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Épisode 2 – Morgane et les Naditum de Mésopotamie

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Épisode 2 - Morgane et les Naditum de Mésopotamie
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Connaissez-vous les Naditum de Mésopotamie ?

Portrait de Morgane Pique
Portrait de Morgane Pique

Pour ce deuxième épisode de Passion Antiquités j’avais envie de vous emmener dans ma période antique préférée, la Mésopotamie. L’invitée de cet épisode est Morgane Pique, étudiante à l’Université de Lille en deuxième année de Master recherche Mondes Anciens Egypte et Proche-Orient anciens, spécialité Proche-Orient ancien.

Carte de la Babylonie au IIe millénaire dans le Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris : Laffont, 2001.
Carte de la Babylonie au IIe millénaire dans le Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris : Laffont, 2001.

Dans son mémoire elle a étudié les Nadîtum de Sippar (ville antique située au sud de Bagdad), des femmes consacrées au dieu mésopotamien de la Justice, Shamash, il y a 3700 ans (époque paléo-babylonienne, de -2000 à -1600). Pour Morgane, étudier ces femmes revient à rectifier certaines idées concernant les femmes dans l’Antiquité au Proche-Orient.

C’est quoi la Mésopotamie ?

Quand on parle de Mésopotamie, on parle en général de l’histoire du Proche-Orient, « Mésopotamie » signifiant « entre les fleuves », en référence aux fleuves du Tigre et de l’Euphrate. Pour les bornes historiques, on part du début de l’invention de l’écriture vers -3300 jusqu’à l’invasion de la Babylonie par les Perses vers -539 avant JC.

Dans ses recherches, Morgane Pique s’est concentrée sur la Babylonie, au sud de l’Irak, pendant la période paléo-babylonienne, qui commence en -2200 jusqu’à environ -595 avant JC, une période dont on sait beaucoup de choses grâce à de nombreuses archives.

Les Naditum, des prêtresses et femmes d’affaires

Le Panthéon des dieux mésopotamiens compte une centaine de divinités et ne cesse de s’agrandir au cours des siècles avec l’ajout des dieux locaux. Mais Shamash a toujours existé, c’est le dieu de la justice et du soleil. Il est notamment représenté sur le code d’Hammurabi.

Les Nadîtum étaient consacrés au dieu Shamash, mais elles n’étaient pas de simples « religieuses » comme elles ont longtemps été qualifiées, puisqu’elles géraient tout un patrimoine immobilier dans la ville de Sippar, une ville importante pour le royaume de Babylone. Elles possédaient énormément de maisons et de champs qu’elles achetaient, vendaient et louaient à la population, mais elles étaient aussi propriétaire de tavernes, un lieu soi-disant apparenté à un bordel qui se serait trouvé dans les zones mal-famées des villes antiques.

Et étudier les Nadîtum en 2020 c’est contredire toutes ces idées, et rappeler au monde que les femmes ont été très puissantes dans l’histoire, même près de 2000 ans avant notre ère. Les Nadîtum étaient tellement importantes qu’elles sont le sujet de plus de dix articles dans le Code d’Hammurabi, l’un des premiers codes de loi de l’Histoire.

Chronologie de la Mésopotamie dans Histoire de la Mésopotami de Véronique Grandpierre
Chronologie de la Mésopotamie dans Histoire de la Mésopotami de Véronique Grandpierre
Face avant de la stèle du Code de Hammurabi. Musée du Louvre.
Face avant de la stèle du Code de Hammurabi. Musée du Louvre.

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, Morgane vous conseille de lire :

Ouvrages généraux (et récents ! c’est plutôt rare en Assyriologie) :

  • Finkel I., L’Arche avant Noé : les origines de l’histoire du déluge déchiffrées, Traduit de l’anglais par Olivier Lebleu, Paris : Lattès, 2015.
  • Joannès F. (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris : Laffont, 2001.
  • Lafont B., Tenu A., Joannès F. et Clancier P., La Mésopotamie, De Gilgamesh à Artaban (-3000 à -120 av. J.-C.), Coll. Mondes Anciens, Paris : Belin, 2017.
  • Sauvage M. (dir.), Atlas historique du Proche-Orient ancien, Beyrouth-Paris : IFPO-Les Belles Lettres, 2020.

Sur la « religion » mésopotamienne :

  • Black J. et Green A., Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia, An illustrated dictionary, Londres : The British Museum Press, 1998.
  • Charpin D., La vie méconnue des temples mésopotamiens, Paris : Collège de France – Les Belles Lettres, 2017.
  • Frayne D. R. et Stuckey J. H., A Handbook of Gods and Goddesses of the Ancient Near East, Penn State University Press : Eisenbrauns, 2021.
  • Kramer S. N., Bottero J., Lorsque les dieux faisaient l’homme : mythologie mésopotamienne, Paris : Gallimard, 1989. (les propos de cet ouvrage commencent à sérieusement dater, mais il reste une référence.)
La porte d'Ishtar à Berlin
La porte d’Ishtar à Berlin

Articles sur les nadītum, accessibles gratuitement sur academia.edu:

  • Lahtinen S., The naditum as Businesswoman. Economic enterprise among religiously devoted women in old Babylonian Sippar, Saarbrücken, 2011. (c’est un mémoire)
  • Van Wyk S. J., Prostitute, Nun or « Man-Woman » : Revisiting the Position of the Old Babylonian nadiatu Priestesses, Journal of Northwest Semitic Languages 41-1, 2015.
  • De Graef K., « In Taberna Quando Sumus. On Taverns, Nadītum Women, and the Gagûm in Old Babylonian Sippar », dans S. L. Budin, M. Cifarelli, A. Garcia-Ventura et A. Millet Albà (dir.), Gender and Methodology in the Ancient Near East. Approaches from Assyriology and beyond, BMO 10, Barcelone : Edicions de la Universitat de Barcelona, 2018, p. 77-115.
Bas-relief représentant le dieu Shamash faisant face au roi babylonien Nabû-apla-iddina (888-855 av. J.-C.) introduit par un prêtre et une divinité protectrice ; entre les deux, le disque solaire symbolisant le dieu1. British Museum.
Bas-relief représentant le dieu Shamash faisant face au roi babylonien Nabû-apla-iddina (888-855 av. J.-C.) introduit par un prêtre et une divinité protectrice ; entre les deux, le disque solaire symbolisant le dieu. British Museum.

Et voici quelques outils pour les plus curieux :

  • Le site de fouille de Ayman sur lequel a travaillé Morgane Pique
  • CDLI, Cuneiform Digital Library Initiative : des milliers de tablettes en cunéiforme y sont répertoriées, avec un accès à leurs photos, leurs translittérations, parfois la traduction… Le site regorge d’outils (comme une chronologie des différentes dynasties) pour en apprendre plus sur la Mésopotamie. Pour ça, il faut se perdre longuement dessus…
  • Un ouvrage pour l’apprentissage du cunéiforme : R. Labat et F. Malbran-Labat, Manuel d’épigraphie akkadienne, Paris : Geuthner, 2002.
  • Les vidéos de la chaîne Youtube du British Museum, avec comme invité Irving Finkel, conservateur adjoint du département Moyen-Orient du British Museum de Londres.
  • The Poor Man of Nippur – World’s first film in Babylonian : le projet de l’Université de Cambridge, le premier court-métrage en babylonien (sous-titres français disponibles!)

Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :

Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :

Transcription de l’épisode 2 de Passion Antiquités (cliquez pour dérouler)

[Générique]

Introduction :

Fanny: Quand on pense à l’Antiquité, on pense en général à Jules César, les pyramides d’Egypte ou peut-être les philosophes grecs. Mais c’est aussi Sumer,  l’Âge de Fer, les Araméens, enfin tout ce que l’archéologie et l’Histoire nous permettent de connaître des anciennes civilisations.

Habituellement, on fait commencer l’Antiquité avec l’invention de l’écriture vers 3300 avant Jésus Christ et on finit à la chute de l’Empire romain d’Occident en 476. Mais vous le savez, les limites des périodes historiques sont toujours floues. Et si nous pouvions parler “d’Antiquités”, au pluriel ?  Des rives de l’Atlantique à celles de l’Indus, de la source du Nil au mur d’Hadrien.

