Clichés #2 – Les gens savaient-ils lire et écrire au Moyen Âge ?
Les gens ne savaient ni lire ni écrire au Moyen Âge ?
Dans les épisodes du podcast Passion Médiévistes, on évoque souvent plein de clichés sur le Moyen Âge. Mais dans cette série de courts épisodes, je vous propose des focus sur certaines idées reçues précises, avec à la plume et au micro des membres du collectif d’historien.ne.s Actuel Moyen Âge. Dans ce deuxième épisode, Florian Besson vous parle du cliché sur l’analphabétisme au Moyen Âge.
« Au Moyen Âge, les gens ne savaient ni lire ni écrire ! » : c’est sûrement l’une des idées les plus répandues sur la période médiévale. C’est aussi l’une des plus fausses. Certes, l’accès à l’écrit reste globalement peu répandu, et reste le plus souvent un marqueur social : plus on monte dans la société, plus on rencontre de gens qui savent lire et écrire.
La maîtrise de l’écrit est également très liée à l’Eglise : au XIe siècle, les laïcs sont souvent désignés comme des « illiterati », littéralement des « illettrés », pour les distinguer des clercs qui eux savent lire et écrire. Cela dit, on sait désormais, grâce à de nombreuses recherches, que la population maîtrise mieux ces savoirs qu’on ne l’a longtemps cru.
A Novgorod, en Russie, on a ainsi retrouvé des centaines d’écorces de bouleaux portant des inscriptions du quotidien, qui vont de « je te donne rendez-vous demain à la taverne » à « ceci est ma meule de blé ». Il est possible bien sûr que ces textes aient été écrits par des écrivains publics : mais leur existence prouve que l’écrit a alors une vraie place dans la société.
En réalité, il a même de plus en plus de place : à partir du XIIe siècle se produit une véritable « révolution de l’écrit ». Le texte écrit occupe alors une place sans cesse croissante, que ce soit dans les universités ou les cours de justice, dans les échanges marchands ou dans la sphère privée. Dans les grandes villes, des écoles urbaines forment les fils et les filles appartenant à des milieux relativement modestes : à Florence, au XVe siècle, on estime qu’environ un tiers de la population sait lire, ou écrire, ou les deux. Et oui, au Moyen Age, on peut savoir lire sans savoir écrire, ou savoir écrire (son nom par exemple) sans savoir lire : l’apprentissage des deux techniques est souvent dissocié.
En outre, la présence de nombreux écrivains publics permet à des gens analphabètes d’utiliser l’écrit. Bien sûr, on est loin de nos chiffres contemporains : 99% des Français d’aujourd’hui savent lire et écrire. Mais tout de même, 20 ou 30% de la population, c’est loin d’être négligeable, et cela suffit pour remettre en question cette idée fausse qui participe d’une vision d’un Moyen Âge obscurantiste et ignorant.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire (entre royaume de France et empire, 1250-1350),Paris, Publications de la Sorbonne, 2015
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Merlin l’Enchanteur (The Sword in the Stone) Real : Wolfgang Reitherman. 79 minutes. 1963. Walt Disney Pictures.
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Clichés #1 – Les armures étaient-elles lourdes au Moyen Âge ?
- Épisode 58 – Marion et le cartulaire de Douai
- Épisode 17 – Lionel et l’écrit urbain médiéval
- Épisode 9 – Thomas et les luttes de pouvoir en Auvergne
Merci à Florian Besson pour l’écriture de cet épisode, à Clément Nouguier pour le générique et à Baptiste Mossiere pour le mixage et l’habillage sonore.