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Épisode 45 – Mathieu et l’alimentation au XVIIIème siècle (Passion Modernistes)

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Épisode 45 - Mathieu et l'alimentation au XVIIIème siècle (Passion Modernistes)
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Comment mangeait-t-on au XVIIIème siècle, comment était organisé l’alimentation pour les nobles ?

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Enregistrement de l'épisode 45 de Passion Modernistes aux Archives du Val de Marne à Créteil (mars 2025)
Enregistrement de l’épisode 45 de Passion Modernistes aux Archives du Val de Marne à Créteil (mars 2025)

Au micro de cet épisode de Passion Modernistes, Mathieu Lanos vous parle de l’alimentation au XVIIIe siècle, à partir de ses recherches en master sous la direction de Mireille Touzery, sur le fonds Malon de Bercy, conservé aux Archives départementales du Val-de-Marne.

L’alimentation et l’étiquette de la bourgeoisie au XVIIIème siècle

Pour ses recherches, Mathieu Lanos a surtout étudié l’alimentation de la noblesse. Il ne s’agit donc pas d’une représentation de l’ensemble de la société. À l’époque moderne, on comptait déjà quatre repas : le déjeuner pour le matin, le dîner pour le midi, le souper pour le soir et le goûter, qui désigne les repas pris en extérieur. Il nous révèle que dans ces cercles de la société, l’assiette est composée majoritairement de viande et de quelques légumes. Ils boivent surtout du vin et mangent également des pâtisseries comme le sorbet.

AD 94 46J 174, Facture pour préparation chocolatée, 1774 (f°38).
AD 94 46J 174, Facture pour préparation chocolatée, 1774 (f°38).

Pendant les repas, il y a une étiquette composée d’une série de codes à respecter qui rigidifie le corps : il faut se tenir droit, les poignets sur le bord de la table, il ne faut pas écœurer le voisin, il ne faut pas regarder l’assiette de ce dernier… Il faut également contrôler ses gestes : ce n’est pas le corps qui va à l’assiette, mais l’aliment qui vient à la bouche. La mise en place de la table est aussi visuellement stricte : le plat le plus grand est au centre et ensuite une disposition pyramidale qui descend jusqu’aux assiettes.

À la fin des repas, les restes sont donnés aux domestiques et s’il y en a encore, soit ils en font une farce soit la nourriture est vendue à un regrattier. Ce dernier revend les restes à des tavernes, des aubergistes et plus rarement à des particuliers.

La famille des Malon de Bercy

5 Fi, Charenton 13 [une gravure du XVIIIe siècle qui donne un aperçu du château côté cour, la cuisine se trouvait dans le petit bâtiment derrière les arbres à gauche].
5 Fi, Charenton 13 [une gravure du XVIIIe siècle qui donne un aperçu du château côté cour, la cuisine se trouvait dans le petit bâtiment derrière les arbres à gauche].
Mathieu Lanos s’est concentré sur deux générations de la famille Malon de Bercy :

  • Première génération : Nicolas Charles de Malon de Bercy (1708 – 1790) et son épouse Françoise Taschereau de Baudry (vers 1712 – 16 ou 30 juin 1786)
  • Deuxième génération : leur fils Maximilien Emmanuel Charles (1745-1781) et son épouse Catherine de Simiane (1756 – 1781)

Les Malons de Bercy sont issus de la noblesse de robe qui rassemble les nobles ayant acquis des fonctions de gouvernement (en justice ou en finance). Le père et le fils sont des intendants de provinces. Leur domaine se trouve sur l’ancien emplacement de Bercy, aujourd’hui au niveau de Charenton-le-Pont en Val-de-Marne. De nos jours, de leur habitation il ne reste que quelques vestiges de la maison des employés.

Les employés et la préparation de l’alimentation et des repas

Pour la gestion de leur alimentation, les Malons de Bercy se sont entourés de plusieurs domestiques. Ils ont recours à un maître d’hôtel pour veiller à la dépense quotidienne, et notamment celle de la bouche. Ce dernier note sur une feuille de table les menus de la journée. Les maîtres d’hôtel travaillent également en coopération avec les pourvoyeurs qui s’occupent d’établir le contact et les contrats avec les marchands et fournisseurs. Enfin, au sein du domaine, il y a des cuisiniers (un chef de cuisine et des garçons de cuisine), et des jardiniers pour entretenir les jardins du domaine.

À travers les sources se penchant sur l’organisation des repas, Mathieu Lanos observe que les Malons de Bercy possèdent beaucoup d’ustensiles de cuisine, près de 150 à 200 pièces. Ce nombre important s’explique par les événements mondains : il faut avoir du matériel pour subvenir aux besoins de tous les invités.

AD 94 46J 219, Plan de disposition du rez-de-chaussée du château de Bercy, XVIIIe siècle
AD 94 46J 219, Plan de disposition du rez-de-chaussée du château de Bercy, XVIIIe siècle

En se penchant sur les plans du domaine, nous relevons qu’il n’y a pas de cuisine dans le bâtiment principal. À l’époque moderne, nous ne voulons pas que les activités domestiques soient proches de l’espace intime. Notre invité explique que les employés doivent traverser la cour et poser les plats dans la salle du buffet. Il s’agit d’une pièce aménagée de meubles avec des réchauds pour maintenir la nourriture au chaud.

Merci à l’équipe des Archives du Val-de-Marne pour l’accueil et l’organisation et à Lisa Paladry pour la rédaction de cet article !

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :

  • Birlouez, Éric, Histoire de l’alimentation des Français, Rennes, Ouest-France, 2022, 284 p.
  • Birlouez, Éric, Petite et grande histoires des légumes, Versailles, Editions Quae, 2023, 171 p.
  • Flandrin, Jean-Louis, l’ordre des mets, Paris, Odile Jacob, 2002, 282 p.
  • Meyzie, Philippe, « La noblesse provinciale à table : les dépenses alimentaires de Marie-Joséphine de Galatheau (Bordeaux, 1754 – 1763) », dans Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 54-2, no. 2, 2007, p.32-54. (lien vers l’article)
  • Meyzie, Philippe, L’alimentation en Europe à l’époque moderne : manger et boire, XVIe s.-XIXe s., Paris, Armand Colin, 2010, 288 p.
  • Quellier, Florent, Histoire du jardin potager, Paris, Armand Colin, 2012, 191 p.
  • Quellier, Florent (dir.), Histoire de l’alimentation : de la Préhistoire à nos jours, Paris, Belin, 2021, 799 p.
  • Rambourg, Patrick, Histoire de la cuisine et de la gastronomie française, Paris, Perrin, 2010, 381 p.
  • Smets, Josef, « À la table d’un seigneur languedocien en 1766 : les comptes du cuisinier », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. no48-4, no. 4, 2001, p.32-49. (lien vers l’article)