Épisode 107 – Angélique et boire de l’eau en ville dans le sud-ouest au Moyen Âge
Comment l’eau potable est-elle consommée et transportée au Moyen Âge ?

Passion Médiévistes a posé ses micros à la médiathèque Amélie Galup, du village de Saint-Antonin-Noble-Val, au nord de Toulouse. Dans cet épisode enregistré en public, nous recevons Angélique Van De Luitgaarden, doctorante à l’Université Toulouse Jean Jaurès, pour échanger autour de l’eau. Sa thèse s’intitule : “Entre Atlantique et Méditerranée, modalités et stratégies adaptatives de l’approvisionnement en eau dans les villes médiévales et modernes du sud-ouest de la France”, qu’elle réalise sous la direction de Laurent Bruxelles et Florent Hautefeuille. Elle s’interroge sur la façon dont les communautés urbaines médiévales se sont organisées pour s’approvisionner en eau destinée à la consommation humaine, de façon pérenne. Abreuvez-vous de nouvelles théories et découvrez, avec Angélique Van De Luitgaarden, ce qui découle des recherches sur le sujet.
Les villes du sud-ouest au Moyen Âge
“Je suis archéologue, pas historienne : je peux donc travailler à la fois sur le Moyen Âge et l’époque moderne. Ça fait presque 1300 ans… juste.” [rires] – Angélique Van De Luitgaarden.

Angélique Van De Luitgaarden travaille à la fois sur le Moyen Âge et l’époque moderne, soit près de 1 300 ans d’histoire. Elle concentre ses recherches sur la Nouvelle Aquitaine et la région Occitanie, en comparant de nombreuses villes de différentes tailles, dont Toulouse et Bordeaux.
L’espace sur lequel Angélique Van De Luitgaarden base ses recherches s’étend sur un vaste territoire, qui est une véritable plaque tournante. Sans faire de généralités, ni tirer de conclusion, l’archéologue a observé des différences entre les villes et les villages, ce qu’elle explique notamment par leur taille.
Consommer de l’eau au Moyen Âge ?
“On buvait forcément de l’eau […] pour les mêmes raisons qu’aujourd’hui : la vaisselle, la soupe, le bain, l’artisanat, etc.” – Angélique Van De Luitgaarden.
Grâce à Angélique Van De Luitgaarden, vous comprenez qu’il est très difficile de chiffrer précisément la consommation d’eau au Moyen Âge. En effet, à la différence du vin, par exemple, dont les quantités apparaissent dans les livres de comptes, l’eau n’est pas un bien commercialisé. De plus, l’eau remplit de multiples fonctions. Outre la consommation d’eau potable, elle sert à l’artisanat (tannerie, poterie…), mais aussi à la toilette, ou encore à éteindre les feux.
“La meilleure eau est l’eau de pluie ; et la pire, l’eau de puits. À ne pas confondre.” – Angélique Van De Luitgaarden.

Comme vous l’entendez dans les épisodes Clichés du podcast, les idées reçues sur le Moyen Âge ont la vie dure. Or, comme l’avoue Angélique Van De Luitgaarden, il s’avère difficile de déconstruire avec certitude le mythe selon lequel “les médiévaux ne buvaient pas d’eau, ou peu”. Il semble toutefois évident que consommer de l’eau reste indispensable, même si les quantités restent difficiles à mesurer.
Si Angélique Van De Luitgaarden avoue sans mal que quantifier l’eau consommée pour boire est compliqué, voire impossible faute de sources écrites, l’archéologue insiste cependant sur un point, qui lui, est mis en évidence dans les sources : on connait au Moyen Âge les dangers de boire une eau insalubre. On sait aussi que transporter l’eau dans des tuyaux en plomb provoque le saturnisme, et ce, depuis l’Antiquité. Elle fait notamment référence au traité de Vitruve, intitulé De Architectura, dans lequel l’eau est décrite comme un facteur essentiel pour la santé et la construction.
Fouilles archéologiques vs sources textuelles pour l’eau
“On est souvent très bizarre en archéologie, je vous le dis tout de suite.” – Angélique Van De Luitgaarden.
Géoarchéologie, archéologie classique, histoire, Angélique Van De Luitgaarden associe plusieurs disciplines pour mener à bien ses recherches autour de la consommation et du transport de l’eau potable dans la zone qu’elle étudie. Aqueducs, puits, citernes, Angélique Van De Luitgaarden énumère les différentes infrastructures utilisées au Moyen Âge, et même dans l’Antiquité, pour transporter l’eau. Elle vous invite à visiter la région et décrit des types de fontaine aux quatre coins de son territoire d’étude. Dans ses recherches, elle se base d’ailleurs davantage sur l’archéologie que sur les sources textuelles. Aussi, elle peut affirmer qu’au Moyen Âge, l’eau potable provient principalement de sources souterraines, via des puits et des fontaines.

