La série RencontresPassion Médiévistes Les épisodes retranscrits

Rencontres #17 – Le chanteur et guide Grégoire Ichou

Découvrez les visites chantées de Grégoire Ichou !

Grégoire Ichou (par Fanny Cohen Moreau)
Grégoire Ichou (photo par Fanny Cohen Moreau)

Dans le format Rencontres de ce podcast, je vous propose des interviews de personnes qui par leur métier propagent le goût pour le Moyen Âge. Dans cet épisode, Grégoire Ichou vous raconte son parcours de chanteur et de guide, ses différentes formations académiques et universitaires, et du concept de ses visites chantées.

Dans les prochains mois après la publication de cet épisode, Grégoire Ichou va proposer des visites chantées au Musée de Cluny (le musée du Moyen Âge à Paris) du 1 mars 2023 au 16 avril 2023, ainsi qu’à la basilique Saint Denis à l’automne 2023. Et pour toutes les informations sur les visites chantées n’hésitez pas à visiter son site gregoireichou.com.

Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :

Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :

Transcription de l’interview de Grégoire Ichou (cliquez pour dérouler)

[Générique]

Fanny Cohen Moreau : Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Passion Médiévistes. Je m’appelle Fanny Cohen Moreau et aujourd’hui vous allez écouter un épisode du format Rencontres. C’est un format où je vous propose de vous faire découvrir des personnes qui propagent le gout pour le Moyen Âge par leur métier ou par leur activité. Et aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir dans ce format : Grégoire Ichou. Bonjour Grégoire.

Grégoire Ichou : Bonjour.

Fanny Cohen Moreau : Alors Grégoire, je te reçois parce que dans les semaines qui vont suivre la publication de cet épisode, tu vas proposer des visites chantées au musée de Cluny. Donc le musée du Moyen Âge à Paris. Ce sera du 1ᵉʳ mars 2023 au 16 avril 2023. Et oui, auditeur, auditrice vous avez bien entendu des visites chantées parce que mon invité, face à moi, est effectivement guide-conférencier comme une de mes précédentes invitées, Marie Armentia, dans la Rencontre #12. Mais il est aussi chanteur comme une de mes autres invitées, Brigitte Lesne, dans la Rencontre #14. Donc avec toi, effectivement, Grégoire on parlait de ce concept, des visites chantées, de ton gout pour l’histoire et de comment, par ton métier, tu propages ce gout. Alors vraiment, déjà, première question Grégoire, qu’est-ce qui est arrivé d’abord dans ta vie ? Est-ce que c’est le côté guide ou le côté chanteur ?

Grégoire Ichou : Alors c’est assez clairement le côté chanteur. J’ai commencé à chanter au conservatoire à partir de mon année de sixième…

Fanny Cohen Moreau : Ah ouai !

Grégoire Ichou : … à dix ans, d’abord dans un chœur d’enfants au conservatoire du XIIIᵉ arrondissement de Paris et progressivement, à partir de l’adolescence, après la mue, progressivement, un travail de soliste, toujours au conservatoire.

Fanny Cohen Moreau : Et ta voix, elle a beaucoup changé avec la mue ? J’avoue que je ne sais pas du tout comment ça fonctionne.

Grégoire Ichou : Alors je suis passé de soprano – c’est-à-dire la voix la plus aigüe qui correspond aux voix de femmes aigües. De toute façon, les voix d’enfants correspondent plus ou moins aux catégories vocales des voix de femmes (soprano, mezzo, alto) – à ténor, c’est-à-dire la voix d’homme la plus aigüe en voix de poitrine, c’est-à-dire le mécanisme vocal qui est le même que celui de la voix parlée pour les hommes.

Fanny Cohen Moreau : Et donc, après ta mue, tu as continué à travailler comme ténor. Comment ça se passe un parcours pour travailler ta voix de ténor ? Parce que tu l’avais, tu avais juste à travailler dessus.

Grégoire Ichou : Déjà, je te remercie de me poser la question comme ça, parce que beaucoup de personnes pensent que devenir ténor, ça veut dire quelque chose comme si ou presque on essaie ténor ou quelque chose comme ça. En fait, ténor, comme baryton, comme basse, ce sont des catégories vocales, c’est-à-dire, la hauteur moyenne de la voix, on va dire. Ça correspond entre autres à la taille des cordes vocales, pour les voix d’hommes en l’occurrence, et tout le monde, même les gens qui ne chantent pas professionnellement. Tout le monde est plus ou moins ténor, baryton ou basse, c’est-à-dire qu’on est plus ou moins dans une ou l’autre des catégories. Je le dis plus ou moins parce que ce sont des catégories qui sont, de fait, artificielles, c’est-à-dire culturelles. Personne ne colle précisément à une de ces catégories vocales. On est tous entre ténor et baryton, ou entre baryton et basse, parce qu’il y a toute une infinité de tailles de cordes vocales par exemple, et il n’y a pas trois tailles de cordes vocales. Comme il y aurait trois catégories vocales pour les voix d’homme.

Fanny Cohen Moreau : Et parce que tu ne chantes pas que tout de suite aigu, tu peux chanter un peu grave, puis jusqu’au plus aigu.

Grégoire Ichou : Tout à fait. Il y a des voix plus ou moins larges, il y a des chanteurs et des chanteuses qui ont des tessitures plus ou moins amples, c’est-à-dire qui peuvent chanter des notes très graves et des notes très aigües, ou bien des tessitures un peu plus restreintes, ça ne dit en rien la qualité de leur voix par ailleurs. Et donc, pour répondre à ta question, comment est-ce qu’on travaille sa voix de ténor ? Alors on la travaille comme toutes les autres voix en prenant des cours de chant. Pour ce qui est de mon parcours, j’ai étudié dans plusieurs conservatoires. Au conservatoire, on l’appelle maintenant le Conservatoire à rayonnement régional de Paris au sein du Jeune chœur de Paris, qui, contrairement à ce que son nom indique, il ne s’appelle plus comme ça d’ailleurs, je crois, n’est pas seulement un chœur, mais toute une formation pour jeunes chanteurs avec des cours de technique vocale, mais aussi des cours de théâtre parlé, chanté, des cours de langue appliquée au chant, des cours de formation musicale, c’est-à-dire de solfège et beaucoup d’autres cours qui permettent de développer toutes les capacités qu’on demande à un chanteur ou à une chanteuse professionnelle.

