Super Joute au Musée de Cluny (Hors-série #2)
Écoutez une joute verbale exceptionnelle de personnalités du Moyen Âge !
Le mercredi 29 mars avait lieu au Musée de Cluny à Paris une “Super Joute” à l’occasion des Nocturnes de l’histoire, une compétition acharnée de personnages médiévaux où c’est vous le public qui allez les départager ! Dans cet épisode hors-série, les équipes de Passion Médiévistes et Actuel Moyen Âge vous font découvrir ou redécouvrir, avec bonne humeur et une petite dose de mauvaise foi, des aspects du Moyen Âge peu ou mal connus.
Avec Fanny Cohen Moreau et Florian Besson comme arbitres impartiaux (ou presque), huit personnages, incarnés par six jouteurs et jouteuses, s’affrontent dans une joute verbale pour convaincre le public du Musée de Cluny de voter pour elles et eux, pour qu’à la fin ne reste qu’un seul personnage pour diriger la France !
- Clara de Raigniac : Guenièvre
- Marie Piccoli-Wentzo : Caterina Sforza / Giotto
- Albert Leparc : Silence / Christine de Pizan
- Maxime Fulconis : Grégoire VII
- Tobias Boestad : Bertrand Du Guesclin
- Clara Germann : Clotaire II
Pour connaître le résultat de ce tournoi il vous faudra écouter l’enregistrement de l’épisode, mais pour vous donner un avant goût, voici ci-dessous des présentations des différents personnages, ainsi que des aperçus en photo :
Guenièvre
Fille de Léodagan qui a servi Uther Pendragon, Guenièvre est un personnage de la légende arthurienne avant tout célèbre pour être l’épouse du roi Arthur. Dans les premières chroniques de la légende (Historia regum Brittaniae de Goeffroy de Monmouth, Roman de Brut de Wace), elle n’apparaît que pour être nommée. Son rôle prend de l’importance à partir des romans courtois en vers de Chrétien de Troyes au XIIème siècle (notamment Le Chevalier de la Charrette qui raconte comment Lancelot la délivre de Méléagant), puis dans les romans en prose du XIIIe siècle. Dans ces derniers, c’est elle qui est accusée d’être à l’origine de la chute du monde arthurien à cause de son péché d’adultère avec Lancelot, une trahison politique (elle est reine) et religieuse (elle est mariée). Après la mort d’Arthur, elle termine sa vie au couvent.
Caterina Sforza (1463-1509)
Fille naturelle de Galeazzo Maria Sforza, duc de Milan, et d’une comtesse de la cour, Lucrezia Landriani, Caterina Sforza est une comtesse italienne et femme de pouvoir dans l’Italie de la fin du XVe siècle. Elle reçoit une solide éducation dispensée par sa grand-mère paternelle avant d’être légitimée par son père qui lui fait épouser à dix ans Girolamo Riario, seigneur d’Imola et de Forlì et neveu du pape Sixte IV. À la mort de ce dernier en 1484, elle se charge de la défense du château Saint-Ange à Rome contre les cardinaux, elle a alors 21 ans. Cette défense acharnée permet au couple de garder le gouvernement d’Imola et de Forlì. En 1488, son mari est assassiné tandis qu’elle et ses enfants sont faits prisonniers par les conjurés, mais elle arrive à retourner la situation, à regagner la faveur de la foule et à prendre le gouvernement de la ville. En 1499, elle est attaquée par Cesare Borgia, capturée et emprisonnée à Rome. Elle tente de s’évader (épique !) et elle est finalement libérée au bout d’un an d’emprisonnement par l’intermédiaire d’Yves II d’Alègre, un noble et militaire français. Après trois mariages et une vie mouvementée, elle meurt en 1509 d’une pneumonie.
