Épisode 54 – Angela et le Danemark viking et médiéval
Comment le Danemark médiéval s’est progressivement christianisé ?
Dans l’épisode 54 du podcast, Angela Baranes vous parle de sa thèse sur « La formation d’un paysage chrétien au Danemark viking et médiéval. Logiques spatiales et pratiques sociales (VIIIe-XIIIe siècles)« , sous la direction de Michel Lauwers et Anne Nissen. Elle étudie la construction d’un paysage chrétien durant le processus de christianisation du Danemark au début du Moyen Âge danois, en croisant l’histoire, la géographie, l’archéologie, et d’autres sciences humaines.
Le début du Moyen Âge au Danemark
Les recherches d’Angela Baranes portent sur la période entre le VIIIème siècle, date des premiers missionnaires au Danemark, et le XIIIème siècle, où se stabilisent la dîme, la paroisse et les lois ecclésiastiques. On se situe donc durant l’âge viking, c’est-à-dire la fin de l’Âge du Fer germanique, qui s’étend de 750 à 1050, et au début du Moyen Âge de 1050 aux années 1290. Car oui, il n’y a pas d’Antiquité au Danemark, ni en Scandinavie : on passe de la Protohistoire au Moyen Âge car c’est le christianisme qui y apporte la culture de l’écrit narratif.
Le contexte de la christianisation est un moment où toute la société change. Ce sont au début des sociétés sans récit écrit, car si ils ont un alphabet (les runes), il les utilisaient gravées sur pierre principalement pour commémorer leurs défunts. Organisées en chefferies, c’est-à-dire des territoires fragmentés dirigés par des chefs locaux, ces sociétés sont polythéistes, composées majoritairement d’agriculteurs et de pasteurs, mais aussi de commerçants et d’artisans dans les premiers ports. C’est une société hiérarchisée et patriarcale : il y a des hommes libres et non-libres, des esclaves.
Les élites sont extrêmement compétitives, puisqu’il n’y a pas d’hérédité du pouvoir : les hommes libres élisent ou se rallient à un chef fort. Il faut donc savoir maintenir son réseau, avec des largesses, des cadeaux et être capable de payer son armée. Cette compétition sociale est l’une des raisons du phénomène viking, ces grandes mobilités en Europe et même plus loin, pour aller chercher des ressources par le commerce et le pillage, mais aussi le prestige de l’exploration, de la connaissance. Aussi, cette mobilité, dont les prémisses apparaissent dès le IVème-VIe s, permettent des contacts entre les religions et les Scandinaves ont une connaissance du christianisme et des grands pouvoirs en Europe. Les chefs décident de se tourner vers une autre idéologie du pouvoir, en imitant les rois d’Occident ou de Byzance : celle du modèle « un Dieu, un roi », avec des monarchies héréditaires et un clergé qui est un allié tant du point de vue administratif que symbolique.
Les premières églises du Danemark médiéval
L’histoire de la monumentalisation chrétienne débute avec les missionnaires, des clercs chargés d’évangéliser, de prêcher la bonne parole et de baptiser. En 700, le premier missionnaire, Willibrord, part au Danemark, ou plutôt reste sur les frontières, et rentre bredouille. Il vient de l’empire carolingien, qui en envoie régulièrement d’après les textes.
C’est le moine Anschaire en 848 et 860 qui réussit à édifier les premières églises au Danemark, dans les ports de Ribe et Hedeby, avec l’autorisation des chefs qui ne se convertissent pas pour autant. Il est ensuite fait mention dans une annale franque et une lettre de l’empereur ottonien, respectivement en 948 et 988 des églises d’Aarhus et d’Odense au Danemark. Ces églises apparaissent sous l’emprise de l’archevêché d’Hambourg-Brême, en Allemagne aujourd’hui, un super évêché missionnaire tenu par un archevêque germanique. Il y aurait donc eu quatre églises missionnaires d’après des textes mais aucune n’a été retrouvée, malgré plusieurs campagnes de fouilles.
La première église retrouvée archéologiquement est celle du roi danois Harald à la Dent Bleue à Jelling. Vers 960, il inscrit sur une immense pierre runique, représentant un Christ dans un style très germanique, qu’il a unifié le Danemark et fait chrétien tous les Danois. C’est même au Danemark, la date anniversaire du pays. L’église en bois est fondée sur sa propriété, entre deux tumuli, un type d’inhumation sous tertre relevant de la pratique païenne. La deuxième église la plus ancienne a été retrouvée à Lund, à l’autre bout du Danemark, et date de 980 par dendrochronologie. Elle aurait donc également été construite par ce même Harald.
Comme ces églises sont en bois, un matériau périssable qui se conserve difficilement, dans le sol archéologique, on ne retrouve que le négatif laissé par les poteaux plantés dans le sol. Cela veut dire que nous pouvons restituer leur forme, leur superficie de l’édifice mais pas leur hauteur. On sait que ce sont des édifices à nef unique, un rectangle, et qu’on a ajouté peu de temps après un chœur carré. Les dimensions de l’église de Jelling sont assez grandes, 14 x 30 mètres, ce qui atteste d’une construction élitaire. Mais on ne sait pas du tout à quoi ressemblent visuellement les premières églises puisqu’on n’en a pas les élévations et toute leur architecture.
Il y a donc de nombreuses spéculations sur leur apparence : on les imagine comme des prédécesseurs, des versions plus primitives des églises en bois de Norvège conservées debout, dont l’apparence actuelle date du XIIIe siècle, bien que les édifices d’origine ont été implantés à la fin du XIe siècle. Elles affichent des sculptures animalières à l’intérieur et à l’extérieur sur les planches de bois, sur les poutres et le toit, et le toit est décoré avec des têtes de dragons. Le portail de l’église d’Urnes (v. 1070) révèle bien une iconographie propre à l’âge viking, qu’on retrouve sur les pierres runiques : des animaux stylisés et entrelacés, de type serpents, dragons ou cerf.
Et dans le reste de l’épisode…
Dans l’épisode, Angela Baranes parle aussi des mélanges entre les différentes religions jusque dans les tombes des Scandinaves, de ses expériences d’archéologie sur le terrain, et de pourquoi il est très intéressant d’étudier les sources scandinaves malgré leur rareté.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
Vous pouvez suivre les prochaines publications et les communications de Angela Baranes sur Academia.
Sources médiévales citées et traduites en français :
- Rimbert, Vie de Saint Anschaire, v. 870, traduction française de Jean-Baptiste Brunet-Jailly, Éditions Cerf, 2011.
- Adam de Brême, Histoire des archevêques de Hambourg: Avec une Description des îles du Nord, v. 1070, traduction française de Jean-Baptiste Brunet-Jailly, L’aube des peuples, Gallimard, 1998.
- La saga des rois de Danemark, v. 1260, traduction française de Simon Lebouteiller, Anacharsis, 2021.
Sur la christianisation des Scandinaves :
- Stéphane Coviaux, La fin du monde viking : VIe-XIIIe siècle, Passés Composés, 2019. À écouter : https://youtu.be/LFB3Vwa_78g
Sur les espaces chrétiens et les églises dans le monde scandinave :
- Peter Anker, Aron Andersson, « Les églises de bois », dans L’art scandinave, tome 1, Zodiaque, 1969, p. 207-4-54.
- Anders Andrén, « The significance of places: the Christianization of Scandinavia from a spatial point of view », World Archaeology, vol. 45, 2013, p. 27-45 (en ligne)
- Else Roesdahl, « Prestige, Display and Monuments in Viking Age Scandinavia », Actes du deuxième congrès international d’archéologie médiévale, 1989, p. 17-25 (en ligne)
- Jakob Kieffer-Olsen, Kirke og kirkestruktur i middelalderens Danmark, Nationalmuseet Syddansk Universitetforlag, 2018. Résumé des chapitres en anglais.
