Épisode 94 – Andréa et Catherine de Bourgogne
Découvrez dans cet épisode Catherine de Bourgogne, une femme de la fin du Moyen Âge !
L’invitée de cet épisode 94 de Passion Médiévistes est Andréa Pieron. En septembre 2023, à l’Université de Strasbourg et sous la direction de Laurence Buchholzer-Remy, elle a soutenu un mémoire sur le sujet, “Catherine de Bourgogne, femme de pouvoir ou auxiliaire de la maison de Bourgogne en Haute-Alsace et dans le Sundgau ? (1393-1426)”. Entre histoire politique, histoire des femmes et histoire régionale, vivez le destin méconnu de Catherine de Bourgogne, cette fille de duc mariée à un prince, entre deux maisons et deux pouvoirs.
Bourgogne et Europe à la fin du Moyen Âge
Dans le cadre de son mémoire, Andréa Pieron a étudié la vie de Catherine de Bourgogne, de son mariage, célébré en 1393, à sa mort, en 1426. Elle s’est concentrée sur un espace géographique restreint, entre la Haute-Alsace, le territoire de Belfort et le Sundgau, un petit territoire du Haut-Rhin (*contrairement à ce que Andréa Pieron dit dans l’épisode). Si elle ne s’est pas attardée sur les premières années de la vie de Catherine de Bourgogne, Andréa Pieron peut tout de même affirmer que celle-ci a reçu une éducation soignée, adaptée à une jeune-fille de son rang.
Du point de vue géographique, Andréa Pieron délimite pour vous le comté de Bourgogne, territoire du père de Catherine de Bourgogne et l’un des plus importants du royaume de France. Il comprend alors la Flandre, l’Artois et quelques comtés isolés dans le nord du royaume, ainsi que le duché de Bourgogne, qui, à cette époque, est situé dans le Saint Empire Romain – soit la Franche-Comté actuelle.
Pour ce qui est du contexte historique, Catherine de Bourgogne née en 1379, vers la fin de la Guerre de Cent ans – ce conflit de succession qui oppose les royaumes de France et d’Angleterre. Son père, Philippe Le Hardi, est duc de Bourgogne. Il est le frère du roi Charles V, qui règne à ce moment-là et donc l’oncle du futur roi Charles VI. Catherine de Bourgogne est ainsi la petite-fille de roi de France. Comme le souligne Andréa Pieron, elle est également la sœur du futur Jean Sans Peur, l’aîné de sa fratrie, et la tante du fils et successeur de ce dernier, Philippe Le Bon.
Le mariage de Catherine de Bourgogne
“100 000 francs de dot, contre 2 000 en moyenne pour la petite noblesse à l’époque, c’est énorme !” – Andréa Pieron.
En 1393, Catherine de Bourgogne épouse Léopold IV de Habsbourg, un prince autrichien à qui elle est promise depuis sa naissance. La famille de Habsbourg est alors une grande famille. Andréa Pieron vous explique donc que, du côté de la Bourgogne, ce mariage est une manœuvre politique pour étendre le territoire du duché. Tandis que du côté des Habsbourg, au-delà d’une expansion territoriale, on cherche avant tout à s’établir financièrement, notamment grâce à la dot importante de Catherine de Bourgogne.
Cette union est d’abord conclue dès 1377 par la promesse de marier l’une des filles du duc de Bourgogne à l’aîné des Habsbourg, alors même que les enfants sont encore très jeunes, à peine quelques années. Un an après, s’ensuit un acte de fiançailles officiel qui nomme la fille aînée, Marguerite de Bourgogne, comme la future épouse. Puis, en 1385, suite à un nouvel accord matrimonial entre le duc de Bourgogne et le duc de Bavière, c’est finalement la main de Catherine de Bourgogne, la cadette, qui est substituée à celle de sa sœur.
Les sources sur lesquelles s’est appuyée Andréa Pieron ne mentionnent pas la date exacte du mariage. On sait que le contrat de mariage a été modifié en 1387. Andréa Pieron retient donc cette année de signature du contrat comme la date d’officialisation du mariage. Elle précise ensuite que Catherine de Bourgogne et Léopold IV de Habsbourg se retrouvent à Dijon, en 1392, pour cette fois, la célébration du mariage en personne. Catherine de Bourgogne se rend sur les terres de son mari l’année suivante.