Bertrand Du Guesclin (1320–1380)
Issu d’une famille de la basse noblesse bretonne, Bertrand Du Guesclin connaît une ascension sociale fulgurante au service de Charles V. Alors que les Valois ont subi une série de graves défaites contre le roi d’Angleterre Édouard III durant la première phase de la Guerre de Cent ans (1340 : l’Écluse ; 1346 : Crécy ; 1356 : Poitiers), il est souvent associé au redressement militaire du royaume dans les années 1360 et 1370. Il participe à la fin de la Guerre de Succession de Bretagne, mais ne parvient pas à en inverser le cours en faveur du roi de France. Il est nommé connétable de France en 1370, ce qui en fait le commandant en chef de toute l’armée. Il meurt la même année que Charles V et est enterré à ses côtés à Saint-Denis. Sa postérité a été assurée par son biographe Cuvelier et par les portraits très élogieux qu’en font Froissart et Eustache Deschamps. Ce point est désormais nuancé par certains médiévistes, qui soulignent l’habileté avec laquelle il a su soigner son image et s’interrogent sur son efficacité réelle à la guerre.
Giotto (1266/7-1337)
Né près de Florence, Giotto est un artiste italien dont le talent a été reconnu par un autre très grand peintre Cimbabue, alors que, selon la légende, le jeune Giotto dessinait des moutons sur une roche dans la campagne toscane. Par sa peinture, il a contribué à modifier le monde de l’art, en le rendant plus sensible à la nature. Les peintres qui le suivent se réclament de lui et Vasari entérine sa légende en le plaçant comme le précurseur du renouveau de l’art et du début de la Renaissance après le « passage à vide » (selon Vasari) de l’art médiéval.
Clotaire II (584-629)
Roi de Neustrie de 584 à 613, il réunifie à cette date le royaume franc jusqu’à sa mort en 629 et met fin à quarante ans de rivalités entre la lignée de Chilpéric Ier, son père, et celle de Sigebert Ier, son oncle. Il n’a que trois mois lorsque son père, Chilpéric, est assassiné près de sa villa de Chelles, laissant en péril sa mère, Frédégonde, abandonnée par tous les grands du royaume de Neustrie. C’est le triomphe de la grande reine Brunehaut, veuve de Sigebert, dont les fils, petits-fils puis arrière-petits-fils vont se partager le royaume rival d’Austrasie. Clotaire survit grâce à l’appui de son oncle, Gontran, roi de Bourgogne, qui assure la balance entre Neustrie et Austrasie. Il n’a que treize ans lorsqu’il doit gouverner seul, en 597, à la mort de sa mère. Il s’appuie sur un entourage de fidèles, et profite ensuite des rivalités entre les descendants de Brunehaut, de la fatigue des aristocrates austrasiens, et de l’antipathie générée par la vieille reine pour asseoir son pouvoir et gagner la confiance de l’aristocratie franque. En 612, l’aristocratie austrasienne se rallie à Clotaire II. Ce dernier organise alors la célèbre exécution de la reine nonagénaire, suppliciée puis traînée attachée à l’arrière d’un chameau. Les seize dernières années du règne de Clotaire II sont une réelle reprise en main du royaume et forment l’apogée de la dynastie mérovingienne.
Grégoire VII (1020-1085)
Grégoire VII, Hildebrand de Sovana dans le siècle, fut pape entre 1073 et 1085. Il est né au sud de la Toscane vers 1020 et est décédé à Salerne, en Italie, en 1085. Grégoire VII fut l’un des plus importants réformateurs de l’Église latine. Il a mené une lutte pour l’indépendance de l’Église vis-à-vis de l’aristocratie et des souverains, et a voulu que le clergé soit soumis à des exigences d’exemplarité particulièrement importantes (notamment en retrant célibataire afin de mieux se distinguer des laïcs). Grégoire VII a également œuvré pour affirmer la papauté en tant qu’institution suprême de l’Église, proclamant la supériorité absolue du pape dans les affaires religieuses, mais aussi sur les questions temporelles. Il est également célèbre pour son conflit avec l’empereur du Saint-Empire romain germanique, Henri IV, qui a culminé en 1076 avec l’excommunication de l’empereur. Ce conflit a jeté les bases de la querelle des Investitures, qui a duré plus d’un siècle et a eu des conséquences importantes pour l’Église et l’État.
