Épisode 21 – Félix et la police à Caen pendant la Révolution
Comment travaille la police à Caen pendant la Révolution ?
Félix Brêteau est l’invité de cet épisode de Passion Modernistes, et il fait une thèse sur le sujet « Enquêter en ville pendant la Révolution française : les enquêtes de police judiciaire à Caen pendant la Révolution française (1789-1799)« . Il est doctorant en histoire moderne à l’Université de Caen-Normandie, sous la direction de Anne De Mathan et de Thomas Hippler.
Dans cet épisode nous parlons de comment la police se restructure pendant la Révolution, dans le cadre de la ville de Caen.
Une police changée par la Révolution française
Avec la Révolution française, les législateurs, au travers du Code de 1791 puis du Code des délits et des peines, séparent la justice civile et pénale, ainsi que la police administrative « qui tend principalement à prévenir les délits » (article 19) et la police judiciaire, qui « recherche les délits que la Police administrative n’a pu empêcher de commettre, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux chargés par la loi de les punir. » (article 20).
Les enquêtes de police judiciaire poursuivent et classifient les actes délictueux qui sont répartis dans les tribunaux pénaux, que sont le tribunal criminel, le tribunal correctionnel et le tribunal de simple police. Si la « police » désigne étymologiquement la bonne gestion de la cité, son acception évolue sous l’impulsion révolutionnaire pour devenir ce que nous connaissons aujourd’hui : une force publique.
La police à Caen
Dans cet épisode, Félix Brêteau vous plonge à Caen pendant la Révolution française. Mais une « ville » à la fin du XVIIIe siècle n’est pas la même chose qu’aujourd’hui. Caen est alors traversée de cours d’eau, où les habitants ont leurs animaux, leurs jardins et leurs cultures, ce qui nuance le cloisonnement urbain/rural.
Ensuite, cette ville est quadrillée par l’État au travers de nouveaux découpages administratifs et policiers. Ils servent de cadre d’intervention et de référentiel aux enquêteurs. Ces derniers, officiers de police judiciaire, sont des juges de paix, des commissaires de police ou des officiers de gendarmerie, mais s’associent parfois l’armée, le monde de la médecine ou parfois de simples citoyens. Les policiers pratiquent donc la ville, ont leurs bureaux, leurs espaces circulatoires pour patrouiller, faire des arrestations ou enfermer les suspects.
Une sociologie de la police
Cette société urbaine du XVIIIe siècle, souvent qualifiée de « société du face à face » par la sociologie, est une société de l’interconnaissance, de dons et contre-dons. L’État y est vu comme un acteur intrusif et illégitime. Chaque quartier a ses solidarités, ses codes, ses activités dans lesquels la police tente de s’introduire. Si l’État moderne se construit, il se doit d’avoir le « monopole de la violence légitime », ce qui est loin d’être une réalité effective.
Par un découpage policier fin de la ville et un enracinement local des acteurs de police, l’État s’ingère progressivement dans les capacités d’auto-régulation locales et les en dépossède petit à petit. Mais les communautés ne sont pas passives. Elles connaissent leurs droits, savent manipuler à leur profit la police, leur fermer la porte au nez ou les solliciter en qualité de juges pour arranger un conflit.
Et dans le reste de l’épisode…
Et dans cet épisode, Félix Brêteau raconte quelques affaires à partir de son travail aux archives qui donnent un aperçu de la vie à Caen à la période révolutionnaire. Il vous donne aussi un aperçu de son quotidien de doctorant dans une période compliquée où l’accès aux archives est difficile.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- Vincent Milliot et al., Histoire des polices en France, Des guerres de Religion à nos jours, Paris, France, Belin : Humensis, 2020, 679 p ;
- Vincent Milliot, « Histoire des polices : l’ouverture d’un moment historiographique », Revue d’histoire moderne contemporaine, 1 juin 2007, n° 54-2, no 2, p. 162‑177 ;
- Gabriel Désert, Histoire de Caen, Toulouse, Privat, 1981, 345 p.
- Robert Patry, Une ville de province, Caen pendant la Révolution de 1789, Condé-sur-Noireau, Charles Corlet, 1983, 532 p.
- Jean-Noël Luc, Dominique Kalifa et Jean-Claude Farcy, L’enquête judiciaire en Europe au XIXe siècle, Acteurs, imaginaires, pratiques, Paris, France, Creaphis, 2007, 385 p.
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Beethoven : Ouverture des « Créatures de Promethée » sous la direction de Daniele Gatti (pour en savoir plus Beethoven et la Révolution)
- Apollon Musagète Quartett, François-Joseph Gossec – String Quartet in A major Op.15 No.6
- The Clash – Know Your Rights
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Épisode 4 – Caen pendant les guerres de religion
- Épisode 8 – Thomas et les nobles jeux des bourgeois
Ce très beau générique a été réalisé par Julien Baldacchino (des podcasts Stockholm Sardou, Radio Michel, Bulle d’art…) et par Clément Nouguier (du podcast Au Sommaire Ce Soir).