Les épisodesPassion Médiévistes Les épisodes retranscrits

Épisode 38 – Héléna et les rituels d’exécutions

Comment les exécutions pouvaient être mises en scène et ritualisées au Moyen Âge ?

Héléna Lagréou au micro de Passion Médiévistes
Héléna Lagréou au micro de Passion Médiévistes

En 2019 Héléna Lagréou a soutenu un mémoire sur le sujet : « Exercer la métaphore historienne des rituels d’exécutions avec le cas des Grandes Chroniques de France par le Maître de Virgile de 1380 à 1405 : La floraison de l’analyse ». Elle était en deuxième année de master d’histoire médiévale et anthropologie à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, sous la direction du professeur Joseph Morsel.

Des actes pas si courants

Il existe plusieurs types de rituels de justice, et Héléna Lagréou s’est concentré sur les rituels d’exécutions, qui sont souvent longs, avec une procession dans la ville très sonore, une exécution et l’exposition du corps. Au-delà de l’exécution en elle-même, trancher la tête ou pendre quelqu’un, le rituel comprend plein de scènes différentes, avec toute une préparation.

Et contrairement aux idées reçues, les exécutions publiques au Moyen Âge n’arrivent pas très souvent, notamment selon les travaux de Claude Gauvard qui montre que ce sont les actes de rémissions qui sont les plus fréquents.

Parmi les exécutions, les plus courantes sont les pendaisons, là où les décapitations seront réservées aux individus du haut rang, membres du groupe aristocrate. Il y a aussi une distinction genrée : les femmes, dans un rapport de pudeur et de monstrance du corps, auront des types d’exécutions très différentes, comme le bucher ou l’enterrement vivant.

Décapitation avec malaise du bourreau Raoulet, Grandes Chroniques de France ou Chroniques de Saint Denis (de 1270 à 1380). Ms. Royal. 20. C. VII. f. 133V.
Décapitation avec malaise du bourreau Raoulet, Grandes Chroniques de France ou Chroniques de Saint Denis (de 1270 à 1380). Ms. Royal. 20. C. VII. f. 133V.

Les rituels d’exécutions, une métaphore ?

Illustration de l'épisode 38 par Uvaat (Aurélien Dumont)
Illustration de l’épisode 38 par Uvaat (Aurélien Dumont)

L’ensemble de la compréhension des rituels d’exécutions (ou de justice) est habituellement fondé sur la métaphore du théâtre. Or Héléna Lagréou trouvait que cette métaphore n’était pas une évidence. Une des différences se loge par exemple dans la posture du public, qui n’est pas forcément passif lors des exécutions. Les spectateurs peuvent avoir un vrai rôle et être acteurs participants, voire intervenir dans le rituel.

De plus, contrairement au théâtre, le public a conscience que ce qui se déroule lors d’un rituel est réel, que ce n’est pas que de la fiction. Mais dans ses travaux Héléna Lagréou trouve tout de même une forme de validité de la métaphore.

De même, elle a travaillé sur la notion d’exemplarité de ces exécutions, en s’appuyant sur les travaux de Claude Gauvard et de Michel Foucault, et n’est pas totalement convaincue par cette analyse.

Pour en savoir plus Héléna vous conseille de lire :

  • GAUVARD Claude, « De grace especial » : crime, Etat et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, Publication de la Sorbonne, 1991.
  • GAUVARD Claude, Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris, Picard, coll. « Les Médiévistes français », n°5, 2005.
  • MORSEL Joseph, « De l’usage de la métaphore « historienne » en histoire médiévale » (en ligne), 2017.
  • MOREL Barbara, Une iconographie de la répression judiciaire : le châtiment dans l’enluminure en France du XIIIe au XVe siècle, Paris, Editions du Comité des travaux historiques et scientifiques, coll. « Archéologie et histoire de l’art », 2007.

Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :

  • Kaamelott – Livre I Épisode 47
  • George Brassens – La mauvaise réputation

 

Transcription de l’épisode 38 (cliquez pour dérouler)

[Générique]

Fanny : Bonjour Héléna Lagréou, tu viens nous parler aujourd’hui d’un sujet qui est un petit peu morbide. Donc je dis aux auditeurs, si d’habitude vous écoutez avec vos enfants, ou si vous êtes un peu sensible à tous les sujets liés à la mort, passez votre chemin aujourd’hui, et allez écouter un autre épisode pour l’instant. Héléna tu as fait un master 2 en histoire médiévale, à l’université Paris I — Panthéon Sorbonne sous la direction de Joseph Morsel et avant de Nicolas Offenstadt, et donc ton sujet, je vais le lire en entier parce que c’est beau, c’est de la prose : « Exercer la métaphore historienne des rituels d’exécutions avec le cas des Grandes Chroniques de France par le Maître de Virgile de 1380 à 1405, la floraison de l’analyse ».

Héléna : Oui, c’est un titre qui est un peu long, un peu intense, qui est entre la fausse poésie de certains titres mais en même temps quelque chose de très précis. C’est toujours un peu surprenant, c’est un format un peu long, un peu chiant.

Fanny : Tu vas nous en parler. Tu as travaillé sur les rituels d’exécution, et comment étaient ressentis, étaient écrits les rituels d’exécution au Moyen Âge, donc on va en parler en petit peu. Déjà, pourquoi tu as voulu faire un mémoire d’histoire médiévale sur un tel sujet ?