Communes, privées, si l’archéologie renseignent la recherche sur les principales infrastructures mises en place pour transporter l’eau, les registres notariés apportent quelques précisions sur la manière d’y accéder. Angélique Van De Luitgaarden précise d’ailleurs que l’eau est considérée comme un bien commun et qu’elle doit être accessible à l’ensemble de la population. Elle vous raconte quelques anecdotes sur le sujet, notamment des querelles de voisinage.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
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Alexandre-Bidon D., 1992, « Archéo-iconographie du puits au Moyen Âge (XIIe-XVIe siècle) », Mélanges de l’école française de Rome, 104, 2, p. 519‑543, [en ligne : www.persee.fr/doc/mefr_1123-
9883_1992_num_104_2_3256]. -
Bos T. et al., 2023, « L’eau dans la maison : puits domestiques recensés dans le Site patrimonial remarquable de Toulouse – premier bilan », Patrimoines du Sud, 17, [en ligne : https://journals-openedition-
org/pds/11126]. -
Dumas G. et Galano L., 2024, « Approvisionnement et gestion de l’eau à Montpellier au Moyen Âge (XIIIe-XVIe s.) », Memini. Travaux et documents, 30, [en ligne : https://journals-openedition-
org/memini/3042]. -
Gouédo-Thomas C., 1997, Usages de l’eau : dans la vie privée, au Moyen âge, à travers l’iconographie des manuscrits à peintures de l’Europe septentrionale, XIIIe-XVIe siècles, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion.
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Guillerme A., 1983, Les temps de l’eau : la cité, l’eau et les techniques. Nord de la France, fin IIIe-début XIXe siècle, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Milieux », 263 p.
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Lecoutre M., 2017, Le goût de l’ivresse : boire en France depuis le Moyen Âge, Ve-XXIe-siècle, Paris, Belin, coll. « Collection Histoire », 458 p, [en ligne : https://shs-cairn-info/le-
gout-de-l-ivresse– 9782701194998?lang=fr]. -
Levasseur A., 2017, « Droit, territoire et gouvernance des villes médiévales. Les communautés du puits et le bien commun aux XIIIe-XVIe siècles », Mémoires publiés par la fédération des sociétés historiques et archéologiques de Paris et l’Ile de France, 68, p. 127‑146, [en ligne : https://hal.parisnanterre.fr/
IDPS/hal-03163880v1]. -
Tardy C. et al., 2015, « La fouille de puits. Contraintes, protocoles et perspectives de recherche », Archéopages. Archéologie et société, 40, p. 156‑161 [en ligne : https://journals-openedition-
org/archeopages/647]. -
Van de Luitgaarden A., 2023, « Rationalisation et organisation de l’usage des eaux à Moissac (Tarn-et-Garonne) à la fin du Moyen Âge », dans L’eau dans les villes d’Europe au Moyen Âge (IVe-XVe siècle) : un vecteur de transformation de l’espace urbain, Tours, Supplément 84 à la Revue archéologique du Centre de la France, p. 107‑122 [en ligne : https://hal.science/hal-
04459137v1/].
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Kaamelott – Livre III épisode 74
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Clichés sur le Moyen Âge
- Épisode 17 – Lionel et l’écrit urbain médiéval
- Épisode 80 – Clémentine et les boulangers pâtissiers au Moyen Âge
- Passion Modernistes : Épisode 45 – Mathieu et l’alimentation au XVIIIème siècle
- Passion Modernistes : Épisode 2 – Antoni et l’art de la bière
Merci à Baptiste Mossiere pour le montage de cet épisode et à Alizée Rodriguez pour la rédaction de l’article ci-dessus !