“Catherine de Bourgogne a certainement un cahier des charges à respecter. Elle ne peut pas faire ce qu’elle veut.” – Andréa Pieron.
Si dans les premières années de son mariage, Catherine de Bourgogne cosigne quelques actes avec son époux, son rôle politique s’accroit progressivement. En effet, Andréa Pieron vous explique que Léopold IV est appelé à Vienne pour assurer le tutorat de son neveu, encore trop jeune pour régner lorsque le roi meurt. En son absence, il délègue alors son autorité à son épouse, même si Andréa Pieron est d’avis qu’elle fait simplement figure de pion et suit les directives envoyées par son mari depuis Vienne.
Son veuvage et les dernières années de sa vie
“Catherine de Bourgogne prend beaucoup plus de décisions politiques et est beaucoup plus actrice dans les conflits.” – Andréa Pieron.
Catherine de Bourgogne exerce la régence pendant six ans, jusqu’à la mort de Léopold IV, qui à ce moment-là est toujours à Vienne. Devenue veuve et duchesse douairière d’Autriche, elle est désormais indépendante et acquiert ainsi plus de pouvoir. D’ailleurs, elle produit davantage d’actes, comme l’a constaté Andréa Pieron dans ses recherches.
À ce titre, Catherine de Bourgogne assoit son autorité. Néanmoins, sans son mari, elle est affaiblie et demeure, selon Andréa Pieron, un pion sur l’échiquier politique des hommes qui l’entourent. En effet, son beau-frère, Frédéric IV d’Autriche, le frère de Léopold IV, auquel il a succédé à la tête du duché des Habsbourg, tente de s’octroyer sa dot et les terres dont elle a la charge.
En 1423, Catherine de Bourgogne parvient à reprendre la tête de son douaire. Andréa Pieron précise cependant qu’elle n’en est que la figure de proue, le territoire étant administré en sous-main par son beau-frère. Catherine de Bourgogne meurt trois ans après et est inhumée, non pas aux côtés de son époux, mais à Dijon. Maintenant délaissée par l’Histoire, elle a tout de même contribué à la francophilie de la région qu’elle a administrée.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- ARMSTRONG Charles Arthur John, « La politique matrimoniale des ducs de Bourgogne de la maison de Valois », dans Annales de Bourgogne, volume LX, n°157-158, Dijon, Centre d’études bourguignonnes, 1968.
- BISCHOFF Georges, Noblesse, pouvoirs et société. Les pays antérieurs de l’Autriche (Milieu XIVe -milieu XVIe siècle), Strasbourg, Université Marc Bloch, 1997.
- DEBRIS Cyrille, « Tu Felix Austria, nube ». La dynastie de Habsbourg et sa politique matrimoniale à la fin du Moyen Âge (XIIIe -XVIe siècles), Turnhout, Brepols, 2005.
- DUBY Georges et PERROT Michelle (dir. de coll.), Histoire des femmes en Occident, KLAPISCH-ZUBER Christiane (dir.), Le Moyen Âge (tome 2), Paris, Perrin, 2002.
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JARDOT Lucie, Sceller et gouverner. Pratiques et représentations du pouvoir des comtesses de Flandre et de Hainaut (XIIIe -XVe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020 (ouvrage présenté dans ce hors-série du podcast).
- LETT Didier, Famille et parenté dans l’Occident médiéval (Ve -XVe siècle), Paris, Hachette, 2000.
- LETT Didier, Hommes et femmes au Moyen Âge. Histoire du genre (XIIe -XVe siècle), Malakoff, Armand Colin, 2023.
- RIBORDY Geneviève, « Les fiançailles dans le rituel matrimonial de la noblesse française à la fin du Moyen Âge : tradition laïque ou création ecclésiastique ? », dans Revue historique, Presses Universitaires de France, 2001/4 n°620, p. 885-911.
- SCHNERB Bertrand, L’Etat bourguignon, Paris, Perrin, 2005.
- STOUFF Louis, Catherine de Bourgogne et la féodalité de l’Alsace autrichienne ou un essai des ducs de Bourgogne pour constituer une seigneurie bourguignonne en Alsace (1411-1426), Paris, L. Larose et L. Tenin, 1913. (Très daté et remis en question par le travail de Andréa Pieron, mais L. Stouff édite de nombreuses sources concernant la vie de Catherine en fin d’ouvrage.)