Je m’appelle Fanny Cohen Moreau et dans ce podcast Passions Antiquités (avec un S à Antiquités), je vous propose de rentrer un peu plus dans le détail, d’explorer cette vaste période en compagnie de jeunes chercheurs et chercheuses qui l’étudient en master ou en thèse pour vous permettre d’en savoir plus sur cette belle période.

Episode 2 : Morgane et les Naditum de Mésopotamie, c’est parti !

[Fin générique]

Fanny : Aujourd’hui, dans ce deuxième épisode de ce tout nouveau podcast Passion Antiquités, nous allons parler de peut-être ma période préférée de l’Antiquité, en tout cas celle qui m’a le plus donné envie de créer ce podcast : la Mésopotamie.

Si vous ne connaissez pas, ou très peu, la Mésopotamie, ne vous inquiétez pas, nous allons vous expliquer, même si j’espère bien sûr, pouvoir consacrer plein d’autres épisodes à cette période si particulière. Et pour parler de la Mésopotamie aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Morgane Pique. Bonjour Morgane!

Morgane: Bonjour!

Fanny: Morgane, tu es étudiante à l’Université de Lille, en 2ème année de Master Recherche: “Mondes anciens, Egypte et Proche Orient ancien, spécialité Proche Orient ancien”, on est très très précis (rires) ! Tu es sous la direction de Denis Lacambre, et ton mémoire actuellement porte sur les naditum de Sippar, donc c’est une ville antique qui est située au sud de Bagdad, donc des femmes qui sont consacrées au dieu mésopotamien de la justice Shamash, il y a 3700 ans. Donc avec toi aujourd’hui Morgane, on fait vraiment un grand voyage ! Pour commencer, raconte nous pourquoi tu as voulu étudier la Mésopotamie ?

Morgane : Alors j’ai décidé d’étudier la Mésopotamie un peu par hasard. A la base, je voulais devenir journaliste, mais j’ai toujours été passionnée d’Histoire : quand j’étais petite et que j’étais en vacances dans le sud, mes parents nous emmenaient sur des sites archéologiques, mon film préféré c’était Gladiator (rires de Fanny), je trouvais ça absolument fascinant,  j’adorais lire les livres, enfin regarder les livres que mes parents avaient dans leur bibliothèque. Je précise que mon père est prof d’histoire, donc ça doit aider.

Fanny : Ah oui ça aide c’est sûr! (petit rire)

Morgane : Tout à fait ! Après ma licence de journalisme et d’histoire à l’Université de Lille, j’ai loupé les concours pour rentrer en Master de journalisme. Mais, je sentais que l’histoire c’était vraiment  fait pour moi. Et en L3, j’ai découvert justement le Proche Orient ancien et je suis tombée amoureuse de cette période là, de cette zone là. Et c’est comme ça que je me suis retrouvée en Master et que je ne regrette absolument pas d’avoir loupé les concours de journalisme (rires).

Fanny : Oui c’est pas grave ! Tu vas nous raconter en détail ton sujet, mais d’abord, expliques nous de quoi on parle quand on dit la Mésopotamie du point de vue historique et géographique ?

Morgane : Alors “Mésopotamie”, c’est un gros mot en fait utilisé pour parler un peu de tout et de n’importe quoi quand on parle de l’histoire du Proche Orient. Concrètement, c’est l’étude de l’histoire et de l’archéologie du Proche Orient. Et quand on parle du Proche Orient, ça comprend les côtes levantines mais aussi la Turquie et on va jusqu’en Iran, donc c’est vraiment l’histoire de cette zone là.

“Mésopotamie” c’est un mot grec qui veut dire entre les fleuves (“Meso” = entre et “Potamὀs” = fleuve). Les fleuves en question sont le Tigre et l’Euphrate. Mais le terme n’est pas forcément très exact puisque ce n’est pas uniquement l’histoire entre ces deux fleuves non, comme je l’ai dit avant ça va du coup du Liban jusqu’à l’Iran.

Fanny : Et au niveau historique, c’est entre quel et quel siècle ?

Morgane : La Mésopotamie, si on doit prendre des bornes historiques, on part du début de

l’invention de l’écriture, donc quand je dis le début, ça va être vers -5000 avant l’invention concrète vers -3500 ou -3000 jusqu’à l’invasion de la Babylonie, par Cyrus le Grand, le Perse du coup, vers -539 avant JC. Généralement, quand on étudie la Mésopotamie et donc ce qu’on appelle l’Assyriologie, c’est vraiment ces bornes-là. Après, ça devient de l’Antiquité plus tardive.

Fanny : Donc on est vraiment sur plusieurs millénaires dans une grande zone géographique [Morgane acquiesce], c’est un grand grand espace ! Et toi tu t’es concentrée sur quelle période et sur quelle zone de la Mésopotamie?

Morgane : Alors mon mémoire porte sur l’époque paléo-babylonienne, c’est une époque du coup qui commence en – 2002  avant notre ère jusqu’à à peu près -1595. C’est une période dont on sait beaucoup de choses puisqu’on a retrouvé énormément d’archives. Et moi, plus précisément, c’est vraiment en Babylonie, donc aujourd’hui c’est le sud de l’Irak. Le nord de l’Irak on l’appelle plutôt l’Assyrie.

Fanny : Je mettrai sur le site https://passionmedievistes.fr/category/passion-antiquites/ , vous pourrez voir, je mettrai des cartes et des frises pour que vous puissiez un peu plus vous repérer les auditeurs si vous êtes perdus, mais on y va pas à pas.

Dans ton mémoire Morgane, tu travailles sur les Naditum, donc des femmes qui étaient consacrées au dieu mésopotamien de la Justice Shamash. Pourquoi avoir choisi ce sujet ?

Morgane : Alors encore une fois c’est un petit peu par hasard mais je me suis dit quitte à faire de la recherche j’aimerai beaucoup travailler sur les femmes puisqu’elles sont “absentes” entre guillemets de l’histoire étant donné que  l’histoire a été étudiée et écrite entre guillemets, encore une fois, par les hommes. Donc, les femmes ont toujours été  mises de côté alors qu’elles ont toujours été très importantes. C’est le cas notamment en Mésopotamie. Et du coup, en troisième année de licence ma professeure nous a parlé un peu de ces Naditum, et je me disais “ Mais c ‘est très intéressant, pourquoi est ce qu’ on n’en sait pas plus? ” Et du coup je me suis dit : il faut absolument que je travaille sur ça plutôt que sur un autre sujet.

Fanny : Elles n’avaient pas déjà été étudiées ?

Morgane : Alors elles l’ont été, mais justement très brièvement, parce qu’on s’est  dit : “Oui c’est des femmes d’accord, elles sont consacrées donc c’est des religieuses, apparemment elles sont importantes puisqu’elles possèdent beaucoup de richesses”. Mais c’est tout. Après ils ne sont pas allés plus loin. C’est seulement depuis les dix dernières années que des femmes [emphase sur le mot “femmes”] assyriologues se sont repenchées sur la question. Et en fait on se rend compte qu’on a pas du tout étudié, même pas un quart, de ce qu’il y a à savoir sur les Naditum.

Fanny : Et on va parler de ces femmes Naditum, mais déjà elles sont consacrées à un dieu. Les dieux en Mésopotamie, il y a toute une sorte de Panthéon qui en plus évolue au fil des siècles et des millénaires en fonction de quelle zone géographique a le plus d’influence et tout ça. Donc déjà, quelle est la place de ce dieu au moment que tu éudies, donc Shamash?

Morgane : Alors en effet le Panthéon mésopotamien il compte des centaines de dieux puisqu’en fait ce sont les dieux locaux qui s’ajoutent au fur et à mesure. Mais pour le coup, Shamash il a toujours plus ou moins existé puisque c’est le dieu de la justice et c’est surtout le dieu du soleil. Le soleil voit tout avec ses rayons qui passent partout donc c’est impossible de lui mentir et c’est pour ça du coup que c’est le grand juge.

