Pourquoi l’hiver de 1709 fut-il si rude, et pourquoi s’en rappelle-t-on tant ?

Dans cet épisode de Passion Modernistes, j’ai le plaisir de recevoir Axelle Gerin qui a réalisé son mémoire de M1 sur “La mémoire de l’hiver 1709 en France (1709-2025)”, sous la direction de Gauthier Aubert, dans le cadre du master Histoire, Civilisations, Patrimoine, pré-parcours Médiation du Patrimoine, de l’Histoire et des Territoires à Rennes 2.

Entrons dans l’hiver

Pour ses recherches, Axelle Gerin s’est concentrée sur la France. Elle nous explique qu’en 1709, le royaume est sous le règne de Louis XIV, alors en pleine guerre de succession pour le trône d’Espagne. À cette époque, les Français sont en mauvaise posture : ils viennent de perdre Lille suite à un siège de la ville.

Mon invité raconte que parallèlement, elle s’est intéressée à l’histoire climatique du territoire. Elle mentionne que l’hiver de 1709 a lieu pendant le petit âge glaciaire. Ce terme désigne une période climatique froide entre le XIVe et le XIXe siècles dans la zone de l’Atlantique Nord. Dans ce contexte climatique, l’Europe connaît des hivers très longs et très froids entre 1315 et 1740.

 

Au cours de l’hiver 1709

L’hiver 1709 va connaître deux grandes vagues de froid. La première survient durant l’Épiphanie, dans la nuit du 5 au 6 janvier : à Paris les températures chutent brutalement, après un début d’hiver plutôt doux, passant de 3 °C à -6°C. Suite à cela, à partir du 8 janvier 1709, la température dépasse les -10°C et reste pendant une vingtaine de jours dans le négatif. Le froid touche toutes les couches de la société, de Versailles jusque dans les campagnes.

La seconde vague d’hiver arrive en février alors que la glace commençait à peine de fondre : toute l’eau fondue détrempe les terres et avec la vague de froid, elle gèle les récoltes. Un vent de panique se propage car en plus des récoltes détruites, les animaux ne tiennent pas le froid et meurent. La population est alors touchée par la famine. Pour subsister, on remplace les aliments par de la nourriture de substitution. À la Cour, par exemple, ils vont manger des pains moins nobles, passant du pain de seigle au pain d’avoine. Dans les milieux plus modestes, ils font de la farine avec tout ce qu’ils peuvent trouver comme la fougère ou le gland. Mais ces farines sont peu nutritives. Pire encore, certaines apportent des maladies. Une grande partie de la population meurt alors de faim ou de froid.

 

La mémoire de l’hiver 1709

Axelle Gerin nous indique que l’hiver 1709 a été très documenté. Cela s’explique, selon elle, grâce à plusieurs facteurs :

• son aspect : la chute des températures après une période d’hiver plutôt doux
• les phénomènes naturels survenus : le gel des rivières et des arbres, la mort des cultures (véritable traumatisme pour la population)
• dernier hiver le plus meurtrier : en 1709, 600 000 personnes meurent dans une population de 22 millions de morts.
• le contexte de la guerre d’Espagne

Tous ces éléments vont participer à la mémoire de cet hiver qui va être surnommé le « Grand Hiver », reprenant le nom de celui de 1608, l’hiver le plus froid avant 1709. Par la suite, même si dès 1740 est encore plus froid, pour les raisons évoquées précédemment, l’hiver 1709 garde cette appellation.

De ses sources, mon invitée relate qu’une phrase revient souvent : “Qu’il n’y ait jamais mort d’homme, on avait subi pareil froid.” Cette phrase montre que les contemporains de cette époque ont conscience de vivre un moment exceptionnel.

 

Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de consulter :

• Épisode 34 – Claire et les femmes dans les révoltes au XVIIIème siècle (Passion Modernistes)
• Épisode 45 – Mathieu et l’alimentation au XVIIIème siècle (Passion Modernistes)
• Episode 27 – Nicolas et le cannibalisme au XVIIIe siècle (Passion Modernistes)