Héléna : déjà au départ, je pense que la question de l’histoire médiévale se pose pour le coup aussi, parce qu’il faut quand même être un peu tapé pour faire de l’histoire médiévale, on va pas se mentir.

Fanny : Pourquoi tu dis ça ?

Héléna : Parce que c’est déjà pas mal difficile, et puis toujours il faut retourner son cerveau pour comprendre une société qui est tout le temps dans l’altérité. De base, l’histoire médiévale c’est hyper attirant, par sa complexité et du fait que ce soit cette société analogique qui est totalement différente en termes d’ontologie de notre société plus naturaliste.

Fanny : C’est-à-dire ? Parce que là tu as dit plein de mots de concept, mais je ne pense pas que tout le monde ait ces concepts en tête.

Héléna : En gros, l’ontologie, enfin là je vais parler de l’ontologie selon les théories de Philippe Descola, qui est un anthropologue de la nature et de la culture, et en gros, les ontologies c’est la façon les sociétés se présentent et se représentent. Donc les sociétés naturalistes, comme les sociétés occidentales contemporaines, c’est une société qui fait une très grande distinction entre la nature et la culture, l’humain et le non humain. Une société analogique, surtout notamment la société médiévale, en gros toutes les catégories de pensée que l’on peut avoir ne se retrouvent pas dans la société médiévale. Par exemple, la distinction entre matériel et immatériel, n’existe pas nécessairement. Le fait qu’il n’y ait pas justement ce rapport matériel/immatériel dans la société, ça change totalement la perception des choses au final. C’est ce qui implique d’avoir un peu cette idée de « cerveau retourné », faut tout le temps considérer les choses différemment. Tout ce qui structure la société, c’est des systèmes de pensées qui n’ont rien à voir avec les nôtres. C’est ça cette idée de retourner tout le temps son cerveau, ce qui est assez pénible.

Fanny : On a l’impression parfois que ce sont des gens qui nous ressemblent, mais en fait c’est totalement un autre système de pensée.

Héléna : Tout à fait, c’est pour ça que notamment à Paris I, ils mettent anthropologie avec. C’est totalement l’altérité. L’humain dans l’altérité, c’est pas un ancêtre dans ce sens, c’est vraiment l’autre. C’est pas du tout des personnes qui ont un rapport avec nous, sur absolument tout. Même biologiquement, au niveau du goût, le goût n’est pas le même. C’était ça qui m’intéressait vraiment, c’est ce côté complexité, tout ce qui est un peu attirant, comme la paléographie, et tout…

Fanny : La paléographie, c’est quand on déchiffre des manuscrits du Moyen Âge. Tu étais attiré par la paléographie ?

Héléna : En fait, je suis profondément nulle en paléographie, il y a des moments où il faut être honnête. Je n’ai aucune qualité en paléographie, mais je trouve ça hyper chouette. Moi j’aime bien quand je suis vraiment pas forte dans un truc, du coup ça m’attire et j’ai envie de comprendre pourquoi.

Fanny : Alors pourquoi les rituels d’exécution, dans le cadre de ce que tu nous as expliqué ?

Héléna : Les rituels d’exécution c’est venu, pas de façon aléatoire, mais un peu. Moi j’aime bien les sujets en rapport avec le Moyen Âge qui habituellement donnent mauvaise presse au Moyen Âge, qui donnent une vision un peu « dark ages » du Moyen Âge : une période sombre, avec des gens crados qui se tapent dessus, pour sortir de cette idée-là, pour voir ce qui se passer réellement derrière.

Fanny : Tu étais faite pour venir dans ce podcast en fait !

Héléna : Voilà, c’était ça qui m’avait attiré au départ, au fur et à mesure de lire même la documentation et tout ce qui est théorique autour des rituels de justice, je me suis rendu compte que la compréhension de l’ensemble de ces rituels de justice était centrée autour d’une métaphore. Cette métaphore, c’était la métaphore du théâtre. Et ça, je trouvais ça très particulier parce que cette métaphore bloquait complètement la compréhension du sujet même d’exécution. Avec cette métaphore du théâtre, on avait l’idée de public, d’acteurs, de scène. Le public, techniquement ça impliquait une perception des gens qui participaient à ces rituels comme, justement ce que je viens de te dire, des grouillots qui aimaient bien voir du sang parce que ça leur fait plaisir. Je trouvais ça un peu particulier, à creuser, et à voir s’il y avait un fond de vérité derrière cette métaphore qui était constamment utilisée.

Fanny : Rentrons un petit peu du coup dans le détail. Qu’est-ce que c’est, de façon très très basique, un « rituel d’exécution » ou un « rituel de justice ».

Héléna : Alors, un rituel de justice, il y en a plusieurs, mais moi je me suis concentrée sur les rituels d’exécution, qui en fait sont des rituels qui sont très longs. Il y aura une procession dans la ville avant, une procession qui est très sonore par ailleurs. Ensuite, il y a l’exécution en soi, l’exposition du corps, donc ce qu’il faut garder à l’esprit c’est qu’on parle de rituel d’exécutions avec un « s » parce que justement c’est très très long. Cela comprend, au-delà de l’exécution, de couper la tête de quelqu’un, plein de scènes différentes et plein de rituels différents, notamment la procession dans la ville, qui est hyper importante. Je me suis concentrée vraiment sur le fait de « couper la tête », mais il faut garder à l’esprit que c’est quelque chose de très complet comme rituel. C’est pas juste « on se pointe sur la place publique, et tiens, aujourd’hui on va pendre Jo le clodo ». C’est un truc long, c’est annoncé, c’est préparé, c’est quelque chose de relativement gros, et qui n’arrive par ailleurs, pas très souvent. Les exécutions publiques ne sont pas aussi fréquentes qu’on l’imagine. Les travaux de Claude Gauvard ont montré que ce seraient plus les actes de rémission qui sont plus fréquents. Du coup, même le rituel de justice, en soi, c’est une telle exception dans la vie quotidienne, que du coup c’est pas anodin non plus. C’est très long, et c’est pour ça que ça comprend aussi beaucoup de rituels différents.

