Quelle est l’histoire médiévale des Vosges, et avec quelles sources ?

Dans cet épisode, je profite de la période estivale pour vous proposer un épisode qui vous fera voyager et vous donnera sûrement envie d’une nouvelle destination de vacances : les Vosges ! Depuis septembre 2018, Jean-Baptiste Ortlieb consacre une thèse à l’histoire environnementale aux sommets des Hautes-Vosges, entre le XIIIe et le XVIIIe siècle. Il la prépare à l’université de Strasbourg sous la direction d’Isabelle Laboulais et de Tim Soens.

Le but de sa thèse est de réaliser une histoire des sommets sur un temps assez long, réaliser une forme de nouvelle monographie en mettant en avant les dynamiques communes entre les sommets, mais aussi de montrer les enjeux différents selon les lieux et les périodes.

Une histoire des Vosges

Le massif des Vosges est un massif ancien érodé, hercynien de moyennes montagnes, longeant à l’est la plaine rhénane et le massif jumeau de la Forêt-Noire (Allemagne). D’ouest en est, les reliefs doux font place aux pentes abruptes du fossé d’effondrement. La « crête», qui sépare ces deux entités morphologiques, marque traditionnellement la frontière entre deux régions historiques: la Lorraine et l’Alsace. Le nom des Vosges est attesté dès l’Antiquité, on le retrouve chez Jules César dans la Guerre des Gaules, ou alors chez Pline qui parle des sapins des Vosges pour la fabrication des navires. Le mot lui même vient possiblement d’une divinité celte, lié au Mercure romain, selon une inscription retrouvée.

Les premiers écrits qui font référence aux sommets et aux espaces d’altitude dans les Hautes-Vosges sont les sources des ordres monastiques, qui s’établissent à partir des VIIème et VIIIème siècle, et qui s’implanteront jusqu’au XVIIIème siècle. Qu’elles soient poétiques, issues de chroniques, et bien plus encore lorsqu’elles proviennent des chartes de donations et de confirmation en faveur des abbayes du massif, ces premières mentions des secteurs sommitaux montrent l’importance que revêtent ces espaces auprès des communautés religieuses venues s’installer. Mais l’archéologie nous a permis de trouver des traces d’activités humaines encore plus anciennes : il existe en effet des traces de premiers défrichements dès 1500 avant notre ère.

Politiquement, les Vosges sont une région très disputée entre différents acteurs locaux, que ce soit entre les seigneurs laïcs et religieux, les évêques et autres grands acteurs comme les duchés ou les Habsbourg en Alsace. C’est un espace important pour le contrôle, la maîtrise et l’exploitation des ressources comme le bois ou la pierre, ou le contrôle d’endroits stratégiques comme les cols. Les châteaux construits à partir du milieu du Moyen Âge permettent de contrôler des routes commerciales avec la mise en place de péages, mais aussi de montrer son importance militaire et politique.

Les Vosges, objet pluridisciplinaire

Dans sa thèse, Jean-Baptiste s’intéresse donc surtout au sud des Vosges mais aux sommets. C’est certes un objet géographique, mais ce sont les hommes qui en font une barrière entre les sociétés, à la fois physique, politique et linguistique. En tant qu’historien, il travaille d’abord à partir des sources écrites et cartographiques conservées dans différents fonds d’archives. Mais ces sources « traditionnelles » de l’historien ne suffisent cependant pas toujours pour questionner l’environnement, les pratiques locales ou l’histoire des techniques des espaces d’altitude.

Jean-Baptiste se place notamment dans la tradition de l’histoire environnementale. Née avec l’école des Annales en France, elle cherche à intégrer l’environnement dans la discipline historique. Mais elle a surtout connu un grand développement à partir des années 70 aux Etats Unis, et est arrivée ensuite en France à la fin des années 1990. L’intérêt de l’histoire environnementale est de poser des questions concrètes sur l’histoire pour dépasser les disciplines classiques, et aller puiser dans d’autres disciplines sœurs comme la géographie ou l’archéologie. Avec le soutien de spécialistes, il a pu travailler sur une fouille archéologique réalisée sur une ancienne ferme d’estive (marcairie) à 1100 mètres d’altitude, la première jamais fouillée.

En parallèle de ses activités de recherches, Jean-Baptiste est engagé au sein de l’association Protect Our Winters France, en tant que responsable local pour les Vosges, donnant ainsi un aspect encore plus concret à son travail de thèse.

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