D’ailleurs, Shamash, il est présent sur le Code de Hammurabi de Babylone, le premier code de loi assez “complet”, j’utilise des guillemets quand même parce que c’est pas le code le plus complet, mais en tous cas c’est un des premiers. Et du coup dessus Hammurabi, le grand roi de Babylone se représente à côté de Shamash. Donc, ce dieu est très très très important. Et c’est pour ça qu’on se dit “Si ces femmes sont consacrées à ce dieu c’est qu’elles doivent être très importantes aussi.”

Fanny : Le code Hammurabi, vous verrez on en reparlera sûrement dans les prochains épisodes de Passions Antiquités. Si on parle de Mésopotamie, on ne peut pas passer à côté, c’est assez important.

Et ce Dieu Shamash, il était particulièrement important dans la ville que tu as étudié , donc Sippar. Est-ce que tu peux nous raconter comment était Sippar à l’époque que tu as étudiée ?

Morgane : Shamash est très important pour Sippar puisque c’est le dieu poliade de la ville.

Fanny : Le dieu quoi !?

Morgane : “Poliade”. Le dieu poliade, c’est  le dieu tutélaire, c’est à dire que c’est le dieu qui appartient à la ville, le dieu là qui va protéger la ville. Ça fonctionne beaucoup comme ça en Mésopotamie, chaque grande ville a son dieu poliade plus précisément. Donc pour Sippar c’est Shamash le dieu du soleil. Par exemple pour Ur, donc pareil une très grande cité mésopotamienne qu’on connaît notamment grâce à la ziggurat d’Ur, l’espèce de tour à étages, donc pour Ur c’est Sîn, le dieu de la lune, pour Babylone, c’est Marduk, donc ça c’est plutôt un dieu agraire, tout ce qui touche au monde agricole. Donc du coup pour Sippar, c’est vraiment Shamash.

Sippar, c’est une ville un petit peu particulière puisque c’est une ville double. C’est-à-dire qu’elle possède deux tell, donc deux sites archéologiques, qui sont distants quand même de 5 km l’un de l’autre.

Fanny : Ah oui donc ça fait une grosse distance (rires) !

Morgane : Oui quand même. On a longtemps pensé que les deux étaient isolés, mais en fait non. Si on étudie vraiment la topographie de la région des deux sites, on se rend compte que les deux sites étaient l’espace fortifié, là où il y avait du coup les centres villes et peut-être les personnes riches qui y habitaient.  Il y avait les ports ; il y avait les commerces principaux, il y avait les quartiers religieux, donc là où on trouvait les temples et là où il y avait les ziggurats aussi . Et par contre du coup, l’espace qui se trouve entre ces deux centres villes, donc l’espace qui fait cinq kilomètres, ça allait être les champs mais aussi des hameaux avec des petites fermes fortifiées aussi, là où vivaient notamment les paysans par exemple.

Fanny : Et donc Sippar c’est situé où actuellement ?

Morgane : Alors globalement, c’est à une trentaine de kilomètres au sud de Bagdad. C’est à côté de la ville de Yusufiyah et en fait c’est un peu dramatique mais Sippar se trouve pile au milieu d’une zone qu’on a appelé le triangle de la mort puisque quand il y a eu l’invasion américaine en 2003, c’est dans cet endroit qu’il y a eu les combats les plus meurtriers. En fait c’est la zone de Falloujah etc. Donc en plus de détruire les populations locales, ça a aussi détruit le patrimoine des populations locales, puisqu’en Irak et  au Proche Orient en général les sites archéologiques ont servi de bases militaires puisque ça surplombe la plaine, donc il y a eu beaucoup de dégâts. Donc voilà ça se trouve dans cette zone là.

[Extrait : SPIROU & FANTASIO – EP19 – Shamash]

Fanny : Alors raconte nous, qui sont ces Naditum, qu’est-ce qu’on sait sur elles ?

Morgane : Alors, les Naditum sont très mystérieuses ! On a longtemps pensé que c’étaient des religieuses, mais le terme est un peu grossier je trouve puisque “religieuse” c’est un mot qui rentre plutôt dans les religions judéo-chrétiennes. On imagine quelqu’un qui ne fait que ça de sa journée, qui prie un dieu. Généralement les religieuses, on les imagine vivre dans un couvent, donc un endroit fermé, qui ne peuvent pas forcément fréquenter tout le monde et les naditum, eh bien ce n’est pas leur cas. On l’a longtemps cru aussi, mais en fait elles sont plutôt très bien intégrées même. Parce qu’en réalité les textes qu’on a retrouvés qui mentionnent les naditum, il y a un endroit qui est mentionné également : “le Gagum”.

Du coup les premiers assyriologues quand ils ont traduit ces textes et qu’ils les ont analysés, ils sont partis du principe que les Naditum étaient cloîtrées dans le Gagum. Mais encore une fois, le mot “cloître”, conception judéo-chrétienne.

Fanny :Oui, c’est un peu anachronique en fait

Morgane : Exactement, c’est tout à fait anachronique ! Et pourtant les assyriologues ont continué à garder ce mot. Mais justement ces dix dernières années, les personnes qui ont de nouveau étudié les Naditum se sont dit : “Mais il faut arrêter de parler de “religieuses”, il faut arrêter de parler de “cloître”.

Fanny : Alors, qu’est ce qu’il vaut mieux employer comme terme pour les désigner ?

Morgane : C’est difficile (rires)! Le mieux c’est de parler des Naditum qui appartiennent au Gagum, sans forcément préciser ce que c’est puisqu’on ne sait pas ce que c’est. Pourquoi donner une définition alors qu’on ne sait pas exactement.

Ce qu’on peut dire c’est que les Naditum en effet, elles étaient consacrées à Shamash puisque dans leur nom notamment, elles vont être appelées “Amat Shamash” qui veut dire la servante de Shamash ou Erishti Shamash ou Erishti Aya, Aya qui est la parèdre de Shamash, donc son épouse. Donc en gros les traductions ça va être : “la bien aimée de Shamash, la bien aimée d’Aya”, ce genre de choses. Donc c’est comme ça qu’on sait qu’elles sont liées au Dieu Shamash. Aussi dans leurs contrats économiques… et je vais en parler de ces contrats économiques !

Fanny : Un contrat !? Ah ouais !

Morgane : Dans les contrats économiques, les témoins sont des membres du temple de Shamash. Donc c’est comme ça qu’on sait qu’elles sont liées, mais on ne sait pas exactement ce qu’elles font. On a très peu de traces du rituel, puisqu’on pense qu’ en fait les rituels, tout se passait à voix haute, par l’oral, donc on n’a pas vraiment de traces.

Fanny : Ca n’a pas été mis par écrit.

Morgane : Exactement. Par contre, ce dont on a la trace, c’est les contrats économiques. On s’est rendu compte que les Naditum, donc les “religieuses” entre guillemets, possédaient énormément de terres, de maisons aussi, et également de tavernes ! Donc on va se dire : “C’est un peu bizarre, elles sont censées être religieuses, mais elles ont des tavernes !” La taverne, on associe ça à la bière, à la prostitution aussi dans l’Antiquité, et pourtant elles sont propriétaires, donc ça leur appartient, donc elles ont dû s’y rendre à un moment pour faire la transaction ou pour voir que tout va bien, peut être ?

Fanny : Et elles sont propriétaires à titre personnel ?

Morgane : Oui

Fanny : Ça aussi ça change par rapport à l’histoire des religieuses plutôt médiévales en fait où c’était parfois une congrégation qui possédait des endroits, qui avait des terres. Là c’est les femmes, individuellement, qui possèdent des choses.

Morgane : Exactement

Fanny : C’est fou !

Morgane : C’est à elles, ça leur appartient. Et au niveau des terres, du coup elles les louent, elles les sous-louent, elles vont les échanger, elles vont vendre, elles vont acheter. C’est pareil pour les maisons : elles vont louer, sous-louer, échanger. En fait, c’est des business-women concrètement (grands rires). Concrètement, c’est ça !

Alors l’hypothèse de pourquoi est ce qu’elles font ça, parce c’est quand même un peu curieux : en étant consacrées au dieu, on peut dire grossièrement qu’elles sont mariées à lui. Et en fait les Naditum, de Shamash je précise, ne se mariaient pas.

Fanny : D’accord.

Morgane : Donc, elles n’avaient pas d’enfants, donc on remonte dans la chaîne, pour ce qui est de l’héritage familial, elles ne peuvent pas transmettre quelque chose puisqu’elles ne se marient pas, elles n’ont pas d’enfants.

Fanny : Mais elles ne peuvent pas transmettre à leur famille ?

Morgane : Alors justement, elles vont transmettre à la famille, donc c’est à dire qu’une famille riche, pour ne pas que les terres soient dilapidées parce que les filles de la famille vont se marier avec le voisin du coin, et bien on va les consacrer au Dieu, ce qui fait qu’à leur mort, les Naditum qui auront du coup gardé le champ de leur frère, et bien le champ va revenir au frère ou au fils du frère et du coup ca va rester dans la famille. Donc, on pense – ce ne sont que des hypothèses – que si on consacrait les filles dans notre famille au Gagum, c’était pour garder les biens familiaux, pour ne pas qu’ils soient éparpillés un peu partout dans le royaume.

Fanny : Là la différence, et encore je compare avec la période médiévale parce que c’est ce que je connais le mieux mais qui permet de se rendre compte, la période médiévale, les femmes qui sont placées dans des couvents ou qui sont consacrées, elles en fait, elles renoncent totalement à leur identité en tant qu’héritères ou quoi, donc elles perdent totalement. Alors que là les Naditum, gardent cette importance du patrimoine, c’est important.

Morgane : Exactement.

Fanny : Mais, c’est une sorte de prêtresse ? Est-ce qu’on peut utiliser ce terme ?

Morgane : Alors on pourrait, mais comme on ne sait pas exactement ce qu’elles font d’un point de vue religieux, ce n’est pas forcément très très correct de le dire. Surtout qu’apparemment ce ne sont pas les religieuses les plus importantes au niveau de Shamash.

Fanny : Au niveau de la hiérarchie ?

Morgane : Oui voilà. Il y a des prêtresses au-dessus d’elles. Donc, ce n’est pas vraiment très exact. Et puis elles ne sont pas rattachées au temple, elles sont rattachées au Gagum. Donc le Gagum, on a longtemps pensé que c’était du coup un quartier dans lequel elles habitaient, dans lequel elles étaient cloitrées. Moi d’après mes recherches, j’aurais plutôt tendance à penser que c’est certes un quartier, mais c’est plus une institution. Et ça va être, oui, le quartier des Naditum, là où elles vont avoir leurs “bureaux” entre guillemets. Il ne faut pas non plus s’imaginer des bureaux comme aujourd’hui, voilà !

Fanny :(rires) C’est pas des fonctionnaires quoi !

Morgane : Voilà exactement. Mais c’est là où elles vont avoir certaines possessions, là où elles vont faire des échanges. Mais moi je ne pense pas en tous cas qu’elles y habitent toutes et qu’elles n’ont pas le droit d’en sortir, ça c’est certain.

Fanny : Est ce qu’on sait de quel milieu social elles proviennent ?

Morgane : Oui, des classes supérieures de la société, puisqu’elles possèdent énormément de biens, ou quand dans les contrats d’héritage par exemple, on a des choses écrites :  par exemple son frère lui donne trois champs, quatre maisons, les tailles sont conséquentes en plus. Vraiment c’est la partie riche de la société, ca c’est quasiment certain.

Pour revenir sur le Gagum, ce qui a longtemps porté à confusion, c’est qu’en fait dans les textes, il y a des choses écrites, par exemple : il y a telle quantité d’orge dans le grenier du Gagum. Donc le Gagum, ce qui nous fait penser au fait que c’est une institution, c’est qu’il y a des membres, il y a du personnel autre que les Naditum. Donc il y a les portiers, justement,  mais il y a aussi  les scribes du Gagum. Il y a des intendants au Gagum. Alors qu’est-ce qu’ils font, on ne le sait pas réellement, mais du coup on a vraiment une liste de personnes qui travaillent au Gagum. C’est pour ça qu’on pense que c’est vraiment quelque chose d’institutionnel plutôt qu’un simple “cloître”  entre guillemets, où les Naditum vivraient.

De même, on a retrouvé des textes où par exemple une Naditum va posséder une maison et dans le Gagum mais aussi dans le reste de la ville de Sippar. Donc, elle habitait dans quelle maison, on ne le sait pas mais ça prouve encore une fois qu’elles avaient le droit de sortir du Gagum et qu’elles n’étaient pas du tout cloitrées et  qu’elles avaient des relations avec les autres membres de la ville.

Fanny : Pour les auditeurs, je vous raconte un peu ma vie, mais donc, j’avais fait des études d’histoire. A un moment j’avais étudié la Mésopotamie et j’avais acheté un ouvrage

que j’ai gardé depuis tout ce temps, depuis quasiment donc dix ans, donc qui est le “Dictionnaire de la Civilisation Mésopotamienne”, sous la direction de Francis Johannes, au éditions Robert Laffont,  Bouquins. Et je suis très contente parce qu’il parle des Naditum dedans, il y a un petit article dans l’article sur les prêtres et prêtresses. Et il est précisé que certaines de ces Naditum pouvaient même être de sang royal ?

Morgane : En effet, il y a eu des princesses qui ont été consacrées à Shamash notamment, ce qui montre encore une fois que ça devait être un privilège, c’était prestigieux d’être consacrée et de devenir Naditum. Le problème c’est qu’on sait toutes ces choses là, mais qu’on ne sait pas vraiment quelles conséquences ça a. Mais en effet il y a eu notamment Erishti-Aya il me semble, qui était la fille du roi du royaume de Mari, donc un très grand royaume, rival ou allié, selon la période, de Babylone. Et du coup, probablement pour Zimri-Lim le roi, pour montrer qu’il était proche du royaume de Babylone, il a consacré sa fille donc ça permettait pour lui de s’imposer un peu dans la région.

Fanny : Et tu nous a parlé des contrats de ces Naditum, qu’est ce qu’on apprend dans ces contrats ?

Morgane : Ces contrats ne sont pas forcément très joyeux à étudier puisque ce sont des contrats économiques où en fait ça va être tout simplement : “Je vends mon champ à bidule contre une telle somme d’argent…”

Fanny : Ah, ce ne sont pas des contrats d’engagement des Naditum?

Morgane : Non, pas du tout justement. Ca en fait, on ne sait pas trop comment ça se passait. On a des indices sur comment est-ce qu’on devenait Naditum mais on n’ a jamais de contrat d’engagement. Pour l’instant !

Fanny : Aah ! Pourquoi tu dis pour l’instant ?

Morgane : Pour l’instant puisque, ce qu’il faut préciser quand même, c’est que les fouilles en Irak et au Proche Orient en général, avant d’être rigoureuses, c’était fait par des explorateurs, au début du 20ème siècle ou à la fin du 19ème, où on fouillait d’une façon assez désastreuse, où clairement on y allait à la pelle, on récoltait les textes dans le sol, mais du coup on n’a pas la provenance exacte. Et en fait, “grâce” à ça peut être entre guillemets, ça nous a permis d’obtenir des milliers et des milliers de textes. Les textes en Mésopotamie, ce sont des tablettes d’argile écrites en cunéiforme. Et ces milliers de textes là maintenant il faut les traduire. Donc ce qu’il faut savoir, c’est qu’aujourd’hui, les réserves des musées sont remplies de textes qui ne sont pas encore traduits, ou s’ils sont traduits, ils ne sont pas encore publiés. Donc si ça se trouve, on a pas encore tous les indices sur les Naditum parce qu’on n’a pas tout simplement traduit les textes qui allaient nous les donner.