[intermède Kaamelott]

Fanny : Ces rituels, tu les as étudiés sur la fin du Moyen Âge, XIVe, XVe siècle, pourquoi ce moment-là, qu’est-ce qui fait que tu t’es concentrée sur cette période-là ?

Héléna : De façon très nulle, j’ai pas tellement choisi cette période. En fait, quand je cherchais à délimiter mon sujet au début de mon M1, je suis tombée sur la thèse de Barbara Morel, qui est une autrice qui a travaillé énormément sur les rituels d’exécution, et en fait il faut savoir que cette thèse était une thèse illustrée, ce qui est rare.

Fanny : Il y avait des images…

Héléna : Il y avait des images, et c’était joli ! Et dans ces images, franchement, j’ai eu une épiphanie, c’était une telle joie de tomber sur une image en particulier, qui se trouvait dans un manuscrit à la British Library, des Grandes Chroniques de France, où l’on voyait un bourreau qui s’appelait Raoulet. Et Raoulet restera dans mon cœur à jamais. Donc un bourreau, Raoulet, qui avait fait une exécution, sauf que sur l’image, je ne comprenais pas trop bien ce qui se passait, le pauvre bourreau était au sol, avec sa hache qui était en train de tomber, et à côté de lui, il y avait les deux types qui avaient été exécutés. Et donc, je me suis dit « mais qu’est-ce qu’il se passe, il y a un problème. Pourquoi le bourreau est au sol ? ». En fait, le pauvre avait été saisi d’une attaque. Apparemment, il avait une maladie qui faisait qu’il était souvent soumis à des crises. De voir ce côté absurde, d’un type qui est bourreau mais qui pour autant subit des crises qui sont à peu près similaires à des crises d’épilepsie, je trouvais ça juste génial. C’est vraiment parti de là, c’est parti d’un truc qui m’a fait rire. C’est débile, mais c’est de là que c’est parti. Ensuite, j’ai travaillé sur le manuscrit qui contenait cette image, et j’ai ajouté un autre manuscrit pour avoir quelque chose d’un peu plus complet. En fait, c’est pas venu de quelque chose d’hyper théorique, du type « ah, cette période-là ça conviendrait parfaitement ». Non, c’est vraiment venu de quelque chose qui m’a fait rire. C’est pas très intellectuel.

Fanny : Donc tu t’es concentré du coup sur des manuscrits. Mais c’est des manuscrits français, anglais, on est dans quel contexte historique ?

Héléna : En gros, ce sont des manuscrits qui ont été produits en France vers la fin du XIVe siècle. La spécificité de ces manuscrits, c’est que ce sont des manuscrits des Grandes Chroniques de France qui est une documentation qui est par ailleurs très populaire auprès des médiévistes. Mais la spécificité de cette documentation à cette période-là, c’est que sous Charles V il y a eu un renouveau de ces Grandes Chroniques de France, qui auparavant étaient rédigées par les moines de Saint-Denis, et où les enluminures étaient faites par les moines, c’est une production qui n’était pas laïque. À ce moment-là [sous Charles V], cela devient une production laïque. Le type de narration change totalement, les images aussi. De ce fait, les images ont été produites par des ateliers parisiens, et l’individu qui a rédigé les Grandes Chroniques de France à partir de ce moment-là, c’est un chroniqueur du roi. En fait, ça change totalement la dynamique des choses, et notamment ça change aussi ces images. Les deux manuscrits que j’ai étudiés, un à la BNF et l’autre à la British Library — celui de la British Library s’y est retrouvé par des transferts un peu obscurs…

Fanny : La magie des archives…

Héléna : Voilà, mais j’ai quand même majoritairement travaillé sur le manuscrit qui est à la British Library. Celui de la BNF, je n’ai pris il me semble que 4 images de ce manuscrit-là.

Fanny : Donc, qu’est-ce que tu as montré dans ton mémoire, par rapport à ce qui avait déjà été fait, par rapport à la thèse que tu as citée ?

