Hors les Murs #2 – Le lac de Paladru
Dans ce format Hors Les Murs, je vous propose de sortir du studio et de découvrir par les oreilles un lieu où le Moyen Âge est encore présent aujourd’hui, de quelque façon que ce soit.
Dans le générique de Passion Médiévistes les auditeurs et auditrices ont l’habitude d’entendre parler des chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru. Mais peu de gens savent que derrière cet extrait du film On connaît la chanson il y a plus de trente ans de recherches et une vraie thèse !
Alors j’ai décidé d’aller sur place, pour rencontrer sur les bords du lac de Paladru, Josselin Derbier, chargé de mission muséographie et recherche au musée archéologique du lac de Paladru.
Des recherches pendant trente ans
Site médiéval lacustre (qui se trouve dans un lac) repéré au XIXème, le site de Colletière ne sera fouillé réellement seulement à partir de 1972 suite à un projet d’aménagement touristique. Le lac de Paladru constitue une source très importante pour l’histoire quotidienne du XIème siècle. Plus de 2500 personnes ont participé aux fouilles médiévales : plongeurs-fouilleurs, tamiseurs, trieurs, scientifiques… et beaucoup de bénévoles !
Dans l’épisode Josselin Derbier explique comment se passaient les fouilles, auxquelles il a participé pendant plus de dix ans. Il raconte notamment son émotion en sortant deux plaques qui contenaient une odeur disons, particulière.
Les fouilles ont duré plus de trente et ont mis au jour des restes d’habitat et de très nombreux objets : mobilier domestique, outillage agricole et artisanal, matériel d’équitation, armes, parures, monnaies, instruments de musique et jeux. Il est aujourd’hui possible de reconstituer la forme de l’habitat, de connaître les circonstances d’installation et les dates presque exactes de la colonie.
Une colonie de chevaliers-paysans
Au début du XIème siècle (aux environs de l’an mil donc), un petit groupe de personnes vient s’installer sur les rives du lac de Paladru, dont les eaux sont alors assez basses suite à des épisodes de sécheresse. Ils auraient été envoyés par leur seigneur pour coloniser la région et affirmer l’autorité seigneuriale. Les chercheurs les ont désigné comme des « chevaliers-paysans » (villani caballari) car leurs conditions de vie ne sont pas celles de paysans ordinaires. Les fouilles ont révélé de nombreuses traces d’équipement militaire, d’armement, de présence de chevaux, et aussi d’un bâtiment fortifié.
On estime qu’une centaine de personnes vivaient sur place. Devant tout fabriquer eux-mêmes, les membres de la communauté exercent des artisanats très diversifiés : charpentiers, menuisiers, tonneliers, tisseurs, tanneurs, cordonniers, forgerons ou encore maréchaux-ferrants.
Peu après 1040, le retour de pluies importants fera remonter le niveau du lac et contraindra les hommes et femmes de cette colonie à quitter les lieux, en laissant beaucoup d’objets sur place. On ne sait pas exactement où ils sont partis, mais depuis leur départ, le site est resté sous les eaux, de sorte qu’il n’a jamais été réoccupé, ce qui a permis sa conservation exceptionnelle. Néanmoins c’est à cette époque que sont construites autour du lac les mottes castrales, châteaux primitifs avec fossé, rempart de terre et maison de bois.
En 2021 sera ouvert un nouveau musée pour pouvoir mieux comprendre l’histoire des habitants médiévaux du lac de Paladru.
Pour en savoir plus vous pouvez lire les ouvrages suivants :
- Michel Colardelle et Eric Verdel, Les habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement – La formation d’un terroir au XIème siècle, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1993
- Michel Colardelle et Eric Verdel, Chevaliers-paysans de l’an Mil au lac de Paladru, Editions Errance, 1993
- « Charavines, l’habitat fortifié de Colletière », Michel Colardelle et Eric Verdel, in Les mangeurs de l’an 1000. Archéologie et alimentation, Vevey, 2000
- Karine Delobbe, Le temps des seigneurs, collection Bonjour l’Histoire, Editions PEMF, 1997
- An Mil : des chevaliers-paysans, œuvre collective sous la coordination de l’ICEM-Pédagogie Freinet, BT 1146
Merci beaucoup à Josselin Derbier et à Isabelle Dahy pour l’aide à la réalisation de cet épisode et pour leurs réponses à mes questions.