Fanny Cohen Moreau : Oui j’avais pas pensé aux cours de langue parce que oui, forcément, tu dois chanter parfois en allemand, en italien, donc il faut quand même un petit peu maitriser ces langues-là, au moins pour savoir les prononcer, j’imagine.

Grégoire Ichou : Voilà, c’est ça. Il se trouve que moi, je suis par ailleurs passionné par les langues étrangères et que j’ai eu la chance de vivre dans plusieurs pays à l’étranger et donc de manier plus ou moins bien plusieurs langues étrangères. Mais de toute façon, un bon chanteur lyrique ou une bonne chanteuse lyrique doit au minimum savoir prononcer les langues et bien sûr savoir ce qu’il ou elle est en train de dire, même si ce ne sont pas des langues qu’il ou elle parle dans la vie.

Fanny Cohen Moreau : D’ailleurs, je propose qu’on écoute un petit extrait de toi en train de chanter.

Grégoire Ichou : [CHANT : Faure – Les Berceaux par Grégoire Ichou]

Fanny Cohen Moreau : Bon, là on a entendu ta voix, donc une fois que tu as fait le conservatoire en fait, est-ce qu’il y a un moment où tu te dis je peux en faire totalement mon métier ?

Grégoire Ichou : En fait, dès que j’ai commencé le chant, même en sixième au conservatoire, dans le chœur d’enfant, je savais déjà que je voulais en faire mon métier à vrai dire. Donc ça n’est pas quelque chose qui est arrivé dans un second temps.

Fanny Cohen Moreau : Je te dis ça aussi parce que dans le sens tu aurais pu te dire bon bah ça m’amuse si je peux en faire un hobby, mais pas forcément en faire mon métier. C’est ça ma question aussi.

Grégoire Ichou : Bien sûr, mais il se trouve que pour moi ça avait une importance très grande dès le début, quelque chose de très intime, de très fort et c’était de toute façon quelque chose qui allait être au cœur de ma vie. Et je l’ai su et je l’ai voulu dès le début, et j’ai seulement travaillé beaucoup pour que ça arrive dans la réalité.

Fanny Cohen Moreau : Et on t’a dit oui, tu peux en faire ton métier en fait, ou tu n’as pas besoin que les autres te le disent pour le faire.

Grégoire Ichou : Alors pour être tout à fait franc, je pense que j’ai aussi beaucoup aimé chanter dès le début parce qu’on me faisait des compliments. Je pense que, enfin en tout cas, l’enfant que j’étais a été très touché et influencé par les compliments que j’ai pu recevoir et en particulier de ma prof de musique en CM2.

Fanny Cohen Moreau : Tu te rappelles de son nom ?

Grégoire Ichou : Oui, Isabelle, que j’ai revue très récemment d’ailleurs, qui m’a fait mes premiers compliments sur ma voix d’une certaine manière. Et je sais que ça a évidemment influencé mon parcours par la suite.

Fanny Cohen Moreau : Tu avais donc ce parcours de chanteur et à côté, raconte-nous comment est-ce que tu es devenu guide-conférencier, d’où est-ce que t’est venue ta passion pour l’histoire ?

Grégoire Ichou : Alors ma passion pour l’histoire est venue progressivement. Oh, j’ai toujours été intéressé par l’histoire, même à l’école, au collège ou au lycée. Mais c’est surtout à partir de l’université. Ma licence de musicologie à la Sorbonne.

Fanny Cohen Moreau : Oui, t’as fait donc des études liées à ton… à ce que tu faisais déjà à côté ?

Grégoire Ichou : Tout à fait en parallèle du conservatoire, voire des conservatoires, parce que j’ai été parfois dans plusieurs conservatoires en même temps. J’ai étudié la musicologie à la Sorbonne et j’ai adoré les cours d’histoire de la musique. Ça m’a vraiment passionné. Il se trouve que j’étais plutôt bon dans le domaine. Ça m’a tellement passionné que j’apprenais facilement que je lisais beaucoup de choses. Et j’ai choisi aussi le parcours, une sorte de spécialisation ou d’option dans laquelle j’étudiais l’histoire de l’art, donc des arts visuels et de la littérature, en parallèle de mes cours d’histoire de la musique sur les mêmes périodes. C’est-à-dire que j’étudiais par exemple la littérature et les arts visuels du Moyen Âge pendant que j’étudiais en amphi, en cours d’histoire de la musique, la musique du Moyen Âge. Et ça, évidemment, ça a aussi beaucoup influencé la suite de mon parcours.

Fanny Cohen Moreau : Mais tu devais avoir des emplois du temps très chargés en fait à l’époque ? (rires)

Grégoire Ichou : Disons que. Mais comme beaucoup d’étudiants en musicologie, on est presque exclusivement des personnes qui ont au moins deux formations en parallèle, c’est-à-dire le conservatoire et la fac, ou en tout cas un instrument ou une pratique musicale et une pratique plus théorique à la fac.

Fanny Cohen Moreau : Toi, tu joues d’un instrument ou pas du tout ?

Grégoire Ichou : Alors j’ai joué plusieurs années de la clarinette. J’ai un rapport un peu (rires de Fanny Cohen Moreau) ambivalent à la clarinette parce que j’ai commencé quand j’ai commencé à muer. Et pendant ma mue, j’ai complètement arrêté de chanter parce qu’on m’avait conseillé de ne pas chanter.

Fanny Cohen Moreau : C’était à quel âge environ ?

Grégoire Ichou : Alors j’ai mué très jeune, j’ai commencé à muer à onze ans et pendant deux ans, je n’étais plus au conservatoire pour le chant et j’étais extrêmement frustré de ne pas pouvoir chanter parce que moi c’était déjà décidé, comme je l’ai dit. (rires de Fanny Cohen Moreau) J’allais devenir chanteur et c’était une grande frustration. J’ai fait de la clarinette pour remplacer provisoirement, même si en fait après j’ai continué à la clarinette pendant des années et donc j’ai un grand attachement pour cet instrument. Ça reste pour moi le plus bel instrument à vent, mais qui est teinté un peu de la frustration que j’ai pu ressentir pendant ces années.