Héléna : Au départ, je ne voulais rien « montrer ». Surtout que les étudiants de Joseph Morsel sont vraiment dans l’idée « il ne faut pas montrer quelque chose, il faut laisser le document te parler, il faut l’écouter ». Mais ça, c’est un peu une illusion, une rhétorique intellectuelle qui ne fonctionne pas vraiment, parce que quand on approche un document, au final on a quand même quelques idées en tête. Moi, ce que je voulais simplement étudier, c’était vérifier la valeur de la métaphore théâtrale dont je t’ai parlé. Je voulais voir, si on regarde les images, est-ce que la rhétorique du théâtre, c’est-à-dire avoir un public, avoir des acteurs et avoir une scène, est-ce que ça s’appliquait vraiment ? Au départ, ce n’était pas tellement montrer quelque chose de précis, c’était mettre au test quelque chose, c’était une expérience. De ce test-là, j’avais en tête que l’ensemble de la métaphore serait pensée comme fausse, mais en fait il y avait une forme de validité de cette métaphore, dans le sens où, avec l’analyse des images, je me suis rendu compte que la catégorie « acteur » qui aurait été du coup les bourreaux et les exécutés, avait une forme de validité intellectuelle, dans le sens où ces deux formes d’individus se retrouvaient ensemble, parce que justement dans les figurations, c’étaient les deux types d’individus qui avaient une forme de figuration qui était hyper normée, et qui était toujours la même. En fait, cette catégorie « acteurs » a une forme de validité, classificatoire on va dire, parce qu’en effet, les bourreaux et les exécutés sont très normés, et sont toujours figurés de la même façon. En revanche, là où la métaphore était problématique, c’était pour le public, qui implique une perception passive des individus dans un rapport spéculatoire, c’est-à-dire qu’il ne fait que regarder. Là, c’était tout l’inverse, c’est-à-dire que les participants — du coup moi je n’appelle pas ça un public mais des participants — c’était ceux qui avaient fondamentalement une figuration qui était la moins normée. On avait des interactions physiques entre les participants, que ce soit des regards ou des contacts tactiles, c’est-à-dire on tourne sa main vers son voisin de gauche, on tourne sa jambe vers son voisin de droite… Il y avait des interactions qui étaient bien plus fortes et surtout variées parmi les participants contrairement aux acteurs qui eux étaient, au final, les plus « passifs ». En toute honnêteté, le problème d’avoir analysé ce sujet-là et d’expérimenter cette métaphore, ça a orienté ma recherche dans le sens où j’analysais du coup cette documentation et les individus figurés sous le prisme d’actif/passif. Ça, ça a été un écueil de ma recherche. Je voulais voir qui était actif, qui était passif, est-ce que cette catégorie fonctionne ou pas. Je cherchais juste à voir qui fait quoi, ce qu’il se passe, et pourquoi là, il y a des gens qui regardent d’autres gens se faire tuer.

Fanny : Tu nous l’as dit tout à l’heure, dans les rituels d’exécution, parfois on tranche la tête, parfois on pend. Est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur ça, pourquoi on fait tel type de mise à mort de quelqu’un plutôt qu’une autre, qu’est-ce que ça peut signifier ?

Héléna : Les exécutions les plus fréquentes, ce sera les pendaisons ou les décapitations. Les pendaisons c’est quand même bien au-dessus en termes de fréquence, en tous les cas de ce que j’ai observé dans les manuscrits mais aussi de ce que Barbara Morel a montré. Les pendaisons en gros, ça s’adresse plus… en fait c’est une question de catégorie sociale. Les pendaisons, ce sera plus « monsieur tout le monde », là où les décapitations ce sera tout de suite des individus qui font partie du cercle péri-royal, etc. Quand il y a une décapitation, c’est nécessairement quelqu’un qui est à peu près « important » au sens de la royauté, quelqu’un qui fait partie du groupe aristocrate. Donc là, il y a une distinction. Après, il y a aussi la distinction genrée où les femmes, du coup, dans un rapport de pudeur et dans un rapport de corps, de monstrance du corps, les femmes auront des types d’exécution très différentes. Il y a l’idée du bûcher qui est en tête à peu près pour tout le monde, mais il y a aussi enterrée vivante et d’autres petites choses très sympathiques dans le même genre. Les femmes ont des types d’exécution qui sont très différentes. Par ailleurs, les femmes ne sont pas figurées en tant que participantes des exécutions. On ne les voit pas en tant que regardeuses…

Fanny : Mais on les voit en tant que…

Héléna : … qu’exécutées, mais c’est rare.

Fanny : J’imagine qu’on n’a pas de femme bourreau ?

Héléna : Non, on n’a pas de femme bourreau. Des femmes figurées en tant que participantes dans le public, j’en ai vu rarement. C’est pas dans la documentation que j’ai étudiée mais les rares femmes que j’ai vu c’était des femmes qui seraient plus catégorie « aristocratie » et qui se retrouvaient du coup dans des grandes villes, au balcon, mais vraiment loin, retirées de l’espace de l’exécution. Les femmes, c’est vraiment des individus qui sont — en tout cas dans la participation au rituel — relativement exclus, et lorsqu’il advient de l’exécution même d’une femme, c’est dans des rapports de pudeur par rapport au corps, parce que quand on va pendre ou décapiter quelqu’un, il a les jambes nues, les bras nus, ça c’est pas possible pour une femme. Donc c’est pour des raisons de pudeur aussi qu’il y a des exécutions qui sont différentes.

Fanny : Mais, brûler une femme, c’est quand même vachement montrer son corps ?

Héléna : Brûler une femme, c’est montrer son corps mais en même temps le bûcher c’est aussi le type d’exécutions qui vont être faites pour les individus qui font partie du clergé, ou les individus qui sont religieux, c’est pas la même « zone » d’exécution. C’est vraiment un rapport plus infernal, dans le sens enfer, c’est le jugement, mais un jugement qui est plus « divin »…

Fanny : La religion est toujours dans le coin !

Héléna : Toujours, tout le temps. Et du coup, le bûcher, c’est très spécifique, ça fait pas appel aux mêmes choses on va dire. C’est pas le même imaginaire.

