Super Joute spécial Bretagne vs Normandie (Hors-série #4)
Épisode très spécial de Super Joute, plongez dans l’histoire normande et bretonne au Moyen Âge !
Dans cet épisode spécial du format Super Joute que nous enregistrons cet épisode dans le cadre de l’édition 2024 du festival Podrennes à Rennes, nous allons encore inaugurer une nouvelle façon de classer des personnages historiques, car vous allez entendre s’affronter la Bretagne et la Normandie.
Pour classer ces personnages historiques, 3 invité.e.s de grande qualité :
- Albert Leparc, bibliothécaire au Musée d’archéologie nationale de St Germain en Laye (j’ai arrêté de compter les épisodes auquel tu as déjà participé, le jouteur du milieu)
- Audrey Morvan, doctorante sur les filigranes en Bretagne à l’université de Brest
- Hugo Fresnel, docteur sur la violence dans les mondes normands médiévaux (911-1154) à l’université de Caen
Pour connaître le résultat, et savoir qui va remporter le Mont Saint Michel, écoutez l’épisode !
Sainte Opportune
Sainte du VIIIème siècle, Sainte Opportune a fait des miracles de son vivant et même après sa mort, particulièrement des guérisons. C’est à ce titre qu’elle est d’ailleurs surnommée la “thaumaturge de la Normandie”. Née vers 720, à Exmes, dans l’Orne, elle est issue d’une noble famille : en effet, son père est comte d’Exmes. Elle décide très jeune de vouer sa vie au Christ et rejoint d’abord un petit monastère, près d’Almenêches. Une fois son voile obtenu, des mains de son frère Godegrand, lui-même évêque de Sées, elle entre à l’abbaye de Notre-Dame d’Argentan où sa tante Lanthilde est abbesse.
À la mort de celle-ci, parce qu’elle est louée et reconnue pour son humilité, sa foi et sa grande bonté, Sainte Opportune est élue abbesse par ses sœurs moniales de l’abbaye. Elle s’éteint le 22 avril 770, à la suite du décès de son frère. Peu avant sa mort, sainte Cécile et sainte Lucie lui apparaissent en songes pour lui donner un message de la Vierge qui l’appelle à ses côtés.
On invoque sainte Opportune pour retrouver des objets perdus, protéger les jeunes gens partant en guerre ou guérir des maladies. Elle est considérée comme la patronne de la “bonne mort” et des causes désespérées. En 1970, 1 200 ans tout juste après sa mort, on lui découvre un nouveau charisme : les couples en désir d’enfant se mettent à prier Sainte Opportune pour obtenir des naissances tardant à s’annoncer.
Brutus de Bretagne (?-1125 av. J-C)
Roi romain légendaire, sa date de naissance reste inconnue et il serait mort en l’an 1125 avant notre ère. Sa famille se réfugie en Italie après la fin de la guerre de Troie. Romain par sa mère, du côté de son père, Brutus est l’arrière-petit-fils du troyen Énée.
Un jour, il tue son père d’une flèche destinée à un cerf. Ayant commis un parricide même malgré lui, il doit alors fuir l’Italie. Il passe d’abord par la Gaule, avant de traverser la Manche et de gagner la Bretagne (Grande-Bretagne actuelle).
C’est là qu’il fonde le royaume breton, sur l’île de Bretagne d’abord, puis sur le continent. Son royaume s’étend de Dumbarton jusqu’en Guérande avant, selon certains auteurs, de s’écrouler sous la menace saxonne, à la chute de l’Empire romain.
Guillaume le Conquérant (1027-1087)
Guillaume est le fils d’une concubine, nommée Arlette, et du roi Robert le Magnifique. Il réussit à conquérir l’Angleterre en 1066. Au cours de la bataille d’Hastings, il parvient à défaire le dernier roi saxon, Harold Godwinson, pourtant sacré au début de la même année. Cet épisode fameux de la conquête de l’Angleterre entreprise par Guillaume est représenté sur la tapisserie de Bayeux.
Victorieux, le Conquérant met en place un pouvoir fort et acquiert rapidement la réputation d’être un souverain sévère. Sur le plan administratif, il est à l’origine du Domesday Book, ce grand inventaire administratif sans équivalent à l’époque. Y sont recensés, de manière incomplète, les fiefs existants en Angleterre à ce moment-là, ainsi, entre autres, que le nom de leurs tenanciers et la valeur de chaque terre.
