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Épisode 44 – Mecthilde et les peintres florentins au XIVème siècle

Comment créaient les peintres florentins au XIVème siècle ?

Mecthilde Airiau au micro Passion Médiévistes
Mecthilde Airiau au micro de Passion Médiévistes

Depuis 2017, Mecthilde Airiau prépare une thèse d’histoire de l’art sur le sujet « Les mots et les usages de la couleur chez les peintres du Trecento florentin » sous la direction de Philippe Lorentz (Sorbonne-Université, UMR 8150 Centre Chastel). Dans ses recherches elle essaye de comprendre ce qui a pu amener les peintres florentins à choisir telle ou telle couleur pour leur tableau.

Elle étudie la couleur telle qu’elle pouvait être pensée et vécue au XIVème siècle à Florence dans l’ensemble de ses utilisations et de ses paramètres. Elle considère donc la couleur dans ses dimensions physique, matérielle, symbolique, théologique, philosophique, sociale et plastique.

Un contexte historique compliqué

Au XIVème, Florence connaît beaucoup de bouleversements politiques, avec des révoltes notamment celle des Ciompi des ouvriers du textile. En 1348 la peste noire touche l’Europe, et la ville perd la moitié de sa population en très peu de temps.

Le Trecento (à laquelle succédera le Quattrocento) est une période artistique influencée par l’art byzantin mais avec plus de mouvement dans la peinture. Dans sa thèse, Mecthilde Airiau travaille sur beaucoup de peintres, comme Giotto di Bondone, qui a introduit la narration dans sa peinture et les peintres après lui comme Bernardo Daddi suivront son influence, avec plus ou moins de succès et de qualité selon les peintres.

Couronnement de la Vierge de Jacopo di Cione conservé à la National Gallery de Londres et datant de 1370-1371
Couronnement de la Vierge de Jacopo di Cione datée de 1370-1371, conservé à la National Gallery de Londres
Une image de lapis lazuli non broyé, en cours de broyage et en poudre.
Lapis lazuli non broyé, en cours de broyage et en poudre.

L’utilisation de la couleur dans la peinture florentine

La couleur est en effet un phénomène complexe dont l’étude se situe au croisement de nombreux domaines. Le nom même de « couleur » revêt plusieurs sens : la couleur, c’est la matière de la peinture mais aussi celle qui qualifie les objets et leur ajoute une valeur symbolique. Dans un sens plus essentiel, la couleur est au cœur de débats philosophiques et théologiques au Moyen Âge, débats qu’il me faut comprendre et expliquer.

La couleur participe en effet pleinement de la construction d’une image, ce qui est souvent oublié ; elle distingue les objets tant sur le plan visuel que significatif et elle créé des chemins visuels qui sont plus difficiles à déterminer car moins évidents à l’œil. À cela s’ajoute que la couleur est significative et sa mise en œuvre ne résulte pas seulement de considérations visuelles, mais également d’un certain nombre de discours à son sujet, très nombreux sur la période médiévale, notamment de la part des religieux.

Mecthilde Airiau s’est par exemple beaucoup intéressée à la couleur rouge. Son utilisation pour les vêtements dans la société florentine était limitée par les lois somptuaires à une certaine partie de la population. Le colorant utilisé pour les teintures étant très cher, l’utilisation du rouge permettait de marquer le rang social.

Le bleu apparaît progressivement dans les tableaux et sur le manteau de la Vierge au XIVème siècle, mais c’est aussi une couleur très chère. Deux pigments d’origine minérale permettent de l’obtenir, dont le lapis lazuli, qui ne vient à l’époque que d’une seule mine d’Afghanistan.

Annonciation de Lorenzo Monaco conservée à la Galerie des Offices de Florence de 1410-1415
L’Adoration des mages de Lorenzo Monaco conservée à la Galerie des Offices de Florence de 1410-1415
crucifix de Bernardo Daddi conservé à Milan au Musée Poldi Pezzoli, de 1335 - 1340
crucifix de Bernardo Daddi conservé à Milan au Musée Poldi Pezzoli, de 1335 – 1340

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, Mecthilde vous conseille de lire :

  • Ball Philip, Histoire vivante des couleurs :  5000 ans de peinture racontée par les pigments, traduit par Jacques Bonnet, Paris : Hazan, 2010.
  • Borsook Eve et Superbi Gioffredi Fiorella (dirs.), Italian altarpieces 1250-1550: function and design, Oxford, Royaume-Uni : Clarendon press, 1994.
  • Dubois Danièle et Grinevald Colette, « Pratiques de la couleur et dénominations », Faits de langues, vol. 7, no 14, 1999, p. 11‑25.
  • Kirby Jo, Nash Susie et Cannon Joanna (dirs.), Trade in artists’ materials :  markets and commerce in Europe to 1700, London : Archetype publications, 2010.
  • Meiss Millard, La peinture à Florence et à Sienne après la peste noire :  les arts, la religion, la société au milieu du XIV siècle, traduit par Dominique Le Bourg, Paris : Hazan, 1994.
  • Mollard-Desfour Annie, « Les mots des couleurs: des passages entre langues et cultures », Synergies Italie, no 4, 2008, p. 23‑32.
  • Sciacca Christine, (dir.), Florence at the dawn of the Renaissance: painting and illumination ; 1300 – 1350 Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2012.

Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :

Visuel de l'épisode 44 par Uvaat
Visuel de l’épisode 44 par Uvaat

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