[Intermède Kaamelott]

Fanny : Tu disais tout à l’heure que c’était finalement assez rare comme fait, que les rituels d’exécution c’était assez rare. Est-ce qu’on peut arriver à estimer du coup, en fonction des affaires pourquoi on en fait plutôt qu’une rémission ?

Héléna : C’est surtout Claude Gauvard qui a travaillé là-dessus, sur pourquoi on va avoir une grâce royale ou non, mais c’est un peu difficile. Ce qui a souvent été amené, c’est la notion d’exemplarité du rituel d’exécution publique. Et d’où le fait qu’il soit public aussi. Selon les recherches notamment de Claude Gauvard, la rareté de ces rituels, c’est qu’ils ont une simple fonction d’exemplarité, c’est-à-dire de montrer aux autres « voilà ce qu’il se passe quand on va à l’encontre de la justice royale ». Ça c’est une théorie qui a été montrée par Claude Gauvard et qui est cherchée par beaucoup de personnes, mais après moi j’ai eu un peu de mal avec cette notion d’exemplarité, parce au final, souvent la façon dont c’est présenté dans les écrits théoriques, notamment de Claude Gauvard et Barbara Morel, c’est la relative évidence de cette exemplarité. Et je pense que c’est un peu problématique, parce que du coup c’est jamais prouvé ou réfléchi cette exemplarité.

Fanny : On part du principe que oui, forcément c’est exemplaire, mais tu dis que non, pas forcément.

Héléna : C’est ça. En règle générale quand on me dit « c’est évident que ce soit ça », moi j’ai tendance à dire « mais pourquoi ? ». Et ça c’était aussi une partie de mon mémoire. Cette idée d’exemplarité, de ce que j’en avais lu, je n’étais pas particulièrement convaincue. De ce que j’ai vu c’est un peu l’évidence des travaux de Foucault qui ont précédé. Parce que Foucault c’est quelqu’un qui a énormément travaillé sur la justice. Surveiller et punir, il y a quand même une grosse partie, l’introduction qui est très marquante sur le supplice de Damiens [NdT : auteur d’un attentat raté contre Louis XV] où justement on parle de cette exécution comme d’un supplice exemplaire. J’ai peur que ce soit une perspective très d’histoire moderne, et après contemporaine, de l’exécution comme quelque chose d’exemplaire. L’exemplarité des exécutions au niveau médiéval, moi j’ai jamais été trop convaincue au niveau de la théorie. Donc je ne sais. Je ne sais pas pourquoi on fait ça, pourquoi ils font ça.

Fanny : Mais toi tu le soupçonnais, et tu l’as quand même montré, qu’il y avait un côté théâtral très présent ?

Héléna : C’est ça qui est problématique avec les trucs médiévaux. En fait c’est théâtral, dans le sens où on voit quelque chose qui nous est montré, mais c’est tout. Ce qui m’avait vraiment marqué c’est la place et la présence des participants qui est très importante dans ce rituel. C’est-à-dire que les participants peuvent arrêter un rituel, s’ils le trouvent trop violent, ou pas assez, si par exemple on se rend compte que l’individu est un membre du clergé, on va arrêter le rituel. C’est ça, c’est cette spécificité où c’est problématique de parler de théâtre, de quelque chose de théâtral. Au final, de ce qui a l’air de ressortir de la documentation, c’est quand même que c’est pas anodin. Les gens sont conscients que là, on est quand même en train de buter quelqu’un.

Fanny : C’est pas de la fiction qu’on regarde.

Héléna : C’est ça. De ce fait, pour les participants, il y a un véritable enjeu de participation. Enfin, je l’ai perçu comme ça, mais c’est ma recherche, c’est à une petite échelle, mais il y a cette idée de la participation au rituel, qui est une sorte d’extension d’organe de justice, un peu dans l’idée vox populi, vox dei, la voix du peuple, la voix de Dieu. Quand les participants élevaient leur voix et disaient « non, ça c’est pas possible », ça [l’exécution] ne se faisait pas. Donc cette théâtralité, elle est à la limite de la puissance des participants dans ce rituel.

Fanny : On peut dire que la vie n’est qu’une mise en scène mais que la vie peut aussi prendre le contrôle sur la mise en scène. C’est pas immuable, on peut modifier les rituels, intervenir.

Héléna : C’est ça. C’est souvent ce qu’on perd de vue un peu quand on parle de rituels de justice, d’exécution en général, c’est que oui c’est morbide et un peu cool, mais que là quand même on va buter quelqu’un, c’est pas anodin, d’autant plus que c’est quelqu’un qui fait partie de l’ecclésia, de la communauté des hommes de Dieu. De ce fait, c’est un théâtre, oui, mais c’est un théâtre où il y a de gros enjeux.

Fanny : Tu as travaillé juste sur des enluminures, ou un peu sur des textes aussi ?

Héléna : Je n’ai travaillé que sur des images, mais en même temps c’est des images dans des manuscrits, donc on ne peut pas se dessaisir du texte pleinement. Principalement, j’ai travaillé sur les images, mais aussi quelle place elles prenaient dans l’écrit. Pourquoi mettre une image plutôt qu’un texte ?

Fanny : L’image pouvait vraiment remplacer le texte ?

