Passion MédiévistesSuper Joute Royale

Super Joute Royale #9 – Les rois du XIVème siècle (partie 1)

Les rois du XIVème siècle étaient-ils vraiment « maudits » ?

Classer les rois de France siècle par siècle, personne n’y avait pensé, et nous le faisons dans Super Joute Royale, le nouveau format de Passion Médiévistes. Dans l’épisode d’introduction, nous avons présenté le concept et discuté autour du concept de roi au Moyen Âge, et dans les précédents épisodes nous avons parlé des rois du VIème siècle au XIIIème siècle. Vous pouvez d’ailleurs retrouver le classement total des rois sur notre site.

Dans ce nouvel épisode, Fanny, Ilan, Guillaume et Marie Lise vous parlent des rois du XIVème siècle !

Le contexte historique du XIVème siècle

Le XIVème siècle est marqué par le retour des crises frumentaires, avec un effondrement des récoltes dû au mauvais temps, une explosion des prix des grains. En conséquence, on constate une élévation de la mortalité, ce qui lié à la surpopulation des campagnes et au fait que les micro-exploitations sont souvent inférieures à 2 hectares, déclenche une misère paysanne.

En parallèle, des révoltes naissent dans les zones urbaines, ainsi qu’une crise de la noblesse et un retournement contre l’affirmation monarchique. Sur la période de 1270 à 1328, le royaume de France connaît une crise structurelle de la société féodale mais qui contribuera finalement au renforcement de la construction de l’État.

Les derniers rois de la dynastie des Capétiens
Les derniers rois de la dynastie des Capétiens

Les rois du XIVème siècle

  • Philippe IV “Le Bel” (2ème partie), celui qui est en conflit avec tout le monde
Gisant de Philippe IV à la basilique Saint-Denis
Gisant de Philippe IV à la basilique Saint-Denis

Né en 1268, Philippe IV règne à partir de 1285. Dans la deuxième partie de son règne, le royaume de France atteint l’apogée de sa puissance médiévale, avec 13 millions d’habitants, devant l’État le plus peuplé de la Chrétienté et l’État le plus puissant d’Europe.

Au début du XIVème siècle, Philippe IV doit gérer une révolte des Flandres, commencée en 1297 après que Gui de Dampierre, comte de Flandre et allié à Edouard II, ait rompu son hommage au roi de France. C’est dans ce contexte que se déroule une bataille importante de son règne, la bataille des éperons d’or le 11 juillet 1302 à Courtrais, les chevaliers français dirigés par Robert II d’Artois sont écrasés par des milices communales flamandes.

Le règne de Philippe IV est rythmé par ses conflits avec le pape, autorité politique et religieuse très importante à ce moment du Moyen Âge. Cette rivalité ira même avec le pape Boniface VIII jusqu’à « l’attentat d’Agnani » . L’agent du roi Guillaume de Nogaret aurait donné une gifle à Boniface VIII en venant l’arrêter en 1302. Le pape tombe malade et meurt un mois plus tard, c’est un énorme scandale certes mais Philippe le Bel sort gagnant politiquement en affirmant son pouvoir.

Autre grand conflit de son règne, l’affaire de l’ordre des Templiers. Pour des raisons politiques et économiques, le vendredi 13 octobre 1307 a lieu l’arrestation massive des membres de l’ordre. Ils sont accusés d’hérésie, de simonie (vente des biens spirituels), de sodomie (pratique sexuelle considérée comme contre-nature, donc atteinte à la pureté de l’Ordre) et d’idolâtrie. Problème, cet action est illégitime de la part du roi de France car les Templiers relèvent du pape, même si le roi a le soutien du grand inquisiteur de France. Se déroule alors un procès où intervient un bras de fer entre Philippe IV et le pape Clément V. Le concile de Vienne est ouvert par le pape en 1311 mais traîne en longueur. En mars 1312, Philippe le Bel perd définitivement patience, fait pression sur le pape, et celui-ci finit par émettre une bulle Vox in excelso qui officialise la suppression de l’ordre du Temple. Les biens de l’ordre vont partiellement au roi mais surtout à l’ordre de l’Hôpital (Saint Jean de Jérusalem), et les principaux dignitaires sont mis à mort en 1314.

