Hors-série 20 – Le Puy du Fou et du Faux
Une vision de l’histoire réactionnaire malgré un beau spectacle, bienvenue au parc du Puy du Fou !
Chaque année, le parc du Puy du Fou attire plus de 2 millions de spectateurs et spectatrices. Vous qui allez écouter cet épisode, vous y êtes peut-être déjà allés. Parmi les spectacles et animations proposées, le Moyen Âge y est présent et plus ou moins bien représenté. Le but de cet épisode hors-série du podcast Passion Médiévistes est de vous donner un regard critique sur ce parc et sur sa vision de l’histoire en mettant en valeur les erreurs historiques et scientifiques mais aussi le discours politique que sert cette vision de l’histoire.
Pour en parler je reçois dans cet épisode deux historien.ne.s :
- Florian Besson, médiéviste et professeur d’histoire (déjà invité de l’épisode 11 et dans le hors-série 3)
- Mathilde Larrère, spécialiste des moments révolutionnaires du XIXe siècle et des luttes féministes
Tous les deux, en compagnie de Pauline Ducret, spécialiste d’histoire antique, et de Guillaume Lancereau, historien de la Révolution, ils ont rédigé l’ouvrage Le Puy du Faux, enquête sur un parc qui déforme l’histoire, publié en mars 2022 aux éditions Les Arènes. Dans l’épisode, mes invité.e.s expliquent leur méthode, leurs intentions ainsi qu’un aperçu des résultats de leurs recherches. Leur volonté était de décortiquer le parc comme un divertissement qui parle d’histoire, « comme on pourrait analyser un jeu vidéo ou une bande dessinée« .
L’histoire du Puy-du-Fou
Le parc du Puy du Fou propose aux spectateurs et spectatrices plusieurs spectacles par jour, des attractions et des parcours immersifs, avec une volonté d’immersion période par période, dans des décors de l’Antiquité au XXème siècle. Fondé par l’homme politique Philippe de Villiers en 1978, le Puy du Fou se limitait alors au grand spectacle du soir, la Cinéscénie, autour du château du Puy du Fou en Vendée. Le parc s’est progressivement agrandi avec de nombreux spectacles, mais aussi des restaurants et des hôtels. Il se place aussi dans la mode de l’histoire spectacle dans les années 70, avec un développement à l’époque des fêtes médiévales, à la croisée des volontés touristiques et mémorielles locales.
Dans l’épisode, nous revenons rapidement sur les guerres de Vendée, événement auquel le parc fait beaucoup référence. Conflit civil de la fin du XVIIIème siècle, il a opposé la République à des contre-révolutionnaires armés, qui s’opposaient notamment à la politique religieuse et militaire. Durant ce conflit, des colonnes armées vont se livrer à des massacres des deux côtés, même si l’on a compté beaucoup de morts du côté de la Vendée, en tout plusieurs centaines de milliers de victimes. Comme ces conflits ont été peu étudiés pendant longtemps, la place à été laissée à un discours anti-révolutionnaire et à l’idée d’un « génocide » vendéen à partir des années 70-80 et d’une thèse. Mais ce terme est contesté car il n’y a pas eu pas de volonté d’éradiquer une population spécifique.
Des problèmes historiques…
S’il n’y a rien à redire sur la la qualité technique et divertissante des spectacles, en notant le soin apporté pour plonger dans une immersion complète, plusieurs reproches peuvent être faits au parc du Puy du Fou. En effet, le parc se place dans une position ambivalente : il se présente tantôt comme un divertissement, tantôt comme un lieu pour apprendre l’histoire. Quelques erreurs historiques y sont présentes un peu partout, ce qui est un problème, considérant que des visites scolaires y ont lieu.
Le Moyen Âge est présent dans plusieurs spectacles au Puy du Fou, et Florian Besson raconte dans l’épisode qu’il a relevé plusieurs erreurs et anachronismes, par exemple une très mauvaise représentation d’un scriptorium avec des parchemins qui moisissent. Le Moyen Âge y est présenté comme obscur jusqu’au moment du baptême chrétien de Clovis… Néanmoins, ce problème des erreurs historiques est dérangeant mais pas grave, car si le parc le voulait, ces erreurs seraient faciles à corriger.
… mais surtout des problèmes idéologiques.
Philippe de Villiers l’a plusieurs fois affirmé dans des livres et des interviews, son but premier avec le Puy du Fou est de diffuser des idées politiques, pas forcément de divertir ou de gagner de l’argent. Il est d’ailleurs le seul auteur de tous les spectacles du parc, mettant en avant les valeurs traditionnelles de la droite réactionnaire. Il s’inscrit dans une tradition d’instrumentalisation de l’histoire, avec l’exaltation d’une identité française pensée comme éternelle et donc rétroprojetée à travers le temps.
À travers les spectacles, on peut avoir l’impression que la France aurait toujours été la même à travers les siècles, avec une représentation fantasmée d’une continuité de la vie villageoise, du catholicisme, de la royauté et de l’aristocratie. On peut y lire une idéalisation du passé qui était mieux parce qu’il y avait un roi avec des paysans soumis, et la Révolution française aurait cassé tout ce cadre parfait. Et dans sa communication, le parc du Puy du Fou met beaucoup en avant cette idée de pouvoir rendre cette identité perdue au public.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- Florian Besson, Pauline Ducret, Guillaume Lancereau, Mathilde Larrère, Le Puy du Faux, Enquête sur un parc qui déforme l’histoire, Les Arènes, 2022
- Zemmour contre l’histoire (Gallimard)
- Jean-Clément Martin, Charles Suaud, Le Puy du Fou, en Vendée. L’Histoire mise en scène, Paris, L’Harmattan, 1996
- Guillaume Mazeau, « Le Puy du Fou. Sous le divertissement, un « combat culturel », The Conversation, 29 mars 2019
- « Philippe de Villiers écarte l’idée d’une candidature en 2017 », Libération, 15 juin 2016