Héléna : L’image c’est tout une question qui était un peu compliquée. C’est pourquoi on met une image ? Quelle est l’utilité ? Alors que le texte, il fait une forme de narration de ce qui se passe dans l’image.

Fanny : Est-ce que c’est pas parce qu’il y avait plein de gens qui ne savaient pas lire, et qu’il fallait bien représenter ?

Héléna : Les manuscrits en question, c’est que pour des personnes qui font partie vraiment des hautes sphères de la société médiévale. Un manuscrit c’est quand même très cher, donc ça relève du luxe. Donc les individus qui pouvaient l’avoir entre les mains savaient lire en règle générale. C’est pas tellement une question d’accès intellectuel à la chose. Mais c’est tout le problème des images au Moyen Âge, pourquoi on va figurer une image, c’est une grande question, c’est pas évident. Après, l’image rajoute parfois au texte des informations, mais c’est tout. C’est un peu une question à laquelle je n’ai pas répondu, et à laquelle beaucoup de personnes ne peuvent pas répondre.

Fanny : Tu nous as parlé tout à l’heure de cette première scène qui t’avait marqué. Est-ce qu’il y a une autre enluminure qui t’a marqué en particulier ?

Héléna : Franchement, non, parce que je crois que Raoulet a touché mon cœur. Éternellement, cette image-là, elle sera en dehors et au-dessus.

Fanny : On la mettra sur le site, comme ça si les auditeurs et auditrices veulent la voir, ils pourront peut-être eux aussi avoir un choc esthétique.

Héléna : Elle est vraiment chouette pour le coup. Raoulet, tu vois je l’appelle par son prénom, comme si c’était un membre de ma famille, mais ce bourreau-là, il a une tête vraiment odieuse, il est figuré de façon laide, il a l’air d’être en souffrance, c’est terrible, moi ça me fait beaucoup rire. C’est un peu sarcastique, mais franchement, c’est du petit lait. Et donc, moi c’est celle-là vraiment qui m’a marqué.

[intermède Kaamelott]

Fanny : On l’a dit en introduction, tu as eu comme directeur de mémoire, en tout cas de mémoire de deuxième année, Joseph Morsel. Alors peut-être que les auditeurs le savent, mais moi il se trouve que j’ai fait le même master que toi il y a quelques années. Quand j’y étais, Joseph Morsel ne prenait pas d’étudiants. Maintenant il en prend, donc c’est quelqu’un qui ne dirige pas souvent des étudiants et qui a une technique un peu particulière. Est-ce que tu peux nous raconter comme ça s’est passé la relation avec lui, de travailler avec quelqu’un qui a finalement peu d’étudiants en direction.

Héléna : Travailler avec Joseph Morsel, c’est un peu particulier. Déjà il a une façon de penser très spécifique, et qui lui est très propre. Du coup, déjà tout son langage, tout son vocabulaire qu’il développe, déjà ne pas parler de « source » mais de « documentation »

Fanny : Il est très tatillon. Il est connu pour cette précision dans les mots.

Héléna : C’est ça, c’est faire attention. Et c’est cette attention aux figures de style, aux figures linguistiques, comment ça va orienter notre perception de l’histoire, à tort ou à raison. Travailler avec Joseph Morsel, c’est un peu particulier. Au début, en tout cas pour moi, c’était un peu chaotique, on n’avait pas du tout les mêmes perceptions de l’histoire. Moi, j’étais un peu interactionniste…

Fanny : Ça veut dire quoi ?

Héléna : Interactionniste, c’est difficile à expliquer. En gros, on part du principe que les individus sont capables d’agir pour eux même, par leur interaction. Lui, il est vraiment structuraliste, il considère qu’il y a une structure sous la société qui régit toutes nos actions, et on ne peut pas sortir de cette structure.

Fanny : Comme s’il n’y avait pas de liberté individuelle, de volonté propre

Héléna : C’est ça. Il s’avère que sa pensée n’était absolument pas aussi rigide que je le percevais, et que moi-même, j’étais trop rigide de mon point de vue. Au début, c’était un peu chaotique, un peu « vous pensez ça, et moi je pense ça, et voilà ». C’était un peu compliqué au début mais au fur et à mesure ça s’est apaisé et ça allait mieux. Mais c’est particulier, parce que lui il ne fait pas de séminaires, il fait ce qu’il appelle des « pépinières ».

Fanny : Un séminaire, normalement, c’est entre la réunion et le cours, pour expliquer aux gens qui ne sont pas forcément dans l’université. Normalement toutes les semaines ou toutes les deux semaines, le séminaire de tel professeur se réunit, avec les étudiants qui travaillent avec lui. Ils parlent d’une thématique en particulier, ou alors c’est un des élèves qui présente son sujet. Donc là, tu me dis que Joseph Morsel n’a pas de séminaire, mais une pépinière, donc qu’est-ce que c’est ?

Héléna : C’est typiquement le genre de moment où ça me fait rire d’avoir travaillé avec Joseph Morsel. Il va jusqu’à modifier le nom même des cours qu’il donne parce que « ce mot n’est pas juste à ses yeux ». Du coup, la différence avec un séminaire normal c’est que déjà il y a très peu d’individus de l’extérieur qui y vont. Du coup, c’est un vase assez clos, on n’est pas beaucoup, genre six autour d’une table, et quand on est six avec Joseph Morsel à la même table toutes les semaines, bah c’est un peu impressionnant. Et du coup, on réfléchit tous ensemble, c’est plutôt sympa, mais en même temps, ça implique beaucoup de travail parce que chaque semaine on avait des choses à lire, qui sont parfois un peu ardues intellectuellement parlant, des trucs très théoriques, très difficiles à comprendre. Ce que j’ai apprécié en tout cas de ces pépinières, c’est le côté émulation. Ce qu’il y a de très plaisant avec l’histoire médiévale, et c’est ce qu’on voit aussi à travers tes podcasts, c’est la camaraderie.