- Klavs Randsborg, « KINGS’ JELLING Gorm & Thyra’s Palace Harald’s Monument & Grave – Svend’s Cathedral », Acta Archaeologica, vol. 79, 2008, pp. 1-23. (en ligne)
Sur le culte païen et ses monuments :
- Lars Larsson, « A ceremonial building as a ‘home of the gods’? Central buildings in the central place of Uppåkra », dans The Gudme-Gudhem phenomenon, Schriften des Archäologischen Landesmuseums, Band 6, 2011, p. 189-206. (en ligne)
- Olof Sundqvist, An Arena for Higher Powers. Ceremonial Buildings and Religious Strategies for Rulership in Late Iron Age Scandinavia, Brill, 2015.
Sur l’espace chrétien et les églises dans l’Occident médiéval :
- Michel Lauwers, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Aubier, 2005.
- Dominique Iogna-Prat, La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Eglise au Moyen Age (v. 800-v. 1200), Histoire, 2012.
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Kaamelott – Livre I Épisode 54 « Le Serpent Géant »
- Vikings – Saison 3 Épisode 9
- Découverte archéologique au Danemark – Euronews
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
[Générique]
Fanny Cohen Moreau : Est-ce que vous savez tout du Moyen Âge ? Mais d’abord, qu’est-ce que le Moyen Âge ? En général, on dit que c’est une période de mille ans, de l’année 500 à l’année 1500, mais vous l’entendez dans ce podcast, il y a autant de définitions du Moyen Âge que de médiévistes. Je m’appelle Fanny Cohen Moreau et dans ce podcast, je reçois des jeunes médiévistes, des personnes qui étudient le Moyen Âge en Master ou en thèse pour qu’ils vous racontent leurs recherches passionnantes et qu’ils vous donnent envie d’en savoir plus sur cette belle période. Épisode 54 : Angela et la chrétienté au Danemark médiéval, c’est parti !
[Générique]
Fanny Cohen Moreau : Après Nice et l’Adriatique au Moyen Âge dans les épisodes précédents, je vous propose de voyager encore un peu, et cette fois, cap au Nord de l’Europe. Nous allons au Danemark. Notre guide aujourd’hui, c’est Angela Baranes. Bonjour Angela.
Angela Baranes : Bonjour Fanny !
Fanny Cohen Moreau : Je te reçois aujourd’hui parce que tu es en deuxième année de thèse à l’université de Nice en codirection avec l’université de Paris 1 et tu étudies la construction d’un paysage chrétien durant le processus de christianisation au Danemark (VIIIe-XIIIe siècles).
Angela Baranes : C’est tout à fait ça.
Fanny Cohen Moreau : Et tu es sous la codirection de Michel Lauwers et Anne Nissen. Avec toi, donc, aujourd’hui nous allons parler des débuts de la chrétienté au Danemark, et parler de la mise en place effective de l’Église. Alors peut-être que les plus fidèles auditeurs se rappelleront : on avait fait un épisode, l’épisode 42, avec mon invitée qui s’appelait Gaïa Perreaut sur la christianisation des sociétés scandinaves. Donc aujourd’hui, ce n’est pas forcément la suite, c’est un complément, parce qu’on ne parle pas exactement des mêmes espaces. Mais vous allez voir, si vous avez encore cet épisode en tête, ça va vous être familier, mais vous allez appendre encore plein, plein de choses. Donc Angela, déjà, pour commencer : pourquoi est-ce que tu as voulu travailler sur le Danemark, et le Danemark médiéval ?
Angela Baranes : Alors, ce sujet, je l’ai décidé assez tôt : j’étais fixée dès la Licence 3.
Fanny Cohen Moreau : Ah bon ? Ah ouais…
Angela Baranes : Un petit monstre ! Donc en fait, c’est lié à ma formation, à la fois universitaire et sur le terrain archéologique. J’ai, à l’université de Nice fait une double Licence, histoire et archéologie, et on mêle très tôt les sources : vestiges matériels et les textes. On étudie toutes les périodes, de la préhistoire à l’époque contemporaine. Lors des chantiers de fouilles donc j’ai pu aller fouiller une grotte paléolithique, donc le tout début de la préhistoire, et aussi des sites médiévaux d’églises. Et vraiment j’ai été attirée par ces deux mondes, très différents mais aussi très différents de nous. Parce que d’une part on essaie de les comprendre à partir de leurs vestiges matériels, mais aussi donc à partir de leurs textes pour le Moyen Âge. Et c’est toute la dimension symbolique en fait, et donc plutôt religieuse pour le Moyen Âge, qui me fascine. C’est-à-dire qu’ils pensaient le monde, la manière dont il s’est fait, il s’est construit, et il se termine différemment de nous. Et je crois qu’il y a un exposé qui m’a marquée en Licence 2 : c’était une tombe franque, donc c’était les peuples germaniques du Nord de la Gaulle qui arrivent vers le Ve siècle. Donc on a un guerrier avec toutes ses armes qui est inhumé à la manière d’un chrétien, dans une nécropole chrétienne. Il est inhumé avec ses armes et il a une petite monnaie sur sa bouche, une monnaie et c’est en fait un peu l’offrande au passeur des morts et c’est une tradition romaine. Donc en fait on est là face à une tombe où il y a trois croyances qui se mêlent : le christianisme, le paganisme germanique et les Romains. C’était super intéressant de voir dans une tombe d’un homme, son identité qu’il considère hybride. Et donc étudier le processus de christianisation, c’est en fait s’intéresser à la manière dont quelqu’un va adopter une autre religion, le christianisme, et aussi sa culture, tout en conservant en fait son héritage. Donc finalement quand on étudie le christianisme, on étudie le nouveau monde, et l’ancien. Et en fait ça permet de ne pas choisir une période historique.
Fanny Cohen Moreau : Et qu’est-ce que tu veux montrer dans ta thèse ?
Angela Baranes : Dans ma thèse qui est donc située sur le Danemark, vraiment on est dans l’Europe du Nord, l’idée c’est de montrer comment le paysage se transforme avec le changement de religion. Plutôt qu’étudier la religion par les hommes ou par les liens sociaux ou le politique, c’est par l’espace. En gros le paysage, c’est l’horizon qui est vu à partir d’un point. On voit des éléments naturels, des éléments entropiques, des choses très matérielles ou alors des représentations qui sont associées à ces lieux. Les hommes en fait vont par exemple donner un sens à une montagne ou un sens à un édifice, puisque finalement l’église n’est qu’un édifice auquel on a accordé une sacralité. Et donc pour moi l’idée c’est de savoir en fait, d’un point de vue des lieux et des acteurs et des pratiques, comment se met en place au Danemark, un pays très loin du début des origines du christianisme, qui se situent quand même au premier siècle après Jésus Christ justement, en Orient, comment on se déplace vers le Nord. Et donc évidemment dans ce paysage religieux, le principal élément, c’est l’église. Mais l’église elle a déjà elle-même une variété, de formes, de statuts – on a une église paroissiale, une cathédrale, une abbaye pour les moines ou même des petites chapelles, des petits édifices. Donc il y a cette variété-là à analyser dans le paysage au Danemark et il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres éléments quand même du paysage des croyances chrétiennes : il y a aussi tous les cimetières, les croix qui sont dressées dans le paysage, en bois ou en pierres, les pierres funéraires, même les ponts et les routes ont une importance pour le christianisme parce qu’elles permettent d’aller dans le lieu de culte. Voilà, ça fait partie de ce paysage sacré.
Fanny Cohen Moreau : Tu as commencé déjà à nous le brosser, mais est-ce que tu peux nous raconter quel est le cadre historique sur lequel tu as travaillé et pourquoi, et à quoi ressemble le Danemark à l’époque que tu as étudiée ?