Point « Rois Maudits » : Suite de romans écrite par Maurice Druon avec une équipe de collaborateurs, entre 1955 et 1977, Les Rois Maudits sont fondés sur la légende inventée par le chroniqueur italien Paolo Emilio selon laquelle le dernier grand maître du Temple Jacques de Molay aurait lancé, en 1314, une malédiction sur le bûcher à l’encontre du roi de France Philippe IV le Bel, du pape Clément V, de Guillaume de Nogaret et de leurs héritiers et descendants pendant treize générations.

La fin du règne de Philippe IV est marqué par l’affaire de la tour de Nesle. Les trois belles-filles du roi sont accusées d’adultère par Isabelle, reine d’Angleterre (la soeur de leurs maris, fille de Philippe IV). Deux de ces femmes sont filles de la puissante Mahaut d’Artois. Isabelle aurait découvert l’adultère parce qu’elle a fait don de deux aumônières (des petits sacs à main) à ses belles-soeurs qui auraient ensuite été vues sur des chevaliers. La reine d’Angleterre conclut à un adultère et rapporte tout à Philippe IV. Elles auraient entretenu ces relations à la tour de Nesle, face au Louvre. Deux des épouses sont finalement accusées d’adultère, une est exonérée mais accusée d’avoir couverte les autres. Cette affaire jette le discrédits sur la monarchie, car l’accusation d’adultère remet en cause l’ensemble de la lignée (possibilité de bâtards etc.)

Buste de Louis X de profil
Camée avec un buste de Louis X de profil

Louis X Le Hutin, un règne agité mais pourtant très court

Né en 1289, Louis X accède au trône en 1314 à la mort de son père Philippe IV. Son surnom signifie « emporté », « querelleur », « opiniâtre » et « qui aime se battre » (un hutin est aussi un marteau). Dès le début de son règne, son oncle Charles de Valois décide d’affirmer son pouvoir et d’éliminer des conseillers de Philippe IV dont Enguerrand de Marigny qui finira pendu gibet de Monfaucon.

Le gisant de Jean Ier le Postume à la Basilique Saint Denis
Le gisant de Jean Ier le Postume à la Basilique Saint Denis

En juin 1316 il meurt en buvant du vin glacé par grande chaleur, à cause du choc de température. Et sa nouvelle épouse Clémence de Hongrie est enceinte à sa mort, et elle finira par accoucher d’un garçon, Jean.

 

Jean Ier “Le Posthume”, petit ange parti trop tôt n°2

Né le 14 avril 1316, c’est un des règnes les plus courts de l’histoire de France, car Jean Ier meurt quelques jours après le 19 avril 1316. Techniquement c’est donc le seul roi de France qui a régné de sa naissance à sa mort. C’est un des seuls rois de France qui est représenté enfant sur son gisant à la Basilique Saint Denis, la nécropole des rois de France.

Philippe V “Le Long”, le gros forçeur

Couronnement de Phillipe V
Couronnement de Philippe V

A la mort de son neveu en 1316, Philippe V, fils de Philippe IV, monte sur le trône de France en 1316. Mais techniquement, il pique un peu la couronne à sa nièce, Jeanne, fille de Louis X et de Marguerite de Bourgogne, sur laquelle pèse un soupçon de bâtardise (cf l’affaire de la tour de Nesle) mais qui est aussi en encore seulement une enfant. Néanmoins il est aussi le proche parent de Louix IX et a le soutien de la noblesse.

Philippe V contribuera à une des « fake news » du Moyen Âge, le complot des lépreux, qui empoisonneraient les puits sous une influence judéo-islmaique, conduisant à des persécutions des lépreux et des juifs.