Fanny : Le médiéviste a un esprit particulier quand même.

Héléna : Oui, et c’est ce qui me plait le plus dans l’exercice même de l’histoire médiévale, cette proximité. Les individus avec qui j’étais en pépinière, c’est des gens que j’admire énormément, genre Gauthier Griffart, Carole Nestoret. C’est des gens avec qui j’ai abouti intellectuellement à des choses que je n’aurai jamais pu faire seule, donc c’était chouette en pépinière. On réfléchissait tous ensemble sur des sujets très difficiles, et je me souviens sortir de certains cours, et être là genre « putain, waouh, oh c’est trop cool ». On réfléchit à des trucs chouettes, mais c’est pas tant Joseph Morsel, c’est plus le fait qu’on devait travailler ensemble, réfléchir ensemble, et ça c’était vraiment, vraiment très cool.

Fanny : Tu as vraiment vécu le côté universitaire à fond, le côté très intellectuel de la chose, tout ça.

Héléna : Oui, et ça, ça m’a vraiment plu. Il y a ce côté où on trouve son âme sœur intellectuelle, et c’est chouette quoi ! Tu parles avec quelqu’un, tu te dis « waouh, c’est beau ». C’est ce côté un peu éblouissant du théorique qu’on pouvait avoir avec Joseph Morsel, qui est chouette.

Fanny : Tu as soutenu ton mémoire il y a maintenant quelques mois, qu’est-ce que tu fais depuis que tu as soutenu ton mémoire ?

Héléna : J’ai débuté un CAP de reliure, de reliure de livres.

Fanny : Oh, pourquoi ?

Héléna : Quand je manipule un truc tous les jours, j’aime bien comprendre comment ça marche. C’est un peu comme « pourquoi Raoulet ? ».

Fanny : C’est quand même rare les gens qui passent d’un master à un CAP, en termes de parcours…

Héléna : Oui, mais du coup j’ai fait cette préparation à un CAP de reliure dans un atelier, avec ma maître relieuse Sophie Quentin, qui est une femme très très cool, mais j’ai dû arrêter là récemment, parce qu’en gros je vais partir pour le Japon, pour faire un doctorat sur la civilisation japonaise.

Fanny : Oh ! C’est vrai ? Mais civilisation, même médiévale ? Oh mais moi je veux faire un épisode sur le Japon médiéval, j’arrête pas de chercher en ce moment, c’est trop bien ! OK, on prend rendez-vous dans quelques années, si tu veux bien…

Héléna : Ok…

Fanny : Je te jure, ça fait des semaines que je me dis j’aimerais vachement faire un épisode sur le Japon médiéval. Trop bien, ok, je t’ai trouvé.

Héléna : Du coup, faut que ça se fasse, donc j’ai dû arrêter [la reliure] parce que j’ai dû me remettre dans le japonais à fond, et bon le japonais, c’est pas anodin comme langue, c’est un sacerdoce, vraiment c’est une pratique au quotidien.

Fanny : C’est confirmé que tu as ton doctorat, ou pas encore ?

Héléna : L’accès aux universités japonaises est très différent des universités françaises. C’est très difficile pour rentrer, et c’est un processus très long où ils te font passer un test notamment…

Fanny : De japonais ?

Héléna : De japonais, d’anglais, et aussi tu as des entretiens, sur des niveaux de connaissances sur les sciences humaines, et c’est vraiment… le test que tu dois faire à l’écrit… tu dois faire un test d’expression écrite sur ton sujet. C’est un long processus pour rentrer dans l’université japonaise. Pour le moment-là, je discute avec des profs de Waseda…

Fanny : Des profs de quoi ?

Héléna : De l’université de Waseda. Donc c’est chouette. Là, je vais partir en juillet pour reprendre complètement dans une école de langue et y être à temps plein. Du coup, je fais ça à temps plein le japonais, et c’est pas évident.

Fanny : Peut-être que les gens qui écoutent ce podcast, quelques années après sa diffusion, regardez s’il n’y a pas un épisode sur le Japon médiéval. Si ça se trouve, vous pouvez enchaîner, hop on retrouve Héléna.

Héléna : Ce serait super chouette, mais vraiment le Japon médiéval c’est… Là j’ai dû me replonger très rapidement dans une histoire qui est très différente. Même la distinction des périodes au Japon n’est pas du tout la même que la nôtre, et la notion de « médiéval » n’existe pas vraiment.