Fanny Cohen Moreau : Je comprends effectivement. Alors si on revient à tes études, donc tu fais ces études de musicologie, d’histoire et donc à quel moment tu te dis : je vais aller plus loin et devenir guide-conférencier.

Grégoire Ichou : Justement en me rendant compte de l’intérêt que j’avais pour les cours d’histoire de la musique et les cours d’histoire de l’art, j’ai eu envie d’aller plus loin et je m’apercevais aussi de l’intérêt que je pouvais avoir pour le fait de transmettre des connaissances ou un gout pour la musique ou les arts visuels, de parler de tout ça et peut être une petite frustration que j’imaginais dans mon futur potentiel de ténor traditionnel entre guillemets, de ténor uniquement ténor, c’est-à-dire une frustration culturelle ou intellectuelle d’un rapport à l’histoire de la musique ou à l’histoire de l’art qui peut-être allait me manquer. Et finalement, assez logiquement pour moi, peut être aussi pour me trouver une sorte de plan B si ma carrière de chanteur ne fonctionnait pas ou pas suffisamment.

Fanny Cohen Moreau : Ou si tu avais un problème. J’imagine que ça doit être une peur que tous les chanteurs doivent avoir. Si un jour il y a un problème avec la voix.

Grégoire Ichou : C’est sûr qu’on a un rapport assez compliqué avec notre voix. Dès qu’on est un tout petit peu malade, c’est la fin du monde. Enfin, on apprend à travailler avec ça mais… (rires) Et donc oui, la crainte de perdre sa voix, c’est forcément présent. Bref, pour tous ces arguments d’ordre assez divers, il m’est venu l’idée de… de faire une licence professionnelle de guide-conférencier qui regroupe des cours d’histoire, des cours de langues, des cours d’histoire de l’art et d’autres cours dont j’ai oublié les intitulés qui permettent ensuite, une fois qu’on valide cette licence professionnelle, d’obtenir la carte de guide-conférencier qui nous autorise à guider dans les musées et monuments de France.

Fanny Cohen Moreau : Et là, est-ce que tu as travaillé directement ou est-ce que tu as fait encore d’autres choses avant ?

Grégoire Ichou : Après l’obtention de cette carte de guide-conférencier, je suis parti deux ans à l’étranger pour parfaire ou progresser dans différentes langues. Parce qu’en fait je suis allé dans quatre pays différents pendant six mois.

Fanny Cohen Moreau : Mais attends, désolé mais parce que c’est peut-être une question que se posent les gens. Tu faisais comment financièrement ?

Grégoire Ichou : Alors, très bonne question. Un peu d’économie. Ensuite, j’ai eu la chance que mes parents continuent à m’aider un peu et j’ai travaillé un peu. J’ai fait quelques concerts. Surtout l’année qui a précédé, j’ai donné pas mal de cours de chant. J’adore donner des cours de chant. En ce moment, je n’ai pas le temps et ça me frustre mais… Et donc j’avais un peu d’économies. C’était pas l’eldorado financièrement pendant ces deux années, je te le cache pas, mais ça m’a permis à la fois de progresser en anglais, en espagnol, en italien et en allemand et de mieux connaitre les répertoires vocaux, musicaux des différents pays en travaillant dans chaque pays avec des spécialistes, des connaisseurs de chaque répertoire vraiment sur place, immergés dans la langue et dans la culture. J’ai pu faire des concerts en Italie, en Espagne, en Autriche. Ça a été vraiment une expérience très enrichissante et au retour de ces deux années, j’étais encore en quête d’une certaine légitimité en termes de diplôme, je ne sais pas. Je n’osais pas être dans la posture du guide-conférencier.

Fanny Cohen Moreau : Alors que tu avais toutes les cartes en main, normalement ?

Grégoire Ichou : Officiellement, oui, psychologiquement, non. C’est-à-dire que j’avais besoin d’avoir encore plus de connaissances en histoire de l’art. Avoir fait peut-être de la recherche, d’avoir aussi plus de connaissances en médiation. Parce que c’est une chose d’avoir des connaissances, mais c’est autre chose d’en faire quelque chose et de pouvoir soit les partager, soit les transmettre. En tout cas, avoir un discours dessus auprès de différents publics. Et donc, après ces deux années, j’ai fait un master 1 de recherche en histoire de l’art à Paris 1 – la Sorbonne.

Fanny Cohen Moreau : C’était quoi le sujet de tes recherches ?

Grégoire Ichou : Alors tu vas rigoler. C’était un sujet très précis parce que mon directeur de recherche. Je voulais absolument que mon corpus soit exhaustif. Or, pour avoir un corpus d’œuvres exhaustif en seulement une année de recherche, il faut absolument que le sujet soit très resserré, sinon ça ne fonctionne pas. Et c’était donc les portraits des chanteuses de l’opéra et de la comédie italienne dans le troisième quart du XVIIIᵉ siècle.

(rires partagés)

Fanny Cohen Moreau : Ah ouais, j’en ai vu des sujets précis, mais alors là, effectivement.

Grégoire Ichou : Mais ça m’a passionné. C’était à l’intersection de mon intérêt pour l’histoire de l’art, pour l’histoire de la musique et aussi pour les questions de genre, puisque c’était spécifiquement les portraits de chanteuses et que ça pose un certain nombre de questions spécifiques par rapport aux portraits de chanteurs. Et il se trouve que c’était en plus un corpus de portraits qui avait été très peu, voire pas étudié par des historiens et des historiens de l’art auparavant.

Fanny Cohen Moreau : Donc là, est-ce que tu as travaillé ou est-ce que tu as encore étudié après ?

Grégoire Ichou : Je commençais quand même à faire quelques visites et conférences en parallèle et à donner des concerts. C’est vrai que ça je le dis pas, mais j’ai toujours continué en parallèle cette carrière de ténor naissante si je puis dire. Mais j’ai encore fait un an d’études.