Guillaume le Conquérant est également un roi bâtisseur. C’est lui qui fait ériger la Tour de Londres, célèbre prison dont il est dit qu’on ne peut s’en évader une fois entré. De l’autre côté de la Manche, dans son duché de Normandie, il décide la construction de l’abbaye aux Hommes et du donjon du château de Caen. Enfin, il est connu aussi pour avoir été très fidèle à son épouse, Mathilde de Flandres.
Guillaume le Breton (1165 – 1225)
Originaire du Léon, il fréquente d’abord les écoles de Nantes, puis termine ses études à Paris où il devient prêtre. Avant d’entrer à la chapelle royale, il aurait travaillé dans un atelier de production d’hagiographies. On lui attribue d’ailleurs la rédaction de vies de saints locaux, pour le compte de la cour épiscopale de Léon, tâche à laquelle il se serait consacré jusqu’à la fin du XIIe siècle.
C’est au début du XIIIème siècle qu’il s’attire les faveurs du roi de France, Philippe Auguste. En effet, il fait preuve d’une formidable habileté pour régler le divorce du monarque d’avec Ingeburge de Danemark. C’est d’ailleurs à la suite de cette mission, en 1220, que Guillaume le Breton devient ainsi Chapelain et précepteur du fils du roi. Ses nouvelles fonctions à la Cour en font le témoin direct des événements du royaume de France. En narrant des épisodes fameux de l’histoire de France de son époque, il devient un chroniqueur incontournable de cette période. On lui doit notamment une chronique sur la bataille de Bouvines, dans laquelle il décrit aussi bien les mœurs des peuples ou la situation des lieux, que la forme des armes et des machines.
Guillaume le Maréchal
Chevalier du XIIIème siècle, réputé comme le meilleur chevalier du Moyen Âge, il est né en Angleterre dans une famille de la petite aristocratie anglo-normande. Il quitte son foyer vers 1158 pour être élevé par un cousin de sa mère, le baron Guillaume de Tancarville. C’est du reste à Tancarville qu’il est adoubé. Il participe alors à des tournois dans le nord de la France, tournois au cours desquels il semble se démarquer.
En 1168, il est présent pour défendre Aliénor d’Aquitaine lors d’une embuscade. Cela lui permet d’entrer à la cour d’Henri II Plantagenêt (1154-1189) et de devenir le précepteur du prince Henri le Jeune, vers 1170. En 1189, il épouse Isabelle de Clare, une des plus riches héritières du royaume d’Angleterre. Il devient ainsi comte de Pembroke, au pays de Galles, et obtient même des domaines en Irlande, ainsi que les seigneuries de Longueville et d’Orbec, en Normandie.
Aux côtés de Richard Coeur de Lion, Guillaume le Maréchal participe également à la troisième croisade entre 1189 et 1192. En 1204, lorsque la Normandie est conquise par le roi de France Philippe Auguste, il demeure fidèle au roi d’Angleterre, mais obtient le droit de conserver ses terres normandes. Il devient régent d’Angleterre en 1216, après la mort de Jean sans Terre (le dernier fils d’Henri II et d’Aliénor) et obtient la garde d’Henri III Plantagenêt, l’héritier du trône d’Angleterre. Guillaume le Maréchal meurt en 1219.
Jeanne de Montfort (1295-1374)
Dite “Jeanne la Flamme”, elle est la fille de Louis Ier de Flandre et de Jeanne de Rethel. Elle épouse Jean de Montfort en mars 1329. Son époux est l’un des deux prétendants à la succession du duché de Bretagne lorsque le duc Jean III meurt sans héritier mâle, le 30 avril 1341, et que le territoire se déchire sur la question de l’héritier légitime. Jeanne de Monfort devient elle-même duchesse consort jusqu’en septembre 1345.
Dans le contexte de cette guerre de succession de Bretagne qui dura 23 ans, jusqu’en 1364, le clan des Montfort s’oppose à celui des Valois, soutien de Jeanne de Penthièvre. L’époux de cette dernière, Charles de Valois, est le neveu du roi de France. Valois a d’ailleurs l’appui de ce dernier, qui voit dans le conflit breton un prétexte pour intégrer le duché, alors indépendant, à la Couronne de France. À l’inverse, Jean de Montfort et Jeanne soutiennent le roi d’Angleterre dans ses prétentions à la couronne de France.