Fanny : On y plaque un cadre occidental…

Héléna : Oui, c’est ça. C’est pas du tout pareil que l’Occident médiéval. Ça fonctionne selon des ères ou des périodes, où techniquement le Moyen Âge ça n’existe pas vraiment, même s’il y a l’idée de pseudo féodalité…

Fanny : Les châteaux…

Héléna : Tout ce qui est concept de vassalité se retrouve, mais franchement, c’est vraiment pas pareil. Et bon, c’est une période… c’est assez étonnant, je m’attendais pas du tout à ça, je m’y suis replongée, mais c’est des périodes de révoltes très profondes, ce que nous on considérait, temporairement parlant comme médiéval, c’est très souvent des révoltes. C’est vraiment une période qui, d’extérieur en tous les cas, pour le moment je n’ai pas vraiment plongé dedans à fond, mais de tout ce que j’ai pu lire pour le moment, vraiment c’est agité. Il n’y a pas de pouvoir politique qui se maintient en place très longtemps, tout ce qui est shogunat et tout, c’est super compliqué, et les révoltes populaires c’est hyper-fréquent.

Fanny : Tu sais déjà ce que tu voudrais étudier ?

Héléna : Oui !

Fanny : Tu ne veux pas le dire encore ?

Héléna : Si, si, il y a pas de soucis. J’ai dû contacter les professeurs de Waseda avec un projet de thèse. Tu ne peux pas te pointer et faire « salut, je trouve ça chouette ce que vous faites ». Ce serait sympa si je pouvais faire ça… Mais du coup, je vais travailler sur une documentation qui est plutôt de l’ordre littéraire, c’est une documentation de narration fictive. En gros, c’est des tout petits livres, de petit format, c’est très court. Il y a des images et du texte, donc ça pour moi c’est très chouette, j’aime bien images et texte.

Fanny : Même en japonais, ça va.

Héléna : Oui, même en japonais c’est cool. C’est des documents qui ont été assez longtemps considérés comme relativement bas, ou moins traités. C’est un peu scabreux. Dans l’idée c’est comme des fabliaux. Mais c’est plus complexe. Je parle de fabliaux pour donner l’idée un peu scabreuse, et des sujets et des thèmes abordés. Du coup, ça sort un peu des médiums qui sont considérés comme plus nobles, comme les emaki qui sont des grands rouleaux avec des grandes histoires et des super belles illustrations. Là, c’est vraiment un truc un peu plus… ouais scabreux, crado… même sur certaines histoires où on parle d’un moine qui a trop envie de reprendre les « plaisirs de la nature » avec une femme. C’est ça, et en gros je voudrais étudier ça, et faire la même chose que j’avais faite pour mon M1, c’est faire une base de données, mais le faire en bilingue. Comme ça, ça ouvre cette documentation. Il faut savoir que la documentation japonaise est très difficile d’accès, même sur les sites…

Fanny : Il n’y a pas une politique comme on a en France, sur des sites comme Gallica, ou on trouve plein de documents numérisés.

Héléna : Non, et en plus c’est pas du tout les mêmes rapports à l’archive, à l’histoire. C’est une autre zone, quoi. C’est des universités, notamment l’université de Tokyo a un département qui s’occupe de la conservation de la Grande Histoire du Japon, si on traduit ce serait « la Grande Histoire du Japon ». C’est une documentation qui a été produite à partir de ce que nous on considérerait comme la période médiévale, jusqu’à la période contemporaine. En gros, c’est des universités qui s’occupent de documentation, c’est très compliqué, c’est pas du tout la même chose…

Fanny : Oui, c’est pas comme en France, où il y a les archives, l’université, c’est séparé.

Héléna : Oui, c’est ça. C’est vraiment un fonctionnement qui est un peu compliqué à comprendre, même là pour le moment j’ai un peu du mal à saisir, c’est vraiment pas pareil. Du coup, je voudrais faire une base de données en bilingue, puis pareil, soit une analyse factorielle, soit une analyse en ACM — une analyse de correspondance multiple — des images et du texte.

Fanny : J’espère que ça va être possible alors.

Héléna : Moi aussi. Je pars en juillet, donc voilà…

Fanny : On tiendra les auditeurs au courant.

Héléna : J’ai vraiment très très envie que ça se fasse.

Fanny : Désormais, chers auditeurs et auditrices, vous en savez un petit peu plus sur comment était mise en scène, ou non, la mort au Moyen Âge, comment étaient mises en scène les exécutions publiques. Merci beaucoup Héléna Lagréou pour tout, c’est passionnant ce que tu nous as raconté, et j’espère peut-être, à bientôt pour parler du Japon.

Héléna : Oui, j’espère aussi, merci beaucoup.

Fanny : Pour vous qui écoutez, vous pouvez aller retrouver sur le site passionmedievistes.fr des enluminures d’exécution dont on a parlé, un petit peu de bibliographie, on a parlé de plusieurs historiennes dont on mettra le titre des ouvrages sur le site. N’hésitez pas à écouter tous les autres formats de Passion Médiévistes, il y en a plein, entre les épisodes normaux, comme celui que vous venez d’écouter, on a aussi Super Joute Royale, où on classe les rois de France siècle par siècle et où on s’amuse bien, les formats Rencontres, il y a le format Hors les murs où c’est un peu plus documentaire, allez voir tout ça. Vous le savez, vous pouvez soutenir ce podcast, déjà par exemple, en me partageant un épisode sur vos réseaux sociaux, sur Facebook, Twitter ou Instagram, ou même en envoyant cet épisode à votre ami, votre grand-mère, ou quelqu’un que vous connaissez en vous disant « peut-être que ça va l’intéresser ». Si vous êtes vraiment motivé et que vous avez envie de me soutenir financièrement, vous pouvez donner quelques sous sur Tipeee, la plateforme Tipeee, où vous verrez il y a plein de paliers, plein de contrepartie.

 

Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :