Épisode 40 – Pauline et Anne Mackintosh (Passion Modernistes)
En Écosse, quel a été le rôle d’Anne Mackintosh dans la seconde révolte jacobite de 1745 ?
Au micro de cet épisode de Passion Modernistes, Pauline Fleury vous raconte la vie mouvementée d’Anne Mackintosh dans l’Écosse du XVIIIème siècle. En 2023, alors en master à l’Université Paris-Nanterre et sous la direction de Clotilde Prunier, Pauline Fleury a soutenu un mémoire de recherches sur le sujet, intitulé Portrays of the rebel as a young lady: Anne Farquharson, Lady Mackintosh 1723-1784/87. Elle y explore la vie de cette femme étonnante, sur fond d’histoire écossaise, et vous partage ses découvertes.
L’Écosse au XVIIIème siècle
“Le XVIIIème siècle, en Angleterre et en Écosse, mais aussi un peu partout en Europe, c’est le siècle du changement. Les mentalités, la science, la politique : tout est un peu retourné dans tous les sens.” — Pauline Fleury
Géographiquement, l’Écosse se situe à l’extrême nord des îles britanniques. Le climat y est particulièrement humide, encore plus que dans le reste du territoire : il y pleut beaucoup, comme le fait remarquer Pauline Fleury. C’est un espace assez reculé, dont certaines îles sont d’ailleurs plus proches de la Norvège que de l’Angleterre.
Du point de vue politique, déjà au XVIIIème siècle, l’Écosse n’est plus un pays indépendant, mais bien une nation rattachée à l’Angleterre pour former le Royaume-Uni – et cela officiellement depuis 1707. Cette année-là, la signature de l’Acte d’Union dissout le Parlement écossais et centralise le pouvoir au sein du Parlement de Westminster, en Angleterre. En ce siècle de bouleversements, l’Écosse n’est donc pas en reste.
Par ailleurs, depuis 1603, l’Écosse et le Royaume d’Angleterre sont gouvernés par les descendants de la maison Stuart. En effet, Jacques Ier a été désigné comme l’héritier de la reine Elizabeth Ire sur le trône d’Angleterre, celle-ci n’ayant pas eu d’enfant. Pauline Fleury précise que c’est aussi parce qu’il est protestant qu’il peut accéder au pouvoir. Fils de Marie Stuart, reine d’Écosse, il avait d’abord succédé à sa mère à la tête de son pays sous le nom de Jacques VI d’Écosse. En montant sur le trône d’Angleterre, il peut donc scinder les deux royaumes en une seule couronne.
Les choses se gâtent à partir de 1714. La famille Stuart régnante s’est finalement divisée en deux branches : l’une protestante, l’autre catholique. Or, Jacques II, le descendant le plus proche de Jacques Ier, est catholique. La couronne change alors de mains pour atterrir dans celles de la maison de Hanovre, famille royale protestante. George Ier, dont le roi Charles III du Royaume-Uni est le descendant, monte donc sur trône. Comme vous le détaille Pauline Fleury, cet évènement est à l’origine des révoltes jacobites qui naissent en Écosse. Leur but est, non seulement, de rétablir les Stuart au pouvoir, mais aussi de retrouver l’indépendance du royaume écossais en tant que pays. La première révolte de 1715 échoue, donnant lieu à une seconde, en 1745.
Anne Mackintosh, une princesse écossaise
“La famille Farquharson, c’est un clan écossais comme on les aime ! Cette image romantique, […] un mix entre les traditions tribales du nord des Îles Britanniques et une tradition anglo-saxonne plus féodale.” — Pauline Fleury
Pauline Fleury vous parle des origines d’Anne Mackintosh, née Anne Farquharson dans le comté d’Aberdeen, au nord de l’Écosse, en 1723. Son père est un chef de clan et elle est sa première fille. C’est un héros jacobite qui a participé à la première révolte de 1715 pour tenter de remettre les Stuart au pouvoir et a même failli être assassiné.
Anne Farquharson est donc une princesse, au sens où elle représente son clan et est chargée de le faire rayonner, notamment par le mariage. Elle reçoit ainsi une éducation soignée avant d’épouser, en 1741, le chef du clan Mackintosh. Ce mariage permet à Anne Farquharson, désormais Anne Mackintosh, de s’élever socialement puisque, comme le souligne Pauline Fleury, Angus Mackintosh est à la tête d’une confédération de plusieurs clans, dont celui des Farquharson. Elle épouse donc le chef de son père, de près de vingt ans son aîné.
