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Épisode 74 – Julia et l’escargot au Moyen Âge

Comment était perçu l’escargot au Moyen Âge ?

Julia Pineau
Julia Pineau

Depuis longtemps, Julia Pineau voulait travailler sur l’escargot au Moyen Âge. Elle a profité de son année de césure lors de sa thèse sur l’érosion des promesses dans la littérature de l’Angleterre du XIVème siècle pour préparer un livre sur le sujet (à sortir prochainement). Oui, rien que ça !

Dans l’épisode 74 de Passion Médiévistes, elle raconte donc comment les personnes au Moyen Âge percevaient l’escargot comment il pouvait être représenté dans les manuscrits et quelles interprétations en tirer, et aussi sa place dans la vie quotidienne au Moyen Âge !

Les escargots dans les manuscrits et l’imaginaire médiéval

Drolerie marginale - Clermont-Ferrand, BM, 0084 (078) fol 107v
Drolerie marginale – Clermont-Ferrand, BM, 0084 (078) fol 107v

Dans les bestiaires et encyclopédies du milieu du Moyen Âge, Julia Pineau raconte qu’on trouve peu de détails sur la description physique, voir même quelques erreurs, mais de toute façon ces textes ont plus une volonté morale que véritablement scientifiques. Dans les descriptions, on retrouve un mélange de fascination, de dégoût et d’amusement (un peu comme aujourd’hui). A noter qu’il existe des vraies différences entre les escargots de terre et de mer dans ces textes.

« Certains vont dire que l’escargot est né de la pourriture et de la vase, d’autres que c’est de la rosée du matin, quasiment de façon virginale ».

Les escargots sont présents dans beaucoup de textes au Moyen Âge, parfois même dans des sermons religieux écrits par des hommes d’Église, utilisés comme un contre exemple de moralité. Ils sont aussi considérés comme une nuisance à ne pas sous estimer. Il ne faut pas oublier que la société médiévale encore très agricole, surtout pour les personnes les plus pauvres qui vont avoir besoin de jardins personnels pour subsister. La fin du Moyen Âge notamment est une période de famines et de mauvaises récoltes, et une attaque d’escargots peut avoir de terribles conséquences, on comprend alors qu’ils puissent être représentés de façon aussi négatives.

Motif - escargot et chevalier - couleurs signifiantes - m453.158ra
Motif – escargot et chevalier – couleurs signifiantes – m453.158ra

« Néanmoins, l’imagerie de l’escargot au Moyen Âge est à la fois hybride et réversible. »

L’escargot VS le chevalier : mais pourquoi ?

Parmi les représentations les plus complexes et étonnantes des escargots, Julia Pineau travaille sur celle du chevalier fuyant et apeuré devant un escargot que l’on peut voir dans les marges de certains manuscrits. Ce motif apparaît au XIIIème siècle surtout dans des manuscrits français, flamands et anglais, avec une circulation très intense mais assez brève. Selon mon invitée, diverses interprétations de ces images sont possibles :

  • Le monde inversé et la parodie : divertir le lecteur en proposant des images ridicules dans les marges médiévales, ces espaces hybrides et subversifs des manuscrits médiévaux.
  • Une diffamation des Lombards : depuis leur fuite légendaire devant les armées de Charlemagne, les Lombards ont au Moyen Âge une réputation de couardise, ainsi qu’une image d’envahisseurs et de profiteurs.
  • Une moquerie ou une peur des bourgeois : l’escargot avec sa maison sur dos et en plus le fait qu’il grimpe est assimilé à la richesse amassée et ascension sociale de la nouvelle classe sociale des bourgois.
  • La vacuité de la chevalerie : à l’époque où circule ce motif, des textes critiques les chevaliers et la chevalerie qui ne serait qu’une coquille vide (de sens).
  • Une critique de la masculinité : l’escargot est aussi un symbole féminin (car son corps peut évoquer une vulve, oui oui), et le chevalier étant le parangon de la masculinité héroïque, le fait qu’il fuie devant l’escargot serait une manière de démonter cela.

Les escargots dans la vie quotidienne

Est-ce qu’on mangeait déjà des escargots au Moyen Âge ? On trouve très peu de recettes avecces animaux, car ils étaient plutôt consommés par les pauvres alors que les livres de recettes sont plutôt destinées aux personnes aisées. Néanmoins, on a retrouvé beaucoup de coquilles d’escargots en contexte archéologique. Les escargots peuvent aussi être utilisés dans la médecine, dans les rites et même dans des utilisations quotidiennes, comme des lampes à huile par exemple.

On retrouve les escargots associés aussi à des objets de prestige, comme dans la fabrication du pourpre de Tyre. Cette couleur très particulière était fabriquée à partir des coquilles d’escargots de mer, depuis l’Antiquité dans les cités phéniciennes. Utilisée pour teinter des tissus, elle devient synonyme de luxe, et est petit à petit réservé à l’élite puis uniquement à l’empereur.

Pour en savoir plus sur l’escargot au Moyen Âge, notamment ses représentations dans l’art, écoutez l’épisode du podcast en entier !

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :

  • Illustration de l'épisode 74 sur l'escargot par Din
    « Snail Multiverse of Madness » : illustration de l’épisode 74 sur l’escargot par Din

    Baltrusaitis, J. « Bizarrerie des sceaux et des monnaies antiques. La bête dans la coquille… », Le Moyen Âge fantastique, Paris, A. Colin, 1995, p55-73.

  • Bellon, Roger. « Le limaçon porte-enseigne: spécificité du comique du Roman de Renard », Le rire au Moyen Age dans la littérature et dans les arts. Colloque des 17-18-19 septembre 1998, PUB., 1990, p.53-69.
  • Bonnemère, Lionel. « Les tombes à escargots ». Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, IV° Series. Vol 7, 1896. pp. 369-371.
  • Bonnemain, Bruno. « Hélices et médicaments: l’escargot au service de la santé depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. », Revue L’Histoire de la Pharmacie, 2003, 338: p.211-2018
  • Cardelle de Hartmann, Carmen. « De lombardo et lumaca et la plurivocité du procédé parodique. » In: Formes et fonctions de la parodie dans les littératures médiévales, sous la direction de Bartuschat, Johannes, 2013.
  • Camille, Michael, Image on the Edge. The Margins of Medieval Art. Reaktion Books, 1992.
  • Camille, Michael, Mirror in Parchment: The Luttrell Psalter and the Making of Medieval England, London: Reaktion, 1998.
  • Cranga, Françoise and Yves. L’escargot – Zoologie, symbolique, imaginaire, médecine, gastronomie. Les éditions du Bien Public, 1991.
  • Cranga, Françoise and Yves. « L’escargot dans le midi de la France – Approche Iconographique », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, 1997, Tome LVII.
  • Cranga, Françoise and Yves. « L’escargot appartient-il à Dieu ou au Diable? », L’Histoire, n°163, Febuary 1993, p72-73.
  • Ettlinger, H.S., ‘The Virgin Snail’, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 41 (1978): 316–17.
  • Guimard, Nellie. Utilisation de l’escargot en thérapeutique: du limaçon à lHPA marqueur de tissus métastatique. Histoire et Art Pharmaceutique.
  • Hidalgo Sánchez, Santiaga, ‘L’homme sur l’arbre et l’escargot. A propos d’un chapiteau du cloître de la cathédrale de Pampleune’, in Reinardus: Yearbook of the International Reynard Society 21 (2009): 56–71.
  • Illustration de l'épisode 74 sur l'escargot par Din
    Illustration de l’épisode 74 sur l’escargot par Din

    Hyman, Philip, ‘Snail trails’, in Petits Propos Culinaires: Essays and Notes on Food, Cookery and Cookery Books 23 (1986): 23–32

  • Lefèvre, Sylvie. ‘Le limaçon et le déploiement de l’imaginaire: du contre emploi héroï-comique au grotesque fatrasique. Textes et images’, in Qui tant savoit d’engin et d’art: Mélanges de philologie médiévale offerts à Gabriel Bianciotto, ed. by Claudio Galderisi and Jean Maurice, Civilisation médiévale, 16 (Poitiers: Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, 2006), pp. 159-174.
  • Randall, Lilian. « The Snail in Gothic Marginal Warfare. » Speculum, Vol. 37, No. 3 (Jul., 1962), pp. 358-367.
  • Randall, Lilian. Images in the Margins of Gothic Manuscripts, Berkeley: University of California Press, 1966.
  • Robertson, Elizabeth, “First encounter: ‘snail-horn perception’ in Chaucer’s Troilus and Criseyde,” in Contemporary Chaucer across the Centuries, ed. Helen Hickey, Anne McKendry and Melissa Raine (Manchester: Manchester University Press, 2018)
  • Stévanovitch, Colette, ‘L’escargot dans la poésie anglaise du Moyen Age et de la Renaissance’, in Hommes et animaux au Moyen Age: IVéme Congrès au Mont Saint-Michel, ed. Daniella Buschinger and Wolfgang Spiewok (Greifswal: Reineke, 1997), 101–116.

Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :

  • J.Haydn – Canon
  • Lecture par Winston du poème « Le débat des gens d’armes et du lymasson » dans: Angers, SA 3390, f. 089 – Le Calendrier des bergers – Paris, 1493
  • Kaamelott Livre III Épisode 86 – La Chevalerie

Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :

Transcription de l’épisode 74 (cliquez pour dérouler)

Fanny Cohen Moreau : Hello ! Juste avant que l’épisode commence – ne vous inquiétez pas, il va commencer tout de suite – je tiens à remercier quelques personnes qui ont particulièrement soutenu Passion médiévistes ce mois-ci. Je tiens à remercier Olivier, Jeanne, Xavier et Anne ! Si vous aussi vous souhaitez soutenir Passion médiévistes et peut-être avoir votre nom cité dans les épisodes, je vous explique comment faire à la fin de l’épisode. Allez, bonne écoute !