Fanny Cohen Moreau : Encore ?

Grégoire Ichou : Oui, avec une deuxième année de second cycle d’École du Louvre, ce qui correspond à un master dans le parcours médiation.

Fanny Cohen Moreau : Donc là pour totalement te spécialiser ?

Grégoire Ichou : Pour totalement me spécialiser. Et ce qui est drôle, c’est que j’ai fait tous ces zigzags en termes d’études qui aujourd’hui me paraissent absolument cohérents étant donné mon parcours professionnel, mais qui sur le moment c’était quand même un peu des zigzags entre la musique, le chant, l’histoire de la musique, l’histoire de l’art, la médiation, ça restait des domaines assez proches, mais ça ne donnait pas la clé pour un métier en particulier.

Fanny Cohen Moreau : Ton entourage n’était pas trop inquiet de te voir aller et venir comme ça ?

Grégoire Ichou : Il faudrait leur demander. (rires partagés) Non, je pense qu’ils avaient quand même assez confiance dans ce qui allait advenir.

Fanny Cohen Moreau : Et on parlait d’intersection. Eh bien justement, comment est-ce que t’est venue l’idée de faire tes visites chantées ? C’est-à-dire des visites dans des lieux, des visites donc comme on pourrait voir traditionnellement, mais sauf que toi tu y as rajouté ta patte et tu chantes à des moments comment est-ce que t’est venue cette idée de rejoindre tes deux passions, totalement ?

Grégoire Ichou : C’est venu en plusieurs temps. Pendant ma licence professionnelle de guide-conférencier, je devais écrire un mémoire professionnel sur un aspect du métier de guide-conférencier. C’était très libre et j’ai décidé de créer sur le papier ce qui allait devenir mes visites chantées parce que j’ai voulu réfléchir justement à quelque chose qui me permettait de réunir mes différents intérêts pour passer des heures et des heures à écrire un mémoire sur quelque chose qui potentiellement allait m’intéresser, et pas seulement pour écrire un mémoire parce qu’on me demandait de le faire, mais ça restait très théorique. Ensuite, ça m’a beaucoup aidé, c’est-à-dire, comme c’était un mémoire professionnel, j’ai dû me poser des questions très concrètes sur ce à quoi ça allait correspondre, qui allait pouvoir être intéressé à la fois en termes de publics et d’institutions. Quelles allaient être les contraintes potentielles ?

Fanny Cohen Moreau : C’est vraiment une vraie étude de marché, presque.

Grégoire Ichou : Oui, sauf que c’était très théorique et que je ne savais pas très bien si ça allait devenir réalité ou si ça allait rester dans un mémoire professionnel pour obtenir ma carte de guide-conférencier.

Fanny Cohen Moreau : Alors quand est-ce que c’est devenu réalité ?

Grégoire Ichou : Mes premières visites chantées, c’était en 2017. Au sortir de l’École du Louvre, dans le cadre de l’exposition Rubens, portraits princiers au musée du Luxembourg.

Fanny Cohen Moreau : Ah oui, donc t’as pas commencé n’importe où quand même ? (rires)

Grégoire Ichou : Non, c’est vrai. Et d’ailleurs ça, c’est ça s’est passé de façon assez surprenante. Je pense que pour le coup, on peut dire que j’ai eu de la chance. J’avais contacté le musée du Luxembourg parce que dans le cadre de mes études à l’École du Louvre, il fallait que je fasse un stage et dans ma lettre de motivation, j’expliquais mon concept de visite chantée pour parler de moi et de mes différents intérêts, mais sans oser espérer que ça puisse intéresser le musée du Luxembourg. C’était plus pour trouver un stage. Et il se trouve que le musée du Luxembourg m’a répondu en me disant qu’il ne prenait pas de stagiaire cette année-là, mais qu’en revanche il était intéressé par mes visites chantées et qu’il me donnait un rendez-vous quelques semaines plus tard.

Fanny Cohen Moreau : Comme quoi, des fois, les gens lisent bien en détail les lettres de motivation.

Grégoire Ichou : Tout à fait, ça vaut le coup de bien les rédiger, parce que moi ça m’a été très, très utile.

Fanny Cohen Moreau : Et comment ça s’est passé cette première visite ?

Grégoire Ichou : Woaw. J’étais très stressé, je crois.

Fanny Cohen Moreau : Tu m’étonnes.

Grégoire Ichou : Très sérieux. Maintenant, je suis quand même plus détendu, mon travail derrière et encore très sérieux. Mais sur le moment, je suis plus détendu quand je repense à l’état dans lequel j’étais. Je faisais pas le fier mais le résultat… Je pense qu’il s’est… Enfin moi, comme la plupart du temps à la fin, j’ai trouvé que j’avais fait n’importe quoi, que c’était nul, que…

Fanny Cohen Moreau : On a un petit problème de… (rires partagés) En fait, ce podcast devient une thérapie : Grégoire, explique-nous, d’où te vient ce problème de validation ? (rires partagés) On va faire revenir ta prof de CM2.

(rires partagés)

Grégoire Ichou : Ouais, c’est ça qu’il me faut en fait. C’est pas par hasard qu’on choisit un métier, où on nous applaudit ou des choses comme ça. J’enfonce des portes ouvertes, mais quand même. J’étais stressé et tout, mais j’étais content des retours. Les retours ont été très rapidement bons, ce qui fait que le musée du Luxembourg m’a directement commandé des nouvelles visites chantées pour leur exposition suivante qui était Tintoret – Naissance d’un génie, puis pour celle d’encore après qui était l’exposition Mucha. C’est vrai qu’assez rapidement, finalement, ça s’est développé. En quelques mois, je suis passé de quelques toutes premières visites chantées à plusieurs institutions qui me contactaient, avec lesquelles j’avais des rendez-vous. Et ça s’est développé assez vite.

Fanny Cohen Moreau : En quelques mots, est-ce que tu peux nous expliquer ? Parce que peut-être que les personnes qui écoutent n’ont pas tout à fait saisi, parce qu’une visite chantée… c’est pas toi qui chantes pendant toute la visite ? Comment ça se passe en général une visite ?