“Pour faire une comparaison […], Anne était princesse et [par ce mariage,] elle devient impératrice. C’est hyper stylé !” — Pauline Fleury
Anne et sa famille, ainsi que le clan Mackintosh sont historiquement pro-Stuart, tandis que son époux, lui, par son passé de soldat dans l’armée britannique, servait le nouveau roi de la maison de Hanovre, George Ier ; Angus Mackintosh n’était en effet initialement pas destiné à prendre la tête du clan. Pauline Fleury précise qu’au début de leur union, cette différence d’opinion politique ne semble pas poser tant de problèmes, jusqu’à ce qu’éclate la seconde révolte jacobite, en 1745.
Anne Mackintosh dans la seconde révolte jacobite
“A priori, il y a beaucoup de femmes jacobites qui étaient jacobites parce que […] leur mari ne voulait pas trop se mouiller et envoyait ainsi leur femme à leur place.” — Pauline Fleury
Angus Mackintosh, le mari d’Anne, sert donc le roi George Ier et, Pauline Fleury insiste sur ce point, il n’a pas l’intention de le trahir. Ainsi, la situation se complique quand, en 1745, arrive le prince Charles-Edouard Stuart, petit-fils et héritier de Jacques II, avec l’intention de récupérer le trône de son grand-père. Anne espère alors s’allier à ce descendant de la famille Stuart, mais Angus Mackintosh s’y oppose, par sécurité, de peur d’essuyer la même défaite que lors de la première révolte jacobite.
“Anne n’est sûrement pas la seule [femme] à avoir été à l’origine du soulèvement de son clan pour les Stuart. La différence, c’est qu’elle a un rôle beaucoup plus militaire que les autres femmes jacobites. Un de ses surnoms est d’ailleurs ‘Colonel Anne’.” — Pauline Fleury
Déterminée malgré tout à aider celui que l’on surnomme Bonnie Prince Charlie, Anne Mackintosh va lever une armée, rallier de nombreux combattants à sa cause et conduire le clan Mackintosh dans la révolte. Pauline Fleury parle d’entre 300 et 600 hommes qui arrivent assez tôt dans le conflit et mènent l’assaut jusqu’à la fin de la révolte un an plus tard, en 1746.
Pauline Fleury précise aussi qu’Angus Mackintosh ne s’oppose pas à son épouse ni au rôle qu’elle joue dans la rébellion. S’il choisit officiellement le parti du roi George Ier par sécurité, il est tout de même fidèle aux Stuart par héritage. Envoyer Anne est donc une façon de se protéger et de pouvoir jouer sur les deux tableaux. Comme l’explique Pauline Fleury, c’est d’ailleurs une stratégie utilisée par beaucoup de chefs de clan à cette époque pour préserver l’honneur des membres du clan, quelle que soit l’issue du conflit.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- Article « Qu’est-ce qu’un Jacobite? » sur la version française de Saor Alba (Ecosse Libre en Gaélique écossais) qui reprend les grandes lignes du mouvement (Anne y est mentionnée).
- Article de Carine Martin sur Jenny Cameron, autre femme Jacobite aux représentations caricaturales et propagandistes.
- Article québécois qui parle des représentations dans les médias de la période Jacobite, en particulier d’Outlander et de la bataille de Culloden.
- Maggie Craig, Damn’ Rebel Bitches, 1997 (en anglais)
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Rebelle (film de Disney, 2012)
- Blood of the Clans (série télévisée, BBC, 2020)
- Outlander générique (Skye Boat Song)
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Épisode 30 – Natacha et Christine de Suède (PASSION MODERNISTES)
- Épisode 34 – Claire et les femmes dans les révoltes au XVIIIème siècle (PASSION MODERNISTES)
- Passion Médiévistes : Épisode 66 – Maurena et Bonne d’Artois
- Vies de Médiévaux #6 – Blanche de Savoie
- Passion Médiévistes : Episode 85 – Thibault et les femmes en Anjou
Merci à Clément Nouguier qui a réalisé le générique du podcast, à Rémi pour le montage de l’épisode et à Alizée Rodriguez pour la rédaction de l’article !