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Super Joute Royale #8 – Les rois du XIIIème siècle

Trois gros rois et deux plus « mineurs », voici le programme de cet épisode de Super Joute Royale sur le XIIIème siècle !

Classer les rois de France siècle par siècle, personne n’y avait pensé, et nous le faisons dans Super Joute Royale, le nouveau format de Passion Médiévistes. Dans l’épisode d’introduction, nous avons présenté le concept et discuté autour du concept de roi au Moyen Âge, et dans les précédents épisodes nous avons parlé des rois du VIème siècle au XIIème siècle. Vous pouvez retrouver le classement total des rois sur notre site, et voici ci-dessous le XIIIème siècle !

Le contexte historique du XIIIème siècle

Baies de la Sainte Chappelle (© Fanny Cohen Moreau)
Baies de la Sainte Chappelle (© Fanny Cohen Moreau)

Au cours de ce siècle, le royaume de France se constitue progressivement en un État, en une entité politique de plus en plus solide. C’est une période avec trois rois très importants et deux rois plus mineurs mais qui ont tout de même leur importance. C’est aussi une période où on se rend compte que les croisades, commencées au XIème siècle, ne sont plus quelque chose de pieux, qu’on les utilise plus pour la gloire personnelle et des intérêts particuliers que pour l’intérêt religieux.

Les rois du XIIIème siècle

  • Philippe II (2ème partie)

Nous avions commencé à parler de ce roi dans l’épisode précédent, avec un début de règne compliqué. Au début du XIIIème, Philippe II réussit à faire légitimer ses enfants qu’il a eu avec Agnès de Méranie (la femme qu’il a épousée alors qu’il pensait avoir répudié Ingeborg mais en fait non) par rescrit papal en 1201, et ce malgré leur illégitimité flagrante et leur naissance ouvertement hors-mariage.

Philippe Auguste sacré roi du vivant de son père Louis VII par l’archevêque de Rouen (1179), Ms 512 – fol. 226r (Bibliothèque municipale de Toulouse (Source gallica.bnf.fr / BnF)
Philippe Auguste sacré roi du vivant de son père Louis VII par l’archevêque de Rouen (1179), Ms 512 – fol. 226r (Bibliothèque municipale de Toulouse (Source gallica.bnf.fr / BnF)

A son retour de croisade, Philippe II en profite pour négocier avec le frère du roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion, Jean sans Terre, et s’assure à long terme de récupérer la Normandie. Néanmoins, quelques années plus tard, une coalition internationale s’organise contre le royaume de France, qui débouchera sur la bataille de Bouvines et une victoire du roi de France en 1214. A noter qu’il existe un témoignage direct de cette bataille par Guillaume le Breton qui a laissé un vivant récit de l’action dans sa Philippide.

Parmi ce qui est positif dans son règne, Philippe Auguste a donc acquis de son vivant l’Artois, l’Amiénois, le Valois et le Vermandois, une partie du Berry, la plus grande partie de l’Auvergne, la Normandie, presque tout l’Anjou, la majeure partie du Poitou. Pour sa part, l’Empire angevin est ruiné à jamais. Il ne subsiste donc plus que quatre grands fiefs à surveiller, bien que tenus sous tutelle : la Flandre, la Bretagne, la Bourgogne et la Champagne.

Philippe II est aussi un roi bâtisseur, qui a contribué à la modernisation des villes : il va doter Paris d’une muraille continue des deux côtés de la Seine, il va protéger le centre du pouvoir en construisant le Louvre qui va devenir le château de Paris, il va assainir la ville en pavant par exemple les rues les plus importantes, et doter la ville d’une université, en faisant un des centre d’études les plus importants de France .

Mais durant son règne, Philippe II lance la croisade contre les Albigeois dans le comté de Toulouse (qu’on appelle aussi les Cathares), considérés comme des hérétiques, alors qu’ils sont chrétiens. Il envoie son fils, futur Louis VIII, se battre contre eux.

 

  • Louis VIII, celui qui a bien assuré sa descendance
Couronnement de Louis VIII et Blanche de Castille (manuscrit "Les Grandes Chroniques de France" de Jean Fouquet. XVe siècle. Paris, B.N.)
Couronnement de Louis VIII et Blanche de Castille (manuscrit « Les Grandes Chroniques de France » de Jean Fouquet. XVe siècle. Paris, B.N.)

Né en 1187, Louis accède au trône à la mort de son père en 1223, et ne règne que trois ans car il décède en 1226. Marié avec Blanche de Castille, petite-fille d’Aliénor par sa mère, ils ont douze enfants ensemble. Il constitue des apanages pour ses fils ; l’Artois à Robert, le Poitou à Alphonse, et l’Anjou et le Maine à Jean (puis à Charles). Il est un peu effacé par l’historiographie entre son père et son fils, et à cause de son règne ultra court.

Principal événement de son règne, la croisade contre les Albigeois, aussi appelés les Cathares. Le concile de Bourges en 1225 le place à la tête de l’expédition pour combattre Raymond VII de Toulouse, accusé par le Pape d’abriter des Cathares sur ses terres et de s’être converti au catharisme. A la Pâques 1226 il part pour Avignon et prend la ville après trois mois de siège, puis Nîmes, Castres et Carcassonne. En juillet 1226, Thibaud IV de Champagne (le cousin de Raymond) refuse que les terres de Raymond soient confisquées et quitte l’Ost royal, donc l’armée royale doit faire seule le siège de Toulouse. Mais à cause d’une crise de dysenterie, le roi meurt au château de Montpensier en novembre.

C’est le premier roi qui n’est pas sacré du vivant de son père, un signe que son père Philippe Auguste a suffisamment endurci la monarchie pour éviter les conflits de succession. Et surtout, au début de son règne, on célèbre Louis VIII comme celui qui unit la lignée de Charlemagne et la lignée d’Hugues Capet : par un travail généalogique, on rappelle que sa mère est une descendante de Charles de Lotharingie, un fils de Louis IV et Gerberge évincé du trône par Hugues Capet en 987.

 

 

  • Louis IX ou Saint Louis, « un mec pas très marrant »
Enseignements de saint Louis, Paris, 1330-1340, parchemin 145 fol., 26,5 x 20 cm, Paris, BNF, Manuscrits, Français 1136, ici fol. 82. Le Pogam 2014 Cat. 35.
Enseignements de saint Louis, Paris, 1330-1340, parchemin 145 fol., 26,5 x 20 cm, Paris, BNF, Manuscrits, Français 1136, ici fol. 82.

Né en 1214, Louis IV règne à partir de 1226 sous la gouvernance de sa mère, mais effectivement seulement à partir de 1241. Lorsqu’il accède au trône il n’a que 12 ans et c’est donc sa mère Blanche de Castille qui s’occupe des affaires . Elle gère notamment la révolte des barons (duc de Bretagne, comtes de Champagne, de Boulogne) et prend Toulouse en 1228.

Pendant l’épisode nous avons choisi d’enlever des points à Louis IX pour ses décisions envers les Juifs. En 1230,  les Juifs sont condamnés avec une interdiction de l’Usure sur les prêts consentis et les seigneurs peuvent les réduire à l’état de serf. Quelques années plus tard, en 1247, les biens des Juifs sont confisqués.

En 1244, Louis IX est malade et fait vœu de partir en croisade s’il guérit. Comme il va mieux, il décide de partir vers l’Égypte et lance la septième croisade, qui se tiendra de 1248 à 1254. Il laisse sa mère Blanche de Castille aux commandes du royaume, mais emmène avec lui sa femme enceinte et son héritier Philippe. En 1249, son débarquement à Damiette est un succès, et donc se dirige alors vers Mansourah. Mais c’est un échec en avril 1250, il est fait prisonnier. Après une négociation avec le Sultan d’Égypte il est libéré, mais doit verser une rançon de plus 500 000 livres. Jusqu’en 1253, il renforce les fortifications des villes chrétiennes (Jaffa, Acre…) mais il reçoit la nouvelle de la mort de sa mère en décembre 1252 et décide de retourner en France en 1254.

A son retour de croisade, Louis IX impose une volonté de moralisation du royaume et interdit les jeux de hasard et d’argent en 1254, les duels judiciaires, l’ordalie et les guerre privées en 1258, et impose la tutelle royale sur les villes en 1262. En 1269 on impose la rouelle aux Juifs, une pièce de tissu distinctive sur leurs vêtements, déjà en pratique en Empire et en Angleterre.

Louis IX réorganise la basilique de Saint-Denis, déjà améliorée sous Louis VII et les tombeaux des rois de France, toutes dynasties confondues. Il fait construire des gisants, des représentations des rois et des reines en pierre comme s’ils étaient debouts, et il fait tout un programme de propagande funéraire avec un cheminement chronologique jusqu’à sa future tombe. Il met en place une tradition où les membres de la famille royale seront enterrés à Saint-Denis.

Durant son règne, il fait aussi construire la Sainte-Chapelle pour abriter les reliques de la Passion du Christ, acquises auprès des empereurs byzantins qui avaient besoin d’argent.  Elle est construite à l’intérieur du palais des Capétiens, avec tout un programme iconographique avec les armes de Louis IX et celles de Blanche de Castille.

En 1270, Louis IX décide de repartir en croisade, la huitième, pour convertir l’Emir et reprendre les possessions en Égypte. Il se dirige vers la Tunisie et fait le siège de Tunis. Mais une épidémie de peste se déclare, et le roi finit par mourir au combat.