Grégoire Ichou : Il faut s’imaginer une visite guidée traditionnelle, c’est-à-dire un parcours au sein d’un monument, d’un musée, d’une exposition temporaire ou bien de collections. Un parcours au cours duquel je donne des explications. Et devant chaque œuvre ou chaque objet, dans chaque espace, je chante un morceau qui est en lien avec mon propos, avec le lieu, avec l’artiste, avec l’œuvre. Pour éclairer le propos, pour le rendre plus vivant, pour surprendre, pour peut-être émouvoir. Mais c’est comme une sorte de visite guidée, augmentée.

Fanny Cohen Moreau : Entrecoupée de morceaux.

Grégoire Ichou : Voilà, exactement.

Fanny Cohen Moreau : Et comment est-ce que tu conçois la médiation par ces visites ? Parce que c’est une façon particulière de penser la médiation ?

Grégoire Ichou : Tout à fait. Il y a deux raisons principales pour lesquelles je fais ce type de visites chantées, je crois. La première raison est complètement égoïste. C’est parce que ça me fait plaisir, parce que ça réunit des choses qui me plaisent. Et je pense que quand on fait des choses qui nous plaisent, ça se sent.

Fanny Cohen Moreau : Ben je comprends. Moi je fais la même chose, je fais du podcast pour un prétexte pour rencontrer des gens passionnants.

(rires partagés)

Grégoire Ichou : Donc voilà. Et la deuxième raison, c’est parce que j’ai trop conscience du fait que si je me contentais d’avoir le fantasme que les visiteurs allaient se souvenir de tout, toutes les connaissances que j’allais transmettre pendant la visite, je serais très rapidement frustré. Parce que, en fait, bien sûr que les gens vont oublier la majorité des informations et c’est comme ça. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire en sorte de trouver des moyens pour qu’il s’en souvienne, mais faut quand même avoir l’humilité de le prendre en compte. Donc la musique, ça permet aussi, je crois, une meilleure mémorisation, mais ça permet aussi de passer déjà un moment qui en tant que tel, en tant que moment, et pas seulement les conséquences pour plus tard, en termes de mémoire et de connaissance. Un moment qui est soit touchant, soit drôle, soit surprenant. Et ça, ça me paraissait important. Et surtout un moment qui peut-être va ouvrir la curiosité à la fois dans le domaine de la musique et dans le domaine de l’histoire ou de l’histoire de l’art, plus que de transmettre des connaissances.

Fanny Cohen Moreau : Et alors justement, on va parler de deux visites que tu fais et que tu vas faire. Alors moi j’avais eu la chance d’assister à une de tes visites à la basilique Saint-Denis. Alors auditeurs, auditrices si vous n’êtes jamais allé vraiment, je vous encourage. Donc c’est au nord de Paris, donc à Saint-Denis. La basilique Saint-Denis, c’est là où sont conservés les tombeaux des rois de France. J’aimerais beaucoup y faire des choses d’ailleurs avec Super joutes royales là-bas. Bref, on en reparlera. Mais dans ce lieu si particulier, j’avais eu la chance d’assister à une de tes visites en plus avec ma maman, donc j’étais trop trop contente. (rires partagés) Ce que j’avais beaucoup aimé dans cette visite, c’est que vraiment, non seulement tes explications et ta façon de chanter et tes chants, ça sublimait l’endroit, ça lui donnait vie ! Parce qu’un endroit comme ça, ça peut paraitre un peu froid : on a de la pierre, on a comme ça des matériaux très bruts, c’est donc… On a des tombeaux devant nous, donc forcément c’est un peu mort. Mais toi je trouvais que tu apportais à tout ça quelque chose de très vivant. Alors je ne vais pas divulgâcher, ou spoiler au cas où des gens iront voir. Mais il y a un moment où tu chantes une chanson très étonnante où on s’attendrait pas à entendre cette chanson dans un tel endroit. Mais raconte-nous ! Mais qu’est-ce que ça t’a fait de faire des visites dans cet endroit, donc, de la basilique Saint-Denis ?

Grégoire Ichou : Alors c’est un lieu qui est chargé d’histoire et qui peut paraitre froid… Mais c’est vrai qu’en tant que musicien, il y a quelque chose qui immédiatement m’a intéressé dans la conception et la réalisation des visites chantées à la basilique Saint-Denis, c’est qu’il y a une acoustique, voire des acoustiques toutes particulières. Et c’est aussi beaucoup ça qui m’intéresse dans mes visites chantées. Au-delà de tout ce que j’ai pu dire, c’est de faire entendre le lieu par rapport au Moyen Âge, je fais entendre l’architecture gothique de la basilique Saint-Denis. Les voutes à croisée d’ogives, ça ne va pas sonner de la même façon que d’autres types d’architecture. C’est une acoustique qui est assez réverbérante, qui n’est pas la même d’ailleurs quand je chante depuis la crypte archéologique. Donc il y a vraiment différentes acoustiques qu’on va découvrir avec les publics tout au long du parcours, ce qui permet de faire vivre le lieu. Tu disais qu’il pouvait paraitre un peu froid, on fait vivre les pierres d’une certaine manière. Ça me plait assez.

Fanny Cohen Moreau : Et oui, d’ailleurs. Bon, vraiment. Auditeurs, auditrices : allez faire cette visite parce que notamment, vous aurez peut être la chance, de temps en temps, il y a une petite surprise à la fin. Moi, je n’ai jamais vécu quelque chose comme ça. Tu te disais peut-être que le public ne se souvient pas de tout, là, c’est très mémorable. Tu joues aussi avec l’endroit, en fait on sent, en tout cas, j’ai bien senti ça que tu as un vrai… Tu vas nous parler de ton gout, de parler que toi, tu te fais plaisir, mais tu as une certaine malice je trouve dans ta façon de faire la visite. C’est pas une visite totalement neutre, on sent que tu as un vrai plaisir à faire ce que tu fais.