Fanny : Et je tiens à préciser, parce que c’est un sujet quand même qui est important aujourd’hui, que ces explorateurs, en général c’étaient des européens, donc c’est un petit peu du pillage culturel et historique qui a été fait à l’époque. Et qu’on voit qu’il y a beaucoup de pays, dit du “Tiers Monde”, dit “sous développés”, qui réclament en fait de récupérer tout ce patrimoine qui est dans les musées européens, que ce soit à Paris, à Londres et tout ça. Donc je tiens à préciser parce que c’est un sujet important quand même

Morgane : Mais appelons un chat un chat, ce n’est pas “un petit peu du pillage”, c’est du pillage concrètement [Fanny acquiesce]. Et en effet aujourd’hui, par exemple les Irakiens réclament à ce qu’on leur rende certaines choses. Je pense notamment à un grand monument de l’histoire mésopotamienne qui est la porte d’Ishtar. La porte d’Ishtar c’est une magnifique porte, très haute, très grande, très bleue.

Fanny : Qui est en couverture du livre que j’ai cité tout à l’heure. Elle est conservée actuellement à Berlin, c’est ça ?

Morgane : Elle est à Berlin. Et les irakiens, à Babylone,  ils ont une reconstruction en argile qui a seulement quelques années du coup et ils n’ont pas l’original !

Fanny : C’est comme si par exemple , je sais pas, on avait, les portes du château de  Versailles qui étaient en fait dans un autre pays qui avaient été prises il y a des siècles par des historiens. Donc forcément là c’est du vol, c’est vraiment du vol.

Morgane : Concrètement oui.

Fanny : Donc bon là effectivement il y a toute cette réflexion là qui est importante. Mais si on revient sur ce que tu disais, aux sources qui ne sont pas encore traduites, c’est juste comme ça, entreposé dans des musées, ça attend juste d’être étudié par les historiens, tout simplement ?

Morgane, Oui oui, tout à fait, ça attend d’être étudié. Le problème, c’est qu’on n’est pas énormément à savoir déchiffrer d’abord le cunéiforme, et ensuite traduire la langue akkadienne, il n’ y a pas que la langue akkadienne sur les tablettes…

Fanny : Oui il y a différents dialectes, enfin langue ou dialecte…

Morgane : Exactement. Et on n’est pas assez. Il faut aussi les moyens. Donc c’est compliqué, ça prend du temps. Donc d’accord, les fouilles archéologiques de la fin du 19ème siècle, c’est un peu un fiasco archéologiquement parlant, mais ca a permis d’obtenir beaucoup de textes, on va dire que c’est le point positif. Parce qu’aujourd’hui on s’y prend d’une façon beaucoup plus rigoureuse, tout est bien enregistré, on prend son temps. Donc forcément pour trouver des tablettes, ça prend beaucoup, beaucoup plus de temps.

Fanny : Et en plus il me semble que tu sais de quoi tu parles, parce que toi même tu as participé à des fouilles ?

Morgane : Alors en effet à la fin de ma première année de Master, j’ai eu l’opportunité de partir au Kurdistan irakien pour faire des fouilles archéologiques. Donc c’est une campagne qui est menée par l’Institut français du Proche Orient à Erbil, donc capitale du Kurdistan irakien. Nous sommes allés sur un petit tell, enfin petit, pas si petit d’ailleurs (rires) qui se trouve entre Mossoul en Irak et Erbil au kurdistan irakien. Cette campagne de fouilles, elle est menée par Barbara Couturaud qui est du coup docteure et qui est d’ailleurs la directrice de l’antenne d’Erbil de l’IFO. C’est vraiment une expérience très enrichissante et c’est  impressionnant de se dire qu’on fouille le passé de personnes qui ont vécu il y a entre 2000 et 5000 ans en fait.

Fanny : Et tu as fait quoi là bas concrètement ?

Morgane : J’ai creusé ! Je me suis roulée dans la terre ! (rires) Non mais oui, en fait,  je ne l’ai pas précisé il me semble, mais les tell archéologiques dont je parle, c’est des espèces de petites collines. Donc ce sont des collines artificielles, puisqu’au Proche Orient tout était construit en argile. L’argile c’est très important là bas. Et en fait avec le temps, par exemple une ville allait être abandonnée parce que les gens sont partis pour x ou y raisons, avec le temps, avec les conditions météorologiques notamment, parce que parfois il y a des tempêtes de sable, parfois il pleut, et quand il pleut là bas, il pleut bien (rires), et du coup l’argile s’abîme et des gens vont venir se réinstaller sur les restes de la ville. Et ils vont en fait  un peu raser ce qui a été construit et ils vont reconstruire par dessus. Donc au fil du temps on se retrouve avec une colline artificielle. Donc aujourd’hui, quand on se balade au Proche Orient, que ce soit en Syrie ou en Irak ou même en Turquie et en Iran, on se retrouve dans le paysage, qui est plutôt très plat en Irak entre les deux fleuves, on se retrouve avec pleins de petites collines artificielles. Et du coup pour les fouiller, au sommet de la colline, c’est les périodes les plus récentes, par exemple les périodes pré-islamiques ou Sassanides et plus on descend dans la colline plus on se retrouve, par exemple à l’époque paléo-babylonienne…

Fanny : Là on parle d’évolution sur des siècles et des millénaires [Morgane acquiesce], c’est logique que le paysage évolue comme ça en fait parce que quand tu parlais les gens pouvaient s’imaginer sur quelques années mais non en fait, on parle d’évolution sur des siècles et des millénaires.

Morgane : Exactement. Du coup généralement quand on commence des fouilles sur un tell, on fait une tranchée test. Donc on va essayer de faire une tranchée qui part du haut du tell jusqu’à sa base pour essayer de repérer combien de niveaux est-ce qu’il pourrait y avoir. Donc ça nous permet un peu de nous situer, de savoir sur quoi est-ce qu’on va pouvoir tomber éventuellement. Et ensuite une fois que cette tranchée test est effectuée et qu’on a fait nos rapports et bien là on va reprendre depuis le début pour y aller progressivement, pour démonter en fait le tell et vraiment comprendre qui a habité là, ce qu’il nous ont laissé…

Fanny : Là y a vraiment de la mise en situation et on comprend un peu plus le contexte au fur et à mesure, à la différence de si on parle des… pas des historiens, mais des explorateurs du 19ème qui eux en fait n’étaient pas forcément rigoureux dans leurs recherches et prenaient les choses  mais sans forcément prendre en compte le contexte de là où étaient ce qu’ils trouvaient.

Morgane : Et c’est bien un problème, concrètement eux, ils voyaient leur petite colline, ils faisaient un tunnel dedans pour aller au cœur de la colline et essayer de trouver un trésor. Alors en effet, c’est efficace, on trouve des belles statues comme ça (rires). Sauf qu’on ne sait pas exactement à quelle période ça peut être, puis ça détruit tout aussi. Bon le principe de l’archéologie c’est de détruire dans le sens où on trouve quelque chose on le démonte pour comprendre. Mais là c’est vraiment de la destruction puisqu’on retourne tout sur son passage.

Fanny : C’est un peu les clichés qu’on a sur notamment tout ce qu’il se passe en Egypte quand on voit les pyramides et hop, on essaie de percer parce que “il y a forcément un trésor au centre de la pyramide”

Morgane : C’est un peu la même chose, oui !

Fanny :Est ce qu’il y a des trésors en Mésopotamie comme en Egypte ?

Morgane : Alors, oui, évidemment !

Fanny : Ah ouais ?!

Morgane :  D’ailleurs pour la petite anecdote, bon je n’ai plus les dates exactes, excusez-moi, mais au moment où on a découvert le trésor de Toutankhamon, je ne sais plus si c’est la même année ou une année avant ou une année après, mais globalement c’est en même temps, on retrouvé des tombes royales, à Ur justement, ce dont je parlais tout à l’heure. Les tombes royales ont autant de valeurs que la tombe de Toutankhamon, c’est la même chose, c’est juste que c’est en Mésopotamie. Mais, l’histoire de la Mésopotamie, c’est un peu la grande oubliée de l’Histoire. Ca s’explique parce qu’on a réussi à déchiffrer les textes cunéiformes tardivement. Concrètement l’Assyriologie c’est une discipline, enfin un champ d’études très récent,  qui a commencé seulement au milieu du 19ème siècle.

