Super Joute Royale Modernistes #1 – Les rois du XVIème siècle (partie 1)
Qui sont les rois du XVIème siècle ? Quel bilan (im)partial tirer de leurs règnes ?
Après avoir classé les rois francs et français du Moyen Âge dans Passion Médiévistes, la Super Joute Royale fait sa Renaissance ! Autour de Fanny Cohen Moreau sont réunis Clara Germann, Garance Petit et Guillaume Bureaux, prêts à déterminer qui, de François Ier jusqu’à Louis XVI, a été le meilleur ou le plus boulet des rois de France du XVIe au XVIIIe siècle ! Le classement royal complet peut être consulté ici.
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Le contexte historique
Mais à quoi ressemble ce début de XVIe siècle ? A l’international, la guerre de Cent Ans est soldée, tandis que les Espagnes réunies s’imposent comme un nouveau rival irréductible, tirant richesse et prestige d’un essor colonial encore peu exploité en France. Côté culture, les choses sont également en mouvement. Les Thèses de Luther divisent l’Europe chrétienne, la pensée humaniste se propage parmi les élites, l’imprimerie déploie ses presses et leur rencontre annonce une imminente Réforme religieuse.
Pour sa part, le roi de France est un monarque puissant et riche. Il s’appuie sur des institutions modernisées, comme l’armée qui devenue permanente ou l’impôt qui est mieux encadré et rapporte beaucoup dans un pays qui rassemble un européen sur cinq ! Néanmoins, le premier XVIe siècle pose deux rois en fort contraste : d’abord François Ier, roi de guerre et de culture presque aussi connu que Louis XIV ; ensuite Henri II, surtout connu pour ses amours : Catherine de Médicis et Diane de Poitiers.
François Ier, le mama’s boy
Né le 12 septembre 1494, François Ier succède à Louis XII le 25 janvier 1515. Jeune et ambitieux, persuadé d’avoir un destin par ses astrologues, il se nourrit de littérature chevaleresque et participe à des tournois. Éduqué par sa mère Louise de Savoie, François Ier peut aussi compter sur le connétable Charles de Bourbon et d’autres conseillers loyaux qui maintiennent la continuité du gouvernement royal.
Roi touche-à-tout, familier de la culture italienne, il favorise l’essor de la Renaissance à la française, en devenant le mécène de nombreux artistes et scientifiques de renom, tel Léonard de Vinci jusqu’à sa mort en 1519 (“mais à son âge et avec la main droite paralysée, il a pas fait grand-chose…”) ou encore des imprimeurs comme Claude Garamont.
Mais avant tout, François Ier rêve de gloire. A peine couronné, il s’engage dans les Guerres d’Italie pour revendiquer le duché de Milan et le royaume de Naples. Vainqueur des Sforza et du pape Léon X à Marignan, en septembre 1515, la légende veut que François Ier ait été adoubé sur place par le célèbre chevalier Bayard – mais les historiens penchent plutôt pour Charles de Bourbon, dont le rôle aurait ensuite été effacé…
Car François Ier est aussi un grand communicant ! Son époque reste ainsi vue comme un temps de prospérité et de rayonnement culturel. En 1516, le roi négocie le Concordat de Bologne, actant l’autonomie de l’Église de France vis-à-vis du pape et la dominance de la Couronne sur les affaires intérieures du royaume. En 1537, François crée aussi le “dépôt légal”, ancêtre de la BNF, qui confie à l’État une copie de tout ouvrage imprimé en France : “alors merci François !” En 1539, l’édit de Villers-Cotteret établit le français en langue unique de l’administration.
Pourtant, le règne de François est aussi celui des déconvenues. Candidat au trône du Saint-Empire en 1519, il siphonne ses finances pour séduire les princes-électeurs, mais se retrouve vaincu par Charles Quint de Habsbourg, maître des Espagnes, des Pays-Bas et d’Autriche. En 1520, François veut négocier une alliance avec l’Angleterre : le sommet du Drap d’Or coûte une fortune, pour un bilan nul. Par ailleurs, le roi banalise la “vénalité des charges”, qui finance un peu la monarchie, mais permet un trafic de responsabilités administratives. “Ça va miner l’État jusqu’à la Révolution !”
En 1524, c’est la débandade : Charles de Bourbon trahit pour une affaire d’héritage. Dans une nouvelle guerre d’Italie, François est capturé à Pavie après un choix tactique calamiteux ! Il doit vider ses caisses pour payer sa rançon, céder des terres, et donner ses fils en otages… puis renie sa parole ! Le conflit prend fin avec la Paix des Dames en 1529, signée entre Louise de Savoie et Marguerite d’Autriche.
Face à l’étau austro-espagnol, le Roi Très Chrétien forme alliance avec l’ottoman Soliman le Magnifique. Puis, en 1535, la mort du duc de Milan relance une énième guerre d’Italie, avant que le pape Paul III n’exige une alliance contre le “péril protestant”. En effet, dans le sillage des humanistes et de Martin Luther, le protestantisme émerge dans les années 1520 et 1530. Cela justifie des répressions brutales pour restaurer une autorité royale que François considère menacée. Dépensier et orgueilleux, mais aussi grand mécène et réformateur, François Ier meurt en 1547, à 52 ans, victime des fièvres provoquées par une fistule.