Grégoire Ichou : C’est sûr que… Autant toutes les informations, tout le contenu que je transmets est sérieux, fiable, vérifié à la suite de recherches longues et d’un vrai travail, autant il y a forcément un peu, ou beaucoup de moi, qui transparait dans ces visites chantées. J’ai envie de surprendre, d’amuser. C’est important de conserver l’attention des publics et que si ça reste très linéaire, ne serait-ce que j’essaye à chaque fois que les enchainements, explications, musiques soient variés, c’est-à-dire que ça ne soit pas forcément, pour donner un exemple, nous sommes devant un tableau qui représente telle scène, alors je chante un morceau qui évoque telle scène. Il faut que ça puisse être des liens thématiques comme ça, mais aussi chronologiques par rapport à une date clé ou par rapport à un tout petit détail, ou par rapport à une anecdote méconnue, mais qu’à chaque fois le spectateur ou la spectatrice, auditeur, auditrice soit surpris même du moment et de la façon avec laquelle je vais intégrer ce morceau chanté.

Fanny Cohen Moreau : Oui, que ce ne soit pas totalement littéral et qu’il y ait effectivement l’aspect de surprise. Et en général, tu as quoi comme réaction du public ?

Grégoire Ichou : Alors j’ai de plus en plus de public qui me suit de façon fidèle, donc ils n’ont plus la surprise du concept lui-même.

Fanny Cohen Moreau : Il faut que tu fasses une carte de fidélité peut-être ? (rires partagés)

Grégoire Ichou : … faudrait presque. Une de mes fiertés, c’est qu’on me dit à la fois des choses positives sur l’aspect musical et sur le contenu en histoire, histoire de l’art et de façon assez équilibrée dans les retours que j’ai. Et ça, ça me… ça me fait vraiment plaisir. Une autre chose qui me fait plaisir, c’est que je vois comme mon public n’est pas seulement fait de public qui suit traditionnellement des visites guidées ou qui va voir toutes les expositions et encore moins de public qui va à l’opéra parce que c’est un public encore plus restreint il me semble. Par exemple, j’ai pas mal de jeunes finalement dans mes visites chantées.

Fanny Cohen Moreau : Parce que là t’as pas osé le dire, mais les publics qui va plutôt à l’opéra et qui fait plutôt les visites chantées, c’est plutôt du troisième âge en général. En tout cas, moi je sais qu’on a fait la visite clairement, c’était comme ça. C’est pas une critique, c’est l’état des choses.

Grégoire Ichou : Oui, c’est vrai que c’est un public généralement plus âgé. Pour l’opéra, c’est assez clair, un public assez aisé, même si les maisons d’opéra cherchent à trouver des solutions pour faire venir des publics plus jeunes et qui ne sont pas forcément des personnes avec énormément d’argent. Et je vois bien dans mes publics, et d’ailleurs de plus en plus, que mon public est assez jeune et pas forcément composé du public traditionnel, à la fois des visites guidées, des musées et des opéras.

Fanny Cohen Moreau : Bien au moment où sort cet épisode. Tu proposes donc en ce moment des visites chantées au musée de Cluny. Donc j’en ai parlé, le musée du Moyen Âge à Paris que auditeurs, auditrices vous commencez à connaitre parce que j’en parle souvent dans ce podcast. Alors, raconte-nous comment est-ce que tu as conçu la visite du musée ? Et là, ce n’est pas une expo en particulier, c’est vraiment c’est le musée, l’exposition permanente.

Grégoire Ichou : C’est le parcours dans les collections du musée. Alors, comment je l’ai conçu…

Fanny Cohen Moreau : Comment est-ce que tu as fait ton choix d’œuvres aussi ? Parce que là, il y a des centaines et des centaines de choses et il y a beaucoup de salles différentes. Tu ne peux pas mettre tout en valeur.

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Grégoire Ichou : Alors pour le choix des œuvres, on a fait une présélection assez large, mais quand même une présélection avec l’équipe du musée. Et au sein de cette présélection, j’ai sélectionné les œuvres et les lieux dont j’allais parler en fonction de mes idées musicales, en fonction de la diversité que je souhaitais intégrer dans cette visite chantée. Une des demandes, il me semble, du musée de Cluny, c’était de ne pas se focaliser sur la musique médiévale parce que le musée de Cluny organise assez régulièrement des concerts de musique médiévale et que donc là, ce n’était pas le propos. J’ai pas mal joué sur des anachronismes, des décalages au sein de ces visites chantées pour le musée de Cluny. Des liens autres que chronologiques, même si je chante de la musique médiévale et j’explique même comment est construit ce qu’on appelle un organum, un type de musique vocale du Moyen Âge, en chantant successivement les différentes voix qui se superposent. Mais je chante aussi beaucoup de morceaux d’autres époques. Par exemple, il me paraissait intéressant de montrer comme l’imaginaire médiéval a pu nourrir, tu le sais encore mieux que moi, mais a pu nourrir les artistes des époques postérieures au Moyen Âge jusqu’à nos jours. Et je chante un extrait d’un air du compositeur Offenbach.

Fanny Cohen Moreau : Que j’adore… (rires)

Grégoire Ichou : Voilà que j’aime aussi beaucoup, qui date justement de l’année de la création du musée de Cluny et qui s’intitule Doux Ménestrel et qui montre bien, comme en ce milieu du XIXᵉ siècle, on pouvait avoir une image assez biaisée du Moyen Âge. Mais c’est très intéressant de voir comment on pouvait imaginer le Moyen Âge au moment de la création du musée de Cluny. Et c’est parfois plus facile ou plus parlant de le faire à travers un morceau qu’à travers des explications.

Fanny Cohen Moreau : Alors on écoute justement un petit extrait.

Voix off/animation: [OFFENBACH, Jacques, Doux ménestrel, Mariam Sarkissian, Fanny Crouet & Daniel Propper, 2017]

Fanny Cohen Moreau : Bon, ce n’est pas toi qui chantais, mais voilà, c’est un petit aperçu de la visite que tu fais au musée de Cluny. Est-ce que d’ailleurs, en préparant cette visite, est-ce que ça t’a permis d’apprendre des choses nouvelles sur le Moyen Âge ? Est-ce que tu as eu des surprises ?