Angela Baranes : Le Danemark viking et médiéval en fait, c’est un territoire beaucoup plus étendu que le pays actuel, c’est aussi le Nord de l’Allemagne et le Sud de la Suède. Mon sujet s’inscrit du VIIIe au XIIIe siècle après Jésus Christ, donc on est dans cet âge viking qui s’étend de 750 à 1050 et il faut savoir que l’âge viking, on est dans la Protohistoire : on est dans l’âge du fer germanique. À partir de 1050 on passe dans le Moyen Âge en Scandinavie. Donc il n’y a pas d’Antiquité dans ces zones-là parce que la culture de l’écrit, qui caractérise l’Antiquité, elle vient avec le christianisme et pas avant.
Fanny Cohen Moreau : Il n’y a pas du tout d’écrit au Danemark avant la chrétienté ?
Angela Baranes : Tout à fait. Enfin, l’écrit apparait un peu sous forme de runes, sur les pierres runiques.
Fanny Cohen Moreau : C’est ça, il y en avait sur des pierres mais il n’y avait pas de manuscrits, il n’y a pas de documents.
Angela Baranes : En fait la différence de cette culture de l’écrit sur pierre et sur manuscrit, c’est que les vikings n’utilisaient pas l’écrit narratif. Ils ne racontaient pas leur propre histoire, ils ne légiféraient pas, ils n’administraient pas les choses à partir de l’écrit, tout était culture de l’oralité. Et donc les pierres runiques, elles sont seulement utilisées pour commémorer un défunt. Et donc c’est très court, c’est « Gunnar fils d’Astrid est mort. » et voilà. Et donc le contexte de l’époque, c’est vraiment …, la christianisation c’est un moment où toute la société change vraiment. C’est-à-dire qu’on a des sociétés sans écrit, on a des sociétés qui sont organisées en chefferies, c’est-à-dire des petits territoires de chefs, il y en a d’importance locale ou régionale, et ces chefs-là en fait ils sont élus par leurs sujets. Donc du coup ils peuvent être renversés très facilement, il n’y a pas d’hérédité.
Fanny Cohen Moreau : C’est assez démocratique en fait.
Angela Baranes : Alors il faut avouer qu’on a une image des vikings qui seraient démocratiques parce que c’est vrai qu’il y a des assemblées générales mais en fait on se rend compte que le pouvoir c’est très important. Et quelqu’un qui a une armée très importante, la horde, peut, en fait, faire taire tout le monde.
Fanny Cohen Moreau : Bon d’accord, je suis allée un peu loin alors…
Angela Baranes : Mais c’est vrai que c’est une image qu’on en a un peu romancée, idéalisée. Mais en tous cas donc, des sociétés sans écrit, organisées en chefferies, et ils sont polythéistes. On connait la mythologie nordique à partir des textes plus tardifs, XIIIe-XIVe siècle, notamment écrits en Islande, qui racontent les croyances de ces sociétés sans écrit. Ils avaient un panthéon nordique composé de Thor, Odin, Frey, Freya, Heimdall… Donc des sociétés comme ça au départ de l’âge viking, et lorsqu’ils partent en raid ou en commerce, ce qu’on appelle le phénomène viking, le fait de partir dans l’Europe et au-delà pour un peu récupérer des ressources, tout ça c’est souvent lié au fait qu’il y a tellement de compétition au Danemark et dans les pays scandinaves qu’en fait ils ont besoin pour un peu acheter leur réseau, d’aller récolter des denrées précieuses, des métaux, et puis aussi du prestige – du prestige lié à la connaissance. Revenir avec des informations sur des contrées lointaines, ça permet en fait d’assoir un petit peu son prestige. Donc les sociétés scandinaves durant l’âge viking vont rencontrer les autres, ils vont connaitre le christianisme, et les Chrétiens ça va être leurs voisins, ils vont se battre ou ils vont échanger avec eux, et donc ils ont une connaissance déjà de cette religion avant qu’ils ne l’adoptent eux-mêmes. D’ailleurs, au passage ils vont aussi découvrir l’idéologie du pouvoir qu’il y a en Occident, ou même à Byzance, c’est-à-dire un roi très fort. Ils rencontrent par exemple Louis le Pieux, un Carolingien. En fait ils vont se rendre compte que la doctrine « un Dieu, un roi », ça marche très bien, alors qu’eux ils ont plusieurs dieux et qu’il y a plusieurs rois. Alors peut-être que la manière de maintenir le pouvoir, c’est de se convertir. Donc finalement la conversion elle est beaucoup plus politique.
Fanny Cohen Moreau : Oui effectivement, on en avait pas mal parlé à l’épisode 42 aussi. Mais Angela toi, tu étudies effectivement comment le paysage change sous l’influence de la religion chrétienne. Tu as beaucoup travaillé sur le bâti, vraiment sur le côté un peu plus, on l’a dit, archéologique. Alors comment et où se construisent les premières églises au Danemark ?
Angela Baranes : L’histoire de la monumentalisation chrétienne, le fait de construire des monuments chrétiens dans le paysage, elle débute avec les missionnaires. Les missionnaires, ce sont des clercs qui partent évangéliser dans des contrées lointaines, païennes, ils essaient de prêcher la bonne parole, de baptiser, et ça commence en 700. Vers 700, on a un moine, Willibrord, qui part évangéliser aux frontières du Danemark et de l’Empire franc, il se mouille pas trop. Il n’arrive pas trop à convertir, il rentre un peu bredouille et c’est finalement que 100 ans après, vers 848-860 qu’on a un autre moine de l’Empire carolingien, Anschaire, qui arrive à faire bâtir les deux premières églises du Danemark. Alors, comment il fait ? Il demande l’accord aux rois, aux chefs locaux, il va dans deux ports, des ports qui sont déjà en contact avec tout l’Occident, donc on va dire que les gens là-bas avaient déjà une connaissance du christianisme, c’étaient pas non plus des étrangers. Il fait bâtir des églises dans ces deux ports, à Hedeby et à Ribe, mais les chefs ne se convertissent pas pour autant. Donc il y a une sorte de tolérance envers les Chrétiens, ils ont le droit de bâtir, de pratiquer leur culte, mais, en tout cas la majorité est encore païenne. On sait que dans les textes également, en 948 et 988, donc on est encore 100 ans après, on a deux autres mentions d’églises, une à Aarhus et une à Odense, et il semblerait que ces quatre premières églises soient du ressort de l’archevêché missionnaire. L’archevêché, c’est un genre de super évêché et il est missionnaire parce que en fait, c’est le Pape qui donne ce pouvoir-là à la Germanie, à Hambourg-Brême, il leur donne le pouvoir donc d’évangéliser les païens et d’avoir sous sa domination, sous son contrôle, toutes les premières églises qui sont construites là-bas, vu que les chefs ne sont pas encore chrétiens. Donc on a ces quatre premières églises qui sont sous cette domination étrangère et ce qui est intéressant c’est qu’on n’en a trouvé aucune trace archéologique.
Fanny Cohen Moreau : Ah Zut. [Rires] Donc là, c’est juste des mentions dans des textes.
Angela Baranes : Tout à fait. Et pourtant on a les villes. Et pourtant lors de nombreuses campagnes archéologiques, elles n’ont pas été retrouvées. Donc ça pose un gros problème de sources et c’est vraiment ce qui m’a aussi occupée, qui occupe beaucoup ma thèse : c’est de savoir pourquoi on ne les a pas retrouvées. La première église retrouvée archéologiquement, c’est celle du roi danois régnant, Harald à la dent Bleue en 960.
Fanny Cohen Moreau : Harald à la Dent Bleue ?
Angela Baranes : Oui
Fanny Cohen Moreau : Ok | rires]
Angela Baranes : [rires] Je ne sais pas pourquoi.
Fanny Cohen Moreau : C’est rigolo comme nom !
Angela Baranes : Au moins, on s’en souvient bien. En 960, il construit une église en bois. C’est assez drôle : il la construit à côté d’une pierre runique où un Christ en style très germanique est gravé dessus, donc on comprend bien que c’est un Chrétien, et il explique qu’il a unifié tout le Danemark et qu’il a converti tous les Danois.
Fanny Cohen Moreau : Et c’est vrai ça ?