C’est donc dans ce contexte de grande tension politique que Jeanne de Montfort joue un rôle important. Lorsque les troupes françaises s’emparent de la ville de Nantes, en novembre 1641, son époux est fait prisonnier. Alors qu’il est incarcéré au château du Louvre à Paris, elle prend la tête de ses troupes, avec le soutien du roi d’Angleterre. L’année suivante, elle conduit une attaque nocturne contre un campement français : avec l’appui d’un détachement de soldats, elle met le feu aux tentes.
Dès lors, elle poursuit ses attaques et obtient son surnom de “la Flamme” lorsqu’elle s’empare de la ville d’Hennebont. Outre les combats militaires, elle mène la lutte pour faire libérer son époux. Éprouvée par les rudes épreuves auxquelles elle est confrontée, il semble que Jeanne de Montfort sombre dans le désespoir, puis dans la folie. Jeanne de Montfort est alors assignée à résidence dans le château de Tickhill, dans le comté de York, où elle s’éteint en 1374, à l’âge de 79 ans.
Abbé Jollivet (Robert)
Abbé du Mont Saint-Michel pendant la guerre de Cent ans, entre 1410 et 1444, il fut également nommé capitaine du Mont par le roi de France, Charles VI, dit “le fou”. L’abbé Jollivet conserve une image de traître pour avoir été favorable au duc de Bourgogne, contre le roi Charles VI, dans ce long conflit entre la France et l’Angleterre.
D’origine normande, Robert Jollivet est d’abord moine au Mont en 1401, puis procureur chargé de gérer les prieurés qui en dépendent. Il devient ensuite le secrétaire et Chapelain de l’abbé Pierre le Roy, alors à la tête du Mont Saint-Michel. Lorsque ce dernier meurt, Robert Jollivet est désigné par le pape pour lui succéder, avant d’être élu par ses frères.
Anne de Bretagne (1477-1514)
Dernière duchesse de Bretagne, Anne est la fille du duc de Bretagne François II et devient duchesse de Bretagne à la mort de ce dernier. La révolte des seigneurs bretons en 1484 marque le début de la Guerre folle. Le conflit oppose deux factions. D’un côté, Anne de France, la fille de Louis XI, et régente du royaume de France au nom de son frère Charles VIII, l’héritier au trône ; de l’autre, une coalition de grands seigneurs féodaux, dont le père d’Anne, le duc de Bretagne François II, fait partie.
En 1488, la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier marque la défaite de l’armée bretonne face à la France et conduit à la signature du Traité du Verger. Entre autres, il accorde au roi de France un droit de regard sur le choix de l’époux d’Anne de Bretagne. La même année, son père le duc meurt, lui laissant le duché. Anne a alors 11 ans. La guerre reprend un an plus tard, pour finir définitivement en novembre 1491 avec la signature du Traité de Rennes. La paix est déclarée entre la France et le duché de Bretagne.
Anne épouse Charles VIII et, dans le même temps, cède à son époux tous ses droits sur son duché. C’est ainsi qu’Anne est couronnée reine de France une première fois. En 1498, le roi Charles VIII meurt. Devenue veuve à 21 ans et de retour dans son duché, Anne de Bretagne en profite pour asseoir son autorité avant de se remarier, en 1499, avec le nouveau roi de France, Louis XII. Le contrat de mariage préserve cette fois l’indépendance de la Bretagne et de son vivant, Anne dispose de la pleine et entière jouissance du duché. Le contrat prévoit également la pérennité d’une succession ducale, accordée à son deuxième enfant. En 1504, Anne est sacrée reine de France pour la seconde fois. Elle meurt début janvier 1514.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
-
Chaussy Yves (éd.), L’abbaye d’Almenèches-Argentan et sainte Opportune : sa vie et son culte, Paris, P. Lethielleux, 1970.
-
Bates David R., Guillaume le Conquérant, Paris, Flammarion, 2019.
-
Duby Georges, Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde, Paris, Fayard, 1984.
-
Fiasson David, « Un chien couché au pied du roi d’Angleterre ? Robert Jolivet, abbé du Mont Saint-Michel (1411-1444) », Annales de Normandie, no 64, vol. 2, 2014, p. 47-72.
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
Merci beaucoup à Alizée Rodriguez pour la rédaction de l’article !