Grégoire Ichou : Alors j’apprends toujours beaucoup de choses nouvelles quand je crée mes visites chantées. Je fais beaucoup de recherches à la fois pour trouver les morceaux musicaux pertinents et les morceaux eux-mêmes. Pour la plupart, je ne les connais pas avant. C’est vraiment grâce à des recherches, souvent au département musique de la BNF, que je trouve des partitions de morceaux méconnus, voire complètement inconnus. Et de la même façon, pour le contenu, en termes d’histoire, d’histoire de l’art, il y a évidemment des choses que je connais déjà, grâce à mon parcours, à ma formation, mais j’apprends toujours beaucoup de choses, ne serait-ce que sur des œuvres spécifiques. Tel objet, telle œuvre du musée de Cluny que je connaissais un peu moins. Je vais au musée, à la documentation du musée, je lis les dossiers d’œuvres. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas les dossiers d’œuvres dans les musées, ce sont des dossiers sur chacune des œuvres du musée qui regroupent un nombre d’informations incroyables sur les œuvres en question. Et donc je lis des pages et des pages sur chacune des œuvres. Donc forcément, j’apprends beaucoup de choses et c’est ça aussi qui me passionne.

Fanny Cohen Moreau : Il y a quelque chose qu’on n’a pas dit en fait depuis tout le début, c’est qu’aussi dans tes visites chantées, tu chantes et tu t’accompagnes. En fait, avec une enceinte qui diffuse de la musique, ça fait que tu n’es pas totalement a capella non plus et ça ajoute forcément quelque chose en plus.

Grégoire Ichou : C’est vrai que c’est une des contraintes de mes visites chantées, c’est que quand on est chanteur lyrique, quand on est ténor, en général, on est habitué à chanter avec des instrumentistes en direct qui sont des pianistes, des clavecinistes accompagnateurs, spécialisés le plus souvent dans le fait d’accompagner des chanteurs, des chanteuses ou des instrumentistes. Et donc il y a un rapport qui se fait et une richesse musicale très intéressante. Et moi, dans mes visites chantées, je ne peux pas faire ça. Et donc j’ai fait de cette contrainte un atout parce que ça me permet de faire enregistrer chacun des accompagnements instrumentaux de mes visites chantées par différents instrumentistes en fonction du répertoire, donc au cours d’une même visite chantée. C’est le cas par exemple à la basilique Saint-Denis. Il peut y avoir des accompagnements aux luths, à la guitare renaissance, au théorbe, à l’orgue, au clavecin, au piano, ce qui est assez difficile à faire au cours d’un même récital. Et c’est vrai que ça, ça m’intéresse beaucoup parce qu’on plonge directement les visiteurs dans une époque musicale ou dans un style particulier.

Fanny Cohen Moreau : Et donc tu as un petit sac où tu as une enceinte mais qui est super puissante. Moi ça m’a impressionné parce que je me dis mais d’où venait le son ? J’ai l’impression qu’il y avait des enceintes à côté de nous. Mais non, tu as dans ton sac cette enceinte qui est très très forte.

Grégoire Ichou : C’est un des seuls investissements importants parce que sinon c’est très léger en termes de dispositif. Ces visites chantées, c’est moi et moi même, mais sinon je suis obligé d’avoir une enceinte de très bonne qualité pour que le son de l’accompagnement soit bon. Et ça j’y tiens vraiment parce que je ne veux pas que le fait que ça soit itinérant et que ça soit sur des accompagnements enregistrés fasse baisser la qualité musicale de cette visite – slash – spectacle.

Fanny Cohen Moreau : Et à côté des visites, qu’est-ce que tu fais ? Est-ce que tu continues de faire des concerts ? Est-ce que tu as d’autres types d’activités aussi ?

Grégoire Ichou : Alors je fais plein d’autres choses. En ce moment, je monte un spectacle musical avec un harpiste, Vincent Buffin et un metteur en scène, Vincent Pavageau. Pour l’instant, je n’en dis pas plus, mais c’est vraiment un spectacle auquel je tiens beaucoup et sur lequel je travaille depuis des mois. Je peux dire le titre, sauf s’il évolue d’ici là, mais ça aura été le titre provisoire, il y aura une trace. (rires partagés) C’est Achevons la métamorphose.

Fanny Cohen Moreau : Ooooh.

Grégoire Ichou : Une autre chose que je fais, c’est que je fais aussi encore un petit peu de recherche et on m’a demandé il y a quelque temps un article que je coécris avec Jean-Michel Vinciguerra sur les portraits de chanteuses-chanteurs dans…

Fanny Cohen Moreau : Tu y es revenu, mais c’est super ! (rires)

Grégoire Ichou : Exactement, sur les portraits de chanteuses, chanteurs, danseuses, danseurs de l’Opéra de Paris au XVIIIᵉ siècle. Pour …

Fanny Cohen Moreau : Attends, tu fais juste un article sur ce sujet-là, mais il doit être très long l’article parce que… (rires)

Grégoire Ichou : Il est assez long. Il est assez long. Alors, je le coécris au sein d’un ouvrage qui va être publié, cette année, en 2023, dont les auteurs principaux sont Benoît Dratwicki, Julien Dubruque, Thomas Leconte et Barbara Nestola sur l’Académie royale de musique, c’est-à-dire l’Opéra de Paris entre 1672 et 1791.

Fanny Cohen Moreau : Et le fait d’être ténor. Est-ce que ça te permet aussi de t’ouvrir certaines opportunités ou certaines possibilités ? Bon à part faire du karaoké avec moi de temps en temps ? (rires)

Grégoire Ichou : C’est déjà une très belle opportunité.

Fanny Cohen Moreau : C’est trop bien, faut qu’on refasse ça. (rires partagés) Surtout qu’on a chanté sur du Dalida, c’était trop bien.

Grégoire Ichou : Du Dalida, du Céline Dion…

Fanny Cohen Moreau : Mais oui !

Grégoire Ichou : J’y tiens beaucoup. Je trouve que…

Fanny Cohen Moreau : Et du Nicole Croisille aussi.

Grégoire Ichou : Ça. Ça, ça, c’est très important. Écoutez du Nicole Croisille !

Fanny Cohen Moreau : (rires) Donc là, être ténor, est-ce que tu continues de faire des concerts à côté ?

