Épisode 77 – Hugo et l’ost au Moyen Âge
Comment s’organisait la levée de l’ost au Moyen Âge ?
Dans cet épisode de Passion Médiévistes, Hugo Meunier vous parle de l’ost à la fin du Moyen Âge. Dans le cadre d’un master d’histoire à l’Université Jean Moulin Lyon 3, il a rédigé son mémoire de recherches sur le sujet « Les dauphinois dans l’armée du roi de France aux XIVe et XVe siècles : de la tradition à la sujétion », sous la direction de Xavier Hélary. À noter qu’au cœur de la tournée d’automne 2022 du podcast, l’épisode a été enregistré en public depuis le bar l’Atenium à Lyon. Dans cet épisode, découvrez l’ost médiéval et explorez ce pan de l’histoire militaire encore malconnu et qui fut un temps délaissé par la recherche.
L’ost au Moyen Âge
L’ost, c’est l’armée au Moyen Âge. [D’ailleurs,] la musique, la tonalité de ce terme, renvoient tout de suite à l’armée médiévale. — Hugo Meunier
Étymologiquement, l’ost est un terme hérité de la langue d’oïl et lui-même dérivé du mot latin ostis, qui a ensuite donné hostile en français. L’ost représente ainsi, et à juste titre, l’hostilité que l’on a envers quelqu’un. Il devient donc logiquement synonyme du mot armée. De fait, l’ost s’apparente au service militaire médiéval. À noter que le terme n’est plus employé aujourd’hui car il fait référence à un type d’armée spécifique du Moyen Âge.
En effet, à cette époque, le roi de France n’est que le maître symbolique du royaume et il ne dispose pas d’une armée régulière. Ce sont ses vassaux, les seigneurs des territoires qui constituent le Royaume de France, qui reconnaissent son autorité. L’ost est alors un service que ces puissants seigneurs, qui sont parfois plus puissants que le roi lui-même, doivent à leur suzerain. L’ost symbolise ainsi leur allégeance à son égard et c’est donc, entre autres, en répondant à l’appel de l’ost, que les vassaux prêtent allégeance au roi de France. Aussi, chaque vassal du roi lui doit un total de quarante jours et quarante nuits de service militaire.
Contrairement aux légions romaines, aux troupes de François Ier et plus tard, aux armées de Louis XIV, au Moyen Âge, il n’y a pas d’armée de métier régulière, i.e, des soldats formés, rémunérés toute l’année et en attente de partir en guerre. Du reste, entre les XIIe et XIIIe siècle, si l’ensemble des rois de France ont mené des conflits armés au cours de leur règne, ces guerres durent rarement longtemps, explique Hugo Meunier. Le roi lève l’ost lorsqu’il en a besoin, au gré des batailles.
La levée de l’ost est un processus qui traverse l’ensemble de la période médiévale, et cela, dès la chute de l’empire romain en 476. L’ost connait ensuite une longue évolution au cours du Moyen Âge. À la dislocation progressive de l’Empire carolingien, soit après la mort de Charlemagne, le pouvoir militaire revient aux seigneurs du Royaume de France. Il n’y a alors plus d’armée permanente rémunérée et la constitution des armées en temps de guerre devient dépendante du bon vouloir des vassaux. L’enjeu pour les rois de France est alors d’attirer ces combattants dans leur armée en leur permettant de se rémunérer sur le butin de guerre, pratique qui donne lieu aux pillages.
Il n’y a pas de déclaration du roi qui lui permette de lever une armée de 100 000 hommes en à peine 48h, ça n’existe pas. — Hugo Meunier
Puisque le roi de France a encore une autorité relative dans un royaume davantage composé de petites entités politiques moins organisées, les effectifs militaires médiévaux sont beaucoup plus réduits. D’ailleurs, à la fin du Moyen Âge, le roi de France a plus de difficulté à lever l’ost et a fréquemment recours au mercenariat, c’est-à-dire, à des soldats professionnels indépendants qu’il rémunère pour guerroyer à son service.
Comme l’ost repose sur le volontariat, celui des vassaux, il est fréquent que l’armée ainsi levée comptent des combattants inexpérimentés dans ses rangs – comme c’est le cas dans le Dauphiné. Néanmoins, une bonne partie de l’ost médiéval est en général constituée d’hommes d’armes éduqués, entrainés, préparés à la guerre, au maniement des armes et aux combats. Il s’agit donc majoritairement d’hommes nobles, des chevaliers et leurs écuyers – en d’autres termes, des nobles non encore adoubés. Ces derniers représentent alors un faible pourcentage de la population. Aussi, l’historien Philippe Contamine estimait à 10 000 le nombre total de chevaliers en 1300, sur l’ensemble de la population du Royaume de France qui comptaient 15 à 20 millions de personnes – la plus importante d’Europe.
Enfin, comme l’explique Hugo Meunier, l’ost féodal devient un ost royal à partir du règne de Philippe Le Bel. Le souverain impose ainsi un caractère plus universel à la levée de l’ost. Désormais, ce ne sont plus seulement les seigneurs qui participent à l’effort de guerre, mais l’ensemble des hommes capables de tenir une épée. Tous, cependant, ne combattent pas. Il est possible d’éviter l’armée en payant un impôt spécifique qui permet à chaque homme de racheter sa participation à l’ost.
L’ost et le Dauphiné
Pour mener ses recherches sur l’ost médiéval et notamment dans le Dauphiné, Hugo Meunier confie qu’il n’avait pas beaucoup de sources – ou du moins, très peu datant d’avant le XIIIème siècle. Son corpus ne compte par exemple qu’une unique source delphinale, la majorité des documents étant des écrits rédigés à l’extérieur de la principauté, souvent par des alliés, parfois par ennemis – comme les Savoyards.
À l’époque médiévale – et encore aujourd’hui du reste, – la principauté du Dauphiné englobe les départements de la Drôme, de l’Isère, celui des Hautes-Alpes, et une petite partie du Rhône. Situé à proximité du comté de Savoie, à l’est, et bordé au sud par le comté de Provence, il s’étend sur une superficie de 20 000 km². Grenoble est sa capitale et son centre névralgique ; la ville de Vienne, bien que moins importante, est la plus prestigieuse de la principauté.
Au Moyen Âge, et avant le milieu du XIVe siècle, le Dauphiné est également une terre d’empire, c’est-à-dire, une entité politique appartenant au Saint-Empire romain germanique. À sa tête, un prince qui porte le titre de Dauphin et comte de Viennois. À partir de 1349, avec le transport de la principauté à la couronne de France – soit l’intégration du Dauphiné au royaume de France à la suite de son achat par le roi, – ce titre de dauphin est attribué à chaque premier-né mâle des rois de France. Le territoire demeure cependant une principauté autonome, il ne s’agit en aucun cas d’une annexion. En revanche, puisqu’il est sous la protection du roi, le Dauphiné est considéré comme son alliée. Il se doit alors de participer au service militaire et donc, de répondre à la levée de l’ost.
Quoi qu’il en soit, terre d’empire ou non, les Dauphinois participent à l’ost longtemps avant le transport de la principauté à la couronne de France, et continue de répondre à l’appel longtemps après. En ce sens, l’ost joue un rôle important dans l’histoire de la principauté delphinale. De plus, il représente un atout pour le roi de France, car le territoire est habitué à guerroyer – d’autant plus qu’il a dû faire face à de puissants ennemis. En effet, depuis le XIIIème siècle, et avant d’être transporté au roi de France, le Dauphiné a eu à affronter le comté de Savoie à de multiples reprises, tantôt pour des questions d’héritage, tantôt pour des possessions territoriales.
Enfin, bien que le Dauphiné ne compte que peu de chevaliers et de combattants professionnels, la principauté participe néanmoins à de nombreuses batailles. Si le roi de France commence traditionnellement par faire appel à ses vassaux du nord, sur lesquels il a davantage d’autorité et dont il est plus proche, les dauphins viennois participent, eux aussi, à des batailles célèbres. Parmi les plus connues, les batailles de Cassel, Azincourt, ou encore Montlhéry, et Verneuil – la plus meurtrière pour les Dauphinois – en sont quelques exemples.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- CONTAMINE, Philippe, Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Études sur les armées des rois de France, 1337-1494, 2 vol., Paris, EHESS, 1972-1973.
- HÉLARY, Xavier, L’armée du roi de France. La guerre de Saint Louis à Philippe le Bel, Paris, Perrin, 2012.
- LEMONDE, Anne, Le temps des libertés en Dauphiné. L’intégration d’une principauté à la Couronne de France (1349-1408), Grenoble, PUG, 2002.
- VERDIER, René, La bataille d’Anthon (1430). Lyon et le Dauphiné restent français, Grenoble, PUG, 2018.
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Hors-Série 21 – La guerre à la fin du Moyen Âge (live à Paris)
- Épisode 5 – Vincent et les messagers de guerre
- Épisode 47 – Peter et les Condottières
Merci à Clément Nouguier qui a réalisé le magnifique générique du podcast et Alizée Rodriguez pour la rédaction de l’article !