Épisode 1 – Djamilatou et les cités antiques africaines
Comment fonctionnaient les cités antiques africaines pendant le Bas-Empire romain ?
Quand on pense à l’Antiquité, on pense en général à Jules César, les pyramides d’Égypte, ou peut-être les philosophes grecs. Mais c’est aussi Sumer, l’âge de fer, les Araméens, enfin tout ce que l’archéologie et l’histoire nous permettent de connaître des anciennes civilisations.
Dans ce podcast Passion Antiquités, avec un S à Antiquités, je vous propose de rentrer un peu plus dans le détail, d’explorer cette vaste période en compagnie de jeunes chercheurs et chercheuses qui l’étudient en master ou en thèse, pour vous permettre d’en savoir plus sur cette période .
Dans ce premier épisode, je vous propose de voyager dans le voyage et l’espace jusqu’au nord de l’Afrique de la fin de l’Antiquité. En 2019, Djamilatou Diallo a soutenu un mémoire intitulé “Le patronat de cités en Afrique à l’époque tardive, de la fin du IIIème siècle au début du Vème siècle : étude épigraphique”. Elle était en master 2 d’histoire à l’Université Lettres Sorbonne, spécialité Mondes antiques, sous la direction de Michèle Coltelloni Trannoy.
La vie de cité dans l’Afrique romaine
L’Afrique romaine regroupait ce qui aujourd’hui correspond à la Lybie, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, et les six provinces de l’époque désignaient l’Afrique proconsulaire, la Bizacène, la Numidie, la Tripolitaine, la Mauritanie césarienne et Maurétanie sétifienne. Plus d’une centaine de cités étaient réparties sur ce territoire, avec un mélange de populations locales, berbères et romaines. L’empire romain laisse beaucoup de place à l’indépendance des cités, avec une grande flexibilité dans la vie de cité, permettant aux Africains de garder une partie de leur identité, comme on peut le voir dans l’onomastique et les noms des cités.
Jusqu’aux travaux de Claude Lepelley (cf. bibliographie ci-dessous), on a pensé que l’Antiquité tardive signifiait la fin de la vitalité municipale. Le travail de Djamilatou Diallo permet de montrer que la vie municipale était loin d’être éteinte et que les cités africaines ont continué à vivre dans une certaine prospérité. Sur les trois cents attestations que compte l’Afrique, une soixantaine concernent l’époque tardive.
A cette époque, une cité est un territoire bien défini avec des limites et dirigé par des citoyens, la curie. Elles étaient regroupées par des provinces dirigées par des gouverneurs, eux-mêmes nommés par l’empire. On y retrouvait des lieux publics comme un forum, des bains, ou encore des monuments religieux comme des temples.
Le patronat de cité
Dans cet épisode, Djamilatou Diallo raconte comment elle a travaillé pendant deux ans sur le patronat de cités africaines à la fin de l’Antiquité. Dans un premier temps, elle a répertorié l’ensemble des inscriptions rendant compte de relations de patronat de cités. Puis, dans un deuxième temps, elle a étudié plus en détail l’ensemble du corpus épigraphique pour étudier les évolutions.
Le patronat de cité se définit comme étant le lien qui unit un personnage de rang social plus ou moins élevé à une cité afin celui-ci défende les intérêts de la cité devant les autorités provinciales ou centrales et le cas échéant fasse preuve d’évergétisme envers la cité.
Pour devenir patron de cité, tout comme au Haut-Empire, la dignitas du patron est l’un des premiers critères de sélection. Nous retrouvons ainsi beaucoup de clarissimes et de perfectissimes. Néanmoins, contrairement à la période précédente, beaucoup de patrons sont d’origine locale. Le deuxième critère de sélection reste le poste occupé par le patron. Même si cela est assez difficile à déterminer, Djamilatou Diallo a pu mettre en avant qu’une partie non négligeable de patrons avaient été élus pendant qu’ils étaient en poste au sein de l’administration centrale.
L’Afrique compte du Haut au Bas-Empire, beaucoup de patrons-gouverneurs. Les cités cherchaient ainsi à se concilier les autorités impériales qui dirigent la région. Ils jouaient ainsi le rôle de médiateur entre la cité et l’empereur, que ce soit pour l’obtention de promotions ou bien en tant que patronus aduocatus.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
- L. HARMAND, Le Patronat dans les collectivités publiques des origines au Bas-Empire, Paris, 1957
- C. HOERNI, « Place et représentation des femmes dans les structures civiques des provinces de l’Empire », Cahiers « Mondes anciens » 2011, p.4
- J. HOUCINE, « Le patronat des cités dans les provinces romaines d’Afrique, Expression de l’allégeance et facteurs de la territorialisation » dans Être notable au Maghreb Dynamique des configurations notabiliaires ABDELHAMID H. (dir.), 2014. (consultable en ligne)
- T. KOTULA, « Snobisme municipal ou prospérité relative ? Recherches sur le statut des villes nord-africaines sous le Bas-Empire romain », dans Antiquités africaines, 8,1974. (consultable en ligne)
- S. LEFEBVRE, Patronus provinciae : l’identité provinciale dans son contexte politique et social, Thèse 2006.
- C. LEPELLEY, Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, Tome 1 et 2, La permanence d’une civilisation municipale, Paris, 1979
- C. LEPELLEY, « Le patronat épiscopal aux IVe et Ve siècles : continuités et ruptures avec le patronat classique » in L’évêque dans la cité du IVe au Ve siècle. Image et autorité. Actes de la table ronde de Rome (1er et 2 décembre 1995), 1998. (consultable en ligne)
- C. LEPELLEY, Aspects de l’Afrique romaine, les cités, la vie rurale, le christianisme, 2001
- H. MARROU, Décadence romaine ou antiquité tardive, 1977 p.121
- C. THIEL, De l’évergétisme à la charité chrétienne ? Transformations et usages du don à la collectivité en Afrique tardo-antique ( fin du IIIe-VIe siècle), Thèse, 2015. (consultable en ligne)
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Rome Main Title Theme – Jeff Beal – HBO Series Rome OST
- Vorenus Made Evocati, Servilia’s Curse – Jeff Beal – HBO Series Rome OST
- Caesar 3 Soundtrack
Merci à Clément Nouguier qui a réalisé ce magnifique générique !
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