Angela Baranes : Bah écoute ! C’est vraiment toute la fameuse question, la différence entre le discours et la pratique – je pense que Harald a essayé de bien se faire voir des autres chefs de l’Occident, mais au fond, on ne sait pas vraiment.
[Kaamelott – Livre I Épisode 54 « Le Serpent Géant »]
Fanny Cohen Moreau : Est-ce que ces premières églises, elles sont assez spécifiques par rapport à ce qu’on peut trouver dans le reste de l’Europe ?
Angela Baranes : C’est aussi tout une question de sources archéologiques. Ce sont des églises, en tout cas pour celles de Harald, il en a construit deux en 960-980, elles sont construites en bois. Nous, ce qu’on retrouve en tant qu’archéologues, c’est les négatifs dans le sol, dans le sédiment, laissés par des poteaux, des immenses poteaux en bois, il y en a six qui font la nef. Et on ne retrouve que ça. On connait la taille de l’édifice, c’est 14 par 30 mètres, mais on a pas ses hauteurs parce que là tout le bois a pourri, parce que dans le sol archéologique, qui est humide, le bois qui est une matière organique disparait. Donc on a la taille, mais on n’a pas la hauteur et donc sa forme, son style, si c’était décoré ou pas. Donc ce qui se passe c’est qu’il y a quand même énormément de spéculation autour de ça. Est-ce que par exemple Fanny tu connais les églises en bois debout de Norvège ?
Fanny Cohen Moreau : Pas du tout, j’avoue pas du tout.
Angela Baranes : Il faut absolument aller les voir en Norvège, ce sont les seules églises médiévales en bois qui datent du XIe-XIIIe siècle et qui sont conservées encore aujourd’hui dans toute leur hauteur.
Fanny Cohen Moreau : Je mettrai sur le site passionmédiévistes.fr une photo comme ça les gens pourront voir. Et du coup c’est possible que ça ressemble à ça ?
Angela Baranes : Tout à fait, on se dit que probablement en effet, ces églises du XIe-XIIIe siècles étaient les versions un peu plus avancées de ce qu’on a au Danemark.
Fanny Cohen Moreau : Est-ce qu’elles avaient une forme spécifique, au sol est-ce qu’on se rend compte qu’elles avaient déjà une forme un peu différente du reste de l’Europe ?
Angela Baranes : Le souci c’est qu’en Europe on conserve mal nos églises en bois. C’est vrai que le début du Moyen Âge en Gaulle par exemple, à part les cathédrales en pierres, c’est vrai que tous les autres édifices on les a perdus. Mais donc, oui c’est une nef unique, une sorte de rectangle avec un chœur. Ça a le plan à l’occidentale, mais en revanche, l’extérieur de l’édifice, ce serait probablement des sculptures avec une iconographie totalement païenne, en tout cas préchrétienne, parce qu’on a retrouvé sur les églises de Norvège, mais aussi des petits morceaux de bois qu’on a pu retrouver au Danemark, des sortes d’animaux stylisés qui s’entrelacent, avec des motifs végétaux, des serpents, des têtes de dragon. Ça en fait, c’est ce qu’on retrouve sur l’architecture païenne, sur les pierres runiques. Il semblerait du coup, que ces églises ressemblent beaucoup finalement à l’ancien monde, à l’ancien mode – ça s’appellera aussi mode iconographique.
Fanny Cohen Moreau : Ils gardent quand même encore, ce que tu disais tout à l’heure, ce que tu as étudié comment les deux religions, les deux traditions se mêlent, là on voit que c’est encore très mêlé.
Angela Baranes : Tout à fait, c’est ça.
Fanny Cohen Moreau : Et donc, quand est-ce que sont construites les premières églises en pierres, en dur, dont j’imagine on a un peu plus de traces ?
Angela Baranes : Les premières églises en pierres elles apparaissent vers 1060. C’est vraiment quand la christianisation se consolide. Et on se rend compte que les élites ( c’est les élites qui bâtissent ), elles vont commencer à adopter un modèle occidental. Elles veulent vraiment montrer qu’elles font partie du même réseau occidental. Donc les rois et les évêques invitent des architectes de l’étranger pour construire leurs édifices. Des architectes lombards, donc vraiment d’Italie, Anglo-Normands d’Angleterre, et même germaniques et même byzantins.
Fanny Cohen Moreau : Ah oui, c’est vrai qu’on avait parlé dans l’épisode 42 qu’il y avait des présences de Byzance jusque dans l’espace scandinave. C’est quand même assez incroyable.
Angela Baranes : Oui tout à fait, en fait on se rend compte que le monde était ouvert et connecté. On va avoir des églises qui sont totalement une antithèse de ce qu’on peut trouver à côté. Il va y avoir un art roman entre 1060 et 1100, puis un art gothique à partir de 1250 donc finalement comme dans le reste de l’Occident. La seule différence va être qu’à partir de 1170, peu de temps après les premières églises en pierres, on va avoir l’utilisation de briques. Ils vont se dire « bon tiens, on a plus de briques que de pierres chez nous donc on va un peu s’adapter à nos ressources » et donc on va construire ces fameuses briques du Nord pour les lieux de culte.
Fanny Cohen Moreau : Donc là on a les églises qui sont construites, le culte peut avoir lieu. Donc une fois que les populations sont converties, comment se met en place le culte chrétien au Danemark ?
Angela Baranes : Alors la première partie de la question, elle est déjà très intéressante parce c’est vrai qu’on ne sait pas quand les populations sont converties. En fait, on a les élites qui construisent des églises qui sont indiquées comme chrétiennes, mais le commun, le paysan du coin, ça, on n’en sait rien. En fait la pierre runique de Harald à la Dent Bleue, notre fameux roi de tout à l’heure, en 960, il indique qu’il a converti tout le monde, mais on ne sait pas comment il a fait, et on ne sait pas si c’est vrai. Est-ce qu’il l’a fait par la force, ou par une loi, ou il a réussi à les convaincre de se convertir tout simplement, ça on n’en sait rien. On sait juste qu’il commence à y avoir davantage de cimetières chrétiens près des églises vers l’an 1000. Donc 40 ans après quand même, à Kongemarken, Lund, Seversund, c’est les sites en tout cas de cimetières, et donc là il y aurait une conversion du commun. Mais pourtant on a 100 ans après encore des nécropoles dites païennes. Donc on ne sait pas trop : est-ce qu’il y avait encore une sorte de population mixte, ou est-ce que c’est plutôt que les personnes continuaient de se faire inhumer comme leurs ancêtres ? Parce qu’au fond, les pratiques funéraires ça peut être autant des pratiques culturelles, familiales que des pratiques religieuses. On va dire en tout cas qu’à partir de l’an 1100 on est sûr : ils sont quasiment tous chrétiens. Dans ce contexte-là, il y a vraiment deux rituels principaux pour le culte chrétien : le baptême et la messe. Le baptême, c’est le fait de rentrer dans la communauté chrétienne, c’est très important, on se lave de ses péchés originels par l’eau. La chose qui est intéressante, c’est que dans les textes que j’étudie des missionnaires on a des indications de baptêmes, beaucoup d’ailleurs, les missionnaires exagèrent toujours : « ils viennent en grande foule, hommes et femmes, se convertir » mais en fait on n’a pas d’indication de la méthode. On n’a pas trouvé de piscine baptismale…
Fanny Cohen Moreau : Attends, de quoi ? des piscines ?
