Épisode 14 – Axelle et les cultes gentilices (Passion Antiquités)
Qu’est-ce qu’un culte gentilice dans la République romaine ?
Dans cet épisode du podcast Passion Antiquités, Axelle Lamour vous parle des cultes gentilices durant la République romaine,de 509 avant notre ère à 14 après. Doctorante en 3e année à l’Université de Bretagne Occidentale (Brest), elle travaille sur ce sujet sous sous la direction de Mme Valérie Huet.
Les cultes gentilices, privés mais connus
Qu’est-ce qu’un culte gentilice (sacra gentilicia) ? Il s’agit d’un culte archaïque, célébré par une gens, à savoir un ensemble de familles revendiquant un ancêtre éponyme. Plusieurs cultes ont pu être recensés à ce jour, grâce à nos recherches : celui des Potitii et des Pinarii à l’Ara Maxima, celui de la gens Iulia à Bovillae, le culte des Fabii sur le Quirinal, le culte de Sol par les Aurelii, le triens sacré des Servilii, le propudianus porcus et le culte à Saturne des Claudii, le culte des Valerii sur le tarentum, le culte des Nautii à Minerve, le tigillum sororium des Horatii, et les « sacrificia gentilicia anniversaria » à Diane par la gens Calpurnia, in Caeliculo à Rome.
La République romaine et les grandes familles
Dans ses recherches, Axelle Lamour étudie les cultes gentilices sur un temps long pour d’identifier les tenants de ces cultes jusqu’à leur disparition, correspondant à la période républicaine. Ainsi, on se situe entre -509 et la chute du dernier roi de Rome, et -27 avec l’avènement d’Auguste. La République romaine n’est pas une république telle qu’on l’entend aujourd’hui : c’était un régime inégalitaire, oligarchique, à l’origine confisqué par de riches clans familiaux, les gentes praticiennes. La République s’organise autour de plusieurs institutions, à savoir le Sénat, les assemblées et les magistrats, c’est autour d’eux que s’organise la vie politique romaine.
Mais la République connait plusieurs bouleversements, le premier relevant d’une profonde modification interne de la vie politique. En effet, les premiers siècles de la République sont marqués par un conflit des ordres entre patriciens et plébéiens, les uns souhaitant conserver le monopole du pouvoir, les autres souhaitant être intégrés à la vie politique. Le tournant de ce conflit se situe en -367 après la promulgation des lois licinio-sextiennes qui permettent l’intégration des plébéiens au sein des magistratures.
En -287, une deuxième salve de lois est votée, empêchant les patriciens de s’opposer aux plébéiens ; la plèbe est désormais reconnue comme véritable entité politique. Par conséquent, une nouvelle aristocratie se forme : la nobilitas. Avant ces réformes, l’aristocratie était incarnée par les patriciens, mais après l’ouverture des droits politiques aux plébéiens, l’aristocratie entendue sous le nom de nobilitas, regroupe le meilleur des patriciens et le meilleur des plébéiens. La formation de cette nobilitas donne donc à Rome une certaine stabilité politique et sociale qu’elle n’avait pas jusqu’alors.
L’évolution des cultes gentilices
C’est dans ce contexte républicain que s’inscrit la problématique des cultes gentilices. Au-delà de définir ce qu’ils sont et si nous pouvons les dénombrer, Axelle Lamour a observé dans ses recherches une disparition progressive des cultes gentilices au sein des sources. Ils évoluent forcément en même temps que les gentes ; ils ne peuvent exister que si la gens existe.
On sait que tout au long de la République, la place des cultes gentilices a beaucoup évolué au sein de la société romaine : pendant la République archaïque, ils étaient très présents, du fait d’une monopolisation du pouvoir par les grandes familles. Mais l’année 312 av. J.-C. constitue un tournant. En effet, Appius Claudius Caecus, lors de sa censure, prive la gens des Potitii du culte d’à l’Ara Maxima en l’étatisant, et celui-ci est désormais confié à des esclaves publics, eux-mêmes placés sous les ordres du préteur urbain. Cet évènement prend place parmi les réformes du IVèsiècle précédemment décrites, ayant pour but de redistribuer les principales fonctions politiques et religieuses entre patriciens et plébéiens. De fait, l’emprise des gentes sur le pouvoir se trouve amoindrie et cela contribue à l’affirmation d’un État romain fort.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
Sur la République :
- BADEL Christophe, La République romaine, PUF, Paris, 2013.
- BAUDRY R., Les Patriciens à la fin de la République romaine et au début de l’Empire, thèse de doctorat, soutenue à Paris I sous la direction de J.-M. DAVID, 2008.
- HUMM M., Appius Claudius Caecus : La République accomplie, École Française de Rome, Rome, 2005.
- HUMM M., « Du dualisme patricio-plébéien à la société d’ordres : la République romaine, de la fin du VIè à la fin du IVèsiècle », in MOATTI C. et MÜLLER C. (éds.), Statuts personnels et espaces sociaux : questions grecques et romaines, Paris, De Boccard, 2018, pp. 45-84.
- HÖLKESKAMP K.-J., Reconstruire une République : la culture politique de la Rome antique et la recherche des dernières décennies, LEM, Nantes, 2008.
- VIRLOUVET C. et BOURDIN S., Rome, naissance d’un empire. De Romulus à Pompée, 753- 70 av. J.-C., Belin, Paris, 2021.
Sur les familles :
-
BAUDRY R., « Les familles de l’aristocratie romaine », in Pallas, Famille et société dans le monde grec, en Italie et à Rome du Ve au IIe siècle avant J.-C., Presses Universitaires du Midi, 2017, p. 209-226.
- ETCHETO H., Les Scipions. Famille et pouvoir à Rome à l’époque Républicaine, Ausonius, Bordeaux, 2012.
- FAYER C., La familia romana : aspetti giuridici ed antiquari. Parte prima, L’Erma di Bretschneider, Rome, 1994.
- FRANCIOSI G., Ricerche sulla organizzazione gentilizia romana, tomes 1, 2 et 3, Jovene, Naples, 1984-1995.
- RADIN M., « Gens, familia, stirps », in CPh, 9, 3, 1914, pp. 235-247.
- SMITH C.-J., The Roman clan. The gens from ancient ideology to modern anthropology, Cambridge Press, Cambridge, 2006.
Sur la religion romaine :
- BEARD M., NORTH J., PRICE S., Religions de Rome, Picard, Paris, 2006.
- BERTHELET Y., Gouverner avec les dieux : autorité, auspices et pouvoir, sous la République romaine et sous Auguste, Les Belles Lettres, Paris, 2015.
- LAIGNOUX R., « L’utilisation de la religion dans la légitimation du pouvoir : quelques pistes de recherche pour les années 44-42 av. J.-C. », in Cahiers « Mondes anciens » [En ligne], 2 | 2011.
- RÜPKE J., Religion of the Romans, Polity, Cambridge, 2007.
- SCHEID J., La religion des Romains, Armand Colin, Paris, 2007.
Sur les cultes gentilices :
- FIORENTINI M., Ricerche sui culti gentilizi, La Sapienza, Rome, 69, 1988.
- FIORENTINI M., « Culti gentilizi, culti degli antenati », in Scienze dell’antichità. Storia Archeologia Antropologia, 14/2, La Sapienza, Rome, 2007-2008, pp. 987-1046.
- FRANZONI (de) A., Culti gentilizi a Roma tra III e II secolo A.C., Thèse de doctorat, Université de Trieste, 2013.
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Ancient Roman Music – Musica Romana – Pugnate III
- Hercule (1997)