(générique)

Fanny Cohen Moreau: Est-ce que vous savez tout du Moyen Âge? Mais d’abord, qu’est-ce que le Moyen Âge? Alors vous pensez peut-être au château fort, aux tournois de chevalerie, aux cathédrales et à la peste. Mais ce n’est pas que ça. En général, on dit que c’est une période de 1000 ans, de l’année 500 à l’année 1500. Mais vous l’entendez dans ce podcast, il y a autant de définitions du Moyen Âge que de médiévistes. Je m’appelle Fanny Cohen Moreau et dans ce podcast, je reçois de jeunes médiévistes, c’est-à-dire des personnes qui étudient le Moyen Âge en master ou en thèse pour qu’ils vous racontent leurs recherches passionnantes et qu’ils vous donnent envie d’en savoir plus sur cette belle période. Épisode 74 : Julia et l’escargot au Moyen Âge. C’est parti!

Voix off/animation: Excuse-moi, mais… il y a des gens que ça intéresse ?

Fanny Cohen Moreau: Bonjour à toutes et à tous, après le dragon il y a fort longtemps et le lion et d’autres épisodes où on mentionnait parfois les animaux, aujourd’hui, nous allons parler d’un tout petit animal, mais qui est étonnamment très présent dans les manuscrits du Moyen Âge. Donc pour parler de l’escargot, j’ai le plaisir de recevoir Julia Pineau ! Bonjour Julia.

Julia Pineau : Bonjour Fanny.

Fanny Cohen Moreau: je te reçois parce que, et c’est une première dans Passion Médiéviste, tu ne fais ni un mémoire ni une thèse sur le sujet, mais tu prépares un livre sur l’escargot. Mais cela dit, tout en étant quand même en thèse, mais sur un autre sujet. Oui, auditeur, auditrice, accrochez vous, mais en fait, vous allez voir, c’est plutôt simple. Julia donc tu fais une thèse actuellement sur l’érosion des promesses dans la littérature de l’Angleterre au XIVᵉ siècle, donc une thèse de littérature, mais qui se passe sur le Moyen Âge.

Julia Pineau: Oui.

Fanny Cohen Moreau: tu nous expliqueras bien mieux tout à l’heure, mais dans ta thèse tu dis “je vais faire une pause pour faire un livre”. Ben oui, forcément (rires). Et donc tu prépares un ouvrage sur l’escargot au Moyen Âge, qui sera publié dans les Presses universitaires du Pays de Galles. Et oui, voilà voilà, c’est ça, c’est un peu compliqué, mais on en reparlera. Aujourd’hui avec toi, Julia, on va parler de l’escargot au Moyen Âge, de comment il est représenté dans les encyclopédies, dans les bestiaires, de comment il peut être représenté, un peu de façon effectivement très rigolote dans les manuscrits. Et même on parlera à la fin de l’épisode de la place de l’escargot dans la vie quotidienne, dans la nourriture, vous verrez. Alors vraiment, déjà pour commencer, Julia, explique-nous comment est-ce que tu es arrivé à travailler sur l’escargot tout en faisant une thèse sur autre chose?

Julia Pineau: Principalement, c’était parce que les images dont tu parlais dans les marges de manuscrits étaient très très rigolotes. Et pendant que je travaillais sur ma thèse, des fois j’avais besoin de changer d’air, et regarder des marges de bestiaire, c’est toujours très agréable. J’ai vu ces images, ce motif que peut-être certains de tes auditeurs connaissent. Et je me suis demandé pourquoi.

Fanny Cohen Moreau: est ce que tu peux déjà nous décrire un petit peu –  et on y reviendra – pourquoi est-ce que c’est si intrigant ces représentations-là?

Julia Pineau: Parce que c’est des représentations de duels entre généralement un chevalier armé en armure qui fait face à un escargot. Et dans une grande majorité de ces illustrations, le chevalier représenté perdant ou apeuré. Et c’est hyper drôle. Donc je voulais savoir qu’est-ce que ça veut dire, d’où ça vient, comment ça fonctionne. Et quand j’ai voulu faire une année de césure pour diverses raisons pendant ma thèse, je me suis dit que c’était le moment de partir en croisade, de partir à la recherche, de percer ces mystères.

Fanny Cohen Moreau: Tu as une drôle définition de l’année de césure quand même. Enfin, normalement on en profite pour se reposer un petit peu ou faire autre chose. Toi tu fais un livre en fait.

Julia Pineau : (Rires) Oui, bon, chacun son truc.

Fanny Cohen Moreau: Et l’escargot et ses représentations n’ont pas déjà été étudiés avant toi ?

Julia Pineau: Alors oui et non. Principalement, le sujet a été étudié par Françoise et Yves Cranga en France qui ont écrit un ouvrage qui s’appelle l’Escargot et il y a un chapitre sur l’escargot au Moyen Âge, mais ça reste un chapitre. Ils ont aussi écrit un certain nombre d’articles sur l’escargot dans le midi de la France par exemple. Et sinon, sur le motif en particulier dont je te parlais, il y a un article qui fait référence, qui date des années 60, écrit par Liliane Randal, et dont c’est sûr, elle interprète sur ce motif-là. Le seul souci, c’est que ça parait assez incomplet dans le sens où elle a fait un travail assez impressionnant sur les manuscrits, mais elle s’est arrêtée à une interprétation. Et quand j’ai lu ça pendant mon année de césure, j’ai voulu compléter ce travail-là. Donc finalement, il n’y a pas d’ouvrage qui existe, centré sur l’escargot médiéval.

Fanny Cohen Moreau: Donc oui, il y avait beaucoup de choses à faire pour réétudier tout ça.

Julia Pineau: Oui, exactement.

Fanny Cohen Moreau: Pardon, ça me fait toujours rire de savoir que tu as voulu faire ce sujet pour te détendre dans ta thèse (rires). Alors, rentrons, si je puis dire, dans le sujet. Julia. Raconte-nous comment les escargots sont perçus au Moyen Âge, comment ils sont décrits. Alors déjà, pour commencer, dans les bestiaires, donc ces manuscrits, où on voit pas mal d’animaux décrits – on en a déjà parlé plusieurs fois dans le podcast – ou dans les encyclopédies, comment est-ce qu’ils sont décrits dans les textes ?

Julia Pineau: Dans les bestiaires et les encyclopédies, alors la première mention d’un escargot, il faut remonter jusqu’à Aristote dans le Historia animalum.

Fanny Cohen Moreau: Donc oui, l’auteur antique.

Julia Pineau: Voilà. Et c’est celui-là qui va faire référence, puisque les encyclopédistes, en fait, se réécrivent sans cesse les uns les autres, vont se traduire aussi les uns les autres. Parfois on va garder le même texte, simplement on va le réorganiser, recatégoriser, rajouter des anecdotes ici et là. Donc c’est vraiment un matériau qui se construit à travers les siècles. Le tournant pour l’escargot médiéval, c’est le XIIᵉ siècle avec Isidore de Séville et c’est lui qui va devenir la référence, surtout sur la manière dont on va classer les escargots dans ces ouvrages. Après, les autres auteurs vont vraiment suivre ça et il va y avoir peu d’évolution en ce qui concerne les notices sur les escargots chez Thomas Contin-Pré, Vincent de Beauvais, Barthélémy l’Anglais, etc. Mais par contre le souci, enfin le souci, ce n’est pas vraiment un souci, mais il y a assez peu de détails sur l’escargot. Certains vont dire qu’il a deux cornes alors qu’un escargot en a quatre. Certains vont dire qu’il est né de la pourriture et de la vase, d’autres vont tout dire, qu’il est né de la rosée du matin quasiment de manière virginale. Enfin voilà, c’est assez limité. Et puis aussi, il y a plus d’informations bien souvent sur l’escargot de mer plutôt que sur l’escargot de terre. Parce qu’en fait il y a une claire dualité qui est faite, déjà parce que donc l’escargot y a l’escargot terrestre et l’escargot marin, eau douce, eau de mer. Il y a aussi le fait qu’on ne sait pas trop où le classer parce qu’il est animal, mais il est un peu minéral, donc techniquement c’est un petit peu… un monstre.

Fanny Cohen Moreau: gasp !

Julia Pineau: donc voilà, on ne sait pas trop quoi en faire. Et enfin, c’est avec Saint Alfred le Grand, Albertus Magnus qu’on a enfin une observation précise de l’escargot où on sent que Alfred a fait une observation précise et personnelle.

Fanny Cohen Moreau: C’était à quelle époque ça ?

Julia Pineau: c’est le XIIᵉ siècle. C’est lui le premier qui remarque – ou en tout cas qui écrit – que l’escargot a quatre cornes et qu’il a deux yeux sur le bout des cornes.

Fanny Cohen Moreau: Aaah.

Julia Pineau: Voilà. Donc finalement, c’est le premier qui semble faire une vraie observation scientifique de l’escargot.

Fanny Cohen Moreau: Qui a vraiment regardé un escargot et s’est dit “mmm on va vraiment regarder comment il est”.

Julia Pineau: Voilà. Mais après aussi, il ne faut pas considérer que les encyclopédies et les bestiaires sont l’équivalent de nos encyclopédies aujourd’hui. L’Encyclopédie au Moyen Âge, c’est un ouvrage qui peut être un ouvrage d’apparat. C’est un ouvrage qui est didactique. Les bestiaires, c’est très pratique pour apprendre à lire par exemple. En plus c’est tout illustré, c’est très agréable. Donc il ne faut pas penser que ça a volonté à être exhaustif et à être très précis et pragmatique, c’est un support à la moralisation.

Fanny Cohen Moreau: Oui, voilà ce que j’allais te dire.

Julia Pineau: Oui, donc faut pas y chercher une observation absolument objective. Ce qui est clair, c’est qu’en plus de cette dualité, il y a un mélange de fascination, de dégoût et d’amusement. Un peu comme aujourd’hui, hein, il faut être honnête. Parce que la coquille de l’escargot, elle est centrale dans la représentation des hybrides et des monstres, qui est quelque chose qui est très présent quand même dans la pensée médiévale. Et finalement, l’escargot, pour un animal qui est très peu présent, très peu détaillé dans les encyclopédies, c’est une créature qui laisse une empreinte hyper forte dans l’imaginaire médiéval.

Fanny Cohen Moreau: Oui, on va voir effectivement qu’il est présent un peu partout. Bah justement aussi, est-ce qu’on le retrouve dans d’autres types de textes à part les encyclopédies ou les bestiaires?

Julia Pineau: Alors oui, on peut le retrouver dans un livre de voyage, donc c’est pas tout à fait une encyclopédie, ça ressemble aux écrits de Marco Polo. Et il y a une mention sur la province de Traponné qui semble être en Inde, sur un lieu où vivraient les plus gros escargots du monde et qui seraient tellement gros et tellement rapides que les hommes pourraient les chasser, leur courant après, les dévorer, et que les coquilles étaient tellement immenses que les gens pouvaient vivre à l’intérieur. Il y a d’ailleurs une illustration incroyable dans un manuscrit de la BNF où on voit effectivement des scènes de vie quotidienne avec des gens qui vivent dans des coquilles. Ils ont même découpé des petites fenêtres, peut-être pour regarder passer ces escargots – ils sont tellement rapides. Vraiment, cette image, elle est absolument incroyable. Donc ça permet vraiment de voir que l’escargot est une bête propice au fantasme de la pensée médiévale. Et donc cet ouvrage, c’est un ouvrage en moyen français qui date du XVᵉ siècle, qui s’intitule : Le livre des merveilles du monde ou les secrets de l’histoire naturelle.

(intermède musical)

Julia Pineau: En fait, j’ai l’impression qu’on peut retrouver les escargots un peu partout. C’est ça qui rend l’étude si difficile, c’est qu’on va pouvoir le trouver dans des textes comme outil de comparaison, d’exemples, de contre-exemples et de ce fait, on peut vraiment le retrouver dans des textes divers et variés. C’est ce qui me fait dire que l’imagerie de l’escargot est finalement aussi hybride et malléable que l’animal lui-même, quoi.

Fanny Cohen Moreau: Par exemple, est-ce qu’on le retrouve dans des textes religieux?

Julia Pineau: Alors oui, on le retrouve des fois dans des sermons comme un contre-exemple. Françoise et Yves Cranga qui ont écrit le livre sur l’escargot disent : il y a le bon escargot et il y a le mauvais escargot. Et c’est un petit peu vrai quand même. Notamment il y en a un qui s’intitule Somme le roi ou le livre des vices et des vertus, qui est écrit par le frère Laurent qui est un frère dominicain et qui l’écrit pour le roi Philippe III. Laurent utilise l’escargot pour parler du péché d’acédie. Le péché d’acédie, c’est en fait le péché capital de paresse. On peut comprendre pourquoi l’escargot est très utile pour parler de ce péché particulier. Cela dit, l’escargot est souvent utilisé pour parler d’une branche du péché d’acédie, qui est le péché de pusillanimité.

Fanny Cohen Moreau: Ah oui, oh la la! Qu’est ce que c’est que ça?

Julia Pineau: Alors la pusillanimité, c’est la peur de l’escargot. Donc c’est métaphorique. En fait, l’idée, ça serait celui qui n’avance pas sur le chemin par peur d’un escargot qui montrerait ses cornes. Donc en fait…

Fanny Cohen Moreau: Attends, c’est une vraie peur ?

Julia Pineau: alors peut être pour certains. En fait, c’est une manière d’imager la peur d’un obstacle dérisoire ou d’un obstacle illusoire. Et de ce fait, c’est plus que de la paresse, c’est plus qu’une absence de volonté. En fait, c’est une forme de faiblesse spirituelle, ce qui est beaucoup plus grave, c’est une peur excessive et déraisonnable. En fait, c’est une absence d’action qui peut avoir des conséquences dramatiques. Ce serait une sorte d’omission de bien qui serait pire qu’une malveillance active, ce qui est donc pire que de ne rien faire. Et Laurent en parle d’ailleurs directement après avoir parlé du péché d’avarice et je me demande s’il n’y voit pas un lien à faire entre les deux péchés. Et en plus, l’escargot peut vraiment servir à incarner les deux puisque comme il porte sa maison sur son dos, il est proche des biens matériels. Donc il y aurait un petit lien à faire, d’autant qu’il y a un autre texte qui justement fait le lien, une des fables, enfin des paraboles plutôt d’Eudes de Cheriton, qui est un auteur, un prédicateur anglais de l’époque, qui s’intitule De Testudine, qui est donc le nom latin pour l’escargot – un des noms latins. Il utilise l’escargot pour parler de l’accumulation des richesses, qui est donc également un grave péché. Et cette image de l’escargot lui permet de critiquer les évêques de son époque qui amassaient les richesses et délaissaient leur congrégation. C’est une manière de parler en fait du ver des plaisirs illusoires. L’escargot, il est classé chez les vers, dans les encyclopédies. C’est un animal qui rampe. Donc il est lié au péché originel aussi, d’une certaine manière.

Fanny Cohen Moreau: Comment il peut être lié au péché originel parce qu’il rampe ? J’ai pas compris.

Julia Pineau: Parce qu’en fait il est classé avec les vers, donc il est classé avec les serpents, les vers de terre, etc.

Fanny Cohen Moreau: Aah OK.

Julia Pineau: Donc de fait, l’escargot est connoté négativement parce qu’il est ventre à terre. On retrouve plusieurs gravures, apparemment il y a une gravure à la cathédrale de Pampelune où on représente le ver des péchés illusoires comme un escargot qui grignoterait l’arbre pour faire tomber les hommes à terre. Et en fait, ce n’est pas si surprenant. En plus, il ne faut pas oublier, c’est un ver, l’escargot, et c’est un ver cornu. Donc il serait une sorte de petit diable, pourquoi pas ? Ou une espèce de petit dragon. Donc c’est une nuisance à ne pas sous-estimer pour tous les auditeurs qui auront avec amour planté leurs laitues dans leur jardin qui se lèvent un matin pour voir tout absolument dévoré par des escargots. Ben faut mettre ça en perspective avec une société qui est encore très agricole et surtout les personnes plus pauvres vont, pour subsister, avoir besoin de jardins personnels et dans une période où il va y avoir des famines, des mauvaises récoltes, voire la question ou pas d’une petite ère glaciaire au XIVᵉ siècle, eh bien une attaque d’escargots, finalement, ça peut avoir de terribles conséquences. Donc voir du coup l’escargot comme représentant d’un péché capital, nous ça peut nous paraître un peu rigolo, mais pour l’époque c’était pas rien.

Fanny Cohen Moreau: En fait, tu me dis que l’escargot c’était un peu l’ennemi public au Moyen Âge quoi. Tout le monde le déteste !

Julia Pineau (rire) : absolument !

Fanny Cohen Moreau: Et est-ce qu’on le retrouve alors là dans des ouvrages de fiction? Parce que, après les encyclopédies et après les sermons religieux, est ce qu’il peut avoir une forme d’action quand même?

Julia Pineau: Alors il apparait, oui, mais généralement c’est très furtif comme apparition. On ne va pas avoir d’œuvres qui sont entièrement centrées sur l’escargot au Moyen Âge. En fiction, je pensais en t’en mentionner trois. La première, c’est dans le poème de « Troïlus et Criseyde » de Chaucer. Je ne serais pas une bonne angliciste si je ne parlais pas de Chaucer. Et le poète utilise l’image de l’escargot pour décrire à la fois le coup de foudre, mais aussi décrire comment fonctionne le regard au Moyen Âge. Quand Troïlus rentre de combat et qu’il voit sa bien-aimée pour la première fois, le poète ne fait pas que comparer Troïlus à un escargot. En fait, on a l’impression que Troïlus devient pour de vrai un escargot puisque le poète dit qu’”il rétracte ses cornes” et quand à son tour, Criseyde voit Trollus par la fenêtre, elle est décrite comme se rétractant derrière les voilages.

Fanny Cohen Moreau: Tu veux me dire que pour parler d’un coup de foudre amoureux, il les compare à des escargots?

Julia Pineau: Absolument. En fait, la vision au Moyen Âge, c’est un sens qui est quasiment tactile. Au Moyen Âge, on croit à une vision extramissive. Ça voudrait dire en fait qu’il y a des rayons qui partent des yeux, qui touchent la cible et qui, en revenant, ramènent l’information au cerveau. C’est pour ça aussi que le regard est considéré comme un sens si puissant, voire dangereux au Moyen Âge. Donc en fait, ce que fait Chaucer, c’est vraiment intéressant. Alors d’un côté tu as raison, c’est assez tendre d’imaginer les deux amoureux comme deux petits escargots qui se toucheraient du bout des cornes puis se rétractent dans leur coquille. Mais en fait, c’est vraiment ça que Chaucer veut dire. Mais finalement c’est une vision assez mature d’un coup de foudre, parce que déjà c’est mutuel. Ils sont tous les deux observateurs et observés.

Fanny Cohen Moreau: elle, quand même se rétracte derrière des voilages, elle est quand même dans un espace intérieur et lui extérieur.

Julia Pineau: Oui c’est vrai. Alors il y a pas mal de chercheurs et de chercheuses qui y voient aussi potentiellement du male gaze.

Fanny Cohen Moreau: C’est à dire oui, du regard masculin sur une relation, c’est ça?

Julia Pineau: Oui c’est possible. Sauf que, Troïlus, son regard sur Criseyde n’est pas prédateur puisque lui aussi il se rétracte. En fait, l’idée c’est que cette vision qui va toucher l’autre pour le voir, c’est une sensation qui est tellement intense, émotionnelle, que les deux amants vont se rétracter et ça leur permet de gérer l’information sensorielle et émotionnelle pour ensuite peut-être, donc, tomber amoureux, traiter l’information. Donc c’est une vision qui est à la fois tendre et rigolote, mais vraiment mature et respectueuse.

Fanny Cohen Moreau: Donc ça veut dire quand même que l’auteur a vu comment se comporter un escargot, parce que voilà, il a pu en observer et dire “ah c’est comme ça qu’ils font, je vais m’en inspirer”, il n’a pas juste tiré ça des manuscrits.

Julia Pineau: Ouais, et c’est vraiment très malin de mettre ça à cet endroit-là. C’est assez surprenant. Et probablement le fait que cette image soit surprenante va faire réfléchir le lecteur à la manière dont les deux amants se rencontrent et la manière dont ils tombent amoureux.

Fanny Cohen Moreau: On ne dira plus « j’ai un coup de foudre », on dira « je me sens comme un escargot ».

Julia Pineau (rires): Je suis très pour. Le deuxième texte dont je voulais te parler, c’est un poème qui est un peu étrange. Eh ben peut-être qu’on pourrait le lire parce que c’est un texte en moyen français. Donc comme toutes mes sources ne sont pas mises en français, on va peut-être en profiter.

Fanny Cohen Moreau: OK, mais je te propose effectivement qu’on l’écoute.

Intermède Winston: 

Les gens d’armes : limaçon, pour la grande corne le château ne laisseront d’assaillir et se pouvons te feront fouir de ce beau lieu où tu reposes. Oncque Lombard ne te mangea a telle sauce que nous ferons, si te mettrons en bien grand plat au poivre noir et aux oignons. Serre tes cornes, et si te prions et nous laissent entrer dedans. Autrement nous essayerons de nos bâtons qui sont tranchants.

Le limaçon : Je suis de terrible façon et ne suis que limaçon. Ma maison porte sur mon dos et si ne suis de chair et d’os, j’ai deux cornes dessus, ma tête comme un bœuf qu’est grosse bête. De ma maison je suis armé et de mes cornes enbastonné. Si ces gens d’armes la m’approchent, ils en auront sur leur caboche. Mais je crois en bonne foi qu’ils tremblent de grand peur de moi.

Le débat des gendarmes et du limaçon, poème final dans Anger S.A. 3390F089 Le calendrier des bergers, Paris, 1493.

Fanny Cohen Moreau: Donc là on vient d’écouter un poème en moyen français qui parle de l’escargot. Est-ce que tu peux nous le présenter Julia, s’il te plaît ?

Julia Pineau: Oui, donc ce poème, il apparait à la toute fin d’un ouvrage en moyen français qui s’intitule Le calendrier des bergers. Et c’est un ouvrage qui est un peu étrange dans le sens où c’est un texte qui présente la science des bergers. Donc on va avoir un peu d’astrologie, on va avoir des conseils pour soigner un troupeau et, à la fin, ce poème-là apparaît. Il n’y a pas vraiment de contexte, on ne sait pas trop pourquoi, il est très drôle, mais il y a trois interprétations possibles. La première, ce serait que c’est juste pour faire rire, parce que les paysans seraient absolument ridicules. Effectivement, c’est ridicule d’avoir peur d’un escargot, même si cet escargot est perché devant un château. La deuxième interprétation est plus pragmatique. C’est un peu ce qu’on disait tout à l’heure : qu’il ne faut pas sous-estimer les dégâts que pourrait faire un escargot dans une société agricole. Et la troisième interprétation est un peu plus politique parce que sur l’illustration qui précède ce poème, l’escargot, il est montré vraiment face à un château fort qui est très détaillé. Et finalement, peut-être que l’escargot ce serait le seigneur, parce que la carapace, ça serait le château. Et l’escargot ce serait ce mollusque, cette créature un petit peu molle qui ne travaille pas beaucoup. Ce serait donc le seigneur qui martyriserait le peuple. Et ce peuple qui arrive armé face à cet escargot, eh ben ça deviendrait quasiment révolutionnaire en fait. Et le troisième texte, c’est le roman de Renart. Il faut absolument qu’on en parle.

Fanny Cohen Moreau: On en avait parlé dans le troisième épisode de ce podcast, il y a fort fort, fort longtemps.

Julia Pineau: Ben oui, ça il faut en parler, c’est quand même peut-être le seul escargot héroïque que j’ai dans mon corpus.

Fanny Cohen Moreau (avec satisfaction) : aaah.

Julia Pineau: Donc voilà, parlons un petit peu de l’escargot courageux. Tardif a son moment de gloire, pendant il me semble le siège de Maupertuis où Renart capture tous les animaux. Il les attache et c’est Tardif qui va réussir à se détacher. Ce n’est pas très clair : soit il se détache parce que Renart l’a sous-estimé et ne l’a pas attaché, soit Tardif se détache parce qu’il est tellement mou et visqueux qu’il glisse hors des chaînes. Grâce à ça, Tardif arrive à libérer tous les autres animaux. Il arrive ensuite tous ensemble à capturer Renart et à l’amener au roi, et c’est Tardif qui mène la charge avec l’étendard royal, ce qui n’est vraiment pas rien. Et sur les petites vignettes des manuscrits, notamment celles qu’on peut voir à la BNF, Tardif est vraiment représenté victorieux, il a la même taille que les autres animaux. Donc ici, bien sûr, on peut y voir une certaine parodie, parce que c’est rigolo d’imaginer un escargot héroïque, ça tient un petit peu du carnaval. Mais pour autant, l’auteur ne se moque pas de Tardif, parce que Tardif est réellement victorieux, il est vraiment héroïque. C’est un peu David contre Goliath, et pour les lecteurs, oui, c’est drôle, mais c’est aussi très satisfaisant d’imaginer le petit qui serait vainqueur contre le grand.

Fanny Cohen Moreau: et alors, il y a d’autres escargots qui sont représentés dans une forme de combat. On a commencé à l’aborder un peu au début de l’épisode. En parallèle de certains textes, on trouve parfois des représentations d’escargot en train de se battre contre des chevaliers et qui ont l’air assez terribles, qui ont l’air vraiment de combattre les chevaliers. Est-ce que tu peux nous expliquer ces représentations ? D’où ça sort en fait ? Parce que voilà, on les voit souvent sur internet, parfois sur les pages Instagram qui partagent des images rigolotes sur le Moyen Âge ou sur Twitter. On les retrouve souvent ces escargots, et à chaque fois, les gens se disent, mais qu’est-ce que c’est que ça ? Alors Julia, il faut que tu nous éclaires un peu sur ces histoires.

Julia Pineau: Alors je suis très contente parce que c’est l’aspect que vraiment je préfère de mes recherches et ça a été le point de départ parce que moi aussi je suis passée sur ces groupes et j’ai vu ces images et je me suis demandé “qu’est-ce que ça veut dire ?” Alors il y a plein d’interprétations possibles. Ce qu’on sait, c’est que c’est un motif qui apparaît au XIIIᵉ siècle dans des manuscrits qui sont surtout français, flamands et anglais. Il y a une circulation très très très intense et ça va s’arrêter assez vite. Et donc une première interprétation, ce serait que ce serait un motif typique du « Mundus Inversum ».

Fanny Cohen Moreau: Pardon ?

Julia Pineau: Le monde inversé, et ça serait quelque chose qui serait proche de la parodie. Parce que, eh bien forcément, si on essaie d’imaginer quel serait l’adversaire le plus ridicule face à un chevalier, ça serait l’escargot, logique. Donc c’est quelque chose qui est assez divertissant et ça va avec l’ambition marginale, parce que ces motifs, on les trouve dans les marges de manuscrits. Et ces marges là, quand elles commencent à se développer à cette période, c’est un espace qui est lui-même, un peu comme l’escargot, hybride, parce qu’on va y retrouver des monstres, des images qui sont un petit peu scatologiques, des fois. C’est un espace subversif, libre et qui a plusieurs raisons d’être. Soit ça peut être tout simplement un endroit de liberté pour le moine copiste ou l’illustrateur, pour faire une petite pause. Ou bien, ça peut être quelque chose qui est voulu pour le lecteur, pour que le lecteur lui-même fasse une petite pause. La marge peut aussi servir à commenter le texte, à rajouter des informations, contredire le texte, pourquoi pas. Donc des fois, c’est un petit peu dur de savoir exactement à quoi va servir ce motif en particulier. Ce qu’il y a aussi, c’est que ça peut aussi être une manière de se défouler, de défouler quelque chose, donc qu’on ne voudrait pas voir apparaître dans le texte. Donc en fait, la marge, finalement, c’est un peu comme le mur d’enceinte de la cité qui garde l’ordre dans la cité et laisse la sauvagerie à l’extérieur.

Fanny Cohen Moreau: Mais on peut faire des graffitis sur le mur.

Julia Pineau: Complètement ! Oui, absolument. Et on en reparlera. Il y a des graffitis d’escargot.

Fanny Cohen Moreau: oh !

Julia Pineau: Donc en fait, ces motifs, ça serait un peu comme des espèces de gargouilles du texte, qui sont moches, c’est le désordre en fait. La deuxième interprétation, très précise, ce serait une calomnie contre les Lombards.

Fanny Cohen Moreau: Attends quoi ? C’est qui les Lombards ? Tu peux nous replacer un peu ?

Julia Pineau: Alors là, c’est le travail qu’a fait Liliane Randal dont je te parlais dans cet article des années 60. Donc les Lombards, c’est des Italiens et ils sont connus malheureusement les pauvres, pour une fuite légendaire devant les armées de Charlemagne. Et c’est aussi l’origine de cette expression qui a la vie dure : Italis unt im Belles, “les Italiens sont des lâches”, ça vient de là.

Fanny Cohen Moreau: Ah OK, je ne connaissais pas l’expression, mais d’accord.

Julia Pineau: En plus, les Lombards à cette époque-là étaient aussi des marchands qui voyageaient beaucoup. Notamment quand ils arrivaient en France et en Angleterre, on les calomniait en les traitant d’escargots ou en les traitant de limaces. C’était un peu la même chose parce qu’ils arrivaient avec leurs sacs à dos, donc ils étaient un peu des escargots et comme c’était des Lombards, c’était forcément des lâches.

Fanny Cohen Moreau (rires): On embrasse tous les Lombards qui nous écoutent.

Julia Pineau (rires): Oui, voilà, je suis désolée. Et cette très mauvaise réputation, elle a surtout voyagé grâce, ou plutôt à cause, des réseaux étudiants. Notamment on a des rapports d’Italiens qui disent avoir vu sur les murs de la Sorbonne des graffitis d’escargots avec des insultes contre les Lombards. Donc en fait, ce motif dans certains manuscrits pourrait révéler une méfiance envers une population qui viendrait de l’extérieur et qui serait vue comme une menace pour un ordre social. En fait, malheureusement, ces Lombards étaient vus comme des profiteurs nuisibles. Et c’est un peu ça qu’est l’escargot en fait.

Fanny Cohen Moreau: D’accord, mais dans ce sens-là, oh là là ! Mais oui, c’est intéressant ce point de vue.

Julia Pineau: Et ça, c’est lié à la troisième interprétation qui serait qu’on assimile les escargots aux marchands et aux bourgeois. Donc, pour la raison très simple que l’escargot ayant sa maison sur son dos, et c’est aussi lié à une image qui est récurrente au Moyen Âge de l’escargot qui rampe, monte lentement le long d’un tronc d’arbre ou d’une tour, ou d’un mur par exemple. Ça, on le retrouve dans des textes, mais aussi dans des images, et ça serait une métaphore de l’ascension sociale. Donc voilà : ces nuisibles profiteurs qui montent lentement vers les cieux, qui sont vus comme une menace sociale. Et surtout, dans le motif, l’escargot est en train de se battre contre le chevalier. Donc finalement, ce serait une manière de montrer l’ancien ordre contre ce nouvel ordre. En plus, au moment où le motif circule au XIIIᵉ siècle, la société médiévale se transforme beaucoup. Les fondements mêmes de la société médiévale bougent à ce moment-là et le bourgeois est, comme l’escargot, un nuisible à prendre au sérieux.

Fanny Cohen Moreau: Donc en fait, selon ce que tu dis, c’est que cette image de l’escargot qui combat le chevalier, ça peut être à la fois positif ou négatif selon les interprétations.

Julia Pineau: Absolument. Et en fait, on va voir que l’imagerie de l’escargot est vraiment hybride, il y a une dualité, mais elle aussi réversible. Et donc cette image de l’escargot qui monte lentement le long de la tour, on va la retrouver des fois telle quelle, mais avec la morale complètement changée. Donc par exemple, un texte qui va dire “oh regardez ce pauvre escargot, comme il est ridicule ! Il monte lentement, il se fait balloter par la pluie, il tombe et il remonte inlassablement. Comme il est ridicule !” Ou bien on va voir pour la même image : “Regardez cet escargot qui est vaillant, qui persévère, qui a beau tomber, continue de s’élever vers les cieux”. Donc voilà, cette imagerie est vraiment réversible. On peut lui faire dire une chose et son contraire selon la volonté.

Fanny Cohen Moreau: Et il y a aussi bien sûr de l’humour en fait, à représenter ça comme ça.

Julia Pineau: Oui, toujours. En fait, ça, c’est vraiment quelque chose qui va être constant. Mais finalement, avec le temps, quand je vois l’évolution de ce motif, il devient tout de même de plus en plus politique. Parce que tu vois, une autre interprétation, si on regarde : le chevalier, qui n’est pas négligé dans ce motif, me fait dire qu’une des manières de lire ce motif, ça serait de critiquer la chevalerie. Parce qu’en fait, la chevalerie ça serait une sorte de coquille vide dans le sens où au moment où circule le motif – bon, je sais qu’il y a des gens qui critiquent cette appellation, mais des fois on parle de “l’automne de la chevalerie”. En tout cas, on sait qu’il y a des textes qui remettent en question le chevalier.

Fanny Cohen Moreau: En tant que statut social dans la société, c’est ça ?

Julia Pineau: Oui, c’est ça. Et dans les images, on va voir des codes couleur et aussi des mises en miroir assez intéressantes : il va y avoir le bouclier du chevalier qui va être de la même couleur que la coquille de l’escargot. En fait, l’idée c’est de dire que finalement l’escargot c’est le chevalier, c’est un corps mou dans une armure.

Fanny Cohen Moreau: Ooh.

Julia Pineau: Il y a aussi certaines images, on pourra les mettre peut-être sur le site.

Fanny Cohen Moreau: Oui, j’en mettrai plein sur le site, les gens pourront aller voir sans souci, vous verrez sur passionmedievistes.fr. Comme d’habitude, je mets un article qui accompagne l’épisode. Là on vous mettra beaucoup de photos d’escargots, allez voir ça.

Julia Pineau: Oui, il y a plein d’exemples où on voit l’escargot avec le cou tendu qui est parallèle à l’épée qui est tendue aussi, ou bien les cornes de l’escargot qui deviennent des flèches. L’idée, ça serait de dire que finalement le chevalier est plus tout à fait héroïque et c’est une manière avec ce motif de mettre à mal à la fois l’ordre, mais aussi ces chevaliers eux-mêmes qui sont supposés être des parangons d’héroïsme. Et la toute dernière interprétation qui est aussi liée à ça…

Fanny Cohen Moreau: Donc toujours du motif de l’escargot contre le chevalier…

Julia Pineau: Oui, absolument. L’idée ce serait, comme le chevalier est un parangon d’héroïsme, mais aussi un parangon de virilité…

Fanny Cohen Moreau: Comment tu définis parangon, déjà?

Julia Pineau: Alors c’est le héros idéal. L’escargot, il a un symbolisme assez fort, mais c’est un animal qui est lié à la symbolique féminine puisqu’il est lié à la spirale, à la cyclicité. C’est aussi un animal qui a un corps mou et baveux et de fait, il est lié à une vulve.

Fanny Cohen Moreau (rires) : Ah ben oui, forcément, voyons, où avais-je la tête ?

Julia Pineau (rires): Ben oui, c’est évident. Mais cela dit, il y a aussi beaucoup de petits objets qui lient très explicitement l’escargot à la femme. Par exemple, il y a des amulettes avec des escargots qui sont entourés de pénis ailés qui sont offerts à des mariages par exemple.

Fanny Cohen Moreau: Bon, j’espère qu’il n’y a pas des gens qui écoutaient avec leurs enfants les épisodes. Voilà. Bon, juste, je vous laisse expliquer ce qu’on vient de dire, désolée.

Julia Pineau (rires): Voilà. Donc en fait pour nous c’est pas clair tout de suite, il faut vraiment le savoir. À l’époque, ça aurait été absolument clair que peut-être une des lectures de ce motif, ça serait que le chevalier, l’homme viril a peur face à une femme, et donc les images où le chevalier en perd son épée, bah, on peut l’interpréter de plusieurs manières.

Fanny Cohen Moreau: effectivement.

Julia Pineau: Et en plus il faut garder à l’esprit que souvent ces motifs vont apparaître dans des ouvrages qui sont faits par des hommes, par des cléricaux, et qui seraient commandés par des femmes laïques. Donc il faut imaginer le moine dans son petit scriptorium tout seul qui serait en train, finalement, de se moquer du chevalier et offrir ses livres à des femmes pour des mariages. Voilà, ce n’est pas…

Fanny Cohen Moreau: C’est une forme de divertissement.

Julia Pineau: Absolument. Et une critique partagée entre ces deux types de personnes, ce n’est pas anodin.

Extrait de Kaamelot : 

– Mon oncle, un autre exemple de chevalerie. Admettons qu’on tombe sur un manant et qu’on désire lui soustraire quelques renseignements. On ne dit pas “manant, montre nous le chemin ou tu tâteras de mon épée”. Non, mais plutôt : “brave homme, garde courage en ton cœur, sois digne à chaque instant, adopte une posture avantageuse. Est-ce bien le chemin qui mène au château ?”

– Bon, on va arrêter le tir deux minutes.

– La chevalerie, c’est avant tout un art de vivre. “Noblesse bien remisée ne trouve jamais l’hiver à sa porte”.

– Non, “porte close” !

– J’ai dit stop ! Écoutez-moi, je vous dis. Bon, écoutez, voilà, c’est simple, moi je n’arrive pas à vous expliquer correctement et simplement le terme chevalerie.

– Je suis désolé, mon oncle, notre vocabulaire n’est pas très fourni.

– Oui, vous encore ça va, mais moi déjà rien que le mot vocabulaire, je suis pas sûr à 100 %.

Fanny Cohen Moreau: Et est-ce qu’on retrouve l’escargot représenté dans l’art médiéval en général, dans d’autres supports que les manuscrits ? Je ne sais pas, la sculpture ou la peinture peut-être ?

Julia Pineau: Alors ouais, on va le retrouver des fois dans des tableaux, mais ça va être assez rare, et souvent, il est aisément oubliable, dans le sens où il est dans un petit coin, on ne le voit pas toujours. Ça va aussi arriver vers la fin du Moyen Âge, début de la Renaissance en selon comment on veut découper la période. Il a une apparence qui ne paraît peut-être pas importante au premier regard, mais qui finalement est souvent une clef très utile pour décoder le tableau. Par exemple, il y a un escargot christique.

Fanny Cohen Moreau (avec accablement): Mais non. Tu sais, je me disais : “oh là là, tous ces animaux qui sont assimilés au Christ. Heureusement, l’escargot ce n’est pas le cas…”

Julia Pineau: Et bah si !

Fanny Cohen Moreau: oh là là.

Julia Pineau: Mais il n’y en a pas que pour le lion.

Fanny Cohen Moreau: Ça devient trop prévisible en fait. Tous les animaux peuvent être Jésus quoi.

Julia Pineau: En fait, ce qu’il y a avec l’escargot, c’est qu’on sait que c’est un animal qui hiberne au Moyen Âge, on le voit. Pendant l’hiver, il va s’enterrer sous terre ou bien il va s’enfermer derrière un opercule dans sa coquille et il ressort au printemps. Donc il est associé au jaillissement, au fourmillement de la vie et quand il s’enterre dans son tombeau minéral, sa petite coquille, c’est pour ça qu’on le retrouve associé au Christ ou à Lazare par exemple.

Fanny Cohen Moreau: Bon d’accord, là ça va, là, la comparaison se tient, mais quand même. Ça devient trop prévisible pour les animaux.

Julia Pineau: On peut le retrouver aussi, pas seulement avec le Christ, mais associé à des saints en particulier, notamment des saints pénitents ou des ermites. Pour la même raison, l’escargot qui s’enferme dans sa coquille, c’est une très bonne manière de représenter l’introspection longue, le retrait du monde, etc. Donc on le retrouve parfois à côté du pied de saint Jérôme ou à côté du pied de saint François d’Assise – en plus saint François était associé à l’amour de la nature et aussi à l’humilité. Donc l’escargot, c’est une manière humble de montrer la pénitence. En plus, il est littéralement ventre à terre. Donc généralement, qu’il soit christique ou qu’il soit le compagnon des saints, c’est toujours lié à l’humilité aussi. Et une dernière représentation de l’escargot dans des tableaux au Moyen Âge, ça va être comme compagnon de la Vierge dans notamment des scènes de l’Annonciation. Alors le plus souvent on va avoir la colombe qui est associée à l’Annonciation. Quand c’est l’escargot, l’interprétation est un peu différente, parce que…

Fanny Cohen Moreau: C’est vrai que c’est ridicule, dit comme ça : c’est l’escargot qui vient annoncer à la Vierge qu’elle est enceinte.

Julia Pineau: En plus il vient lentement. Mais ce qu’il y a, c’est qu’au Moyen Âge, on ne sait pas qu’il est hermaphrodite.

Fanny Cohen Moreau: Ah oui, c’est vrai qu’on n’a pas parlé de ça encore, mais oui.

Julia Pineau: Le terme d’hermaphrodisme n’existe pas, mais en tout cas on sait qu’il se reproduit d’une manière singulière et en fait on croit à une reproduction virginale. Donc soit il se reproduit tout seul à partir de la vase, ça, c’est plutôt négatif, ou bien il se reproduit grâce à la rosée du matin, et là c’est plutôt positif.

Fanny Cohen Moreau: et grâce à Dieu, bim!

Julia Pineau: Absolument. Et donc il y a plusieurs scènes de l’Annonciation où on voit un escargot qui est proche de la Vierge. En plus, donc il y a la reproduction virginale, il y a l’association à la femme, et choisir l’escargot plutôt que la colombe, ça permet aussi de voir une vision humble d’une scène essentielle, mais aussi d’incarner l’Annonciation, ce qui est un des challenges les plus importants de l’art religieux occidental. Comment est-ce qu’on peut incarner le divin ? On ne peut pas. Comment est-ce qu’on essaye de le faire? Et là c’est très particulier parce que l’Annonciation, c’est une reproduction non sexuelle. Il y a un corps, donc c’est quand même une manière de dire « eh bien, il y a tout de même un corps féminin, il va y avoir une naissance » et ça permet d’avoir le corps. Le corps mou de l’escargot incarne la Vierge et la perfection de la coquille permet de lier au divin. C’est à la fois l’infiniment grand et l’infiniment petit.

Fanny Cohen Moreau: C’est génial ! Pardon, mais je trouve que l’imagination n’a pas de limite. Ben justement est ce qu’on en retrouve aussi des escargots? Peut-être dans la sculpture ou dans l’architecture?

Julia Pineau: Oui, d’ailleurs, il y en a beaucoup. Enfin, il y en a quelques-uns qu’on peut voir à Paris. Il y en a un sur la façade de Notre-Dame, je crois, et même au musée de Cluny dès l’entrée. En fait, l’escargot sculpté, on va le trouver souvent dans des piliers ou autour de porte et sous des feuillages. En fait, il est très utile parce que ça permet de créer l’illusion du mouvement. L’escargot, c’est, comme on l’a dit tout à l’heure, le fourmillement de la vie, etc. Et donc, quand on le représente en train de monter un pilier, pour les gens qui se baladent dans les cathédrales, ça attire le regard et ça attire le regard vers le haut, ce qui est un peu la volonté de l’architecture gothique. Donc c’est une forme de transcendance finalement. Nous on serait tous un peu des escargots qui regardent vers les cieux. Plus pragmatiquement, c’est aussi très utile pour un sculpteur, parce que le corps mou de l’escargot, ça permet de caser quelque chose quelque part, un peu n’importe où, dans un coin, sous un feuillage. Enfin voilà, donc il serait un peu bouche-trou. Et la troisième raison, ça serait aussi que ce n’est pas si facile que ça de sculpter une coquille hélicoïdale.

Fanny Cohen Moreau: C’est-à-dire ?

Julia Pineau: C’est à dire que c’est la coquille de l’escargot qui est ronde et qui monte régulièrement autour d’un axe. Mathématiquement, c’est assez compliqué une coquille d’escargot. Et donc être capable d’illustrer ça, ça permet aux sculpteurs de frimer, tout simplement.

Fanny Cohen Moreau: Ah c’est super de savoir ça! Oh, je suis contente. Auditeurs auditrices, maintenant je vous lance à la chasse aux escargots partout en France, envoyez nous des photos d’escargots, je suis sur que vous allez me trouver ça. Photos d’escargots médiévaux, attention, il y a une contrainte ! Parce que les photos des escargots de votre jardin, non, ça ne va quand même pas.

Julia Pineau: Je suis très pour. Faisons une chasse au trésor.

Fanny Cohen Moreau: Alors, tiens, justement parce qu’on parle de vies concrètes, alors on a beaucoup parlé des manuscrits, on a parlé de la représentation du symbolisme. Alors concrètement, au Moyen Âge, quels sont les usages qu’on avait de l’escargot ? Parce que bien sûr, on pense tout de suite : nourriture. Alors, dis-nous, Julia, est-ce qu’on mangeait les escargots au Moyen Âge ?

Julia Pineau: Alors oui, on les mangeait. Ah en fait, ce qui est très pratique avec l’escargot, c’est que c’est un animal qui est très facile d’accès, ça pullule, il y en a partout, donc n’importe qui va en trouver dans son jardin, c’est quasiment libre d’accès. On n’a pas besoin de l’autorisation de son seigneur pour aller chercher un escargot. C’est très lent donc c’est facile à attraper. D’ailleurs ça se cueille, un escargot, ça ne se chasse pas. Voilà, donc c’est gratuit, c’est facile d’accès et comme il y a un corps et une coquille, donc il y a moyen d’effectivement manger. On en trouve en fait en gastronomie, en médecine, dans des objets du quotidien, des objets de rites. En fait, tout va servir dans l’escargot, il n’y a pas de gâchis.

Fanny Cohen Moreau: Est ce que tu as des exemples de recettes du Moyen Âge avec des escargots, peut-être?

Julia Pineau: Alors en fait, le souci, c’est qu’il y a peu de recettes avec des escargots, parce que l’escargot, c’est vraiment le plat du pauvre.

Fanny Cohen Moreau: Oui, donc dans les livres de recettes, c’est consacré plutôt à la nourriture des riches. On en avait parlé dans un épisode. Effectivement, ce n’est pas que la nourriture du quotidien.

Julia Pineau: Ouais, c’est ça. En fait, l’escargot, ça va souvent être un substitut, soit un substitut pour un jour de carême, parce qu’on a le droit de manger l’escargot, tout le monde peut le manger, même par exemple, on sait que les juifs au Moyen Âge ne pouvaient pas manger certains poissons pour le carême. L’escargot, c’est bon et c’est un substitut aussi pour des animaux plus nobles, plus chers ou des animaux qu’on aurait proches de chez nous, mais qu’on va garder pour les œufs, pour le lait, etc. Mais c’est quand même un substitut qui est très nourrissant et généralement on va pouvoir les bouillir, les griller et les faire de plein de manières différentes, avec énormément d’épices. Par contre, on a peu de traces dans les livres. Ce qui nous reste, c’est les détritus, parce qu’en fait, une coquille d’escargot selon les conditions, ça peut rester pendant des siècles. Donc les informations qu’on a sur les recettes, c’est souvent les traces qu’il y a sur certaines coquilles.

Fanny Cohen Moreau: Mmmm c’est super intéressant. Et alors, autre usage que les gens avaient au Moyen Âge –  et j’avoue que quand j’ai parlé un peu du sujet autour de moi, c’est tout de suite un sujet qui est arrivé. Est-ce qu’on utilisait la bave d’escargot ou peut-être l’escargot en général comme cosmétique dans les produits de beauté ?

Julia Pineau: Ben je vais t’avouer que je ne suis pas tout à fait certaine. En fait, pour les cosmétiques, c’est difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que l’escargot a une place importante dans la pharmacopée médiévale, donc on va le retrouver plusieurs fois mentionné par Hildegarde de Bingen dont tu as déjà parlé, je crois, dans des épisodes précédents.

Fanny Cohen Moreau: Qui était une femme de science – entre autres – du Moyen Âge. Elle a fait beaucoup, beaucoup de choses, mais effectivement elle a produit des textes un peu scientifiques aussi.

Julia Pineau: Ouais, c’est ça. Et donc l’escargot va pouvoir servir pour quasiment tout et n’importe quoi. Pour des brûlures, des infections, des rages de dents… Vraiment tout. Il y a quand même certaines utilisations qui vont être avérées de nos jours, on utilise l’escargot pour des brûlures et pour des soucis respiratoires. Et s’il était utilisé jadis pour traiter des brûlures, bah peut-être qu’on a remarqué que c’était bon pour la peau. Je ne sais pas.

Fanny Cohen Moreau: Tu n’es pas sûre en tout cas.

Julia Pineau: Mais je ferai des recherches du coup.

Fanny Cohen Moreau: Et tu as commencé à le dire tout à l’heure. Est-ce qu’on avait d’autres utilisations possibles de l’escargot au Moyen Âge?

Julia Pineau: Oui. Alors là, pour les utilisations matérielles, ils vont être utilisés des fois comme des objets de rites ou des objets du quotidien. En objet de rites, là, c’est une tradition qui est antique. Alors c’était dans des provinces de l’Empire romain et une tradition qui est reprise par les premiers chrétiens qui était de manger des escargots sur la tombe d’un être cher et de déposer la coquille dans la tombe, puisque la coquille est liée à la cyclicité, au temps qui passe. La coquille, c’est quelque chose qui persiste, c’est un symbole assez fort que de déposer des escargots, et notamment il y a un certain nombre de tombes de saints où j’ai vu dans les listes d’objets retrouvés des coquilles d’escargot. En objets du quotidien, il y a aussi le fait que cette coquille-là, elle va pouvoir être utilisée par exemple pour faire des petites lanternes. Donc les premières lanternes à huile probablement étaient des coquilles d’escargot et on retrouve des fois des coquilles assez larges avec des trous qui probablement étaient là pour mettre la mèche. Apparemment il y aurait encore des villages en France dans le midi où on ferait des processions aux lanternes avec des escargots encore. Finalement, une des utilisations matérielles les plus connues et les plus prestigieuses de l’escargot, c’était le pourpre de Tyr.

Fanny Cohen Moreau: C’est quoi ?

Julia Pineau: C’est une teinture qui était extrêmement prisée par la noblesse, par les rois, par les empereurs romains, byzantins et médiévaux. C’est un violet très profond, rouge foncé, voire des fois un peu noir. Si tu as des auditeurs qui sont allés au musée de Cluny ou qui auraient vu le quadrige de Charlemagne, c’est cette couleur-là. La légende raconte que ça serait le chien d’un héros – alrs le héros change d’une d’une légende à l’autre – qui aurait mangé un escargot de mer, généralement, c’est les murex, et qui serait revenu avec le museau taché de ce violet profond. Donc c’est en fait ce pourpre, cette teinture qui a fait la richesse des cités phéniciennes.

Fanny Cohen Moreau: Là on est sur l’escargot plutôt de mer.

Julia Pineau: Oui, et en fait clairement la dualité de l’escargot, on la voit ici aussi. L’escargot de terre est souvent lié à la pauvreté. C’est ce qu’on a vu avec la nourriture et l’escargot de mer est souvent lié à la richesse. Cette teinture, elle a un avantage évident parce qu’elle est extrêmement stable. Elle ne va pas perdre en intensité face à la lumière ou face à certains solvants. Elle a une persistance forte et donc porter une teinture qui persiste avec le temps, c’est une manière aussi par association, d’affirmer sa propre persistance, son propre pouvoir. Elle va aussi être prisée par la noblesse et par les rois parce qu’elle est excessivement chère. Il faut à peu près 10 000 escargots pour faire une toge ou pour faire un habit.

Fanny Cohen Moreau: Ah ouais, quand même.

Julia Pineau: Ouais, j’ai essayé de convertir, c’est dur de convertir sur nos prix, mais en tout cas c’est hors de prix. Donc au début, seule la noblesse antique peut se la permettre. Au fur et à mesure, les rois, les empereurs vont avoir le monopole de cette teinture. Caligula met à mort quelqu’un qui porte plus de pourpre que lui. Bon, il aime faire ça, mais c’est aussi un message politique, parce que porter du pourpre, c’est un message. Il s’agit du fils du roi de Mauritanie qui porte plus de pourpre que Caligula. Ce dernier le met à mort parce que ce jeune homme, en fait, ce n’est pas juste un accessoire de mode, c’est une manière en portant plus de pourpre que Caligula de lui dire : “moi, j’ai du sang royal”, donc c’est une offense. Donc en fait, ce pourpre, il est aussi prisé parce que c’est un message politique très très fort. Au Moyen Âge, Charlemagne est couronné avec un châle ou une cape il me semble pourpre, et il est enterré avec le fameux quadrige qui est encore violet. Donc voilà, tout le long de l’Antiquité et du Moyen Âge, c’est le murex, l’escargot de mer, qui fait la richesse de ces cités. Et après la chute de Constantinople, les artisans, les fabriques sont détruites et le pourpre disparaît. Donc il y a des ersatz. On essaye de recréer ça avec d’autres animaux, un peu du végétal, mais ce sont des couleurs qui vont perdre en intensité avec le soleil, qui vont se diluer avec de l’eau et ça fait gagner en prestige au légendaire pourpre de Tyr. Depuis, il y a des chercheurs qui ont essayé de le reproduire, mais avec peu de succès. Et puis surtout, je pense que personne n’a envie d’écraser 2000 escargots pour teindre un mouchoir – et c’est tant mieux.

Fanny Cohen Moreau (rires): C’est du travail quand même. Alors justement, en parlant de travail, Julia, moi j’aime bien en fin d’épisode vraiment se concentrer sur le parcours du chercheur ou de la chercheuse et pour expliquer un peu comment tu travailles là-dessus. Alors déjà, est-ce que tu peux nous dire ton parcours, comment tu es arrivé à faire des recherches de littérature à la base en fait, plutôt anglaise?

Julia Pineau: Oui, alors j’ai toujours su que je voulais être professeure d’anglais, donc j’ai tout naturellement suivi une licence d’anglais. J’ai eu la chance à la Sorbonne de pouvoir prendre une option d’études médiévales puisqu’on a la chance d’avoir un centre d’études médiévales anglaises à Paris IV et ça a été le coup de foudre. Donc j’ai fait deux mémoires d’études médiévales anglaises avec un professeur qui désormais est à la retraite, le professeur Léo Carruthers, et j’avais travaillé à l’époque sur le mal et la malveillance dans Tolkien. Donc là on est plus dans le médiévalisme. Et l’année suivante, pour mon M2 sur le symbolisme du poème moyen anglais, Sire Gauvain et le Chevalier vert. Après, j’ai passé les concours du CAPES et de l’agrégation, j’ai obtenu un poste dans le secondaire, à cheval sur le secondaire et le supérieur qui me plaît vraiment beaucoup. Et ensuite j’ai voulu enchaîner avec une thèse en littérature médiévale et là ça s’est compliqué un petit peu parce que bon, disons que le timing a été compliqué. Je me suis inscrite en thèse au moment où il y a eu une réforme du baccalauréat, une réforme du lycée. Donc ça a été beaucoup, beaucoup de travail en plus. Et accessoirement, il y a eu le Covid 19.

Fanny Cohen Moreau: Bon, petit détail.

Julia Pineau (avec ironie): Oui voilà, ça n’a rien changé dans la vie des doctorants en France. Donc ça a été un petit peu compliqué et j’ai eu besoin de faire une pause. Donc j’ai fait une année de césure avec l’encouragement de ma directrice qui est absolument incroyable et de l’école doctorale. Et donc j’ai voulu faire autre chose et comme ça me trottait dans la tête, je me suis dit bon, c’est le moment de travailler sur les escargots. Et en allant en colloque sur justement les animaux, j’ai fait une présentation sur le sujet et j’ai vécu le moment, je crois, dont rêve chaque doctorant qui est qu’après ma présentation on m’a proposé un contrat d’édition.

Fanny Cohen Moreau: Mais ça, c’est incroyable.

Julia Pineau: C’est le rêve, ce n’est pas “Coup de foudre à Notting Hill”, c’est “Proposition après colloque”.

Fanny Cohen Moreau: Mais on a dit c’est “regard d’escargot”.

Julia Pineau: Donc oui, c’est vraiment bien tombé. C’est quand même un travail universitaire finalement, parce que ce sont les Presses universitaires du Pays de Galles qui font une série d’ouvrages sur les animaux, donc notamment le Dragon dont on a déjà parlé ici. Et il y a aussi l’âne, je crois, et d’autres. Donc à venir, un jour, il y aura aussi l’escargot.

Fanny Cohen Moreau: Donc tu vas publier en anglais un livre sur l’escargot.

Julia Pineau: Ouais, voilà, exactement.

Fanny Cohen Moreau: c’est génial.

Julia Pineau: Donc finalement, ça m’a fait beaucoup de bien parce que c’était une année de césure productive. Ça m’a permis de me vider la tête et de faire quelque chose qui m’a fait plaisir, qui m’a fait beaucoup rigoler aussi, mais aussi de continuer à me former sur énormément de choses parce que je me suis formé sur la culture visuelle, la culture matérielle, la culture religieuse. Réfléchir sur l’animal au Moyen Âge, c’est réfléchir à énormément de choses. C’est comment l’homme au Moyen Âge, comment les gens envoyés au Moyen Âge considèrent la nature, le monstre, c’est aussi comment ils perçoivent l’autre, comment ils se perçoivent eux-mêmes. Et donc ce sont des questions qui sont vraiment essentielles. Ça m’a permis de travailler sur des manuscrits aussi.

Fanny Cohen Moreau: Mais alors là, si je comprends bien, tu es en même temps… parce que là ton année de césure est finie.

Julia Pineau: Ouais, ça y est.

Fanny Cohen Moreau: Tu es en même temps donc en train de préparer une thèse et un livre sur les escargots. Et tu as un travail aussi, voilà.

Julia Pineau: Accessoirement. Et puis les élèves auront toujours la priorité.

Fanny Cohen Moreau: oui.

Julia Pineau: Donc faut bien gérer son temps. Mais bon, cela dit, là j’arrive à la fin, les recherches sont terminées, je termine la rédaction et après la navette éditoriale va commencer et je vais pouvoir ré-enchaîner sur la thèse avec entrain.

Fanny Cohen Moreau: Alors pour finir cette interview, Julia, je vais te demander – des fois je pose des questions sur les conseils et tout ça. Alors là, je vois un peu cette question comme un bâton de relai que tu pourrais transmettre aux autres chercheurs et chercheuses peut-être qui nous écouteraient. Alors à ton avis, est-ce qu’il y a un ou des animaux qui mériteraient d’être plus étudiés dans leur représentation médiévale ? Parce que les animaux par exemple, comme les dragons ou les lions, oui, c’est bon, ça a déjà été beaucoup étudié et il y en a beaucoup des animaux, on a vu aujourd’hui. Est-ce que, à ton avis, il y a des animaux dont tu te dis “ben là il y aurait un truc à faire sur tel ou tel animal”.

Julia Pineau: Oui, effectivement, il y a énormément de choses et des choses de grande, grande qualité qui sont faites sur les animaux. Donc mon conseil ce serait effectivement de choisir un animal du quotidien, un animal qui paraîtrait complètement anodin. Donc effectivement, le lion c’est fait, la licorne c’est fait. Et moi ce qui m’intéressait en travaillant sur l’escargot, c’est prendre quelque chose qui paraît très commun, voire complètement de niche. Et ce que, sur la pointe de cette petite aiguille, on peut découvrir ? Enfin, ça amène à un rayonnement incroyable d’idées. Donc prendre un animal qui ne serait pas héroïque, un animal qui ne serait pas tout de suite lié au Moyen Âge comme ça. Et je pense que ça permettrait de découvrir des choses complètement insoupçonnées. Si quelqu’un veut travailler sur la tortue, pourquoi pas ? Parce qu’il y a des confusions entre la tortue et l’escargot dans certaines encyclopédies. Donc on pourrait faire un espèce de travail conjoint avec quelqu’un qui travaillerait sur la tortue, pourquoi pas ?

Fanny Cohen Moreau: Eh bien le message est passé.

Fanny Cohen Moreau: Désormais, chers auditeurs et auditrices, vous en savez beaucoup plus et peut être que vous n’imaginiez pas un jour savoir toutes ces choses sur l’escargot au Moyen Âge. Donc merci beaucoup Julia Pineau. Bonne continuation pour ta triple vie, quadruple vie qui t’attend, tu ne vas pas t’ennuyer. Et puis peut-être que, auditeurs auditrices, au moment où sort cet épisode, le livre de Julia est sorti. Donc regardez, cherchez sur internet, peut-être que vous pourrez le lire.

Julia Pineau: Merci beaucoup !

Fanny Cohen Moreau: Et auditeurs auditrices, alors je vais vous renvoyer vers quelques épisodes parce que si le savoir sur les animaux vous intéresse, alors j’ai consacré deux épisodes sur les dragons au Moyen Âge avec Ombeline. C’était l’épisode 2 et l’épisode 2 bis, je ne sais plus où il est, mais vous verrez sur le site. On avait fait un épisode sur le lion au Moyen Âge. On a fait un épisode, l’épisode 23, sur le savoir sur les animaux un peu plus général. Et tiens, parce que juste tu l’as mentionné, on a fait un épisode, c’était un hors série, sur Tolkien au Moyen Âge aussi. Donc ce n’est pas un animal, pas tout à fait. Et voilà. Donc n’hésitez pas à les voir sur un site passionmedievistes.fr. J’ai fait beaucoup d’épisodes donc on mettra un article qui accompagnera cet épisode où on vous mettra plein de photos d’escargots. Les références des ouvrages dont parlait Julia, on vous mettra pas mal de choses comme ça et donc profitez d’être sur le site pour voir les autres épisodes de Passion Médiévistes. Je commence à avoir fait pas mal de sujets, des sujets très différents. J’essaie de vous surprendre, j’essaie de vous faire découvrir plein de nouvelles choses avec ce podcast et aussi allez écouter mes autres épisodes Passion modernistes et Passion Antiquité, sur le même format que ce que vous avez écouté aujourd’hui, mais avec des invités qui nous parlent d’autres périodes historiques.

Fanny Cohen Moreau: Et si vous voulez m’aider à développer Passion Médiévistes, si vous voulez soutenir mon travail, je rappelle que déjà vous pouvez le faire en parlant du podcast autour de vous. Voilà, si chaque personne qui écoute ce podcast arrive à en convaincre une autre, non pas de pression, mais voilà, vous pouvez déjà m’aider comme ça, vous pouvez m’aider en partageant le podcast sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire Facebook, Twitter, Instagram, en me taguant, et tout ça en mettant bien la petite mention pour que je puisse le voir et être trop contente à chaque fois. Vous pouvez aussi me mettre un commentaire sur l’application Apple Podcast ou iTunes si vous avez un téléphone iPhone ou si vous avez un téléphone sous Android, vous pouvez mettre un commentaire sur l’application Podcast Addict qui est une application indépendante française que je vous recommande tout à fait. Aucun partenariat, aucun non, moi juste c’est l’appli que j’utilise et je la trouve plutôt bien si jamais vous en cherchez une. Et si jamais vous voulez me soutenir financièrement, que c’est possible pour vous, vous pouvez le faire : alors je vous explique comment faire sur la page passionmedievistes.fr/soutenir. Et d’ailleurs ce mois-ci, en plus des personnes que j’ai remerciées en début d’épisode, je tiens à remercier Franck, Amandine, Rose-Hélène et Volcane. Merci beaucoup à elles et eux pour leur soutien parce que grâce au soutien financier, voilà, je peux financer l’illustration de cet épisode, je peux financer l’hébergement, plein de projets à venir, je peux demander de l’aide autour de moi pour des projets. D’ailleurs, je tiens à remercier Baptiste Mossiere, alias Winston, qui me fait le mixage sonore pour les formats clichés. Je ne sais pas si vous écoutez ce format d’épisode court que je fais. Donc merci beaucoup à Baptiste Mossiere alias Winston.

Winston: Avec plaisir!

Fanny Cohen Moreau: Eh oui, c’est lui que vous avez entendu aujourd’hui dire un petit extrait à propos des escargots. Au moment où sort cet épisode, il y a beaucoup de choses qui vont arriver bientôt, dans les prochains mois, alors ça fera bizarre si vous écoutez ça des mois après. Mais il est possible que dans les prochaines semaines, j’organise des évènements encore, enregistrements publics ou autres types d’évènement vers début avril 2023. Voilà, à suivre et dans le prochain épisode, nous parlerons de la ville d’Auray au Moyen Âge. Salut !

Merci à Cap Stat pour la transcription et à Brunhild pour la relecture !