Grégoire Ichou : En ce moment, je me concentre sur les visites chantées et le spectacle musical que je suis en train de monter. Ce qui me demande déjà énormément de travail. Il y aura d’autres activités dont je vais parler prochainement, mais ça reste mes deux activités principales actuellement.

Fanny Cohen Moreau : Et est-ce qu’il y a des lieux où tu aimerais chanter ? Voilà, c’est le moment un petit peu de faire un appel du pied. Est-ce qu’il y a des endroits où tu rêverais de chanter ? Parce qu’on l’a pas dit mais tu as déjà chanté dans des endroits mais alors tu as fait le Louvre, tu as déjà fait le Panthéon… Enfin et là encore, mais je n’en cite que quelques-uns, mais vraiment, j’ai le Louvre, le Panthéon, la Piscine de Roubaix, le Petit Palais. Hors de Paris aussi, tu as fait le palais du Tau, tu as fait le musée de l’École de Nancy et est-ce qu’il y a des endroits auxquels tu rêves encore ?

Grégoire Ichou : Alors (rire) cette question est stratégique parce que la dernière fois qu’une journaliste m’a posé la question, ça s’est vraiment réalisé.

Fanny Cohen Moreau : Aaaah (rires)

Grégoire Ichou : J’avais répondu l’Opéra-Comique. Et il se trouve que je vais faire des visites chantées de l’Opéra-Comique à partir du 13 mai. Et ça, je suis vraiment très très content. Alors moi, je pense forcément au musée d’Orsay – vraiment, je serais ravi – ou à des bibliothèques patrimoniales comme la bibliothèque de l’INHA, Institut national d’histoire de l’art, qui est vraiment magnifique. Plus généralement, j’aimerais peut-être créer des visites chantées un peu partout en France, voire dans d’autres pays. Je ne sais pas, parce que c’est vrai que pour l’instant, tu l’as dit un peu. J’ai, j’ai travaillé en Île-de-France, en Hauts-de-France, en Normandie, à Reims, à Nancy. Mais en fait, il y a beaucoup de musées et de monuments passionnants dans toute la France. Et comme je parle plusieurs langues étrangères, je serais aussi ravi de pouvoir exporter ce concept.

Fanny Cohen Moreau : Grégoire International. (rires partagés) Oh ben je te le souhaite bien, je te propose qu’on finisse là-dessus donc merci beaucoup Grégoire Ichou. Donc je rappelle qu’au moment où sort cet épisode, tu proposes des visites au musée de Cluny, donc du 1ᵉʳ mars 2023 au 16 avril 2023, tu seras donc aussi à la basilique Saint-Denis à l’automne 2023. Mais donc auditeurs, auditrices si vous écoutez cet épisode bien après sa sortie, et bien il y a toutes les informations sur ton site gregoireichou.com ou alors sur Instagram aussi, c’est ça ?

Grégoire Ichou : Instagram, Twitter, Facebook. Pigeon voyageur. (rires partagés)

Fanny Cohen Moreau : Mais vraiment auditeurs, auditrices, je ne peux que vous conseiller d’aller faire une visite avec Grégoire. Moi je t’avais vu aussi au Théâtre du Châtelet. C’est vraiment quelque chose dont on se souvient parce qu’il y a toujours des surprises. Comme tu as dit, t’aimes bien surprendre. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé sur la terrasse du Théâtre du Châtelet alors qu’il faisait froid, mais c’était trop bien.

Grégoire Ichou : D’ailleurs, j’ai encore des dates au Théâtre du Châtelet, au moins jusque jusqu’à juin 2023.

Fanny Cohen Moreau : Mais vraiment, voilà. Auditeurs Auditrices, si vous passez à Paris ou alors regardez bien les autres dates qui fait partout en France, Ne ratez pas ça. Merci encore Grégoire.

Grégoire Ichou : Merci à toi.

Fanny Cohen Moreau : Et puis bonne continuation et auditeur auditrice. Comme d’habitude, vous le savez, il y a un article qui accompagnera cet épisode où je vous remettrai pas mal d’informations. Et puis profitez que vous êtes sur le site pour écouter tous les autres épisodes du format rencontre qu’on a fait. L’épisode précédent, j’ai fait une rencontre avec Jade du Miroir Fou, une illustratrice qui s’inspire du Moyen Âge. Et si vous avez des personnes à me conseiller qui pourraient être interviewées dans ce format, alors j’ai déjà fait beaucoup de professions différentes, donc regardez un petit peu ce que j’ai déjà fait. S’il y a une personne avec un parcours particulier, une approche de l’histoire et du Moyen Âge particulière, n’hésitez pas à m’envoyer un message. Donc via le site, il y a un espace contact allez voir et je vous dis de toute façon à bientôt pour un prochain épisode de Passion Médiévistes. Salut !

[Générique de fin]

[extrait making-of]

Fanny Cohen Moreau : Je lance l’enregistrement comme ça c’est fait. Donc oui, on est là, on est comme ça, on en fait de l’ASMR, (rires) mais on pourrait prendre l’ASMR. (rires)

Grégoire Ichou : J’adore !

Fanny Cohen Moreau : Un jour, je ferai un podcast. J’ai déjà fait en fait, quand j’avais fait un pod, l’épisode sur les… j’ai fait un hors les murs, on a fait de l’ASMR parchemin où j’ai enregistré des bruits de parchemins.

Grégoire Ichou : Trop bien. J’adore.

Fanny Cohen Moreau : Euh ben on va y aller. Donc tu-tu-tu-tut. Enregistrement avec Grégoire. Bonjour à toutes et à tous. « Bienvetue ! » Ça commence mal. (éclat de rire)

Grégoire Ichou : C’était bien, c’était bien, bienvetu.

Fanny Cohen Moreau : (rires partagés) On va reboire de l’eau.

Grégoire Ichou : Non, mais au moins ça me met en confiance. Je peux dire n’importe quoi.

Fanny Cohen Moreau : Mais oui, on est à la cool.

[virgule sonore de fin]

Merci à Cap Strat pour la transcription et à Luc pour la relecture !