Épisode 73 – Héléna et les images médiévales japonaises
Découvrez les images médiévales japonaises avec Héléna Lagréou !
A la fin de l’épisode 38 sur les rituels d’exécution, Héléna Lagréou vous parlait de ses envies de recherches sur le Japon, et je l’invitais à revenir dans le podcast quand elle les aurait fait… Et donc plus de 3 ans plus tard, elle fait son retour dans le podcast ! D’habitude je ne reçois pas deux fois une même personne dans le podcast, mais là l’occasion était trop belle.
Héléna Lagréou a donc réalisé un mémoire de MPhil (entre le master et la thèse) à l’université d’Édimbourg sur des images médiévales japonaises en étudiant leur système de perspective. Elle a étudié pour cela des manuscrits de littérature populaire du genre d’Otogi-zōshi datant de la période Muromachi.
Le contexte historique : « le monde à l’envers »
Dans l’épisode 73 nous sommes donc au coeur du Japon médiéval et Héléna Lagréou vous parle en particulier de la période Muromachi, c’est-à-dire de 1336 à 1573. Le terme Muromachi fait référence au nom du lieu où le gouvernement de l’époque s’est établi, un quartier de Kyoto où la famille dirigeante les Ashikaga s’était installée.
Cette période s’appelle aussi Gekokujō, qui veut littéralement dire « le monde à l’envers » (un terme traduit par l’historien Pierre François Souyri). Ce monde est dit « à l’envers » car on observe un déclin de la nobilité traditionnelle dans la cour impériale, accompagné de révoltes paysannes, provoquant une forte mobilité sociale, un boom économique et une augmentation de l’importance de la classe des marchands.
Les systèmes traditionnels du Japon sont alors bousculés, et les cultures populaires commençaient à définir les cultures générales, avec notamment le développement de nouveaux concepts esthétiques.
L’analyse des images médiévales japonaises
Héléna Lagréou racontent que les images médiévales japonaises ont perturbé les chercheur.euse.s, tant japonais.e.s qu’occidentaux.ales. Car ces images ne reprennent pas un système simplement identifiable similaire à celui d’une perspective cartésienne développée pendant la Renaissance italienne avec un simple point de fuite. Bien au contraire, les personnages sont agencés sur l’espace de l’image, avec des tailles variées, qui ne semble pas avoir de logique interne.
En analysant la taille des personnages, Héléna Lagréaou a déduit qu’elle dépend de plusieurs variables dont les principales sont le statut social du personnage et sa position dans la narration. Ainsi, le système de perspective des images médiévale japonaises ne cherche pas à faire réalité spatiale mais à rendre compte du récit. De plus, ces codes visuels sont compris par les artistes peignant ces images qui s’amusent aussi à se jouer de ces codes. Afin de faire rire les lecteur.rice.s, certains personnages sont anormalement grands par rapport à leur statut, usant d’un humour absurde.
Ces codes de perspectives ainsi que ces jeux visuels permettre de rendre compte de la réalité sociale complexe de la période Muromachi, en constante évolution subissant de grande révolte populaire, lui donnant le nom de la période du gekokujō, ou celui du monde à l’envers.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- ARAKI James T, « Otogi-Zoshi and Nara-Ehon: A Field of Study in Flux », dans Monumenta Nipponica, n°36, vol. 1, 1981, p.1-20.
- CARRE Guillaume, « Les marges statutaires dans le Japon prémoderne : enjeux et débats », dans Annales : histoire, sciences sociales, n°66, vol. 4, 2011, p. 955-976.
- SHIMAZU Hisamoto, Otogi-zōshi, Tokyo, Iwanami Shoten, 1936.
- SKORD Virginia, Tales of tears and laughter : short fiction of medieval Japan, Honolulu, University of Hawai’i Press, 1991.
- SOUYRI Pierre François, Le monde à L’envers, la dynamique de la société médiévale, Paris, Maisonneuve et Larose, 1998.
Des ressources sur le sujet :
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Gekokujo Theme
- Princess Mononoke Main Theme
- Nanae Yoshimura – The Art of Koto
- Lecture d’un extrait de texte « Bunshō Sōshi. The Tale of Bunshō, the Saltmaker » par Fañch