Angela Baranes : Alors en fait, par exemple en Gaulle, au début du christianisme donc à l’Antiquité tardive et au début du Haut Moyen Âge, on a à côté des églises des énormes bassins qui permettent de baptiser, d’immerger totalement un adulte. Parce qu’on se convertissait quand on était adulte. C’était vraiment à côté du lieu de culte. Donc là, il n’y a aucune trace de ces piscines baptismales et également on n’a pas non plus de fonds baptismaux, donc là c’est les plus petites cuves – c’est ce qu’on peut trouver aujourd’hui dans les églises pour baptiser les enfants. On n’a rien de tel et donc moi je me pose vraiment la question de peut-être une sorte d’adaptation aux ressources qu’on avait à l’époque : les missionnaires, ils étaient un peu juste avec leur livre et leur autel portatif, ils n’avaient vraiment pas de moyens ni d’argent. Et donc je pense qu’en fait on baptisait dans les fleuves, et là les fleuves il y en a partout au Danemark. Et en plus c’est pratique parce qu’on peut immerger un homme adulte entièrement.
Fanny Cohen Moreau : Et même plusieurs en même temps.
Angela Baranes : …même plusieurs en même temps, tout à fait, il peut y avoir des baptêmes collectifs, tout à fait. Et en tout cas, à partir du XIIe siècle là, on a plein de fonds baptismaux, donc ces petites cuves, dans toutes les églises de mon corpus. Donc là on se rend compte que l’Église a voulu un peu serrer les vis et dire « non, non, ça se passera dans notre lieu de culte, et avec nos évêques ».
Fanny Cohen Moreau : Justement, tu parles de l’Église. Comment se met en place le maillage géographique de l’Église avec un grand E. Parce que, en France, dans le Royaume de France il y avait déjà tout ce maillage avec les diocèses, tous ces espaces géographiques, où l’Église s’est répartie, a organisé vraiment tout le territoire, mais là au Danemark il y a tout à faire, donc comment ils ont créé les diocèses au Danemark ?
Angela Baranes : Tu as tout à fait raison de dire qu’il y avait un peu tout à faire parce que c’est vrai que l’Église s’organise en Gaulle par exemple, et dans l’Occident méridional, donc au Sud, à partir du territoire qu’avaient laissé les Romains. Donc quelque chose de très territorialisé avec des cités …,
Fanny Cohen Moreau : …organisé, tout ça…
Angela Baranes : …oui, et très hiérarchisé aussi. Donc les évêques ont installé leurs évêchés, leurs cathédrales, à l’endroit où il y avait une cité romaine. Et là en fait, la Scandinavie n’est pas romanisée. Finalement, ce n’est pas le même héritage : il y avait tout à faire parce que tout était très lâche, très peu hiérarchisé et donc ce qui s’est passé, c’est qu’au début, de 848 à 1060, le problème c’est que les clercs étaient principalement des étrangers.
Fanny Cohen Moreau : Donc sans pouvoir, sans domination sociale aucune.
Angela Baranes : C’est ça tout à fait. Et surtout en fait, on se demande même s’ils sont allés vivre avec les païens. Beaucoup d’historiens pensent que ce sont surement des évêques fantômes en fait, qui ont eu le titre prestigieux, mais qui restent en Germanie, qui profitent de leur statut et qui n’ont pas mis les pieds au Danemark parce qu’en plus on ne retrouve pas leurs églises, donc c’est vrai que ça pose question.
Fanny Cohen Moreau : Donc ils sont théoriquement évêque de Machin, mais en fait sur place, personne ne sait qui ils sont.
Angela Baranes : Tout à fait. En fait ce sont des évêques qui sont itinérants, c’est-à-dire qu’ils se baladent de temps en temps pour évangéliser, mais du coup il n’y a pas de structure territoriale de l’Église vraiment. Et donc ce qu’il se passe, je pense, c’est qu’à partir du début du XIIe siècle, quand le roi danois Éric le Bon il arrive, il va voir le Pape à Rome et il lui dit « ok, je veux un archevêché danois, ça suffit de dépendre des germaniques » là je pense que l’Église commence à s’autogérer, à s’organiser avec des prêtres danois et donc là, il commence à y avoir une influence territoriale.
Fanny Cohen Moreau : Donc là on se dit « ok, que le diocèse de Machin il va aller de tant à tant, jusqu’à telle barrière » et là ça s’organise vraiment comme ça ?
Angela Baranes : Ça prend un peu plus de temps. On est au début du XIIe siècle et on va dire que c’est au milieu du XIIIe siècle que vraiment il y a des sortes de frontières qui se mettent en place. Et comment ça marche en fait ? ça se passe exactement comme en Occident, parce que c’était quelque chose d’assez flou encore au Moyen Âge, c’est qu’en fait à partir du moment où on met la dîme, c’est à dire un impôt de l’Église…
Fanny Cohen Moreau : Ah ! D’accord : c’est les sous !
Angela Baranes : Exactement ! [Rires] C’est-à-dire qu’à un moment donné il fallait savoir « ce village, il est à qui, à telle église ou à l’autre ? » et là ils commencent un peu à se battre et à délimiter les frontières.
Fanny Cohen Moreau : Toujours une histoire d’argent en fait ! [Rires]
Angela Baranes : Toujours.
Fanny Cohen Moreau : D’ailleurs toi, c’est à partir de cette période que tu arrêtes ton étude, c’est ça ?
Angela Baranes : Exactement. Je m’arrête en 1300, comme ça, ça me permet de vraiment partir du VIIIe siècle, donc de 700, des premiers missionnaires qui galèrent [rires], jusqu’en 1300 où on voit que l’Église a tout consolidé, territorialement et socialement.
[Vikings -saison 3, Épisode 9]
Fanny Cohen Moreau : Là on a vu comment l’espace change sous l’influence de l’Église et du culte chrétien, mais est-ce qu’on sait comment la vie quotidienne change pour les populations ?
Angela Baranes : C’est vraiment une question que je me suis posée, je n’avais pas envie de juste travailler sur les élites, mais aussi le paysage du commun, et il y a quelque chose qui se passe qui est assez intéressant : je fais des bases de données sur toutes les églises qui existent du VIIIe au XIIIe siècle et je me rends compte, dans mes cartes, qu’il y a une explosion d’églises au XIIe siècle. C’est-à-dire que tout d’un coup, sur tout le territoire de façon assez homogène, il y a plein d’églises là où les populations vivent et donc on se rend compte que c’est sûrement à ce moment-là qu’elles sont vraiment encadrées par l’Église avec un grand E parce que dans leur village, il y a une église.
Fanny Cohen Moreau : C’est l’offre et la demande qui se rencontrent un petit peu, en quelque sorte ?
Angela Baranes : C’est exactement ça. C’est-à-dire qu’il faut aussi poser une église, l’implanter à l’endroit où il y a du monde. Sinon il ne va pas y avoir assez d’argent pour la maintenir. Et du coup, oui, il y a les cloches qui sonnent, comme on l’imagine, et d’ailleurs j’essaie de voir un peu la différence avec l’avant, c’est-à-dire la période préchrétienne, païenne : est-ce que les cultes étaient aussi présents dans la société que l’était le christianisme au XIIe siècle ? Et en fait les cultes païens, ils sont assez multipolaires, c’est-à-dire qu’il va y avoir quelques grands lieux de chefs, peu de grandes capitales de pouvoir, où, là, il va y avoir de petites maisons de culte, de petites maisons de dieux en fait où on va déposer des offrandes – on voit plein de feuilles d’or sculptées en or, des trucs magnifiques, mais de la taille d’un petit doigt. C’est magnifique, c’est très précieux et c’est déposé dans de petites maisons de culte bâties à côté d’une grande halle de chef, un peu comme on peut voir les halles dans Vikings, la série. Donc on a ces grands lieux, et les textes chrétiens, les clercs nous expliquent que les païens faisaient des pèlerinages tous les neuf ans ou tous les sept ans. Ils viennent de contrées très lointaines ou locales pour aller célébrer les dieux dans ces sites-là. Donc on se rend compte que ce n’est pas très quotidien, c’est quelque chose d’assez exceptionnel. Et puis je pense que parallèlement, il y avait des cultes plutôt familiaux comme dans l’Antiquité gréco-romaine…
Fanny Cohen Moreau : plus intimes.
Angela Baranes : c’est ça, des cultes à la maison, ou même des cultes en plein air. Il y a beaucoup d’offrandes archéologiques, on les voit dans les lacs, dans les forêts, dans les marais, donc là je pense que c’est plutôt les cultes du quotidien. Mais on voit que ce n’est pas très structuré et donc je pense qu’avec les clercs, déjà on a un clergé (ce qui n’existait pas avant), on a des clercs on a des lieux assez bien répartis et qui contrôlent toute la vie, de la vie à la mort. Donc c’est sûr qu’il y a une grosse différence.
Fanny Cohen Moreau : On l’a déjà dit un petit peu aussi, mais il faut bien garder en tête que ce qu’on sait de cette période, on le sait par le point de vue de clercs étrangers qui sont venus, comme tu l’as dit, en fait à cette époque-là, les Danois n’écrivaient pas beaucoup sur eux-mêmes. Et là j’imagine que c’est très important pour toi, cette question de point de vue sur ces populations, que toi, tu dois un peu réinterpréter derrière.
Angela Baranes : Oui tout à fait, et c’est d’ailleurs ce qui me fascine dans des sujets pareils : c’est prendre une société qui n’a pas d’écrit, comme les Saxons ou les Anglo-Saxons en Angleterre ou en Allemagne donc et d’essayer de comparer avec les sources archéologiques, qui sont les seules sources laissées par eux, et les sources étrangères avec un regard subjectif sur l’autre. Parce que c’est vrai que quand on lit des textes sur des Musulmans qui parlent des Danois, ou des Byzantins qui parlent sur des Danois, on se rend compte qu’en effet, ils ne sont pas compréhensibles ces gens : ils se trompent de dieux, ils ont des femmes, ils tuent des esclaves… des choses assez bizarres pour eux. C’est vrai qu’il faut un peu jongler entre ces deux sources et un peu voir ce qui se révèle dans le discours et dans la pratique.
Fanny Cohen Moreau : Pour les Scandinaves et les Vikings, on a donc l’image parfois de ces enterrements où on brûle les corps et tout ça, c’est beaucoup ritualisé, est-ce que ça change ça aussi avec la chrétienté, tu nous l’as un peu dit qu’il y a effectivement les cimetières qui se développent mais ça continue à cohabiter, c’est ça ?
Angela Baranes : Oui, c’est ça, c’est qu’en fait, c’est vraiment des évolutions sur la longue durée, très douces, très progressives. Il y a plein de choses qui se passent. Parfois il y a des mélanges même qui se mettent en place, on ne sait même plus. Les archéologues ne savent pas définir une tombe chrétienne d’une tombe païenne en contexte de conversion. On n’arrive pas à les distinguer. En fait, les chercheurs font des catégories. Ils distinguent une tombe chrétienne d’une tombe païenne en donnant des caractéristiques particulières. Donc la tombe chrétienne, c’est une tombe sans mobilier, parce qu’il faut être humble devant la mort, on a une orientation est-ouest, on est tourné vers l’est parce que c’est l’Orient et c’est le lieu de la résurrection du Christ, on est près de l’église. Les enfants sont inhumés aussi, parce qu’apparemment chez les païens, les enfants étaient relégués des nécropoles. On a ces inhumations-là en cercueil, et à l’inverse on imagine des tombes païennes où c’est des crémations, où c’est des tombes en bateau ou alors des tombes sous des tumuli, des tertres funéraires, donc des monticules de terre, donc des choses assez visibles, assez ostentatoires, avec plein d’armes, plein de bijoux, en fait plein de choses de son quotidien, de son vivant. Donc on a essayé de distinguer les nécropoles païennes des nécropoles chrétiennes au Danemark mais en fait ça ne fonctionne pas, car dès le VIIe siècle, les Danois vont commencer à adopter la mode des voisins chrétiens, donc ils vont commencer à s’inhumer avec une orientation est-ouest comme les autres, avec peu de mobilier ; et à l’inverse on sait très bien et même en Occident, en Gaulle, qu’au début du Moyen Âge il y avait des Chrétiens avec plein d’armes et plein de bijoux. Donc finalement, entre la théorie et la pratique, il y a un monde, donc les archéologues préfèrent parler, et moi je suis tout à fait d’accord, on va parler de la tombe de la conversion où, en fait, on a un peu des deux.
Fanny Cohen Moreau : On en a un peu parlé, mais pour ta thèse Angela tu adoptes une approche spatiale de l’histoire. Comment ça se traduit dans tes recherches ?
Angela Baranes : L’analyse spatiale en histoire et en sciences humaines, elle se développe pendant les années 80. C’est un moment où on commence à se dire que les sociétés passées ou récentes ou actuelles, elles s’inscrivent dans un espace, elles se déplacent, elles vivent, elles produisent dans un espace. Et donc on commence vraiment à se dire qu’il faut peut-être utiliser cet espace qu’elles construisent. Et donc on utilise des concepts d’ethnologues, d’anthropologues. Donc c’est pas mal, on est un peu dans l’interdisciplinarité. Moi, concrètement comment ça se traduit dans ma thèse, c’est que dès que j’étudie un édifice ou une personne, ou un évènement ou un rituel, j’essaie toujours de me dire dans quel paysage il se déroule, il s’implante. Ça suppose que quand on a une idée très précise du lieu, de prendre les coordonnées géographiques, latitudes, longitudes, comme ça on peut faire des cartes informatisées et plein d’analyses spatiales, c’est sur des logiciels particuliers. Mais surtout on essaie de reconstituer le paysage de l’époque, parce qu’il est souvent très différent de ce qu’on connait aujourd’hui, notamment avec toute l’industrialisation qui a enlevé les couverts forestiers, parfois les eaux se sont déplacées, les fleuves… donc il faut un peu reconstituer tout ça. Et notamment, je peux donner un exemple très concret en fait : quand le premier missionnaire en charge arrive à bâtir son église à Ribe, on pense que, donc c’est un port danois, on pense qu’il s’est implanté à l’autre bout de l’habitat, c’est-à-dire qu’on a une sorte de ville à Ribe, qui est au bord d’un fleuve, et lui il s’est mis de l’autre côté du fleuve, très loin des Païens. Et en fait il n’explique pas dans les textes pourquoi. Mais il peut y avoir plusieurs raisons et le spatial nous permet de comprendre ses méthodes. Par exemple, c’est un moine, on peut imaginer que c’est un moine bénédictin. On peut imaginer qu’il a l’habitude d’être reclus, d’étudier etc. Donc il ne va pas se mettre au milieu d’une ville très bruyante, avec des Païens en plus, pour rester pendant deux ans à évangéliser. Donc pour moi, se mettre en hauteur, ça permet déjà de rester un peu dans une sorte de monastère. Ensuite, il est visible du coup du fleuve et de tous les bateaux qui arrivent vers le port. Et du coup avoir une église là, ça permet d’avoir une sorte de drapeau blanc pour dire « regardez, les Chrétiens sont autorisés à venir, on est tolérants, vous pouvez commercer avec nous ». Et enfin, près de la ville il y a une nécropole païenne, et dans les textes, il est vrai, on est censé ne pas implanter un cimetière chrétien près de tombes de terres souillées. Donc il vaut mieux s’en éloigner. Donc on comprend juste ça avec la topographie de son implantation.
[Intermède : Découverte archéologique au Danemark-Euronews : « Il s’agirait des tout premiers habitants de Copenhague, la capitale danoise. Depuis décembre, une équipe d’archéologues du musée national de Copenhague fouille les sous-sols sous la place de l’Hôtel de Ville et ils viennent d’annoncer avoir découvert une vingtaine de squelettes. Ces ossements appartiendraient à des familles ayant vécu il y a un millier d’années. Ils ont été découverts un mètre seulement sous la surface de la place la plus fréquentée du pays et les archéologues ont bon espoir d’en exhumer d’autres. Une découverte susceptible de permettre d’en savoir davantage sur la manière dont fut fondée la capitale. »]
Fanny Cohen Moreau : Et d’ailleurs, c’est une question qui est toujours un peu délicate à poser à un doctorant mais comment se passe ta thèse ? Là tu es en deuxième année, comment se passent tes recherches ?
Angela Baranes : Alors oui, j’en suis à la fin de ma deuxième année de doctorat, et je pense que pour le moment ça se passe plutôt bien dans le sens où ça y est, on commence un peu à maîtriser la bibliographie et on commence à avoir de petites hypothèses personnelles, c’est assez satisfaisant. Et j’ai cette chance là, c’est qu’il y a énormément de choses numérisées sur le Danemark. C’est-à-dire que les sources en latin sont numérisées, les travaux d’archéologues sont numérisés, et là c’est vraiment …, il y a une science ouverte qui est développée au Danemark et en Scandinavie, et donc je peux avoir toutes les choses à la maison. Je ne suis pas bloquée par le COVID par exemple.
Fanny Cohen Moreau : Oui, au moment où on enregistre, on est encore un peu dans cette période de COVID, n’est-ce pas, donc toi effectivement ça ne t’a pas trop impactée ?
Angela Baranes : Non, pas du tout, pendant un an j’ai vraiment pu avancer, ce qui n’est pas donné à tout le monde.
Fanny Cohen Moreau : C’est super, tu as eu beaucoup de chance.
Angela Baranes : Tout à fait. Et en plus, j’ai cette chance là c‘est que je peux partir.Tous les étés j’ai pu partir au Danemark et là, dans un mois, je pars en Suède pour fouiller.
Fanny Cohen Moreau : Oui tu vas en Suède parce qu’à l’époque, c’était le Danemark, c’est ça ?
Angela Baranes : Tout à fait ! C’est ça, le site s’appelle Uppåkra. Il est occupé depuis le Ve siècle après Jésus Christ par une élite danoise, donc on a sa halle de chef, on a plein d’artisanat donc on voit que c’est aussi un lieu d’échanges et de production, quelque chose d’assez riche, et à côté de sa halle, il y a cette maison de culte. D’ailleurs, c’est la première qu’on a retrouvée. On l’a retrouvée dans les années 2000. Donc c’est quelque chose d’assez récent en fait l’historiographie du temple païen. Avant on pensait que les Vikings n’offraient aux dieux que dans des espaces naturels. Mais en fait, non, ils avaient des temples bâtis tout comme les Romains et les Grecs.
Fanny Cohen Moreau : Donc là, cette historiographie, cette façon de penser l’histoire des Vikings est très récente.
Angela Baranes : Tout à fait ! C’est ça, et grâce à l’archéologie justement.
Fanny Cohen Moreau : Donc là, tu nous as dit que les étés tu y allais. Qu’est-ce que tu fais quand tu vas au Danemark ou en Suède ?
Angela Baranes : Je trouve que c’est très important quand on fait une analyse spatiale, qu’on essaie de comprendre le changement de paysage, d’y aller soi-même. C’est-à-dire que moi je me balade aux endroits où les médiévaux se déplaçaient autrefois, je vais voir les églises, je vais voir si elles sont en hauteur, c’est quelque chose qu’on peut peut-être voir sur Google Maps mais bon les vues aériennes ce n’est pas …, on ne voit pas l’espace du quotidien avec les vues aériennes, et les petits bonhommes jaunes qui nous permettent de nous déplacer sur Google Earth…
Fanny Cohen Moreau : Oui. Avec la vue depuis la rue vraiment
Angela Baranes : C’est ça, la vue paysagère, ça il n’est pas automatique, il n’est pas systématique dans l’espace. On a des endroits qu’on ne peut pas voir. C’était vraiment important pour moi ces deux derniers étés d’aller dans le milieu Je peux donner un exemple très concret, quelque chose que je n’aurais jamais pu découvrir en ligne : j’étais dans la cité épiscopale de Roskilde, donc au XIe siècle, c’est aussi la capitale royale, donc énormément d’églises là-bas parce que c’est vraiment un lieu de pouvoir. En fait, Roskilde, « kilde » ça veut dire « source » en danois et il y a une dizaine de sources d’eau sacrée, enfin, d’eau, qui sont dans toute la ville et on pensait que ces sources sacrées étaient déjà utilisées depuis la période préchrétienne. Et elles sont ensuite utilisées par les Chrétiens, elles sont converties, et on leur donne le nom d’un Saint. Et en fait on les entend, quand on va d’une église à une autre, on entend toute l’eau qui coule, tout dans la ville.
Fanny Cohen Moreau : Ah
Angela Baranes : Donc au final, il y a un paysage sonore que j’aurais raté si j’étais restée sur Google Maps.
Fanny Cohen Moreau : Et même aujourd’hui, en entend encore de cette façon ?
Angela Baranes : Tout à fait.
Fanny Cohen Moreau : L’archéologie du paysage sonore, j’en avais parlé avec Mylène Pardoen dans un épisode de la série spéciale sur Notre Dame de Paris. C’est très très intéressant. Donc toi, tu utilises plein de méthodes différentes pour ta thèse, que ce soit donc des méthodes d’histoire classiques dans les manuscrits, mais aussi de l’archéologie et même un peu d’anthropologie ?
Angela Baranes : Alors de l’anthropologie, peut-être, peut-être surtout de manière inconsciente mais surtout j’utilise, je mobilise, des concepts de géographe. Il y a comme une sorte de barrière entre les historiens et les géographes, comme si on ne venait pas du même monde, mais au final nos sociétés anciennes étaient dans un espace. Et donc j’utilise par exemple les concepts de périphérie, de centre, de marge, de connectivité. J’essaie de voir par exemple, toutes ces églises qui s’implantent dans le paysage, j’essaie de voir si elles ont une bonne desserte. C’est un service au final, l’église. C’est un lieu de culte. Donc, c’est un service, et comme tu me parlais de l’offre et de la demande, c’est exactement ça : voir si du coup elles desservent bien pour la démographie. Ça c’est finalement une méthode de géographe.
Fanny Cohen Moreau : Ah mais c’est très bien. J’aimerais un jour, je pense, allez petite chose, je crois que j’aimerais un jour faire un Passion Géographes. Je dis ça comme ça, si y’a des gens qui sont intéressés, qui ont des idées de sujets… contactez-moi ! Ou même en fait, parler un peu plus de géographie et d’histoire dans ce podcast. Donc s’il y a des personnes qui étudient le Moyen Âge du point de vue de la géographie mais contactez-moi ! J’ai envie d’en parler un petit peu plus. Mais Angela, bon, on a l’impression que tout se passe bien pour toi mais est-ce que tu as des difficultés ? Parce que là, ça a l’air idéal en fait comme ça !
Angela Baranes : Oui, non, bon… C’est juste que je suis optimiste de nature [Rires]. Mais évidemment, il y a des défis. Je crois que le défi principal clairement, c’était en fait de trouver et de comprendre, des ouvrages en scandinave.
Fanny Cohen Moreau : Ah ! Parce que tu parles danois ?
Angela Baranes : Non pas du tout en fait. ! J’ai vraiment appris sur le tas. C’est-à-dire que je peux lire et comprendre une description d’église mais je ne peux pas parler de vacances avec un Danois, ça c’est sûr.
Fanny Cohen Moreau : [rire]
Angela Baranes : Donc c’est un danois très spécialisé. Mais même au-delà de ça, il y a beaucoup d’ouvrages sur le monde scandinave et viking qui sont déjà très centralisés à Paris – donc moi, venant de Nice, j’ai dû faire plein de petites missions en bibliothèque, notamment à la bibliothèque nordique Sainte Geneviève, qui est super. Et puis surtout, plein d’ouvrages qui ne sont même pas en France du tout et j’ai dû du coup partir au Danemark pour aller lire. C’est vraiment un défi principal, il faut vraiment peut-être avoir un laboratoire qui te soutient, pour financer les missions et cætera, ça c’est sûr.
Fanny Cohen Moreau : Oui, tu es en codirection avec Paris I aussi.