Le chevalier Silence
Silence (Silencius/Silencia) est le héros/héroïne du roman en octosyllabe éponyme du XIIIe siècle. L’auteur se nomme Heldris de Cornouailles, mais il s’agit probablement d’un pseudonyme. La décision du père de Silence d’en faire un garçon est une réaction à l’injustice perçue à la suite de la décision du Roi d’Angleterre d’interdire aux filles d’hériter. À cette époque la pratique n’est pas du tout répandue. Il faut alors lui faire changer d’habits, mais la distinction entre habits d’hommes et de femmes n’est alors pas aussi visible qu’aujourd’hui : hommes comme femmes portent des tuniques longues, celles des hommes étant pourvues d’une fente et celles des femmes suffisamment longues pour recouvrir toujours les chevilles pour en dissimuler la charge érotique. La différenciation marquée de tenues de femmes avec l’apparition de décolletés et d’un affinement de la taille ne se produira qu’après 13304. En tant que personnage dont l’expression de genre est trouble, fille travestie, garçon mal-né, ou tout autre terme pour désigner la délicate question de l’identité du personnage, Silence transgresse, questionne et bouleverse les normes de genre de son époque. Elle excelle dans des activités perçues comme masculines : jongleur puis chevalier. La tentative de séduction de la part de la reine conduit en outre le texte à jouer avec la question – délicate au Moyen Âge – des rapports entre personnes de même sexe.
Christine de Pizan (1364-1430)
Fille du médecin et astrologue Tommaso di Benvenuto da Pizzano (nommé Thomas de Pizan quand il entre au service de Charles V), Christine de Pizan est une femme de lettres en langue française, née à Venise et arrivée en France avec son père en 1368. En plus d’un mariage heureux à 15 ans avec Etienne du Castel, elle bénéficie d’une éducation assez poussée grâce à son père, jusqu’à ce que la situation de ce dernier se dégrade à la cour après la mort du roi et qu’elle perde son mari en 1390. Veuve avec 3 enfants, sa situation financière et juridique est délicate car ni son mari ni son père ne se sont montrés prévoyants. Après 3 années d’une très probable dépression, Christine de Pizan commence à écrire des poèmes pour subvenir aux besoins de son ménage, poèmes qui rencontrent un petit succès. Sa carrière prend un premier tournant quand elle rédige à partir de 1401 un certain nombre de lettres à la reine Isabeau de Bavière contre le Roman de la Rose, ouvrage plébiscité par les clercs de la cour. L’ouvrage le plus connu de Christine de Pizan est aujourd’hui la Cité des Dames, une oeuvre qu’on peut résolument qualifier de féministe pour l’époque, où elle propose de bâtir une défense des femmes en construisant une cité à l’aide de grande figures littéraires et d’allégories. Ses autres oeuvres, rédigées autour de 1404-1405, sont dédiées à des mécènes puissants, celle qui lui offrira une renommée d’écrivaine reste “Le Livre des Faits et Bonnes Moeurs du roi Charles V”, dédié au puissant Philippe de Bourgogne où elle dénonce le délitement de la France alors que s’installe un conflit Armagnac-Bourguignon. Forcée à prendre position dans cet affrontement, elle va se réfugier en 1418 au monastère de Poissy pour échapper aux bourguignons qui viennent de reprendre Paris. Son ultime écrit, le “Dit de Jeanne d’Arc”, montre que la Pucelle représentait une lueur d’espoir dans sa fin de vie morose : elle l’associe aux nombreuses héroïnes qu’elle a autrefois commentées.
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Les épisodes classiques du format Super Joute Royale
- Les épisodes du format « Vies de Médiévaux » pour découvrir d’autres personnes du Moyen Âge
Merci beaucoup aux équipes du Musée de Cluny qui ont rendu cette soirée possible !