Il est marié à Jeanne, accusée seulement de complicité dans l’affaire de la Tour de la Nesle, et il finit par lui pardonner. Ils n’ont que des filles qui arriveront à l’âge adulte. Par contre il serait le père d’un bâtard, Thomas de la Marche, qui sera gouverneur d’Auvergne, du Berry et du Mâconnais.

Comme son frère, il veut rappeler au roi d’Angleterre qu’il est son seigneur, mais en vain. Edouard II refuse plusieurs fois, Philippe V lui ordonne de venir lui faire un hommage personnel, et le roi d’Angleterre refuse encore, créant ainsi un incident diplomatique en étant un « gros forceur ».

Philippe V meurt quelques années seulement après le début de son règne, de dysenterie et de fièvre en 1322, en ne laissant pas d’héritier mâle.

Charles IV le Bel, poissard de première

Couronnement de Charles IV le Bel
Couronnement de Charles IV le Bel (Chroniques de France)

Troisième et dernier fils de Philippe IV, Charles IV monte sur le trône en 1322 à la mort de son frère Philippe V. Né en 1294, il a reçut le même surnom que son père, « le Bel ». Suite à l’affaire avec son épouse Blanche de Bourgogne lors de l’affaire de la Tour de Nesle, il se remarie avec Marie de Luxembourg (qui aurait pu être une très belle alliance) mais elle meurt rapidement en 1324 suite à un accident de carrosse, accouchant prématurément d’un fils qui meurt le lendemain. Il se remarie avec Jeanne d’Evreux, qui meurt aussi au bout de quelques années, en n’ayant eu avec qu’elle que deux filles. En tout il aura sept enfants, mais seulement deux filles qui dépasseront l’âge de 10 ans.

En juillet 1324, le roi d’Angleterre Edouard II, duc d’Aquitaine et de Guyenne, proclame l’expulsion des troupes françaises suite à un problème dans un village. Et donc Charles IV charge son oncle Charles de Valois de mener une expédition punitive, une trêve est signée. Mais sa soeur, Isabelle de France, reine d’Angleterre, demande à ce que la Guyenne confisquée soit rendue à son mari, le roi de France accepte en échange d’un hommage du futur Edouard III. Il lui impose des conditions assez strictes, qui mettent très en colère Edouard II qui du coup se remet en conflit à propos de la Guyenne, qui a un statut d’enclave. Comme dit Guillaume, la marmite de la guerre de Cent Ans est en train de bouillir et de légèrement déborder.

Les conséquences de sa mort prématurées en 1328 sont « apocalyptiques », il ne laisse pas d’héritier mâle, donc techniquement la lignée directe des Capétiens s’arrête. Plusieurs candidats sont possibles, entre le fils de Charles de Valois, ou le fils d’Isabelle de France, le roi d’Angleterre Edouard III, mais les grands du royaume de France ne souhaitent pas que l’Angleterre possède la France, ni que que le royaume passe par une femme. Charles de Valois réussit donc à convaincre tout le monde que son fils doit être l’héritier, fondant ainsi une nouvelle dynastie…

Mais pour la première fois un épisode de Super Joute Royale est en deux parties, nous traiterons des rois Valois du XIVème siècle dans le prochain épisode !

Pour en savoir plus sur les rois du XIVème siècle, on vous conseille de lire :

  • Gorochov & al., Écrit, pouvoirs et société, Atlande, Paris, 2019
  • Gauvard, Claude. Le temps des Capétiens. Presses Universitaires de France, 2013
  • Sibon, Juliette. Chasser les juifs pour régner. Éditions Perrin, 2016
  • Jean-Christophe Cassard, L’âge d’or capétien, 1180-1328, Paris, Belin, 2014

Retrouvez Marie-Lise dans l’épisode sur les bâtards de Bourbon, Guillaume dans celui sur les tournois de chevalerie et Ilan sur les réseaux politique chez les Carolingiens.

Merci beaucoup à Simon Vandendyck pour son très beau générique pour Super Joute Royale ! Saurez-vous reconnaître tous les extraits de ce générique ?