Angela Baranes : Oui, tout à fait.
Fanny Cohen Moreau : D’ailleurs, pourquoi il y a cette codirection ?
Angela Baranes : Alors, cette codirection elle est, je trouve que c’est une chouette histoire : j’ai fait mes études à l’université de Nice, et donc je connais Michel Lauwers depuis un certain temps. C’est un historien de l’espace, de l’Église, en fait son approche est totalement couplée dans la codirection avec Anne Nissen qui est archéologue, donc on a une autre discipline, qui travaille aussi sur l’espace, mais du coup plutôt les élites, et le monde scandinave. Donc vraiment c’est un peu la fusion parfaite finalement pour être guidée dans un sujet pareil.
Fanny Cohen Moreau : Pour finir, Angela, j’ai une question un petit peu rituelle dans ce podcast et je pense aux futurs doctorants, aux futures personnes qui voudraient chercher et pas que ! Les autres personnes, je ne vous oublie pas, je n’exclus pas le reste des auditeurs-auditrices ! Est-ce que tu as des conseils pour les personnes qui voudraient étudier le Danemark médiéval ?
Angela Baranes : Selon moi, le Danemark c’est un super espace d’études car les Scandinaves en général ont tendance à beaucoup écrire en anglais. Donc c’est vrai que quand même on est un peu moins perdu quand on commence nos premières recherches, on arrive à avoir pas mal de traductions. Bon, après c’est vrai qu’il faut se coller ensuite aux ouvrages en danois, en suédois, mais je pense que du coup, pour un peu débroussailler un sujet c’est pas mal. Et surtout, il y a tellement peu de manuscrits médiévaux latins, il y en a peut-être …, du XIe au XIIIe siècle il doit y en avoir quoi ? Peut-être 70.
Fanny Cohen Moreau : Ah oui ? Sur tout le Danemark médiéval ?
Angela Baranes : Oui, peu d’écrits parce que je crois qu’il y a un roi à l’époque moderne qui a fait un feu avec les manuscrits de la bibliothèque.
Fanny Cohen Moreau : Ah non !
Angela Baranes : Si ! Il y a quelque chose comme ça et c’est vrai qu’on a commencé tellement tard à écrire que c’est vrai c’est une petite poignée. Et ils sont très bien transcrits, numérisés, tout est en ligne donc on peut vraiment en fait, travailler des textes latins de chez soi. Et puis j’ajouterai quelque chose d’assez humain : les Scandinaves, les Danois, les Suédois, ils sont très très accessibles. C’est-à-dire qu’en gros, on peut être un petit jeune doctorant et aller voir un grand ponte au Danemark et il va pouvoir t’offrir un café et du thé et parler de tes hypothèses pendant des heures – et ça, c’est chouette.
Fanny Cohen Moreau : Désormais chers auditeurs et auditrices, vous en savez beaucoup plus sur le Danemark au Moyen Âge, sur comment l’Église s’est implantée et sur l’archéologie danoise. Merci beaucoup Angela Baranes, c’était vraiment passionnant donc bonne continuation pour la suite de ta thèse.
Angela Baranes : Merci Fanny !
Fanny Cohen Moreau : Les auditeurs et auditrices bien sûr, on a parlé de plein de choses aujourd’hui, de plein d’églises et tout ça, sur le site Passionmédiévistes.fr, bon vous avez l’habitude maintenant vous le savez, je mets un petit article pour chaque épisode donc je vous mettrai plein de photos -allez voir tout ça si ça vous intéresse. Je vous mettrai aussi des conseils de lecture un peu plus, qu’Angela vous fera si vous voulez en savoir plus sur cette période-là. Et je le redis, si vous voulez en savoir plus, notamment sur comment les femmes se sont converties plutôt sur l’espace scandinave en général, allez écouter l’épisode 42 que j’avais fait avec Gaïa et si vous voulez en savoir plus sur le Moyen Âge, allez écouter tous les autres épisodes de Passion Médiévistes. Là voilà, cet été je vous ai proposé, un petit peu, parce que cet épisode sort normalement en août 2021, donc on est en été, et je vous ai proposé dans les derniers épisodes un petit peu de voyage, avant on a parlé de l’Adriatique et avant de Nice. Et normalement je vous ai aussi sorti un épisode Hors les Murs à Avignon au Palais des Papes, là aussi pour faire un petit peu voyager cet été – peut-être même d’autres choses, je ne sais pas encore là à l’heure où j’enregistre, donc n’hésitez pas à aller sur passionmedievistes.fr les autres épisodes ou alors juste sur l’application de podcasts où vous écoutez cet épisode, il y a tous les autres à aller voir.
Et tant que vous êtes sur cette application de podcasts, vous pouvez aller voir mes autres podcasts : il y a Passion Modernistes sur l’époque Moderne – donc l‘époque moderne c’est de 1500 à 1800, en gros de la Renaissance à la Révolution française, sous le même format que ce que vous avez écouté aujourd’hui, et il y a aussi Passion Antiquités, qui existe depuis janvier 2021 où on parle de toutes les Antiquités, antiquités avec un S parce que je vous propose vraiment d’aller un peu du Mur d’Hadrien jusqu’au Nil, d’explorer toute cette zone antique, et peut-être même le reste du monde pendant l’Antiquité. Si vous voulez me soutenir, si vous voulez partager le podcast, eh bien n’hésitez pas à en parler autour de vous, à votre frère, à votre cousine, vraiment à vos collègues. Si vous êtes vous-même jeune médiéviste en Master ou en doctorat et que vous souhaitez passer dans le podcast, eh bien envoyez-moi un mail ! C’est passionmedievistes@gmail.com ou alors c’est sur le site passionmedievistes.fr il y a un petit onglet de contact. Parfois je mets un peu de temps à répondre mais je finis toujours par répondre, ou alors envoyez-moi un petit rappel si j’ai pas répondu depuis quelques semaines – désolée ! Mais je suis toujours preneuse de suggestions de sujets, tout ça, parce que le jour où j’ai plus d’invités, je fais plus de podcast hein ! Donc j’ai besoin d’avoir des suggestions de sujets, de propositions pour les futurs épisodes. Et si vous voulez me soutenir financièrement et bien, j’ai un tipeee (Tipeee donc c’est une plateforme de financements participatifs où vous pouvez donner quelques euros par mois ou un peu plus, comme vous voulez, ou juste un fois ). Donc c’est tipeee.com/passionmedievistes. Je vous remets le lien dans la description. Ça m’aidera beaucoup parce que je consacre énormément de mon temps au podcast et grâce au soutien je peux y consacrer de plus en plus de temps, sortir de plus en plus d’épisodes, et donc par exemple aussi payer l’illustration de cet épisode. J’espère que vous l’avez vue, qu’elle vous plait. Ce mois-ci je tiens à remercier Isabelle, Marion, Franck, William, Loïc, Camille, Arnaud et Ludivine. Merci beaucoup à eux ! Voilà, cet épisode est fini, vous avez bien voyagé. Normalement, le prochain épisode sera en septembre 2021, donc c’est la rentrée, donc on parlera de sujets très sérieux ! Dans le prochain épisode de Passion Médiévistes on parlera de la philosophie au Moyen Âge. À bientôt !
[musique]
[Ton mystérieux et enjoué] Et en septembre, il y aura aussi le retour de quelque chose…
Extrait :
Fanny Cohen Moreau : Autour de la table j’ai avec moi : en face de moi toujours Guillaume. Bonjour Guillaume !
Guillaume : Bonjour Fanny.
Fanny : Donc tu es [Rires]
Guillaume : waou il a dit mon prénom oh là là [rires] C’est la première fois que tu me la fais celle-là !
Fanny Cohen Moreau : [rires]Non mais j’avais l’impression que de faire un débat politique
Guillaume {sérieux} : Bonjour Fanny Cohen Moreau
Tous : [rire])
Merci à Virginie pour la transcription et à Mline pour la relecture !