 

  • Philippe III, « sa maman dit qu’il est spécial »
Sacre de Philippe III, Bibliothèque municipale de Toulouse
Sacre de Philippe III, Bibliothèque municipale de Toulouse

Fils de Louis IX, Philippe III naît en 1245 et il est proclamé roi en 1270 à la mort de son père. Il n’était pas destiné à régner parce qu’il a un aîné qui meurt accidentellement. Tout son début de règne est marqué par beaucoup de mauvaises nouvelles : son père meurt à Tunis, en rentrant en France sur le chemin sa femme Isabelle d’Aragon (enceinte) fait une mauvaise chute de cheval, accouche prématurément et meurt dans la foulée, et son beau-frère roi de Navarre Thibaut de Champagne meurt aussi sur la route.

C’est un roi sous-estimé historiographiquement parlant, car il est entre deux « grands rois ». C’est pourtant un roi charnière dans la consolidation du royaume et renforcement de l’autorité royale. Il récupère le comté de Toulouse, le Poitou et une partie de l’Auvergne en 1272. En 1274, il profite de la mort d’Henri Ier de Navarre pour fiancer Jeanne de Navarre avec le Dauphin Philippe (futur Philippe IV le Bel), le mariage a lieu en 1284 et ainsi ramène dans le royaume la Navarre et la Champagne (fief de la Navarre).

Il s’impose face aux comtes de Foix et d’Armagnac, qui contestent son pouvoir, en confisquant leurs terres après les avoir battus. Philippe offre le Comtat Venaissin (Vaucluse) au pape Grégoire X, achète les comtés de Nemours et Chartres (1274 et 1277), récupère de son frère les comtés du Perche et d’Alençon (1283) et organise le rapprochement avec l’Empire en mariant sa cousine, Mahaut d’Artois avec Othon IV de Bourgogne (1285).

Il réforme aussi le royaume, en passant la majorité des rois à 14 ans, il impose un tribunal royal dans chaque baillage, il sanctionne par une amende les nobles qui ne répondent pas à l’Ost, il créé un impôt sur la transmission des fiefs. Mais en 1285, il lance la « Croisade d’Aragon » contre Pierre III d’Aragon, qui conteste les droits de Charles d’Anjou en Sicile, il assiège Gérone, attrape la dysenterie, et en fuyant il meurt à Perpignan.

 

  • Philippe IV “Le Bel” (1ère partie)
Gisant de Philippe IV à la basilique Saint-Denis
Gisant de Philippe IV à la basilique Saint-Denis

Né en 1268, Philippe IV règne à partir de 1285. Il renforce l’œuvre législative de son père et de son grand-père et laisse plus de place à ses conseillers dans les affaires du royaume, notamment ceux issus de la noblesse de robe comme Philippe de Nogaret. Il consulte souvent le peuple dans la première partie de son règne et demande l’accord pour certaines décisions, préfigurant les Etats Généraux.

En 1292 et 1293, Philippe IV convoite les terres anglaises de Guyenne après qu’Edouard Ier n’ait pas rendu un hommage « sincère » lors du sacre.  A la suite d’un conflit entre marins normands (sujet français) et bayonnais (sujets du roi d’Angleterre), le roi de France convoque Edouard Ier le 27 octobre, et à la suite de l’absence de ce dernier, il déclare une commise de la Guyenne le 19 mai (mais il finira par la rendre).

En 1296, Philippe IV entre en conflit avec le pape Boniface VIII, à propos de la décime, un impôt payé par le clergé. L’affaire est  réglée en justice et Boniface doit renoncer à l’annulation de cet impôt, et en signe de réconciliation, procède à la canonisation de Louis IX. Cet acte permet de valoriser son propre pouvoir et de s’affirmer comme le descendant d’un saint et comme une personne sacrée.

Nous finirons de parler du règne de Philippe IV dans le prochain épisode de Super Joute Royale !

Pour en savoir plus sur les rois du XIIIème siècle, on vous conseille de lire :

  • Gorochov & al., Écrit, pouvoirs et société, Atlande, Paris, 2019
  • Gauvard, Claude. Le temps des Capétiens. Presses Universitaires de France, 2013
  • Flori Jean, Philippe Auguste. Tallandier, « Hors collection », 2007
  • Sibon, Juliette. Chasser les juifs pour régner. Éditions Perrin, 2016
  • Jean-Christophe Cassard, L’âge d’or capétien, 1180-1328, Paris, Belin, 2014
  • Gauvard, Claude. Le temps des Valois. (de 1328 à 1515). Presses Universitaires de France, 2013
  • Actuel Moyen Âge, « Quand la police tape sur les étudiants« 

Retrouvez Justine dans l’épisode sur la reine Gerberge, Guillaume dans celui sur les tournois de chevalerie et Ilan sur les réseaux politique chez les Carolingiens.

Merci beaucoup à Simon Vandendyck pour son très beau générique pour Super Joute Royale ! Saurez-vous reconnaître tous les extraits de ce générique ?