différentes dynasties) pour en apprendre plus sur la Mésopotamie. Pour ça, il faut se perdre longuement dessus…
- Un ouvrage pour l’apprentissage du cunéiforme : R. Labat et F. Malbran-Labat, Manuel d’épigraphie akkadienne, Paris : Geuthner, 2002.
- Les vidéos de la chaîne Youtube du British Museum, avec comme invité Irving Finkel, conservateur adjoint du département Moyen-Orient du British Museum de Londres.
- The Poor Man of Nippur – World’s first film in Babylonian : le projet de l’Université de Cambridge, le premier court-métrage en babylonien (sous-titres français disponibles!)
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- SPIROU & FANTASIO – EP19 – Shamash
- Rusan Filiztek : Mésopotamia, Nomad (Filiztek, Aria, Barou)
- The Codex Hammurabi, part of the Prologue, read by Albert Naccache (l’Université de Londres a fait des enregistrements en akkadien du Code d’Hammurabi)
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
Merci à Clément Nouguier qui a réalisé ce magnifique générique !
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