Fanny :  Là où l’Égyptologie était plus ancienne?

Morgane : Hmm, c’est pas qu’elle était plus ancienne mais un petit peu quand même, et elle intéressait plus de monde, c’était plus concret. La Mésopotamie, c’est beaucoup d’argile, ça ne va pas être des grands temples impressionnants, puisque ces temples ont été détruits, enfin abimés avec le temps, donc forcément ça attire moins les gens. Mais ce qu’il y a sous terre, ce sont des trésors inestimables.

Et justement je trouve que c’est intéressant aussi de se dire que la Mésopotamie c’est une terre très riche, c’est le passé des irakiens, des syriens et on a l’impression que ça ne vaut rien, et moi je trouve que c’est dramatique de dire ça. Et même pour les populations qui habitent aujourd’hui maintenant, on a l’impression que leur passé ne compte pas, et je trouve que c’est vraiment très triste de se dire ça.

[Interlude : Rusan Filiztek : Mésopotamia, Nomad (Filiztek, Aria, Barou) ]

Fanny : Si on revient à ton mémoire, donc tu nous a déjà un petit peu dit comment tu

as travaillé, mais à partir des sources que tu avais, donc tu les a traduites, ça veut dire que tu comprends le cunéiforme et donc la langue dans laquelle c’est écrit ?

Morgane : Oui ! Alors pour être tout à fait honnête je n’ai pas du tout traduit toutes les sources sur lesquelles je travaille, je me suis appuyée sur des textes qui ont déjà été traduits, il y a quelques textes que j’ai traduit moi même. En effet, je suis en train d’apprendre le cunéiforme, c’est fastidieux (petit rire) mais c’est très intéressant et la langue akkadienne, oui je suis des cours depuis trois ans du coup pour pouvoir la traduire, ça, ça va beaucoup mieux maintenant, par contre le cunéiforme il faut se dire que c’est des centaines de signes qui se ressemblent tous énormément. D’ailleurs, pour la petite anecdote quand j’étais en deuxième année de licence, seulement un an avant de m’orienter vers la Mésopotamie, j’étais allé visiter le British Museum à Londres et je me suis retrouvé devant des énormes plaques, avec dessus des petits signes en forme de clous et je me suis dit « Qu’est-ce que c’est que ça, on comprend rien, c’est pas une écriture, ça veut surement rien dire ! » Si je pouvais parler à la moi de cette époque, mais je me giflerais :  « Mais réfléchis quand même !”. Non justement, dis toi que c’est une écriture qui raconte des choses très intéressantes, qui raconte l’histoire de toute une civilisation en fait !

Fanny : Et c’est compliqué à apprendre ?

Morgane : Je ne suis pas sûre que ce soit plus compliqué qu’une autre langue ancienne.

Fanny : C’est juste que c’est un alphabet différent ?

Morgane : C’est ça. Mais après, peut être que plus on l’apprend jeune plus c’est simple, mais par exemple aujourd’hui si on veut se mettre à apprendre, je ne sais pas moi, le russe, on va avoir un nouvel alphabet à apprendre, pareil pour l’arabe. Donc bon, c’est de la gymnastique hein, pour notre cerveau. Mais moi  en tout cas moi j’aime bien, et ce n’est pas impossible à faire. Franchement, il y a beaucoup d’outils qui nous permettent d’apprendre facilement.

Fanny : Et ces sources, qu’est ce que tu as comme angle d’approche sur ces sources ?

Morgane : C’est vraiment en fonction de la problématique de mon mémoire. Mon mémoire vise à résumer un peu tout ce qu’on sait déjà sur les Naditum, de les résumer et d’actualiser ce qu’on sait surtout, avec notre regard du 21eme siècle, enfin 50 ans après les premiers articles sur elles.

Il y a notamment une partie de mon mémoire qui est consacré à leur entourage, savoir si eux aussi ils étaient liés du coup au Gagum, s’ils étaient liés aussi à Shamash, quel était leur importance dans la ville aussi à ces personnes là. Du coup, pour les textes, en fait je vais choisir une Naditum en particulier, qui a l’air d’avoir une fratrie assez étendue. Et en fait on a un outil, assez incroyable il faut le dire qui s’appelle le CDLI sur internet  et c’est une base de données qui répertorie quasiment  tous les textes cunéiformes qui ont été publiés.

Fanny : Je mettrai le lien sur le site, c’est génial ça !

Morgane : Pour les curieux, pour ceux qui veulent se balader, c’est vraiment génial. Donc pas systématiquement mais ils essaient de mettre une photo de la tablette, une copie de la tablette pour que les signes soient plus compréhensibles, parce que lire des signes sur une tablette, c’est compliqué aussi, et ensuite la translittération donc en langue akkadienne et ensuite la traduction. Donc, cette base de données là elle est vraiment géniale. Moi je vais essayer de taper le nom de la Naditum qui m’intéresse dessus et il va me sortir tous les textes qui semblent parler de sa fratrie. Et à partir de là, il faut que je regarde si en effet c’est bien de son frère dont on parle, est-ce qu’on me dit le métier de son frère, qu’est ce qu’il faisait, est-ce qu’il était marchand, ce qu’il possédait, est-ce qu’il possédait beaucoup de choses quels étaient les autres membres de sa famille, ce genre de choses.

Fanny : Tu fais un peu de l’étude de réseau, en quelque sorte?

Morgane : Exactement.

Fanny : Et, est-ce qu’il y a des Naditum en particulier qui te tiennent à cœur, dont tu aimerais nous parler ?

Morgane : C’est difficile parce que ce que je n’ai pas précisé, c’est qu’il y en avait énormément. Elles n’ont pas duré si longtemps que ça, leur période d’existence, c’est à peu près 300 ans.

Fanny : Quand même !

Morgane : Il y a eu un pic justement  sous le roi Hammurabi et son fils le roi Samsu-iluna où là, il y en avait plusieurs en même temps. Mais en fait on a compté jusqu’à 700 Naditum dans les textes qu’on a traduit, donc il y en avait sûrement plus.

Fanny : Mais il y en avait combien en même temps en fait, si on se dit… Parce que là dans le Gagum dont tu parlais, ça veut dire qu’il y en avait à peu près combien en même temps qui vivaient dans cette institution?

Morgane : Je n’ai plus les chiffres exactes, mais simultanément il pouvait y en avoir entre 50 et 100.

Fanny : Ah ouais donc ça fait vraiment une grosse classe, une grosse communauté.

Morgane : Une grosse communauté oui. Donc c’est pour ça, dire qu’il y en a une en particulier à laquelle je suis très attachée, non, pas forcément. Après dans mon mémoire il y en a deux que j’étudie particulièrement. Il y en a une que j’aime beaucoup qui s’appelle Erishti Shamash. Elle est assez intéressante puisqu’en fait on se rend compte que sa famille est très grande et absolument toutes les femmes de sa famille, que ce soient ses tantes ou ses nièces, puisque techniquement elle ne peut pas avoir d’enfants, sont aussi des Naditum, ou si elles ne sont pas Naditum, elles appartiennent à d’autres catégories de religieuses, donc des femmes qui pouvaient être consacrées à un autre dieu ou des femmes qui pouvaient avoir un autre rôle dans la religion mais plus restreint par exemple. Donc, ça montre quand même que les femmes, on aimait bien, quand on en avait les moyens, on aimait bien les consacrer à la religion.

Fanny : Et là aussi… bon là j’imagine que tu n’as pas la réponse mais il y a aussi la question de : est-ce que c’était elles qui choisissaient ou est-ce-que c’était une tradition familiale. Donc là, d’après ce que tu me dis je pense que tu ne peux pas encore avoir cette réponse mais ce serait intéressant un jour de comprendre, est-ce-que c’était un choix ou est-ce que c’était une tradition familiale qui leur était imposée ?

Morgane : Si c’est un choix, dans tous les cas, ce n’est pas leur choix. Ça va être forcément le père ou le frère. On pourra dire ce qu’on voudra, l’autorité masculine était quand même très importante, prédominante. Après je pense,  je n’en suis pas sûre, mais oui c’était peut être une tradition, à partir du moment où on avait de l’argent, il valait mieux consacrer sa fille, parce que ça nous permettait de garder du coup les propriétés familiales. Mais autre chose aussi, remettons nous dans le contexte, on est 2000 ans avant Jésus Christ, on est 4000 ans avant nous maintenant (petits rires) et les naissances c’était compliqué, on pouvait mourir en couches, nos enfants ne survivaient pas forcément facilement. Du coup, consacrer une fille de la famille à un dieu ça lui permettait en fait de vivre plus longtemps puisqu’elle ne tombait pas enceinte, qu’elle n’avait pas d’enfants et du coup elles étaient préservées entre guillemets, elles avaient moins de chances de mourir.

Fanny : Mais on sait qu’elles avaient une  forme d’indépendance dans la gestion de leur patrimoine ?

Morgane : Ca, c’est certain. Même si à leur mort, le patrimoine revenait probablement du coup aux membres de la famille, c’étaient elles sur le moment, quand elles étaient vivantes, qui géraient tout et qui faisaient leur transaction elles-mêmes comme des grandes.

Fanny : Là tu le vois dans les contrats ?

Morgane : Oui, c’est certain, c’est leurs décisions, enfin c’est leur métier. Mais du coup on se dit : mais quelle est la part d’importance vraiment entre la religion et les activités économiques pour elles, qu’est-ce qui était le plus important, ça on ne le sait pas. On a l’impression qu’elles ne faisaient que des activités économiques mais non c’est juste qu’on a retrouvé uniquement des textes qui parlaient de ça. Si ça se trouve en fait c’était un cinquième de leur temps libre, mais ça on ne peut pas le savoir.

Il y a juste  quelque chose que je n’ai pas précisé, là on parle des Naditum consacrées à Shamash à Sippar mais il y avait d’autres communautés de Naditum dans d’autres villes, pas partout, mais il y a notamment des Naditum à Nippur, donc une autre ville du sud de la Babylonie mais il y avait aussi des Naditum de Marduk donc comme j’ai dit tout à l’heure, Marduk c’était le dieu poliade de la ville de Babylone mais en fait ces Naditum de Marduk ne se trouvaient pas à Babylone mais elles se trouvaient à Sippar.

Fanny : Donc on a plusieurs communautés de Naditum, mais consacrées à des dieux différents, au sein de la ville de Sippar ?

Morgane : Apparement. Après la principale évidemment c’est celle des Naditum consacrées à Shamash, ça c’est certain, mais on pouvait en croiser d’autres, puisque dans les contrats elles sont mentionnées. Là où il y a une différence, c’est que les Naditum de Marduk par exemple elles, elles ont le droit de se marier.

Fanny : Et donc d’avoir des enfants ?

Morgane : Non!

Fanny : Ah ! (rires)

Morgane : Elles n’ont pas le droit d’avoir des enfants, par contre, elles peuvent demander à leurs maris de prendre une seconde femme, qui s’appelle une shoditum même, qui elle, pourra avoir des enfants à sa place.

Fanny : Ah oui donc là c’est une vision de la famille différente ! (rires)

Morgane : Très différente. Justement, là où je fais une magnifique transition, c’est que dans le code d’Hammurabi, il y a des lois pour réglementer tout ça, qui disent : oui une shoditum qui donne des enfants au mari du Naditum de Marduk ne sera jamais l’égale de la Naditum de Marduk, la Naditum de Mardouk restera supérieure et restera l’épouse principale.

Et justement, ce qui est intéressant et qui nous pousse à penser que les Naditum étaient très importantes c’est que ces Naditum sont mentionnées dans treize articles du code d’Hammurabi.

Fanny : Il y en a combien d’articles en tout ?

Morgane : Globalement, un peu moins de trois cents.

Fanny : Oui donc ça fait quand même une grosse proportion.

Morgane : Ce qui est quand même beaucoup, treize articles qui parlent uniquement des Naditum. Ou alors les Naditum sont mentionnées dans un article où on parle des religieuses, enfin des prêtresses en général et elles sont mentionnées dedans. Mais quand même ça fait treize donc ça montre qu’elles étaient importantes. Puisque le code d’Hammurabi, ce qu’il faut se dire, c’est que c’est pas le roi qui s’est dit : “ bon on va graver des lois sur un rocher et tout le monde va le lire au milieu de la place centrale”, non ! (rires). Les rois en Mésopotamie savaient très bien ce qu’ils faisaient et ils utilisaient l’écriture pour rester dans le temps. Et il savait très bien Hammurabi que deux cent ans plus tard on retrouverait son code et que du coup ça le marquait dans l’histoire et les gens auraient su : “ah ben tiens Hammurabi c’était un roi qui faisait la justice, qui réglementait son royaume, c’est très bien, c’est un grand roi”. Donc, pour qu’il choisisse de parler des Naditum dans treize articles, ça veut dire que Hammurabi  considérait ces femmes là comme vraiment très importantes dans la société. Il voulait que les personnes du futur soient au courant qu’il y avait des Naditum dans la société.

Fanny ; Oui, c’est vraiment conscient quoi.

Morgane : Exactement.

[Interlude: The Codex Hammurabi, part of the Prologue, read by Albert Naccache ]

Fanny : Là Morgane, tu es en train de finir ta deuxième année de Master, donc pendant qu’on enregistre tu es en pleine rédaction du mémoire, tu en es où ?

Morgane : Oui, je suis en pleine rédaction, j’essaie de finir dans les temps (petit rire), mais j’approche de la fin, à grands pas !

Fanny : Au moment où sort cet épisode nous sommes en février 2021, ces derniers mois il y a eu pas mal de soucis, notamment pour les étudiants, par rapport  à une certaine maladie qui a circulé. Toi, est-ce que ça t’a impacté ?

Morgane : Un petit peu. Pour dire la vérité je suis en fait  en deuxième année de Master mais c’est ma troisième année techniquement, puisque j’aurais dû rendre mon mémoire l’année dernière mais je ne l’ai pas fait puisque j’ai pris du retard notamment par les fouilles, c’est une bonne excuse pour être en retard concrètement.  Mais aussi c’est vrai que la maladie en question a été très compliquée, on pensait avoir le temps lors des confinements pour mieux travailler mais en fait non, il n’y avait plus d’accès aux bibliothèques, l’accès aux sources était très réduit aussi et une chose en entraînant une autre, finalement ça m’a beaucoup ralentie. Oui en effet, j’ai été impactée.

Fanny : Bon alors, je comprends mieux parce que depuis tout à l’heure je me dis : quand même pour quelqu’un qui est en M2 elle connait super bien son sujet! (rires). Ah non, tu es en deuxième deuxième année de M2

Morgane : J’ai un peu triché oui !

Fanny: Non mais voilà, il y a plein de gens qui font ça. Dans Passions Médiévistes j’ai reçu quelqu’un aussi qui avait fait ça, mais c’est possible et comme ça ça permet de rendre un travail meilleur et un peu plus approfondi, enfin autant prendre son temps (Morgane acquiesce). Donc là par exemple, en ce moment, tu es en train de rédiger sur quoi ?

Morgane : Et bien justement sur la fameuse partie où je parle des familles en fait des Naditum. Je finis de regarder les derniers textes et de tirer mes dernières conclusions. Et puis une fois que ce sera fait, une relecture générale et puis ce sera parti !

Ce qui est intéressant dans mon mémoire, quitte à le vendre (rires), c’est que j’ai toute ma première partie qui est vraiment dédiée à la ville de Sippar, puisque pareil, il y a plusieurs travaux qui ont été fait dessus mais on n’a jamais vraiment fait une synthèse sur tout ce qu’on y a trouvé, sur toutes les équipes qui y ont travaillé. Autre chose dont je n’ai pas parlé mais qui est assez évidente, comme je l’ai dit tout à l’heure du coup ça se situe dans une zone compliquée en Irak. Les fouilles du coup sont interrompues depuis 2003, donc l’université de Bagdad qui travaillait à Sippar n’a pas pu y retourner, donc ils continuent d’exploiter les textes qu’ils y ont trouvés.

Fanny : Ca fait quasiment 20 ans !

Morgane. Exactement. Donc s’ il y a beaucoup de fouilles qui ont repris, et qui ont même commencé au Kurdistan irakien, ce n’est pas le cas en Irak. Quelques sites majeurs ont pu de nouveau être étudiés, mais ce n’est pas le cas de Sippar, je ne sais pas quand ça le sera. Ce n’est pas très évident, en tout cas moi dans mon mémoire, j’essaie vraiment de consacrer une partie dessus, à ça, à cette ville très intéressante qui a quand même hébergé une communauté très intéressante aussi !

Fanny : Et est -ce que tu as déjà commencé à réfléchir  à ce que tu voudras faire une fois que tu auras soutenu ton mémoire ? Ou est-ce que c’est trop tôt encore ?

Morgane : Non dans l’idéal, il faudrait que je sois sûre de mon projet de l’année prochaine, ce qui n’est pas le cas, mais du coup j’aimerais commencer une thèse.

Fanny : Ah ouais

Morgane : Soit continuer à exploiter le filon des Naditum et me concentrer sur une famille en particulier.

Fanny : il y a assez de matière pour ça ?

Morgane : Oui

Fanny : Ah ouais!

Morgane : Concrètement oui et puis s’il le fallait je pourrais dans le cadre de ma thèse aller dans les réserves d’un musée et traduire moi-même des petits textes.

Fanny : Ce serait super !

Morgane : Ce serait vraiment une expérience très chouette honnêtement. Ca ou parler plus de Sippar en général, donc là l’archéologie, la topographie du site parce que pareil là il y a énormément de choses à dire là dessus, je m’en suis rendue compte en rédigeant mon mémoire et lors de mes recherches en fait… Mais bon là il faudrait aller sur place.

Fanny : Et là il te faudrait une formation en archéologie parce que là tu as juste, enfin, tu as “juste” une formation d’historienne donc là ça demande peut être de la formation en plus ?

Morgane: Oui tout à fait. Alors après ce qui est bien c’est que les fouilles que j’ai réalisées m’ont permis de me former, bon sur le tas, ce n’est pas une formation universitaire c’est certain, mais on est entouré d’archéologues qui ont l’habitude. Et en fait, j’ai été formée en même temps que d’autres personnes, puisque le monde de l’archéologie au Proche Orient n’est pas du tout le même qu’en Europe, en France en tout cas. C’est pareil, c’est un sujet un peu délicat, mais concrètement on est quand même des étrangers qui venont dans un pays pour étudier leurs sites archéologiques, ça peut être perçu un peu bizarrement. Mais du coup on travaille avec les équipes locales, donc les archéologues locaux bien évidemment, mais aussi on forme des gens sur place, pour nous aider à fouiller. Donc, on les appelle les ouvriers mais en fait le tell que nous avons fouillé se trouve dans un village et en fait on a proposé aux gens du village de travailler avec nous, ils ont été payés et ils sont formés aussi à l’archéologie. Et en fait, j’ai été formée en même temps qu’eux. Eux maintenant ils savent comment fouiller, enfin les bases de la fouille et moi je le sais également car on a été formés en même temps.

Fanny : Et bien écoute, j’espère que tu pourras faire tout ça. Pour finir Morgane, j’ai une question, qui est un peu rituelle dans mes podcasts, donc là je pense que ça peut être encore plus intéressant d’avoir ta réponse, quels conseils est-ce que tu pourrais donner à celles et ceux qui voudraient étudier la Mésopotamie ?

Morgane : Je leur dirais déjà que c’est une très bonne idée, je les encourage vivement. Le conseil, ce serait de commencer le plus tôt possible, parce que ça permettrait d’apprendre facilement l’Akkadien, d’apprendre le cunéiforme et du coup de comprendre plus facilement et plus rapidement les textes. Après soyons honnêtes c’est compliqué, les places sont chères, enfin rentrer en Master c’est une chose, mais pouvoir continuer après en thèse c’est pas pareil. Il n’y a pas de place pour tout le monde. La Mésopotamie n’est pas la discipline privilégiée quand on doit obtenir des contrats doctoraux pour les Antiquités. Ca va être priorité à l’époque romaine, à l’époque grecque, un petit peu les égyptiens mais la Mésopotamie pas du tout donc les places sont chères, donc il faut être motivé. Et j’ai pas de vraiment de conseils à donner juste il faut être passionné et ne pas hésiter à aller voir à droite à gauche car il y a plein d’informations partout et on ne s’ennuie jamais !

[Générique]

Conclusion :

Fanny :  Désormais, chers auditeurs et auditrices, vous en savez un petit peu plus sur la Mésopotamie, sur les Naditum, sur Sippar. Donc merci beaucoup Morgane Pique, c’était, mais alors, tellement passionnant. Je pense que cet épisode aurait pu durer des heures et des heures donc merci beaucoup pour ce que tu nous as dit.

Morgane: Mais merci pour l’invitation, honnêtement, ça m’a fait très plaisir de parler de la Mésopotamie, et encore j’ai survolé le sujet, même sur les Naditum !

Fanny : Et si des personnes qui nous écoutent étudient la Mésopotamie en Master ou en thèse, con-tac-tez moi ! Je metrais dans la description de l’épisode un mail, vraiment je suis très très très preneuse, si vous êtes en master, en thèse ou si vous avez soutenu il y a moins d’un an, j’aime bien avoir des gens qui sont encore en train de faire des recherches, donc vraiment vraiment je suis preneuse. N’hésitez pas, parlez-en autour de vous, je suis vraiment… J’ai envie d’avoir des sujets. J’ai envie de parler plus souvent de la Mésopotamie dans ce podcast

Morgane : Sage décision ! (rires)

Fanny : Pour les auditeurs et auditrices, je vous l’ai dit au cours de l’épisode mais si vous avez envie d’en savoir plus, si vous voulez situer un peu mieux la Mésopotamie, allez sur le site, là aussi je mettrai le lien dans la description de l’épisode, où je vous mettrai des cartes, des frises, des photos, tout ca. Et si vous voulez suivre l’actualité de ce podcast, vous pouvez vous abonner à Passions Antiquités sur Twitter et Facebook, je ne pense pas faire de compte Instagram, parce que j’ai déjà le compte Instagram de Passion Médiévistes et ça m’occupe pas mal, donc pour l’instant je reste sur Twitter et Facebook déjà.

Et si vous avez envie d’écouter d’autres podcasts sur l’histoire avec de jeunes chercheurs et chercheuses, et découvrir pleins de choses sur l’histoire, allez écouter Passion Médiévistes sur le Moyen Âge et Passion Modernistes sur l’époque moderne. Et bien sûr, ils sont disponibles sur toutes les bonnes applications de podcasts. Là vous avez écouté cet épisode, je suis sûre que vous avez aussi trouvé mes autres podcasts. Et dans le prochain épisode de Passion Antiquités, on parlera des athlètes en Grèce. A bientôt !

[Fin du générique]

Fin !!

Bloopers : 

Fanny : Je sais pas, je vais aller faire pipi parce que là j’ai très envie, mais c’est passionnant, je suis trop trop contente !! Désolée, encore une pause !

Morgane : Mais ça me fait plaisir,  pas de soucis ! (rires)

Fanny (s’éloigne du micro) : et après je pense qu’on fera la dernière partie de l’épisode, mais c’est trop bien, c’est hyper intéressant !!

(rires)

Merci à Camille pour la transcription et à Elberen pour la relecture !

Merci à Clément Nouguier qui a réalisé ce magnifique générique !

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