Henri II, qui met fin aux tournois (de façon bête)
Né le 31 mars 1519, Henri II paye les décisions de son père François Ier en étant otage à Madrid de 1526 à 1530. Devenu dauphin et duc de Bretagne à la mort de son frère aîné, il est mis sous tutelle par François Ier. “On retire des points pour père indigne, clairement.”
Couronné le 31 mars 1547, Henri II mène un grand ménage à la cour pour imposer ses soutiens ! Dans la foulée, il institue quatre secrétaires d’Etat chargés de la correspondance, des finances et des armées : des postes qui préfigurent une administration ministérielle permanente. Il institue aussi les présidiaux, tribunaux intermédiaires réglant la justice du quotidien. A la fin du règne, Henri II engage une réforme des poids et mesures pour harmoniser échanges et productions à l’échelle du royaume.
En revanche, Henri II poursuit la politique internationale de ses prédécesseurs. Il soutient l’Écosse contre l’Angleterre puis récupère Boulogne et Calais. Sur le continent, il soutient les princes protestants et obtient les évêchés de Toul, Verdun et Metz. En Italie, il prend Sienne aux espagnols, mais doit se retirer de Toscane en 1554.
Avec la Paix d’Augsbourg, l’empereur germanique Ferdinand fait la paix avec les protestants en 1555, ce qui brise les alliances françaises. Vaincu par l’Angleterre d’Elizabeth et l’Espagne de Philippe II, Henri II doit signer le traité de Cateau-Cambrésis en 1559 : il abandonne les prétentions italiennes et accepte des mariages politiques pour assurer la paix. C’est (“enfin !”) la fin des Guerres d’Italie !
Et les mariages politiques, Henri II connaît bien : adolescent, il a épousé Catherine de Médicis. Nièce de pape issue d’une riche famille florentine, elle parle mal français à son arrivée, mais démontre un esprit vif qui lui gagne l’affection de François Ier et la confiance de son époux. Celui-ci, bien qu’ayant pour maîtresse Diane de Poitiers, mène ses affaires discrètement. “Ça permet à Catherine d’asseoir son statut”. Car oui : Henri roi, la voilà reine ! Il faut alors produire un héritier. Il met dix ans à arriver, mais est suivi de neuf frères et sœurs. Une stérilité supposée de Catherine étant écartée, c’est Henri II qui est opéré pour faciliter les choses.
Pour préserver des finances exsangues et s’imposer contre le Pape, le roi interdit les transferts financiers du Clergé vers Rome, tout en rejetant le retour de l’Inquisition dans le Royaume. Cela n’empêche pas la répression des protestants, qui entraîne le pays vers les Guerres de Religion.
Finalement, Henri II meurt d’un accident bête : lors d’une joute pour célébrer les mariages de Cateau-Cambrésis, la lance de son capitaine Montgommery se brise et un éclat se plante dans son œil. Malgré les efforts des médecins, notamment Ambroise Paré, le roi s’éteint après dix jours de souffrance, le 10 juillet 1559. Son trépas prématuré laisse le royaume financièrement, politiquement et religieusement instable, avec son héritier François II sous la régence de Catherine de Médicis. “On peut donc dire qu’Henri II est mort… dans une Super Joute Royale !” (merci Clara pour ce bon mot).
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
-
Arlette Jouanna, La France du XVIe siècle, 1483-1598, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, 720p.
- Didier Le Fur, François Ier, Paris, Perrin, 2015, 1016p.
- Jonathan Dewald, Europe, 1450 to 1789: Encyclopedia of the Early Modern World, ed. New York, NY: Charles Scribner’s Sons, 2004. 3232 pp. 6 vols. (notamment les articles sur François Ier, Henri II, Charles Quint, Philippe II, les guerres d’Italie, les finances en France (vénalité des offices etc.), l’Humanisme)
- Mathilde Moulin, Les rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris sous Louis XIV, In: Histoire, économie et société, 1998, 17ᵉ année, n°4. Paris, sous la direction de Scarlett Beauvalet. pp. 623-648. (on y trouve tout un historique sur les rentes sur l’hôtel de ville au XVIe siècle et leur fonctionnement)
- Philippe Hamon, Les Renaissances 1453-1559, Paris, Belin, 2009, 619p.
- Philippe Hamon, « Les dettes du roi de France (fin du Moyen Âge-XVIe siècle) : une dette “publique” ? », La dette publique dans l’histoire, édité par Jean Andreau et al., Institut de la gestion publique et du développement économique, 2006, https://doi.org/10.4000/books.igpde.1820.
- Rémi Jimenes, Claude Garamond, typographe de l’humanisme, Paris, Éditions des Cendres, 2023, 288p.
- Stanis Perez, Le Corps du roi, Paris, Perrin, 2022, 569p. (pp 164-165 pour la malformation génitale d’Henri II et ses soucis pour procréer)
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Merci à Guilhem Jean pour la rédaction de l’article qui accompagne cet épisode !